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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8311/2022

AARP/329/2023 du 04.09.2023 sur JTDP/364/2023 ( PENAL ) , REJETE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8311/2022 AARP/329/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 septembre 2023

 

Entre

A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/364/2023 rendu le 23 mars 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 23 mars 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 du Code pénal [CP]) et l'a reconnu coupable d'infractions à l'article 19 al. 1 let. c de la loi sur les stupéfiants (LStup), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et de violation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), le condamnant à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 10.- l'unité, sous déduction de 5 jours-amende, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans). Le TP a encore statué sur les inventaires et ordonné notamment la confiscation et la dévolution à l'État de l'argent saisi, et condamné A______ aux 4/5èmes des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'151.-, solde à charge de l'État, mais émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- en sus.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement de l'infraction d'entrée illégale, au prononcé d'une peine pécuniaire clémente assortie du sursis et à la restitution des sommes saisies.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 13 avril 2022, il est encore reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 11 et le 12 avril 2022, pénétré sur le territoire suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires et en étant démuni de moyens de subsistance légaux.

Il lui était également reproché, ce qu'il ne conteste pas en appel, d'avoir, à Genève, le 11 avril 2022, vendu une boulette de cocaïne contre la somme de CHF 100.-, et le 12 avril 2022, vendu une boulette de cocaïne contre la somme de CHF 100.-.

b.b. Selon une seconde ordonnance pénale du 16 janvier 2023, les faits suivants, dont ni l'établissement ni la qualification juridique ne sont litigieux en appel, sont également reprochés à A______ :

-          il s'est trouvé, à Genève, le 8 juin 2022, à l'intersection de la rue de Berne et de la rue du Môle, lieu de son interpellation, alors qu'il faisait l'objet d'une mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire cantonal prononcée et notifiée le 13 avril 2022, pour une durée de six mois ;

-          dans les mêmes circonstances, il a vendu une boulette de cocaïne contre la somme de CHF 70.- ;

-          les 9 et 10 novembre 2022, il a vendu sept galettes de crack de 0.1 gramme contre la somme de CHF 35.- par galette.

B. Les faits visés dans les deux ordonnances pénales retenus par le TP ne sont pas contestés, de sorte qu'il sera renvoyé au jugement entrepris (art. 82 al. 4 CPP) et rappelé au surplus ce qui suit :

a. A______ a été interpellé le 12 avril 2022, alors qu'il avait vendu une boulette de cocaïne à un policier en civil. Détenteur d'un passeport sénégalais émis le 26 octobre 2017, valable jusqu'au 25 octobre 2022, ainsi que d'un titre de séjour portugais temporaire émis le 12 octobre 2021, valable jusqu'au 12 octobre 2024, il était porteur de CHF 638.25 et EUR 25.-, d'un téléphone portable ainsi que de matériel de conditionnement.

A______ a reconnu les faits et expliqué s'adonner au trafic de cette substance depuis deux jours pour pouvoir "manger", trafic qui lui avait rapporté CHF 100.-. Cela faisait deux mois qu'il ne travaillait pas et qu'il vivait sur ses réserves issues des revenus de son ancien emploi dans un restaurant à C______ [France]. Il était arrivé en Suisse en 2018 pour travailler mais n'y avait jamais résidé. Il ne souhaitait pas transmettre l'adresse de son logement à C______.

Devant le Ministère public (MP) et le TP, il a contesté l'infraction d'entrée illégale en Suisse, dans la mesure où il disposait d'un titre de séjour valable ainsi que de moyens de subsistance, soit CHF 638.25, lors de son interpellation. Il avait vendu de la cocaïne les 11 et 12 avril 2022 car il n'avait plus d'argent pour repartir au Portugal, tandis que des amis l'aidaient pour "manger".

b. Interpellé par la police le 8 juin 2022 aux Pâquis alors qu'il concluait une transaction avec un toxicomane, A______ détenait sur lui CHF 345.60 et EUR 20.-, ainsi qu'un téléphone portable. Entendu par le MP le même jour, il a admis avoir vendu une boulette de cocaïne.

Le 11 novembre 2022, A______ a avalé plusieurs corps étrangers qu'il dissimulait sous la langue, alors que les forces de l'ordre l'avaient sommé de les recracher. L'analyse du téléphone portable retrouvé sur lui a permis la découverte de conversations vides avec 26 contacts, étant en outre précisé que la fonctionnalité permettant la suppression automatique des messages après 24 heures était activée.

L'un des contacts susmentionnés a reconnu A______ comme le dealer et expliqué avoir rencontré ce dernier un an auparavant et lui avoir déjà acheté du crack à plusieurs reprises, dont deux fois les 9 et 10 novembre 2022, soit l'équivalent de deux galettes de crack pour CHF 70.- et de trois galettes de crack pour CHF 105.-.

A______ a reconnu, après être revenu sur ses précédentes dénégations, la vente de crack et expliqué qu'il lui était arrivé de vendre de la drogue par le passé, mais qu'il ne le faisait plus depuis son retour du Sénégal, deux semaines auparavant.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Il conteste être entré en Suisse pour y commettre des infractions, tel que retenu par le TP. De nationalité sénégalaise et titulaire d'un permis de séjour portugais valide, il disposait lors de ses passages à la frontière suisse de plus de CHF 100.- et a d'ailleurs été interpellé avec des sommes supérieures à ce montant. Les prétendus aveux faits à ce propos à la police sont contestés et ne devaient pas être retenus, paraissant au demeurant très fantaisistes ; il avait d'ailleurs déclaré le 12 avril 2022 être venu en Suisse pour y chercher un emploi, ou le 8 juin 2022 pour acheter un billet d'avion de retour pour le Portugal. Au bénéfice du doute, cette version devait être retenue.

La peine à prononcer devait tenir compte de l'absence d'antécédents, qui ne justifiait aucune sévérité, et de sa bonne collaboration puisqu'il avait admis tous les faits reprochés.

Enfin, les sommes saisies devaient lui être restituées puisqu'elles étaient le fruit d'un précédent travail à C______, changé en francs suisses, et non le résultat d'une infraction.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

L'appelant avait bien pénétré sur le territoire suisse les 11 et 12 avril 2022 démuni de moyens de subsistance légaux et avait admis devant la police être venu vendre de la drogue durant deux jours pour manger, se trouvant sans emploi depuis deux mois. Il avait d'ailleurs reconnu avoir vendu deux boulettes de cocaïne. Sa condamnation pour entrée illégale devait dès lors être confirmée.

La motivation du premier juge quant à la peine était par ailleurs exempte de toute critique, le montant du jour-amende ayant été fixé à CHF 10.- pour tenir compte de la situation personnelle de l'intéressé, dont la faute n'était pas anodine s'agissant notamment de la vente de drogues dures dans le cadre de cinq transactions distinctes en l'espace de sept mois, étant précisé qu'il était venu à Genève au mépris des décisions prononcées à son encontre.

L'argent saisi, essentiellement des francs suisses, provenait du trafic de stupéfiants, le prévenu n'ayant pas exercé d'activité légale en Suisse, et il devait être confisqué.

d. Le TP se réfère intégralement à son jugement.

D. Selon le jugement entrepris, A______ est né le ______ 1986 au Sénégal, pays dont il est ressortissant. Il allègue être marié religieusement et n'a pas d'enfant à charge, ses déclarations s'agissant du nombre d'enfants et de leur lieu de résidence ayant été fluctuantes. Il indique avoir grandi au Sénégal et avoir été scolarisé jusqu'à ses 18 ans environ, sans obtenir de diplôme. Il a quitté le Sénégal en 2011 pour se rendre au Portugal, où il est resté presque onze ans, avant de quitter ce pays pour la France. Selon ses dires, il vit actuellement à C______, logé par l'aide sociale.

A______ n'a aucun antécédent à son casier judiciaire suisse.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 3h15 d'activité de cheffe d'étude.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. L'art. 115 al. 1 LEI punit quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse (let. a).

Les conditions d’entrée en Suisse pour un court séjour – moins de 90 jours sur une période de 180 jours – sont régies par l’art. 6 du règlement (UE) 2016/399 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par des personnes (code frontières Schengen ; cf. art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur l'entrée et l'octroi de visas [OEV]), lequel coïncide dans une large mesure avec l'art. 5 LEI.

Selon cette dernière disposition, tout étranger doit cumulativement, pour entrer en Suisse, avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne faire l'objet d'aucune mesure d'éloignement ou d'expulsion (let. d).

À la différence des ressortissants de l'Union européenne qui n'ont besoin que d'un passeport ou d'une carte d'identité pour entrer en Suisse lors d'un séjour n'excédant pas trois mois, les ressortissants d'Etats tiers ne peuvent faire valoir l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes conclu le 21 juin 1999 (ALCP) et ses protocoles, et quand bien même ils puissent être détenteurs d'un titre de séjour, les prescriptions cumulatives de l'art. 5 al. 1 LEtr leur sont applicables (cf. AARP/323/2017 c. 3.3.2 et 3.3.3 et ATF 143 IV 97).

Conformément à l'art. 8 OEV, les ressortissants des États énumérés à l’annexe I du règlement (UE) 2018/180620, dont le Sénégal, sont soumis à l’obligation de visa de court séjour (al. 1). Sont notamment libérés de l’obligation de visa de court séjour, les titulaires d’un document de voyage valable et reconnu, ainsi que d’un visa de long séjour ou d’un titre de séjour en cours de validité délivré par un État Schengen (al. 2 ; art. 6, par. 1, let. b, et 39, par. 1, let. a, du code frontières Schengen).

2.2. En l'espèce, il est acquis que l'appelant disposait au moment de son entrée en Suisse les 11 et 12 avril 2022 d'un passeport sénégalais et d'un titre de séjour portugais tous deux en cours de validité, remplissant la première condition de l'art. 5 LEI (let. a).

Reste discutée la question des moyens de subsistance (let. b). L'appelant soutient que c'est à tort et en contradiction avec les éléments de la procédure que le TP retient qu'il aurait affirmé à la police être venu en Suisse avec l'intention de vendre de la drogue et qu'il ne disposait pas des moyens financiers nécessaires à son séjour.

Les allégués de l'appelant ne résistent cependant pas à l'examen du dossier. Lors de l'audition à la police et au MP, il a reconnu s'être adonné au trafic de drogue, à tout le moins à deux reprises, dans le but de réaliser un revenu pour survivre. Ses déclarations sont corroborées par les faits à la base de l'ordonnance du 16 janvier 2023, dont il ne conteste pas la réalité, soit qu'il s'était consacré, quelques mois à peine après les faits incriminés, à la vente de crack et de cocaïne, corroborant la thèse selon laquelle l'appelant s'adonnait au trafic de stupéfiants. Dans ces circonstances, si l'appelant invoque en appel que certaines de ses explications en cours de procédure étaient fantaisistes, celui-ci ayant évoqué de manière confuse et contradictoire un prêt d'un ami marocain pour justifier l'argent retrouvé sur lui, et ce afin de se distancer de ses propres aveux en lien avec la vente de stupéfiants, ses déclarations tendent à l'inverse à démontrer, aux yeux de la Cour, que sa crédibilité est entamée.

Pour le surplus, l'appelant s'est contenté d'affirmer loger à C______, sans avoir toutefois d'adresse à communiquer ni fournir ensuite aucun élément à l'appui de son appel, et vivre depuis plus de deux mois sur les réserves financières accumulées au cours d'un précédent travail dans la restauration, lui aussi non étayé. S'il n'appartient certes pas à celui-ci de prouver son innocence, ce nonobstant, il peut et doit être observé qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir que celui-ci avait un travail, ni même un logement à C______. En tout état, dans la mesure de la crédibilité de l'appelant retenue ci-avant, les explications de ce dernier, lesquelles doivent être prises avec circonspection, n'emportent pas la conviction de la Cour. Tandis qu'il ne fait valoir aucun revenu et qu'il a encore expliqué devant le TP être aidé par des amis pour "manger", la présence d’une importante quantité d’argent en sa possession (CHF 638.25 et EUR 25.-), de surcroît en francs suisses, est un indice supplémentaire établissant son activité de vendeur de stupéfiants.

Ces différents éléments permettent ainsi de retenir, au-delà de tout doute sérieux et irréductible, qu'au moment des faits, l'appelant, sans domicile fixe, entrait et séjournait en Suisse dans le but de se livrer à un trafic de stupéfiants, et qu'il ne disposait pas des moyens financiers légaux suffisants à son séjour.

L'appelant sera partant reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

3. Les infractions aux art. 19 al. 1 let. c LStup, 119 al. 1 LEI et 115 al. 1 let. a LEI retenues contre le prévenu sont punissables d'une peine privative de liberté de trois ans au plus, respectivement d'une année au plus, ou d'une peine pécuniaire.

3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 144 IV 313 consid. 1.2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.1.2. D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion, mais pas au-delà de la moitié en sus du maximum de la peine prévue pour cette infraction et pas au-delà du maximum légal du genre de peine.

Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera donc la peine pour l'infraction abstraitement la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes ou une éventuelle diminution de la responsabilité pénale. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner les autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 121 IV 101 consid. 2b ; 116 IV 300 consid. 2c/dd).

3.1.3. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1).

3.2.1. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas négligeable. Bien que la quantité de stupéfiants en cause reste peu élevée, l'appelant a vendu de la drogue dure, dont du crack, sur le marché genevois dans le cadre de cinq transactions distinctes en l'espace de sept mois, au mépris de la santé d'autrui et par pur appât d'un gain facile, étant précisé que sa première interpellation ne l'a pas dissuadé d'agir à nouveau.

Il a ensuite persisté à se rendre à Genève, malgré la mesure d'interdiction prise à son encontre et ses interpellations, ce qui témoigne de sa volonté délictuelle et démontre son mépris total des règles en vigueur et des décisions dont il est l'objet. Le préjudice pour la collectivité du séjour illégal, ne doit pas être sous-estimé, y compris au plan matériel, puisque cela mobilise constamment les nombreux acteurs appelés à le réprimer.

Sa situation personnelle, certainement précaire, ne justifie pas son comportement, a fortiori alors qu'il disposait, à tout le moins, jusqu'au 12 octobre 2024, d'un permis de séjour portugais qui lui permettait de résider légalement au Portugal et d'y travailler.

En dépit des aveux exprimés, sa collaboration doit être qualifiée de médiocre, tel que relevé par le premier juge, compte tenu de ses explications contradictoires et fantaisistes en cours de procédure pour tenter de se disculper. Sa prise de conscience n'est que peu amorcée, puisqu'il a persisté jusqu'en appel à soutenir la thèse selon laquelle il n'était pas entré en Suisse pour y commettre des infractions, malgré les éléments au dossier et ses propres aveux.

L'appelant n'a pas d'antécédent, ce qui est un facteur neutre pour la peine, contrairement à ce que plaide l'appelant.

Le prononcé d'une peine pécuniaire, assortie du sursis, non contesté en appel, est acquis à l'appelant (art. 34 et 42 al. 1 CP ; art. 391 al. 2 CPP).

3.2.2. Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine. Les infractions à l'art. 19 al. 1 let. c LStup sont abstraitement les plus graves. La vente de crack les 9 et 10 novembre 2022 commanderait à elle seule au minimum une peine pécuniaire de 60 jours-amende et devrait être étendue à 180 jours-amende, tel que retenu de manière adéquate par le TP, pour tenir compte de la vente de cocaïne les 11 et 12 avril 2022 (40 jours, peine hypothétique de 60 jours), la vente de cocaïne le 8 juin 2022 (40 jours, peine hypothétique de 60 jours), de la violation de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève (30 jours, peine hypothétique de 40 jours) et de l'entrée illégale (10 jours, peine hypothétique de 20 jours).

Le prononcé d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende sera dès lors confirmé, tout comme le montant du jour-amende établi à CHF 10.- et le délai d'épreuve fixé à trois ans, conformes au droit.

4. 4.1.1. Selon l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

4.1.2. Dans le domaine des stupéfiants, la question de la preuve du rapport de connexité doit s'appréhender à l'aune du fait que l'art. 19 LStup ne réprime pas globalement le "trafic de stupéfiants", mais érige différents comportements en autant d'infractions indépendantes, chaque acte, même répété, constituant une infraction distincte. Cependant, on ne saurait en déduire qu'une mesure de confiscation nécessiterait, dans ce contexte, d'établir un rapport de connexité entre chaque acte isolé constitutif d'une infraction au sens de l'art. 19 LStup et un montant correspondant, retiré de cet acte. En d'autres termes, on ne peut exiger du juge qu'il reconstitue a posteriori, au franc près, chaque transaction et le montant de son produit, respectivement la comptabilité précise du trafic, pour être à même de confisquer les sommes en main d'un trafiquant. Certes le juge ne peut-il se borner à exiger de l'auteur ou d'un tiers séquestré qu'il démontre l'origine licite des sommes en cause, pas plus qu'il ne peut se borner à constater une origine délictuelle indéterminée ou simplement vraisemblable. En revanche, le juge doit prononcer la confiscation lorsqu'il parvient à la conclusion, après avoir examiné l'ensemble des circonstances pertinentes – y compris, le cas échéant, l'incapacité de l'intéressé à justifier l'origine de fonds rendus suspects par d'autres éléments probants – que les valeurs patrimoniales en cause sont le résultat d'un trafic appréhendé dans sa globalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_474/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1 et les références, SJ 2017 I 366).

4.2.1. En l'espèce, l'appelant sollicite la restitution de l'argent saisi, soit au total CHF 638.25 et EUR 25.- figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ du 12 avril 2022, ainsi que CHF 345.60 et EUR 20.- figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ du 8 juin 2022.

Il est établi que l'appelant a vendu de la drogue pour un montant total de CHF 515.- (ndr : trois boulettes de cocaïne pour CHF 270.- et sept galettes de crack pour CHF 245.-), somme qui ne doit ainsi pas lui être restituée et doit faire l'objet d'une confiscation. Pour ce qui est du solde, en l'absence de source autre que le trafic de stupéfiants pouvant expliquer leur provenance, il se justifie également d'ordonner leur confiscation.

Partant, c'est à bon droit que le TP a ordonné la confiscation et la dévolution à l'État des valeurs patrimoniales susmentionnées, lesquelles ne sont au demeurant pas contestées au-delà de l'acquittement plaidé.

L'appel sera également rejeté sur ce point.

5. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 428 CPP).

6. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseure d'office de l'appelant, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 840.10 correspondant à 3h15 d'activité de cheffe d'étude au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 650.-), plus la majoration forfaitaire de 20 % (CHF 130.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 60.10).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/364/2023 rendu le 23 mars 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/8311/2022.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'135.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Arrête à CHF 840.10, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'infraction à l'article 19 al. 1 let. c LStup, d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et d'infraction à l'article 119 al. 1 LEI.

Acquitte A______ d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, sous déduction de 5 jours-amende, correspondant à 5 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue et matériel de conditionnement figurant sous chiffres 1 et 4 de l'inventaire n° 1______ et des téléphones figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 2______ et sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation et la dévolution à l'Etat des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ et sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ (art. 70 CP).

Ordonne la restitution à A______ du téléphone figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n° 1______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux 4/5èmes des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'151.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

 

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'751.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'886.00