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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19885/2019

AARP/276/2023 du 25.07.2023 sur JTDP/1063/2022 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION
Normes : CP.219
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19885/2019 AARP/276/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 juillet 2023

 

Entre

A______, domiciliée c/o M. B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JDTP/1063/2022 rendu le 2 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

D______, partie plaignante, représenté par son curateur Me E______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 2 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 du code pénal [CP]) et condamnée à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- ainsi qu'à payer CHF 2'500.- avec intérêts à 5% l'an dès le 22 septembre 2019 à D______ à titre de tort moral et au quart des frais de la procédure.

Par ce même jugement, F______ a été déclaré coupable de lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 1 et 2 CP), de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et d'insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP) et condamné à une peine privative de liberté de 189 jours, sous déduction de 189 jours de détention avant jugement, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende et une amende de CHF 500.-, de même qu'à payer CHF 3'500.- avec intérêts à 5% l'an dès le 22 septembre 2019 à D______ à titre de tort moral et au trois-quarts des frais de la procédure.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement.

b. Selon l'acte d'accusation du 4 novembre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

À Genève, entre le 22 et le 28 septembre 2019, elle a violé son devoir d'assistance ou d'éducation à l'égard de son fils D______, né le ______ 2018, en l'abandonnant, mettant concrètement en danger son développement physique et psychique, en quittant, entre le 22 et le 28 septembre 2019, le domicile conjugal, sis no. ______ rue 1______, sans donner de nouvelles durant six jours et laissant son fils sous la surveillance de son père, F______, qui avait recommencé à boire de l'alcool malgré un suivi, et qui était totalement inapte à s'occuper d'un enfant en bas âge, ce qu'elle ne pouvait ignorer, et qui s'était déjà montré violent, alors qu'il était alcoolisé, envers son fils et elle, à tout le moins les 12 et 24 septembre 2019, blessant notamment D______, qui selon examen médico-légal du 27 septembre 2019 présentait des lésions traumatiques (ecchymoses et dermabrasions, avec composante tangentielle pour ces dernières), évoquant des maltraitances répétées, plusieurs ecchymoses paraissant antérieures au 27 septembre 2019, en raison de leur coloration.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. F______ et A______, tous deux célibataires, ont fait officiellement ménage commun depuis janvier 2019, cependant qu'auparavant, elle était régulièrement présente chez lui. Alors qu'ils étaient en couple depuis environ deux ans, leur fils D______ est né le ______ 2018. Outre ce dernier, la précitée est mère d'une fille née en 2010 dont elle a la garde partagée alors que F______ est père de trois autres enfants nés en 1998, 2011 et 2015, et il exerce un droit de visite envers les deux derniers.

b. De nombreux conflits, la plupart verbaux, ont opposé A______ et F______, la police étant intervenue à leur domicile du no. ______ rue 1______ 18 fois entre le 23 janvier 2018 et le 12 septembre 2019, dont 14 fois en 2018. Aucune suite n'a été donnée aux interventions de la police si ce n'est les 21 novembre 2018 et 11 janvier 2019 lorsque F______ a été arrêté en flagrante contravention (par ex. excès de bruit) alors que les 10 décembre 2018, 11 janvier 2019 et 12 septembre 2019 des rapports de renseignement ont été établis pour des faits de violence conjugale. Après ceux du 10 décembre 2018, une mesure d'éloignement a été prononcée à l'encontre de F______.

c. Le 18 février 2019, F______ a fait l'objet d'une ordonnance pénale du Ministère public (MP) pour lésions corporelles simples et violation du devoir d'assistance ou d'éducation ainsi que condamné à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, et à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, assortie du sursis avec délai d'épreuve de trois ans. Un suivi thérapeutique en lien avec une addiction à l'alcool et la violence conjugale a été ordonné. Il lui était reproché d'avoir exposé sa fille H______ à de nombreuses disputes et conflits l'opposant à A______ ou à G______ et d'avoir, le 12 octobre 2018 à 02h50, emmené H______ à la route 2______ alors qu'il était en était en état d'ébriété. Le 10 décembre 2018, il avait poussé A______, la faisant chuter au sol, puis l'avait saisie à la mâchoire, lui causant des lésions. En octobre 2018, le Tribunal de première instance a retiré à F______ la garde de sa fille H______ pour la confier à sa mère.

d. Le 29 avril 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) a rendu une ordonnance instituant une curatelle éducative en faveur de D______ et désigné deux collaborateurs du Service de protection des mineurs (SPMi) aux fonctions de curateur.

e. Le 12 septembre 2019, vers 03h45, la police est intervenue au domicile de F______ dans le contexte d'un conflit opposant ce dernier à A______. Celle-ci a expliqué à la police qu'alors qu'elle dormait au salon en compagnie de son bébé, le précité, alcoolisé, lui avait jeté à la tête du sel et les jouets de l'enfant. Elle avait ensuite été poussée, puis, alors qu'elle cherchait à se coucher, il lui avait dit de "dégager" et de le laisser avec le bébé. Elle avait tenté de prendre ses clés et son fils mais il l'avait griffée au cou et prise de force pour la sortir de l'appartement. Elle avait fini par accepter de sortir, non sans prendre un coup de pied au dos, et s'était retrouvée sur le palier. Une voisine avait appelé la police. F______ était de nature calme et timide mais devenait violent sous l'effet de l'alcool. Depuis la naissance de D______, F______ n'avait pas bu. Il était un bon père et n'avait jamais été violent avec son fils. Elle ne souhaitait pas une mesure d'éloignement mais allait faire le nécessaire, de son côté et avec sa famille, pour quitter provisoirement l'appartement et discuter avec les parents de F______. Selon le rapport, ce dernier, qui s'est opposé à son interpellation, s'était enfermé à double tour dans l'appartement avec son fils et avait refusé d'ouvrir à la police, laquelle a dû enfoncer la porte. Une mesure d'éloignement administratif, valable jusqu'au 22 septembre 2019 à 15h00, a été prise à l'encontre de F______.

Sur ces faits, F______ a expliqué devant le MP qu'il avait un problème d'alcool et était suivi. Il avait réussi à se stabiliser depuis la naissance du petit. Les contrôles sanguins restaient dans des limites acceptables. Il lui était arrivé de faire des exceptions, comme le jour de ses 40 ans. Il avait convenu avec le juge civil d'une abstinence totale afin de récupérer la garde sur sa fille H______. Envers cette dernière, il avait à une reprise perdu le contrôle en l'emmenant avec lui la nuit alors qu'il l'avait amenée tous les jours à l'école de la 1P à la 4P sans problème. Il était un père seul à la maison qui s'occupait de sa fille. Il n'avait pas jeté du sel et des jouets sur D______ le 12 septembre 2019 mais sur A______ qu'il voulait atteindre. Son fils avait cependant reçu des briques de lego, comme il l'a expliqué devant le TP.

Le rapport établi suite à l'intervention de la police ne mentionne pas que D______ a subi une quelconque lésion en cette occasion, à l'inverse de sa mère, et cela n'apparaît pas non plus en regard du dossier, sous la réserve du constat du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) qui ne permet pas de dater précisément les ecchymoses ou dermabrasions constatées ni leur origine.

f. À dater de la naissance de D______ et jusqu'au 27 septembre 2019, les éléments suivants ressortent notamment du journal du SPMi (Monsieur = F______ ; Madame = A______) :

f.a. Le 24 janvier 2019, lors d'un entretien téléphonique avec le référent du SPMi, Madame informe qu'"à la maison, les choses ont changé, Monsieur s'est pris en main et ne boit plus. Il est plus attentif aux choses autour d'eux et très content avec son fils".

f.b. Le 25 janvier 2019, Monsieur explique au référent du SPMi qu'"il était dans un tourbillon psychologique et avait mal agi auparavant. La situation est tout autre, il va mieux"… "Monsieur suit un traitement psychiatrique et addictologique. Situation calme à la maison. Monsieur reconnaît que la façon dont il agissait pose problème".

f.c. Appel au pédiatre le 8 février 2019 : "il a vu l'enfant 1 fois avec les deux parents. Il va bien RAS. Ils ont exprimé qu'ils vivaient ensemble et qu'ils étaient content avec le bébé".

f.d. Contact du 12 février 2019 avec l'assistante sociale de F______ "En novembre, ils ont dû interrompre le suivi SRP (Service de réinsertion professionnelle), Monsieur devant d'abord régler des problèmes familiaux. En décembre, épisode de violence avec Madame. Monsieur en entretien avec l'Hospice général le 12 décembre. Il n'était pas bien. Monsieur a expliqué que c'était à cause d'une procédure pénale en cours".

f.e. 20 février 2019, le SPMi relève son inquiétude pour le développement du bébé suite à deux rapports de police. Madame explique que "tout a changé. Monsieur ne boit plus et est en traitement". Il est répondu qu'il faut voir sur la longueur.

f.f. 15 mars 2019 : "Monsieur a laissé les tests, ok résultat dans les normes".

f.g. 3 mai 2019 rendez-vous du SPMi avec Monsieur : "Etat : sobre et sensé. Me procure 4 relevés de prélèvements deux positifs et deux zone grise entre janvier et avril, diligentés par son médecin… Malgré résultats mitigés affirme qu'il n'est pas sous l'effet de l'alcool continu … dernier résultat mauvais parce qu'il a fêté son anniversaire … Est allé finir de fêter son anniversaire dans son local de musique loin de son appart pour ne pas se montrer trop alcoolisé en présence de A______ et du bébé… Depuis l'ordonnance pénale à la suite des descentes de police et son délai d'épreuve de trois ans, il fait très attention… Réaffirme que comparé à avant sa consommation d'alcool n'est plus rien… il dit qu'il a cependant besoin de temps pour changer … Va produire un prélèvement négatif, en dessous de 1,3 d'ici le mois prochain le 22 mai 2019".

f.h. 18 juillet 2019 rendez-vous au Service de la guidance infantile ; "Monsieur et D______ présents, mère pas venue ; Monsieur mentionne qu'il n'y a plus d'altercations depuis la naissance du bébé … Père adéquat dans ses réponses et attentionné à D______ … D______ enjoué et interagit positivement".

f.i. 31 juillet 2019 entretien au SPMi, "présents D______, Monsieur, Madame … disent que cela se passe bien, bébé va bien (il a l'air : interagi, hygiène ok, sourit) … Monsieur donne un relevé d'analyses toxicologiques, pas abstinent à 100% … aimerait reprendre une activité occupationnelle"

f.j. 25 septembre 2019 : "reçu rapport de police – violences domestiques Monsieur sur Madame nuit du 12.09.2019 … Monsieur alcoolisé … mesures d'éloignement jusqu'au 22.09.2019".

f.k. I______, intervenant pour le SPMi, a déclaré devant le MP que, depuis la naissance de D______, la situation avait semblé évoluer favorablement eu égard aux interventions policières de 2018. Il n'y avait plus eu d'avis de la police pour interventions. La situation était également plus rassurante au vu des entretiens tenus avec le père et la mère. Après réception du rapport de police sur les évènements du 10 septembre 2019, le 24 ou le 25 septembre 2019, il avait cherché sans succès à joindre A______ à plusieurs reprises, notamment après le prononcé de la clause péril concernant D______. À la fin juillet 2019, il avait vu ce dernier avec son père au SPMi. Tout était calme et rien ne laissait penser que la situation se péjorerait. Les suivis étaient effectués tant par la guidance infantile pour le petit que pour le couple. Il avait découvert qu'il y avait eu un conflit dans le couple en juin 2019. Le SPMi avait eu une attention particulière s'agissant de la consommation d'alcool de F______. Les relevés reçus n'indiquaient pas d'abstinence ni de consommation excessive. Sur un des relevés, il y avait eu un pic. Au vu de l'explication donnée par F______, il avait été rassuré car il avait eu l'impression qu'il gérait sa consommation.

g. À teneur du rapport du 27 septembre 2019, des représentantes de l'Hospice général (HG) ont demandé l'appui de la police pour un probable cas de maltraitance de bébé, seul en compagnie de son père alcoolique. Sur place, à la rue 1______ no. ______, la police a été mise en présence de J______ et K______, assistantes sociales, lesquelles ont expliqué avoir reçu un appel téléphonique de F______, alcoolisé et tenant des propos incompréhensibles alors que les cris du bébé étaient audibles au téléphone. A______ restait injoignable par le SPMi ou les assistantes sociales. Les policiers s'étant mis en retrait dans l'immeuble, les assistantes sociales avaient parlé avec F______ et cherché à obtenir des informations sur un hématome qu'elles avaient constaté sur la joue du bébé et où trouver A______ mais F______ les avait priées de partir. Dans un deuxième temps, les assistantes sociales étaient revenues à la charge, avec la police, et F______ avait remis son fils à J______, lequel a été acheminé en pédiatrie pour évaluation.

g.a. Pour J______, qui le suivait depuis janvier 2018, entre mars et août 2019, le suivi s'était bien passé avec F______. Il se rendait régulièrement chez son psychiatre et chez un addictologue. Fin août 2019, elle avait appris de A______ qu'il y avait eu de nouveaux conflits. Elle avait eu connaissance des évènements du 12 septembre 2019. Antérieurement à cette date, les deux parents venaient aux entretiens avec leur fils. Cela se passait très bien. Ils étaient attentionnés. Le bébé était souriant et allait volontiers de l'un à l'autre. Le 27 septembre 2019, F______ tenait au téléphone des propos incohérents. Il s'était énervé lorsque le sujet de l'alcool avait été évoqué et avait dit qu'il n'avait rien à faire de A______. Dans les jours précédents, elle avait eu cette dernière au téléphone qui ne savait pas si elle voulait se séparer ou essayer encore un mois. N'arrivant pas à la joindre par téléphone, elle s'était beaucoup inquiétée et s'était rendue à la rue 1______ avec sa collègue après concertation avec différents services. Par la suite, A______ lui avait expliqué être partie chercher une solution d'hébergement le 26 septembre, n'étant pas présente le jour des faits car étant partie et pensait que la mère de F______ passerait au domicile dans la journée du 27 septembre.

g.b. Selon K______, elle avait vu F______ le 20 septembre 2019 pour la dernière fois. Elle avait de bonnes relations avec lui. Elle ne l'avait pas reconnu comme à son habitude ce jour-là. Il avait peut-être consommé ou c'était peut-être dû à la mesure d'éloignement à laquelle il était soumis. Il lui avait dit, qu'avec A______, ils allaient essayer de se donner une nouvelle chance. Le 27 septembre, au moment où sa collègue et elle allaient repartir, elle avait vu la grande marque bleue d'une forte claque sur la joue du petit. À sa demande sur cette marque, F______ avait répondu "il doit apprendre". Elle le rencontrait régulièrement, s'en occupant depuis dix ans. Il n'était jamais venu alcoolisé au centre social. Ultérieurement, elle avait rencontré le couple avec le bébé. Elle avait été très surprise de la tournure des évènements, d'autant que F______ s'était beaucoup battu pour récupérer sa fille H______.

h. Selon le rapport d'expertise du 8 novembre 2019, D______ a été examiné par le CURML le 27 septembre 2019 à 19h00. L'examen clinique effectué le 27 septembre 2019, a mis en évidence les lésions traumatiques suivantes pouvant être mises en relation avec les évènements, étant relevé que ledit rapport part du postulat de coups reçus le 27 septembre 2019 :

-          une dermabrasion de la région frontale antérieure (couleur jaunâtre à verdâtre), de la joue droite et de l'oreille gauche ;

-          une dermabrasion de la région hypogastrique droite ;

-          deux dermabrasions du coude gauche et de la main gauche ;

-          deux dermabrasions de la jambe droite et deux dermabrasions de la cuisse gauche (coloration jaunâtre à brunâtre) ;

-          une zone ecchymotique de la région occipitale droite du cuir chevelu et une ecchymose à l'oreille droite.

Dans son détail, le rapport mentionne également la présence au niveau de la joue gauche de trois ecchymoses de forme arrondie à ovalaire, sur une surface de 5 X 2 cm (couleur jaunâtre à verdâtre), ainsi qu'au niveau sous auriculaire gauche, une ecchymose mal délimitée sur une surface de 3.3 X 2.2 cm (couleur jaunâtre à verdâtre), de même qu'à la cuisse gauche de deux zones ecchymotiques en arc de cercle inversé (couleur jaunâtre à brunâtre) évoquant une morsure.

Ces lésions étaient la conséquence d'heurts du corps contre un/des objet/s ou de coups reçus par un/des objet/s contondants et de pressions locales fermes pour les ecchymoses, avec une composante tangentielle pour les dermabrasions. Elles étaient trop peu spécifiques pour se prononcer sur leur origine précise. Plusieurs ecchymoses semblaient antérieures aux faits en raison de leur coloration, notamment au niveau du visage et de la cuisse gauche où ces dernières pouvaient évoquer une morsure de par leur forme. L'ensemble des lésions évoquaient des maltraitances répétées.

i.a. Lors de ses différentes auditions, F______ a reconnu avoir consommé de l'alcool le 27 septembre 2019. Revenu le 22 septembre de la mesure d'éloignement, il avait discuté avec A______ concernant l'avenir de leur couple en mentionnant qu'il devait y avoir une fin. Il lui avait dit qu'il ne supportait plus les intrusions policières dues au comportement de celle-ci (taper contre les portes ou crier et hurler provoquant l'intervention de la police). A______ avait dû être bouleversée. Le 23 septembre, elle lui avait dit devoir sortir et qu'elle reviendrait en fin de journée, ce qu'elle n'avait pas fait. C'était peut-être le 24 septembre, voire le 26 septembre (PP C-179). Cela lui arrivait de partir deux ou trois jours mais elle revenait. Depuis qu'elle était partie, il s'était, comme d'habitude, occupé de l'enfant. Il avait pu contacter A______ par téléphone le 25 ou le 26 septembre. Tout se passait bien avec son fils. Il dormait bien la nuit et c'était lui qui le gardait le plus souvent. Ce-jour-là F______ avait commencé à se sentir coupable et pensait avoir été trop loin envers A______. Le départ de celle-ci l'avait rendu instable. N'ayant pas reçu ses prestations de l'HG, il n'avait rien à donner à goûter à D______ qui pleurait. Il était bouleversé parce qu'il devait répondre à un courrier du MP et son agent de probation lui en avait envoyé un alors qu'il ne trouvait pas les clés de la boite aux lettres. Obnubilé par ses pensées et problèmes, il lui avait bien donné avec la main droite ouverte une baffe, de force moyenne, mais ce n'était pas de la maltraitance. Il avait senti que ses pleurs étaient des caprices. Cela s'était passé le 24 septembre. Il avait bu une bière. Son fils devait apprendre à ne pas rouspéter. Il avait accepté. Son geste avait été intempestif, il avait perdu le contrôle et il s'en voulait. Hors l'épisode, unique, de la gifle, il n'avait jamais eu d'accès de violence physique envers aucun de ses enfants, notamment sa fille H______ dont il avait eu la garde pendant quatre ans, ni son fils. Depuis la naissance de D______, il s'en occupait personnellement la moitié du temps, voire plus. Il était très heureux de son fils qui lui donnait beaucoup de fierté. A______ n'avait jamais été violente envers ce dernier. Sa propre mère était venue le voir le 25 septembre et avait vu la marque sur la joue du bébé. Il lui avait dit qu'il était tombé dans son parc. Outre la marque de la gifle, les dermabrasions de la région hypo-gastrique, au coude, à la main et à la cuisse gauche, ainsi qu'à la jambe droite étaient dues aux briques de lego sur lesquelles l'enfant rampait déjà à neuf mois. D______ se les étaient faites tout seul et il n'en était pas à l'origine.

Devant le TP, F______ a ajouté que lorsqu'il avait frappé son fils, il était seul avec lui depuis trois ou quatre jours. C'était lui qui s'en était occupé et sa propre mère était venue lui rendre visite durant ces quelques jours. Il avait consommé de l'alcool durant cette période mais pas au point d'être ivre. Même s'il avait une consommation chronique d'alcool, il pouvait s'arrêter et ne consommait pas tout le temps. En septembre 2019, A______ ne voyait pas qu'il buvait.

i.b. A______ a d'abord expliqué à la police et au MP qu'elle était restée au domicile depuis le 22 septembre, date à laquelle F______ était revenu suite à la mesure d'éloignement, jusqu'au 26 septembre suivant. Ce jour-là, elle lui avait annoncé qu'elle partait pour la journée à Lausanne chez une amie et reviendrait le jour-même ou le lendemain, vendredi 27. Son idée était une séparation dès lors que F______ lui avait dit que c'était fini. Elle en avait averti la mère de F______ qui était venue les voir le 26 septembre avant qu'elle ne parte à Lausanne. Par téléphone, cette dernière l'avait avertie en fin de journée que son fil s'était cogné le visage en tombant sur des jouets. Elle n'avait jamais constaté de comportements violents de F______ envers son fils, qu'il aimait trop. Elle était rentrée tard dans la soirée du 27 septembre et avait dormi chez une amie. S'étant aperçue que la police avait cherché à la joindre, elle avait indiqué qu'elle se présenterait au poste de police le lendemain.

Comme les jours précédents F______ n'avait pas bu, elle ne pensait pas que quelque chose pouvait arriver à son fils. Cela s'était bien passé entre le 22 et le 26 septembre. Le précité était resté beaucoup de mois sans boire à la naissance du petit, et avait bu un peu plus dès le début du mois de septembre, notamment le 12, lorsqu'il avait été ivre. Il n'avait pas le droit de boire pour pouvoir voir sa fille H______. Lorsqu'elle avait quitté le domicile, le père de l'enfant était tranquille. Ils avaient évoqué une garde partagée à raison d'une semaine chacun. Elle n'avait pu être jointe par téléphone car elle utilisait un nouveau numéro. Le 27 septembre, elle avait fait un extra dès 07h30 à l'auberge de L______. Elle avait été informée dans la soirée par la mère de F______ que D______ avait été emmené par les autorités. En règle générale, c'était elle qui gardait son fils. La semaine précédant les faits, durant l'éloignement du père, D______ et elle étaient tous les jours au parc. Son fils avait joué avec d'autres enfants et notamment cogné au coude dans le bac à sable. Par ailleurs, il avait un petit bleu à la cuisse ainsi qu'au bras gauche, étant tombé au parc. Elle ne se souvenait pas d'une trace sur la cuisse de D______ évoquant une morsure.

A______ savait que la mère de F______ venait régulièrement le voir. Elle n'avait pas eu de contact avec lui pendant deux jours mais en avait avec sa mère qui lui disait que tout allait bien. Elle avait eu besoin de réfléchir. Elle n'avait pas constaté que F______ avait recommencé à boire, ce qu'il faisait en cachette, et jamais imaginé qu'il puisse arriver quelque chose à son fils, avec lequel il était calin, car son père n'était agressif qu'envers elle. Il se comportait très bien avec son fils, l'emmenait au parc et lui donnait le bain. Les derniers jours avant qu'elle parte, sa consommation d'alcool s'était calmée.

j.a. À l'issue de son audition du 28 septembre 2019 par la police, A______ a été incarcérée jusqu'au 28 octobre 2019 par suite de conversion d'amendes impayées.

j.b. Le 27 septembre 2019, le SPMi a pris une clause péril en faveur de D______ et retiré à A______ le droit de déterminer son lieu de résidence ainsi que le droit aux relations personnelles sur son enfant. Par ordonnance du 18 novembre 2019, le TPAE a ratifié cette clause péril, retiré le droit de déterminer son lieu de résidence à F______ également et ordonné un placement de D______, tout en réservant un droit de visite à A______, celui du père de l'enfant dépendant des possibilités à venir.

j.c. Selon le courrier du SPMi du 14 novembre 2022 adressé au TPAE et les déclarations devant le TP, le placement à l'essai de D______ au domicile de A______ a été autorisé à une date indéterminée.

À teneur du courrier précité, dans le cadre d'une prise en charge externe, A______ s'est montrée preneuse et investie dans les conseils donnés par des éducatrices de foyer. La bonne collaboration de A______ a permis de mettre fin à la prise en charge externe. Une inquiétude s'est manifestée en regard de sa difficulté à assurer des présences régulières de D______ à la crèche, ce dernier montrant des signes d'agitation et d'inconfort plus sa présence à la crèche était fluctuante, A______ ne semblant pas prendre conscience de la nécessité d'un rythme régulier pour son fils et d'améliorer sa capacité de collaboration avec le réseau. Un suivi mis en place à la guidance infantile en novembre 2021 s'est poursuivi, non sans difficultés vu des rendez-vous manqués et le fait que A______ était difficilement joignable. Le droit de visite de F______ devait être élargi.

Le courrier du SPMi du 14 juin 2023 adressé au TPAE relève des difficultés dans la collaboration avec A______, le plus souvent injoignable, alors que F______ collabore étroitement avec le SPMi et l'ensemble du réseau. Dans la perspective de la reprise à fin juin 2023 de la vie commune des parents avec D______, le SPMi espère que cette nouvelle configuration permettra d'intervenir de façon plus efficace au soutien de l'enfant et approuve le placement du mineur au domicile des parents.

C. a.a. Devant la CPAR, A______ conteste les faits reprochés et confirme l'essentiel de ses déclarations. Elle explique avoir quitté le domicile de la rue 1______ du 25 septembre au matin au 28 septembre 2019. Sur remarque de la Cour concernant ses déclarations devant le TP quant à ses jours d'absence en contradiction avec des pièces au dossier, elle admet ne pas arriver à être précise quant aux dates mais confirme avoir été absente trois jours dont le 24 septembre, jour de son départ. Elle était rentrée le 27 septembre. Le 24 septembre, la mère de F______ était venue jusqu'à 18h00. Le lendemain A______ avait appris de sa bouche que son fils était tombé et qu'il s'était cogné au coin de son parc. Elle n'avait jamais parlé par téléphone avec le père de l'enfant durant son absence. Elle n'aurait jamais imaginé de l'agressivité de F______ envers son fils. Il était génial avec lui et ils s'en occupaient tous deux alors qu'à l'époque elle occupait un emploi et lui non. La mère du précité avait été présente un moment de la journée chacun des jours de son absence et elle s'en était préalablement entretenue avec elle. Elle devait faire à manger mais ne pas rester dormir. Elle avait précisé à F______ qu'elle partait plusieurs jours. Ce dernier ne consommait pas d'alcool tous les jours. Avant sa condamnation par ordonnance pénale, il buvait quatre fois par semaine et cela s'était réduit à deux fois suite aux contrôles. Il n'y avait eu de problème lié à l'alcool que le 12 septembre. F______ savait qu'elle se trouvait chez sa belle-sœur.

Sa situation familiale s'était beaucoup améliorée. Après approbation des autorités, D______ vivait désormais à nouveau avec elle depuis un an et huit mois. Dès le 1er juillet 2023, tous deux allaient vivre à nouveau avec F______ qui est devenu "une autre personne" et avait récemment passé un deuxième CFC. Il avait tiré un trait sur ses problèmes d'alcool. Elle-même avait trouvé un emploi stable, était en indemnité perte de gain du fait d'une maladie compliquée et n'était plus assistée par l'HG.

a.b. Me E______ indique que D______ va bien et félicite ses parents pour le bon parcours effectué, tout en relevant que la Cour doit examiner des faits datant de 2019.

b.a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Jusqu'au 27 septembre 2019, F______ s'était toujours révélé un bon père pour son fils envers lequel il n'avait jamais été violent. Cela avait d'ailleurs été relevé par les assistants sociaux. Il n'avait jamais été dit à A______ qu'il représentait un danger. En outre, la grand-mère était présente tous les jours et restait dans l'appartement. Le TP s'était focalisé sur le devoir d'assistance en fonction de l'attitude du père envers elle. Or, F______ était calme, ses consommations d'alcool en baisse, outre qu'il paraissait ne pas en consommer. Avant la gifle, rien ne pouvait lui être reproché par rapport à son fils. Il s'était montré agressif uniquement envers A______. Même le 12 septembre 2019, il avait pris son fils pour le mettre dans son berceau avant de s'en prendre à elle. Lors de son retrait de l'appartement, elle était à la recherche d'une amélioration de la situation, ce faisant, dans l'intérêt de D______ également. Il n'y avait ni violation du devoir d'assistance ou d'éducation, ni mise en danger du développement physique et psychique de l'enfant. Le placement de D______ dans différentes institutions ne pouvait lui être imputé comme l'avait retenu le TP pour justifier une atteinte à l'intégrité psychique de l'enfant présentant un mal-être du fait de son placement en institution. A______ avait été déclarée coupable "par ricochet" alors que l'art. 219 CP était d'application restrictive. La durabilité de l'atteinte inhérente à la disposition pénale n'était pas présente. Le TP ne faisait pas état d'un quelconque lien de causalité entre la violation du devoir et une mise en danger. Sur le plan subjectif, le TP lui reprochait d'avoir quitté l'appartement, ce qui impliquait qu'à aucun moment elle n'aurait pu laisser son fils seul avec F______. Sa culpabilité devait supposer qu'elle se serait accommodée du fait que le père puisse frapper son fils envers lequel il n'avait jamais été violent, le SPMi considérant qu'il agissait de façon adéquate. Le tort moral accordé ne reposait sur aucune motivation.

b.b. Me E______ conclut à la confirmation du jugement. Un enfant de dix mois avait été giflé et violenté. Il ne s'agissait pas uniquement d'une gifle vu les nombreuses traces relevées. Il y avait eu de la violence envers l'enfant dès le 12 septembre 2019. Au cours de la grossesse, 13 opérations de police étaient intervenues. A______ savait de quoi F______ était capable. Elle était "sortie des radars" en confiant son bébé à un père fragile, en prise avec des problèmes d'alcool et peu à même de s'en occuper. Il y avait certes eu le contact avec la grand-mère, mesure qui s'était révélée toutefois insuffisante pour mettre l'enfant à l'abri. Ce qui était prévisible s'était ainsi produit, F______ devenant irascible sous l'effet de la boisson et interprétant des pleurs d'un enfant comme un caprice. A______ avait clairement violé son devoir par l'exposition de son fils. Il y avait de quoi s'inquiéter de la reprise de la vie commune sans que le comportement adopté quatre ans auparavant ne soit remis en question, vu l'absence de prise de conscience de l'intéressée.

Il fallait faire passer le message qu'on ne pouvait quitter ainsi son enfant dans de telles circonstances.

b.c. Le MP conclut à la confirmation du jugement.

D. Me C______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, six heures et 30 minutes d'activité de cheffe d'étude, hors débats d'appel, lesquels ont duré deux heures, à raison de deux heures de conférence avec la cliente et quatre heures trente minutes de préparation des débats d'appel.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Selon l'art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1) ; si le délinquant a agi par négligence, la peine pourra être une amende au lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (al. 2).

2.1.2. Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, c'est-à-dire d'assurer le développement - sur le plan corporel, spirituel et psychique - du mineur, soit une position de garant de l'auteur, tels, notamment les parents naturels.

L'auteur doit avoir violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou en une omission. Dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant. Dans le second cas, il manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent.

Sur le plan objectif, la violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir doit avoir eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. Définissant un délit de mise en danger concrète, l'art. 219 CP n'exige pas une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur. Une mise en danger suffit ; celle-ci doit toutefois être concrète, c'est-à-dire qu'elle doit apparaître vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138 s. ; 125 IV 64 consid. 1a p. 69). Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, doivent apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur est mis en danger. Il faut normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou qu'il viole durablement son devoir d'éducation. Il n'est cependant pas exclu qu'un seul acte grave suffise pour que des séquelles durables risquent d'affecter le développement du mineur. L'infraction de l'art. 219 CP présuppose que l'auteur agisse de façon répétée ou qu'il viole durablement son devoir d'éducation de manière à mettre en danger le développement du mineur. Si l'auteur donne une gifle à un mineur seule l'infraction de voies de fait ou de lésions corporelles simples sera réalisée. L'art. 219 CP ne sera retenu que si l'auteur agit à réitérées reprises et que l'ensemble de ses agissements mettent en danger le développement de l'enfant. C'est la somme des différents actes qui permet de réaliser les éléments constitutifs de l'infraction (arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 2.2 et 2.3 destiné à publication ainsi que les références citées).

En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier délicat de distinguer les atteintes relevant de l'art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n 12 ad art. 219 CP). Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine préconise de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1220/2020 du 1er juillet 2021 consid 1.2).

L'infraction peut être commise intentionnellement ou par négligence. Le dol éventuel suffit pour que l'infraction soit réalisée intentionnellement (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 70).

2.2. En l'espèce, en tant que mère, A______ avait un devoir d'assistance ou d'éducation. Il lui est reproché d'avoir abandonné son fils, présentant des lésions évoquant des maltraitances, sous la surveillance de son père qui avait recommencé à boire de l'alcool, était inapte à s'occuper de lui alors qu'il s'était déjà montré violent sous l'effet de l'alcool.

Il est établi que, suite aux évènements du 12 septembre 2019 et l'éloignement imposé à F______, A______ a quitté son domicile durant plusieurs jours. Il ne l'est pas qu'elle l'aurait fait entre le 22 et le 28 septembre 2019, tel que retenu à l'acte d'accusation. Il n'est pas relevant de savoir si elle l'a fait dès le 23 ou le 24 septembre, tant A______ que F______ ayant eu des déclarations inconstantes à cet égard, mais il peut être admis, au vu de la coloration jaunâtre à verdâtre des marques laissées sur la joue de D______, constatées le 27 septembre, que la gifle donnée par son père est bien intervenue le 24 septembre 2019 alors que l'appelante était absente, ce dernier ayant par ailleurs décrit les circonstance de cet évènement avec certaines précisions. Le retour au domicile de A______ en fin de journée du 27 septembre est plausible et sera retenu dès lors qu'elle s'est présentée à la police tôt le matin du 28 septembre. L'origine exacte de diverses dermabrasions ou ecchymoses (cf. dossier photographique) constatées par le CURML n'est pas établie dans la mesure où les deux parents ont fait état de plusieurs épisodes où l'enfant avait pu se les causer avec un camarade ou chuter dans le cadre de ses jeux. La présence d'une zone ecchymotique en forme de morsure suscite l'interrogation, aucun des parents n'ayant donné une explication à sa présence.

Cela étant, il sied d'examiner si, en quittant le domicile à tout le moins quatre jours et trois nuits, A______ a violé son devoir d'assistance envers son fils par omission vu l'abandon mentionné à l'acte d'accusation ou en ne prenant pas les mesures nécessaires face à un danger.

Le constat du CURML interpelle, de même que les circonstances dans lesquelles, sous l'effet de l'alcool, F______ a frappé son fils alors que A______ a relevé auprès d'une intervenante sociale avoir remarqué une élévation de ses consommations d'alcool depuis début septembre 2019. Comme déjà évoqué, il est difficile d'attribuer dans le temps les origines et la chronologie des autres dermabrasions constatées en dehors de celles résultant de la gifle, alors que seule l'absence constatée du domicile du 24 au 27 septembre 2019 pourrait être considérée pénalement. Il sera cependant relevé, qu'aux dires de F______, ce n'était pas la première fois que A______ quittait son domicile deux ou trois jours sans, qu'à teneur du dossier, des situations critiques ne se soient présentées pour son fils. À cela s'ajoute qu'il ressort tant des déclarations de l'appelante que de celles de F______ que ce dernier ne s'était jusque-là à aucun moment montré violent envers son fils. Certes, le 12 septembre 2019, des briques de lego ont heurté D______ mais l'objet de la colère de F______ était A______, non son fils, de sorte qu'en l'absence de celle-ci, il n'y avait pas lieu de présumer de tels actes qui ne ressortent pas du dossier. Celui-ci laisse également apparaître que F______ pouvait jusque-là s'occuper une bonne partie du temps de D______ et ceci de façon appropriée, observant une attitude adéquate, comme cela figure notamment dans les observations au journal du SPMi. Les différents intervenants sociaux n'ont jamais mis en évidence un problème de comportement de F______ vis-à-vis de son fils, comme en a témoigné K______ qui en a été très surprise. La consommation d'alcool du précité avait notablement baissé, après la naissance de son fils et l'ordonnance pénale ordonnant un suivi outre l'attention qu'il portait à récupérer la garde de sa fille H______. Par ailleurs, la grand-mère de D______ devait passer régulièrement au domicile de son fils, de sorte qu'elle aurait pu intervenir ou rapporter à A______ un problème qu'elle aurait remarqué. Dans ces circonstances, l'hypothèse d'un abandon de son fils à une personne totalement inadéquate peut être questionnée. Cette question peut souffrir de rester ouverte dans la mesure de ce qui suit :

L'application de l'art. 219 CP implique la mise en danger concrète du développement physique ou psychique du mineur. Or, in casu, il n'apparaît pas que le développement physique ou le développement psychique du mineur ait été mis en danger. En particulier, le raisonnement du TP selon lequel le fait que l'enfant a présenté un certain mal-être du fait de son placement ultérieur dans diverses institutions ne saurait être imputé à l'appelante en raison de son court séjour en dehors du domicile familial. Le Tribunal fédéral a encore rappelé récemment (cf. consid. 2.1. supra) que des séquelles durables d'ordre physique ou psychique doivent apparaître vraisemblables et qu'il faut que l'auteur agisse de façon répétée, l'art. 219 CP ne devant être retenu que lors d'agissements réitérés dont la somme doit mettre en danger le développement de l'enfant. Certes, un seul acte grave peut suffire mais, sauf à admettre que tout et n'importe quoi aurait pu arriver à D______, dans un laps de temps indéfini, ce que le dossier ne permet pas non plus de retenir, il n'y a pas en l'espèce d'acte grave à considérer débouchant sur une mise en danger du développement de ce dernier.

On peut encore ajouter, sur le plan subjectif, que si le comportement de A______ peut manifestement être amélioré sous l'angle de la collaboration avec les différents intervenants, ce qui est souhaitable, les éléments du dossier ne permettent cependant pas non plus de retenir la commission de l'infraction sous l'angle du dol éventuel, seul envisageable. Il ne peut en effet être considéré que l'appelante s'est accommodée, dans les circonstances de l'espèce, d'une violation consciente de son devoir d'assistance ou d'éducation de son fils de nature à mettre en danger son développement, sachant que ce dernier était aimé de son père qui s'en occupait régulièrement alors que la grand-mère constituait également un lien durant son absence. Tant l'appelante que F______ ont fait état de ce qu'ils avaient discuté d'une garde partagée, ce qui témoigne de ce qu'elle lui accordait sa confiance.

Au vu de ce qui précède, l'appel sera admis et le jugement annulé, les conclusions en indemnisation pour tort moral de l'intimé étant rejetées.

3. L'appel ayant été admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

4. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseure d'office de A______ satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient cependant de le compléter de la durée de l'audience.

La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 2'014.-correspondant à huit heures et 30 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 144.-.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JDTP/1063/2022 rendu le 2 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/19885/2019.

L'admet.

Annule ce jugement en ce qui concerne A______.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation pour tort moral de D______ dirigées contre A______.

Met le quart des frais de la procédure de première instance à la charge de l'État, ainsi que la totalité de l'émolument de jugement complémentaire de CHF 900.-.

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Constate que le Tribunal de police a fixé à CHF 7'707.- l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP) pour la procédure de première instance.

Fixe à CHF 2'014.- l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseure d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service de l'application des peines et des mesures.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

e.r. Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).