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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11230/2018

AARP/157/2023 du 11.05.2023 sur JTDP/1239/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;CHAUFFEUR;TRANSPORT DE PERSONNES;INVALIDITÉ(INFIRMITÉ)
Normes : CP.125; LCR.90.al2; CPP.10
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11230/2018 AARP/157/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me U______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1239/2022 rendu le 7 octobre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

B______, C______ et D______, parties plaignantes, tous trois représentés par
Me E______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. A______ appelle en temps utile du jugement du 7 octobre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a condamné à une peine privative de liberté de sept mois pour lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 du code pénal [CP]) et à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]). Ces deux peines ont été assorties du sursis, avec un délai d'épreuve de trois ans, et la seconde accompagnée d'une amende de CHF 540.- (peine privative de liberté de substitution de six jours).

A______, dont les conclusions en indemnisation ont été rejetées, a été condamné à verser à D______ CHF 1'432.05 et CHF 3'643.95 au titre de dommages-intérêts ainsi que CHF 15'000.- au titre de réparation du tort moral, avec intérêts à 5% dès les 20 août 2018, 20 mai 2019 et 13 mai 2018. Les frais de la procédure, en CHF 3'778.-, ont été mis à sa charge.

Le TP a rejeté les conclusions civiles de B______ et de C______ et ordonné la confiscation ainsi que la destruction du seul objet séquestré.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant, frais à la charge de l'Etat et avec suite de dépens tels que chiffrés en première instance, à son acquittement du chef de lésions corporelles par négligence, étant précisé qu'il conteste les montants qu'il a été condamné à verser à D______.

b. Selon l'acte d'accusation du 27 juin 2022, il est reproché à A______ ce qui suit.

b.a. Le 13 mai 2018, il était chargé, en qualité de chauffeur professionnel pour personnes handicapées, du transport de D______, infirme moteur cérébral. Il lui a causé, sur le parking de l'ASSOCIATION F______ (ci-après : l'Association) à G______ [GE], une atteinte à son intégrité corporelle, en ne prenant pas de manière fautive toutes les précautions commandées par les lieux et le handicap du précité, qui a dévalé en son absence la rampe d'accès sur sa chaise roulante et percuté un muret 15 mètres plus bas.

A______ a en particulier garé son minibus sur la rampe d'accès du parking plutôt que sur la surface plane, il n'a pas annoncé la prise en charge de D______ au personnel de l'association, il a placé ce dernier derrière le minibus sans contrôler que sa chaise était parfaitement immobilisée, et il l'y a laissé sans surveillance pendant qu'il est allé chercher les autres personnes à véhiculer.

b.b. Le 8 janvier 2021, à 10h46, à H______ (canton de Vaud), il a roulé au volant de son véhicule à la vitesse de 116 km/h, sur un tronçon limité à 80 km/h, de sorte qu'il a dépassé la limite autorisée de 30 km/h, après déduction de la marge de sécurité de 6 km/h.

A______ ne conteste pas sa condamnation ni la peine prononcée pour violation grave des règles de la circulation routière en raison de ces faits.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. D______, né le ______ 1990, souffre d'infirmité motrice cérébrale sévère, avec tétraparésie spastique. Incapable de discernement, il ne peut ni marcher ni parler. Son interdiction a été prononcée à sa majorité et il a été placé sous l'autorité parentale de ses parents (respectivement, depuis la réforme du droit de la protection de l’adulte, sous curatelle de portée générale exercée par ses parents). Il est totalement dépendant d'une prise en charge spécialisée, pouvant notamment s'automutiler et avoir des gestes brusques, dangereux pour lui-même ou autrui.

Il a en particulier besoin de l'aide de tiers pour pousser le fauteuil roulant dans lequel il se déplace. Ledit fauteuil dispose d'une assistance électrique. Celle-ci enclenchée, une roue additionnelle se pose au sol et aide au déplacement, par simple pression d'un bouton sous la poignée droite. Lorsque ce bouton est relâché, le fauteuil est bloqué et l'assistance électrique sert ainsi de frein moteur. Si l'assistance est désactivée, le fauteuil n'est retenu que par les freins pour accompagnants se trouvant sur les poignées. Il peut aussi être immobilisé en actionnant les freins se trouvant au niveau des grandes roues.

b. Au moment des faits, D______ résidait dans le Foyer I______ de la FONDATION J______ (ci-après : le Foyer). Son éducatrice référente était K______.

Son fauteuil, en particulier le moteur et les freins, étaient en parfait état de marche.

Il avait participé durant le week-end en cause, soit celui du 12 au 13 mai 2018, à des activités organisées par l'Association, spécialisée dans les loisirs pour des personnes souffrant de paralysie cérébrale. Son moniteur référent était L______.

c. A______, chauffeur depuis le 1er octobre 2009 pour la FONDATION M______, assurait le transport de personnes à mobilité réduite dans des véhicules adaptés aux personnes en situation de handicap.

A la fin du week-end, le 13 mai 2018, il devait prendre en charge trois personnes handicapées, dont D______, dans les locaux de l'Association à G______. Ce dernier devait être déposé en premier, donc installé en dernier dans le véhicule, un minibus s'ouvrant à l'arrière et équipé d'une rampe.

L'accès à l'entrée des locaux consiste en une route assez large en légère pente ascendante, d'une longueur d'environ 15 mètres, aboutissant à un replat, bordée d'un parking sur la droite dans le sens de la montée, et en bas de laquelle se dressent deux murets, longeant chacun de ses côtés sur quelques mètres et marquant l'entrée du parking.

d.a. Arrivé avec un peu d'avance, soit vers 16h50, A______ a stationné son minibus dans le sens du départ, sur le chemin en pente, afin de réduire l'inclinaison de la rampe. Son collègue, N______, est arrivé peu après et a positionné son véhicule derrière, dans le même sens.

A______ est allé chercher D______ dans le hall d'entrée (ci-après : le pavillon). Celui-ci s'y trouvait seul et prêt au départ, soit sécurisé à son fauteuil au moyen d'un harnais. Sa valise était cependant encore en chambre. L______ s'était absenté pour aider, successivement à deux reprises, l'une de ses collègues à effectuer le déplacement d'un résident de sa chaise à son lit puis inversement. Il est ensuite allé chercher la valise de D______.

A______ a emmené ce dernier à l'extérieur et l'a déposé à côté du minibus. Selon ses déclarations constantes, il a pour ce faire utilisé l'assistance électrique du fauteuil.

O______, animatrice de l'association, a amené la deuxième personne handicapée à prendre en charge, que A______ a hissée puis attachée dans le véhicule. P______, autre animateur de l'association, est à ce moment également sorti et a dit au revoir à D______.

O______ est retournée dans le hall et a demandé à L______ d'apporter la valise de D______. A______ en a fait de même pour aller chercher la troisième personne à prendre en charge.

A ce moment, D______, resté seul cinq à six minutes, a dévalé la route d'accès sur son fauteuil et violemment heurté le muret à gauche en contrebas. Le choc lui a causé des dermabrasions sur la face latérale du nez et sur la main droite, visibles de tous, ainsi qu'un traumatisme au genou et une fracture diaphysaire du fémur droits, lésions qui n'ont été découvertes que plus tard. Le fauteuil a également été endommagé. Le châssis présentait de profondes rayures et les tubes supportant le repose-pieds ainsi que l'assise étaient tordus.

D______ a ensuite été remonté à côté du minibus par une personne indéterminée, A______ affirmant l'y avoir retrouvé à son retour, blessé au visage.

d.b. Le chauffeur est retourné dans le pavillon pour solliciter l'aide d'une éducatrice. Il lui a indiqué que D______ s'était griffé et elle a apposé un pansement sur le nez de ce dernier.

P______, après avoir appris que D______ était blessé, est allé chercher la responsable du weekend, Q______. Il l'a informée avoir vu le précité, dans un premier temps, en haut de la pente, indemne à côté du minibus, puis, de retour sur le parking peu après, en bas de la pente, de dos et près d'un mur, avec un chauffeur.

Questionné à ce sujet par Q______, A______ a répondu qu'il ignorait ce qu'il s'était passé. Elle est alors partie chercher un téléphone pour informer le Foyer de la situation et a demandé au chauffeur de l'attendre.

A______ a pendant ce temps installé D______ dans le minibus. Ne parvenant pas à manœuvrer le fauteuil, dont le moteur heurtait la rampe, il a dû avancer un peu le véhicule pour aplanir davantage la déclivité de ladite rampe et être aidé par N______. Il est ensuite parti sans attendre le retour de Q______.

Celle-ci a téléphoné à R______, assistante socio-éducative au Foyer, pour l'informer qu'un problème était survenu, soit que le chauffeur était venu trop tôt, qu'il avait été vu en bas de la pente avec D______ et que celui-ci était blessé au nez.

d.c. R______ et K______ se sont rendues auprès de A______ dès son arrivée au Foyer. Mal à l'aise et stressé, il a descendu D______ du véhicule avec difficulté. Il leur a indiqué de manière confuse que ce dernier s'était blessé au nez et avait certainement eu très peur. Il ne pouvait pas donner plus d'explication car il n'avait pas été témoin de ce qu'il s'était passé.

D______ était en état de choc. Il avait les lèvres bleues, il tremblait de froid, gémissait et montrait son genou. R______ l'a emmené aux urgences des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Des radiographies du genou et de la main ont été effectuées, révélant un traumatisme sans fracture, et D______ a été renvoyé au foyer à 00h15.

Lorsque les soignants l'ont déshabillé pour le mettre au lit, ils ont constaté que sa jambe était tordue. Il a été reconduit aux HUG en ambulance vers 01h40, où une fracture diaphysaire du fémur a été constatée par radio effectuée à 02h30.

Hospitalisé, il a été opéré le 16 mai 2018. Il est resté aux soins intensifs jusqu'au 21 mai 2018 et a pu rentrer au Foyer le 29 mai 2018. Il a souffert durant son hospitalisation de plusieurs complications, dont une intoxication par morphine et des troubles de la déglutition post-opératoires pour lesquels une sonde a été mise en place, qu'il a arrachée lors d'un épisode d'agitation.

Il a été de nouveau hospitalisé du 1er au 6 juin 2018, en raison d'une probable pneumonie de broncho aspiration en lien avec les troubles de la déglutition.

A cause d'une corde vocale paralysée, les liquides qu'il absorbe doivent encore aujourd'hui être épaissis pour éviter qu'ils ne passent dans les poumons.

e.a. P______ a rapporté par écrit du 13 mai 2018 que lors des faits, il faisait des allers-retours entre l'intérieur et l'extérieur des locaux de l'association pour gérer certains départs. Il avait vu D______ près de la rampe du minibus puis, quelques minutes plus tard, 15 mètres plus bas à proximité de la sortie, au niveau du muret de gauche, accompagné d'un chauffeur. Il ne s'était pas inquiété au vu de la présence de ce dernier. Lorsqu'il avait appris que D______ était blessé, il avait immédiatement informé sa responsable de ses observations.

e.b. Entendu par la police, P______ a confirmé sa déclaration écrite. Il était certain que la personne vue en présence de D______ était un chauffeur. Il n'avait en effet reconnu aucun de ses collègues. Il s'agissait d'un homme d'environ 180 cm, dégarni et corpulent.

e.c. Devant le MP, il a confirmé qu'en ramenant une valise à l'extérieur, il avait vu D______ près du muret, avec une personne de dos à côté de lui. Cette personne était un chauffeur grand et dégarni, soit le conducteur du premier bus, celui du second étant à l'intérieur de son véhicule. S'il s'était agi de l'un des 11 autres accompagnants avec lesquels il avait passé tout le week-end, il l'aurait reconnu, même de dos, étant précisé qu'à son souvenir, aucun n'était chauve.

Occupé à aller chercher des bagages, il ne s'était pas étonné sur le moment. En apprenant que D______ s'était blessé, il avait rétrospectivement trouvé la situation étrange et informé la responsable de ce qu'il avait vu.

f.a. Entendu par la police, L______ a expliqué avoir été informé de la prise en charge de D______ par le chauffeur après son retour à l'entrée. Il était allé chercher la valise de ce dernier, avant de devoir à nouveau aider sa collègue. Alors qu'il allait sortir, il avait été informé que D______ était blessé au visage, ce qu'il avait ensuite lui-même constaté. Le chauffeur lui avait dit qu'il s'agissait vraisemblablement d'une griffure.

f.b. Devant le MP, L______ a précisé que c'était la première fois, depuis qu'il avait commencé à travailler pour l'Association cinq ans plus tôt, qu'un chauffeur prenait en charge un participant dont il était responsable sans l'attendre.

A______ avait répété que D______ avait dû se blesser en se griffant. Il se souvenait pourtant que ses ongles étaient trop courts pour cela et qu'ils étaient encore propres. Comme D______ était très pâle, il était allé chercher Q______. Celle-ci avait demandé à A______ de ne pas bouger car elle allait chercher un téléphone. A ce moment, P______ l'avait informée avoir vu quelqu'un de chauve et de corpulent en bas de la pente avec D______, contre le muret.

A______ avait eu des difficultés à monter le fauteuil dans le véhicule. Il lui avait montré où se trouvaient les manettes permettant de manœuvrer. Le chauffeur était parti avant le retour de Q______.

g.a. Entendu par la police, S______, secrétaire général de [l'association] F______, a expliqué que le moniteur référent avait la responsabilité de préparer le participant en vue de son départ et de sa prise en charge par le chauffeur. Celui-ci, une fois sur place, entrait dans la salle et annonçait les personnes qu'il devait prendre en charge auprès du responsable. Il sortait ensuite avec une première personne et les moniteurs amenaient les autres sur le parking, sans toutefois les charger eux-mêmes dans le véhicule.

g.b. Devant le MP, S______, après avoir rappelé que chaque participant était accompagné d'un animateur, a expliqué que la prise en charge par le chauffeur ne suivait pas un protocole précis. Il pouvait arriver qu'il avance avec le participant pendant que le moniteur allait chercher les bagages. Ce dernier vérifiait normalement que le participant était bien monté dans le véhicule et lui disait au revoir.

Le jour des faits, en présence de 12 accompagnants, 12 participants et un responsable, il y avait beaucoup de mouvement. L'animateur qui suivait A______ et D______ avec les bagages était P______.

h. N______ était arrivé à 17h. Il n'y avait pas vraiment de règles. Tout le monde s'entraidait pour déplacer les résidents et leurs bagages. Il pouvait arriver que l'un d'eux reste sur le parking, mais non sans être surveillé et sécurisé sur sa chaise, dont les freins devaient être actionnés.

A______ était à un certain moment venu lui dire que D______ saignait au visage et qu'il avait dû se griffer, ce qu'il avait pu lui-même constater. Son collègue, dont il n'avait pas trouvé le comportement anormal, était allé chercher de l'aide. Lui-même était alors resté auprès de D______. Il n'avait préalablement rien vu ni entendu de particulier.

i. Selon Q______, sur le parking, D______ était choqué, effrayé, ses lèvres étaient bleues et il semblait avoir mal. Il n'était pourtant pas agité ce jour-là. La situation était bizarre et les blessures visibles ne correspondaient pas à une griffure ou une morsure, telles que supposées par les chauffeurs. Personne n'avait cependant été témoin de quoi que ce soit.

Lorsque A______ l'avait informée devoir partir et avait commencé à bouger le fauteuil de D______, elle lui avait demandé d'attendre pour comprendre ce qu'il s'était passé. Il avait néanmoins placé ce dernier dans le bus avec l'aide de l'autre chauffeur. Comme le fauteuil, qu'ils manipulaient à tort comme une chaise manuelle, était bloqué, elle leur avait demandé d'arrêter et de regarder s'il fallait déplacer la rampe. Elle avait consenti à ce que le chauffeur déplace son véhicule, mais lui avait dit de ne pas partir car elle allait chercher un téléphone pour informer le Foyer du problème. En revenant, elle avait toutefois vu le bus quitter les lieux.

A______ était sur la défensive et peu collaborant. Il n'était pas venu vers elle lui annoncer la prise en charge de D______ contrairement à ce qui devait se faire.

Laisser un résident seul sur le parking n'était ni fréquent ni conforme à l'usage de l'Association.

j. T______, coordinatrice de l'Association, absente lors des faits, s’est rendue sur les lieux après avoir été appelée par Q______ en fin d'après-midi.

Sur place, cette dernière lui avait expliqué que D______ était pâle. Selon le chauffeur, il s'était blessé lui-même. Il n'avait pourtant pas de peau sous les ongles. A______ était parti malgré la demande de Q______ d'attendre qu'elle ait informé le Foyer de la situation. Seul P______ avait vu quelque chose, soit D______ et un chauffeur en bas du chemin.

Interrogé sur ce qu'il s'était passé lorsqu'il était revenu à l'Association pour prendre en charge d'autres personnes, A______ avait répondu ne rien savoir. P______ lui avait dit l'avoir vu en bas de la pente et il s'était énervé, s'exclamant : "Est-ce que tu m'as reconnu, et ce que tu m'as vu ? Est-ce que tu as vu mon visage ?".

k. Selon K______, A______, stressé et confus, avait eu de la peine à sortir le fauteuil du véhicule. Il avait mentionné à deux reprises que D______ avait eu peur, sans pouvoir dire de quoi.

l.a. Entendu par la police, A______ a affirmé très bien connaître le fonctionnement du fauteuil de D______. Il était en principe de la responsabilité des animateurs de sortir les personnes à véhiculer, mais il lui arrivait de donner un coup de main à cet effet. Le moniteur responsable de D______ n'était pas resté auprès de ce dernier au moment des faits. Il l'avait croisé dans le hall avec la valise de D______, lequel était resté seul pendant qu'il était allé chercher les deux autres personnes. Avant qu'il ne les installât dans son bus, il avait vu du sang sur le visage de ce dernier. Il était allé chercher un collaborateur de l'Association. Il n'avait pas constaté les dégâts sur le fauteuil et ignorait ce qu'il s'était passé.

Il avait actionné les freins des roues du fauteuil, en laissant le moteur allumé, celui-ci servant aussi à le retenir.

Il devait admettre qu'il correspondait assez bien au signalement donné par P______, contrairement à son collègue, qui mesurait environ 166 cm, avait les cheveux courts et était de corpulence moyenne. Il était toutefois surpris que le témoin ne se soit pas inquiété en voyant D______ au niveau de l'entrée du parking. Il aurait appartenu aux animateurs de l'Association de faire tout de suite appel à une ambulance lorsqu'ils avaient constaté que D______ n'allait pas bien et lui-même n'était pas supposé prendre en charge des personnes blessées, même légèrement.

l.b. Au MP, A______ a confirmé avoir actionné les freins du fauteuil de D______ une fois arrivé au minibus, comme il en avait l'habitude. Un accompagnant se trouvait avec lui et portait le sac du précité. Il ne s'agissait pas de L______. Ce dernier lui avait demandé dans le hall s'il avait des difficultés pour manœuvrer la chaise de D______ car il ne semblait pas à l'aise.

Lorsqu'il était revenu avec la troisième personne, D______ se trouvait seul derrière le bus. Il avait monté et attaché la seconde personne. En redescendant, il avait constaté du sang sur le nez de D______. Il avait sollicité l'aide de son collègue, lequel avait regardé les ongles de ce dernier pour voir s'il avait pu se griffer, puis lui-même était allé chercher de l'aide à l'intérieur.

En arrivant au Foyer, il avait indiqué que D______ avait dû avoir peur car L______ le lui avait dit.

l.c En première instance, A______ a déclaré avoir annoncé aux collaborateurs de l'Association les noms des personnes dont il se chargeait. On lui avait indiqué que D______ était prêt, raison pour laquelle il l'avait emmené en premier. P______ l'avait accompagné jusqu'au minibus pendant qu'il poussait le fauteuil, dont il avait actionné les freins. D______ était resté seul cinq à six minutes, durant lesquelles lui-même était allé chercher un autre pensionnaire.

D______ semblait avoir peur car il tremblait.

Il n'avait pas entendu la responsable lui demander d'attendre et de ne pas partir. Il avait monté D______ dans le véhicule sur demande des collaborateurs de l'Association. Il était parti malgré l'état de ce dernier car il avait d'autres courses à effectuer et devait revenir plus tard.

m.a. Devant le premier juge, A______ a fait valoir des prétentions en indemnisation de ses frais de défense à hauteur de CHF 16'246.76.

m.b. Les parents de D______, ayant porté plainte pour les faits en cause le 2 août 2018, ont pris des conclusions en réparation du tort moral à hauteur de CHF 10'000.- chacun.

m.c. D______ a conclu au versement d'une indemnité en réparation du tort moral de CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% dès le 13 mai 2018, ainsi qu'au remboursement de ses frais d'ambulance et de réparation de son fauteuil à hauteur de CHF 1'432.05 et de CHF 3'643.95, avec les mêmes intérêts.

Il a produit les décomptes de prestations de son assurance des 20 et 25 juillet 2018, dont il ressort que ses frais de transport lors de l'accident n'ont pas été couverts à hauteur du premier montant précité, ainsi que la facture du 25 avril 2019 du second montant précité, concernant le remplacement de l'assise et des tubes du repose-pieds.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. A______ persiste dans ses conclusions, chiffrant celles en indemnisation de ses frais de défense en première et seconde instances à CHF 7'207.20 et CHF 9'460.-.

Le jour des faits, la prise en charge des participants était mal organisée, étant rappelé que le pavillon était bruyant. Personne n'était présent aux côtés de D______. Il avait donc pu ne pas être entendu lorsqu'il avait annoncé le prendre en charge. Il avait en tous les cas été accompagné par P______. Il n'avait ensuite pas laissé D______ seul sur le parking dans la mesure où plusieurs personnes y étaient présentes, en particulier N______, tout au long du chargement des différents participants.

Il avait déclaré de manière constante avoir actionné les freins ainsi que le mode électrique du fauteuil. La position de son véhicule n'était pas critiquable puisqu'elle avait permis une meilleure inclinaison de la rampe. Cela était de toute manière sans influence, dès lors qu'en tout état de cause, D______ était positionné à deux mètres du début de la pente.

En déclarant aux éducatrices du Foyer que D______ avait eu peur, il n'avait fait que répéter ce que L______ lui avait dit. Sa réaction s'expliquait pour le surplus par le fait qu'il venait de s'apercevoir que son client était blessé sans en connaître la cause.

Aucun élément de la procédure ne permettait de déterminer avec certitude le moment de l'accident. N______ n'avait rien vu alors qu'il faisait des allers-retours de quelques minutes. D______ était resté seul pendant un laps de temps très court. Il était impossible qu'il ait dévalé une pente de 15 mètres et que lui-même l'ait récupéré et remonté, sans que son collègue ni aucune autre personne ne le vît. L'accident avait donc pu survenir plus tôt dans la journée.

Les déclarations de P______, ayant varié, en particulier sur le dernier moment où il aurait vu D______ et sur la description de la personne s'étant trouvée avec lui au niveau du muret, n'étaient pas crédibles. S______ avait confirmé que ce témoin se trouvait bien dehors avec lui-même, D______ et des bagages. P______ l'avait donc bien accompagné jusqu'à son véhicule et sa description du chauffeur près de D______ en bas du parking pouvait correspondre à une autre personne. On ne comprenait pas pour quelle raison il avait fait part de ses observations à sa responsable, malgré l'incongruité de la situation prétendument constatée, seulement au moment où il avait appris que D______ était blessé. Il aurait en outre été de son devoir, au titre de responsable, d'aller vérifier l'état de D______ et l'identité de la personne se trouvant avec lui. Il lui incombait en tout état de rester avec ce dernier à l'extérieur jusqu'à ce qu'il fût attaché dans le bus.

Il n'avait pas quitté les lieux de manière abrupte. Il résultait de la procédure que dix à 15 minutes s'étaient écoulées entre le constat que D______ saignait et son départ. Le personnel de l'Association aurait pu le retenir si tel avait été son souhait. Compte tenu du stress et de l'agitation globale, il n'était pas étonnant qu'il n'eût pas entendu Q______ lui demander de rester.

Il subsistait en définitive un doute insurmontable quant au fait qu'il était à l'origine des lésions de D______.

c. Les parties plaignantes concluent au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé.

Il ne ressortait pas du dossier, en particulier des déclarations de P______ et de celles, à la police, de A______, que le premier avait accompagné le second à l'extérieur avec les bagages de D______.

En prenant D______ en charge, A______ avait endossé la responsabilité de sa surveillance, indépendamment de toute annonce faite au personnel de l'Association. Or, il avait admis l'avoir laissé seul cinq à six minutes sur le parking et n'avait ensuite changé de version que pour susciter un doute à ce sujet, en alléguant de manière imprécise que quelqu'un l'avait accompagné. Ses déclarations selon lesquelles il avait enclenché les freins du fauteuil n'étaient pas crédibles non plus. Il ressortait de la procédure qu'il ne semblait pas savoir le manœuvrer. Son attitude peu collaborante et empruntée après les faits tendait à démontrer qu'il avait quelque chose à se reprocher.

Le témoignage de P______, décrivant de manière constante et précise une personne correspondant à A______ s'étant trouvée au niveau du muret aux côtés de D______, était crédible. Il n'avait eu aucune raison d'intervenir à ce moment, avant d’apprendre que ce dernier était blessé.

A______ avait violé les règles de prudence lui incombant en laissant D______ seul sans s'être assuré de l'immobilité du fauteuil sur une pente.

d. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé.

Dans ses première déclarations, A______ n'avait pas affirmé avoir annoncé la prise en charge de D______, manquement qui était confirmé par les témoignages au dossier sur ce point. Or, l'agitation et le nombre de personnes présentes aurait dû l'amener à s'adresser de manière claire et directe au personnel présent. A______ avait en outre admis à la police avoir laissé seul D______ sur le parking durant cinq à six minutes et aucune des autres personnes présentes, y compris N______, occupées à faire des allers-retours entre le parking et le pavillon, ne s'étaient chargées de le surveiller.

Il ne résultait pas de la procédure, en particulier du témoignage de S______, que P______, dont le rôle était de déplacer les bagages, avait accompagné A______ à l'extérieur.

Les freins étaient en parfait état de marche lors des faits. Il n'était pas crédible que A______ les eût actionnés, au vu de l'accident survenu et de la position du minibus, également inadéquate.

Les déclarations de P______, décrivant la présence d'un chauffeur correspondant à A______ auprès de D______ près du muret, étaient constantes et corroborées par les autres témoignages.

D. A______, titulaire d'un permis d'établissement, est né le ______ 1956, en Italie, dont il a la nationalité. Il est divorcé et père de trois enfants majeurs et indépendants. A la retraite, il perçoit un revenu total de CHF 3'700.- aux titres de rente AVS, de deuxième pilier et de prestations complémentaires, sa prime d'assurance maladie étant prise en charge. Il vit seul dans un appartement dont le loyer mensuel s'élève à CHF 1'080.-.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.

E. Me E______, conseil juridique gratuit de D______, conclut au versement d'une indemnité de CHF 2'584.80 pour la procédure d'appel, se prévalant d'une activité de chef d'étude de 12h, soit 3h d'étude du dossier et 9h de rédaction du mémoire de réponse.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 et 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. L'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 145 IV 154 consid. 1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ibidem).

2.2. Aux termes de l'art. 125 al. 1 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 125 al. 1 et 2 CP). Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

La négligence suppose en premier lieu la violation d'un devoir de prudence. Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu et dû, au vu des circonstances, de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte qu'il mettait en danger des biens juridiquement protégés de la victime et qu'il excédait les limites du risque admissible (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 et 135 IV 56 consid. 2.1).

Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 et 134 IV 255 consid. 4.2.3). L'étendue du devoir de diligence doit s'apprécier en fonction de la situation personnelle de l'auteur, c'est-à-dire de ses connaissances et de ses capacités (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 et 122 IV 145 consid. 3b/aa). L'attention et la diligence requises sont d'autant plus élevées que le degré de spécialisation de l'auteur est important (ATF 138 IV 124 consid. 4.4.5). Une violation du devoir de prudence peut être retenue au regard des principes généraux (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 et
134 IV 255 consid. 4.2.3).

En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 et 135 IV 56 consid. 2.1).

Il faut en outre qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3).

2.3.1. En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure les faits suivants, incontestés par l'appelant : il est arrivé environ dix minutes en avance à l'Association, il est entré dans le pavillon, il a pris en charge la partie plaignante sans la présence de son référent, il l'a sortie et déposée à côté de l'arrière de son véhicule, sur la partie plate du parking mais à proximité de la pente, puis l'a laissée seule plusieurs minutes pour aller chercher la troisième personne à transporter, la seconde ayant été dans l'intervalle amenée par O______. Selon ses déclarations constantes, il a utilisé le moteur du fauteuil pour le déplacer, mais cela n'est pas certain dans la mesure où il aurait pu manœuvrer celui-ci en mode manuel et qu'aucun témoin n'a confirmé l'avoir vu utiliser le mode électrique.

L'appelant relativise vainement la durée durant laquelle la partie plaignante a été laissée sans surveillance. Conformément à ce qu'il a confirmé en première instance, cette durée est bien de cinq à six minutes, nécessaires pour aller chercher une personne handicapée dans le pavillon. Pendant ce temps, les autres intervenants, y compris le second chauffeur, étaient occupés à transporter d'autres participants et/ou leurs bagages.

L'appelant soutient de mauvaise foi avoir été accompagné par P______ lorsqu'il a amené la partie plaignante sur le parking. Cette hypothèse n'est confirmée par aucun témoin, et même exclue par le précité, et elle n'a été avancée par l'appelant qu'en première instance. Nonobstant l'importance manifeste de cette circonstance, il n'en a rien dit à la police et a affirmé au MP qu'il avait été accompagné par quelqu'un autre que L______, sans nommer P______. Il n'avait pourtant pas pu oublier l'identité de ce dernier, principal témoin à charge depuis le début de la procédure, qui l'a mis en cause avant même l'ouverture de cette dernière, en particulier lorsqu'il est revenu le jour même à l'Association pour prendre en charge d'autres personnes. Le témoignage de S______ est sans portée à ce sujet. Il n'était pas présent à ce moment et on ne comprend pas à quoi exactement il a fait référence en affirmant devant le MP que P______ avait suivi l'appelant avec les bagages, alors qu'il ressort de la procédure que ceux-ci ont été amenés ultérieurement par L______.

2.3.2. Au vu de cette configuration, l'accident de la partie plaignante ne peut s'expliquer que par le fait que l'appelant l'a laissée à côté du véhicule, sans actionner les freins du fauteuil et après en avoir coupé le moteur, pour autant qu'il l'eût utilisé. On ne voit pas pour quel autre motif ledit fauteuil aurait descendu la pente du parking pour finir sa course contre l'un des murets en contrebas.

L'hypothèse qu'un tiers soit intervenu, par négligence ou malveillance peu compréhensible, en desserrant les freins et en causant ladite descente, outre qu'elle n’est corroborée par aucun élément de la procédure, apparaît invraisemblable.

L'appelant émet en seconde instance une autre hypothèse tout aussi improbable et contraire au dossier, soit que l'accident fût survenu plus tôt. Il résulte sans doute possible de la procédure que la partie plaignante ne présentait aucune blessure ni signe de mal-être avant sa prise en charge par l'appelant, et que son état s'est rapidement dégradé à partir du moment où ses blessures ont été constatées.

Contrairement à ce qu'argue l'appelant, il a été vu par une personne en bas de la pente, soit P______, et les va-et-vient constants des intervenants présents expliquent la raison pour laquelle personne d'autre n'a été témoin, même partiellement, de ce qu'il s'est passé. On ne peut pas non plus exclure que N______, dont le témoignage apparaît particulièrement modéré, n'ait pas tout dit, de sorte à ne pas accabler un collègue. Il est pour le surplus parfaitement établi par les éléments de la procédure, à tel point manifestes qu'il n'y a pas été fait expressément référence supra dans la partie EN FAIT, que les lésions de la partie plaignante ont été causées par le heurt de l'un des deux murets (cf. en particulier le rapport de police du 2 octobre 2018,
PP B-8 et ss). Il est également rappelé que la partie plaignante elle-même n'avait pas accès aux commandes du fauteuil et que son handicap l'empêchait de le manœuvrer.

2.3.3. Le manquement de l'appelant est pour le surplus corroboré par les éléments suivants.

Quoi qu’en dise l’appelant, P______ a affirmé de manière constante, dans son témoignage écrit ainsi qu'à l'occasion de son audition par la police puis le MP, qu'il avait vu une personne ne pouvant correspondre qu'au chauffeur avec la partie plaignante au niveau du muret. Contrairement à ce qu'objecte l'appelant, le fait que P______ ne soit pas tout de suite intervenu et qu'il n'ait rapporté ses observations à sa responsable qu'après avoir appris les blessures de la partie plaignante, n'a rien de suspicieux. Le témoin n'était pas un responsable et se trouvait de ce fait au même niveau qu'un chauffeur mandaté par l'Association. Il ne pouvait pas partir du principe que la présence de l'appelant et de la partie plaignante en bas du parking était problématique et requerrait son intervention immédiate, étant rappelé qu'il était occupé à ce moment par d'autres obligations.

L'appelant était manifestement pressé le jour des faits, ce qui a augmenté les chances que survienne un manquement de sa part. Arrivé en avance, il a immédiatement pris en charge la partie plaignante sans attendre son référent, ce qui était inhabituel, en sachant pourtant qu'il ne pourrait pas la monter tout de suite dans le minibus. Il l'a laissée seule sur le parking pour aller chercher la troisième personne à véhiculer, ce qui n'était pas non plus conforme aux usages selon les différents témoignages à ce sujet. Après avoir hissé la partie plaignante dans le minibus, il a quitté les lieux rapidement, nonobstant une situation encore confuse.

Il a été constaté à plusieurs reprises qu'il manipulait avec difficulté le fauteuil. Il a lui-même déclaré au MP que L______ avait relevé son manque d'aisance à cet égard dans le pavillon. Il a ensuite eu des difficultés à monter la partie plaignante dans le véhicule, le témoin précité ayant dû de nouveau intervenir pour lui montrer comment utiliser les manettes, ainsi qu'à la descendre à son arrivée au Foyer.

L'appelant s'est montré très nerveux et confus dès l'apparition des blessures. Il a constamment affirmé que la partie plaignante s'était griffée tout en disant n'avoir rien vu. Il l'a montée dans le véhicule le plus rapidement possible alors que la situation n'était pas éclaircie et est parti sans attendre le retour de Q______, faisant fi de la requête de cette dernière. Il persiste vainement à objecter qu'il ne l'aurait pas entendue. Il résulte en effet de la procédure, en particulier du témoignage de L______, qu'elle s'est directement adressée à lui et qu'elle souhaitait même à l'origine qu'il ne monte pas la partie plaignante dans le véhicule avant qu'elle ne pût contacter le Foyer. Y parvenu, il était encore plus nerveux et a répété, pour justifier l'état de la partie plaignante, qu'elle avait eu peur, tout en invoquant ignorer ce qui lui était arrivé. Selon le témoignage de T______, il s'est montré énervé lorsqu'il a été interrogé par le personnel de l'Association à son retour sur les lieux plus tard dans la soirée.

2.3.4. Au vu de ce qui précède, il est établi à satisfaction de droit que l'appelant, pressé et peu à l'aise avec le fonctionnement du fauteuil, l'a poussé jusqu'à son véhicule, qu'il en a coupé le moteur, pour autant qu'il l'ait préalablement activé, sans en actionner les freins, puis qu'il a quitté le parking pendant cinq à six minutes pour aller chercher un autre participant.

2.4. En agissant de la sorte, l'appelant a commis une imprévoyance coupable. La partie plaignante était particulièrement vulnérable au vu de son handicap et nécessitait une surveillance permanente notamment pour parer à un risque d'automutilation. La pente du parking représentait un danger évident pour toute personne avec son handicap, incapable de contrôler le fauteuil s'il se mettait en mouvement. L'appelant, spécialisé dans le transport des personnes à mobilité réduite, a été mandaté à ce titre pour véhiculer la partie plaignante. Il était dès lors réputé avoir les compétences pour la prendre en charge de manière adéquate, en particulier savoir comment sécuriser son fauteuil hors et dans son véhicule. En sa qualité de chauffeur professionnel, il a ainsi fautivement laissé la partie plaignante sur le parking de l'Association sans surveillance et sans actionner les freins de son fauteuil.

L'imprévoyance de l'appelant est en lien de causalité, naturelle et adéquate, avec la survenance de l'accident à l'origine des lésions constatées, qui ne se serait pas produit s'il avait surveillé la partie plaignante et/ou sécurisé son fauteuil.

Il est sans importance de savoir si l'appelant a annoncé clairement son arrivée et la prise en charge de la partie plaignante au sein du Foyer. Il a pris seul la décision de sortir avec cette dernière, en l'absence du référent ou d'un autre accompagnateur. Il savait d'emblée qu'il ne la monterait pas immédiatement dans le véhicule. Il lui incombait en conséquence dès ce moment de prendre toutes les précautions nécessaires.

Il n'est pas non plus utile de débattre de la position exacte à laquelle il a laissé le fauteuil sur le parking. Il était en tout état suffisamment proche de la pente pour descendre celle-ci sans être poussé, que ce soit par une impulsion donnée par la partie plaignante ou la configuration du terrain à cet endroit.

Au vu de ce qui précède, la culpabilité de l'appelant pour lésions corporelles par négligence sera confirmée, étant rappelé qu'une plainte pénale a été déposée en temps utile.

3. La peine privative de liberté de sept mois prononcée par le premier juge, non critiquée en tant que telle, est conforme au droit pour les motifs qui suivent.

La faute de l'appelant est lourde (art. 47 CP). Il a commis un grave manquement aux règles de prudence élémentaires lui incombant au titre de chauffeur professionnel en laissant la partie plaignante sans surveillance et sans sécuriser son fauteuil sur un parking, aux abords d'une route pentue. Son empressement ne répondait à aucune nécessité et ne visait qu'à terminer sa mission plus rapidement. Sa négligence a eu de sérieuses conséquences pour la partie plaignante, lui causant notamment une fracture du fémur droit. Surtout, l'appelant a caché la nature de l'accident, ce qui a amplement contribué à en dissimuler les conséquences et prolongé les souffrances de la partie plaignante, incapable de s'exprimer. La gravité des lésions subies a été constatée seulement durant la nuit, de sorte qu'elle n'a pu bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée que plus de neuf heures plus tard. Elle a ensuite dû subir une opération et une première hospitalisation de 15 jours, dont six aux soins intensifs, émaillée de complications. L'opération a eu pour conséquence des troubles de la déglutition, dont il souffre encore aujourd'hui et ayant nécessité une seconde hospitalisation de six jours.

L'appelant n'a en définitive apporté des informations utiles que dans une mesure restreinte. Il a constamment cherché à occulter sa faute et la reporter sur les animateurs de l'Association, en particulier sur P______, tirant profit au maximum de la situation lors du départ de la partie plaignante, marquée d'une certaine confusion résultant du nombre d'intervenants et d'allers et retours constants entre le parking et le pavillon. Sa collaboration s'avère donc plutôt mauvaise et la prise de conscience de sa faute nulle.

La gravité de la faute exclut le prononcé d'une peine pécuniaire (art. 34 al. 1 CP).

L'octroi du sursis est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP) et la fixation du délai d'épreuve à trois ans, non critiquable au vu de l'absence de prise de conscience de la faute (art. 44 al. 1 CP), est également conforme au droit.

Au vu de ce qui précède, la peine prononcée par le premier juge sera confirmée.

4. 4.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). Le tribunal saisi de la cause pénale statue sur les conclusions civiles lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).

Conformément à l'art. 49 de la loi fédérale complétant le code civil suisse (CO, code des obligations), celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. L'ampleur de cette réparation dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 143 IV 339 consid. 3.1).

4.2. En l'espèce, la partie plaignante est fondée à obtenir la réparation du dommage matériel résultant de l'accident dont la responsabilité est pénalement imputable à l'appelant. Les montants arrêtés par le premier juge, de CHF 1'432.05 et de CHF 3'643.95, concernant le coût de la réparation du fauteuil et du transport non pris en charge par l'assurance, dûment chiffrés et étayés, seront confirmés. Il en ira de même des intérêts compensatoires, faisant partie du dommage (ATF 131 III 12 consid. 9.1).

Le montant de CHF 15'000.- fixé pour la réparation du tort moral sera aussi confirmé. Il prend dûment en compte les souffrances de la partie plaignante, d'autant plus forte qu'elle était dans l'incapacité de les exprimer verbalement, engendrées par plus de neuf heures d'attente inutile jusqu'à sa prise en charge médicale complète – en grande partie à cause du silence de l'appelant – alors qu'elle souffrait d'une fracture du fémur, par l'opération subie deux jours plus tard, par ses deux hospitalisation totalisant 21 jours dont six aux soins intensifs avec complications, et par les troubles de la déglutition en ayant résulté sur le long terme, dont elle subit les conséquences encore aujourd'hui.

5. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), lesquels comprendront un émolument de décision de CHF 1'700.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

Sa culpabilité étant entièrement acquise, la mise à sa charge des frais de première instance sera confirmée (art. 426 al. 1 CPP).

6. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me E______, conseil juridique gratuit de D______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Sa rémunération sera dès lors arrêtée au montant de CHF 2'584.80 auquel elle conclut, correspondant à une activité de 12h par la cheffe d'étude, TVA comprise.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1239/2022 rendu le 7 octobre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/11230/2018.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'915.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'700.-.

Arrête à CHF 2'584.80, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me E______, conseil juridique gratuit de D______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP) et de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR cum art. 27 al. 1 LCR et art. 4a al. 1 OCR).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 7 mois (art. 40 et 125 al. 1 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP et 90 al. 2 LCR).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 90.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant les délais d'épreuve, les sursis pourraient être révoqués et les peines suspendues exécutées, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 540.- (art. 42 al. 4 CP et art. 90 al. 2 LCR).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 6 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ à payer à D______ CHF 1'432.05, avec intérêts à 5% dès le 20 août 2018, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne A______ à payer à D______ CHF 3'643.95, avec intérêts à 5% dès le 20 mai 2019, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne A______ à payer à D______ CHF 15'000.-, avec intérêts à 5% dès le 13 mai 2018, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).

Déboute B______ et C______ de leurs conclusions civiles.

Ordonne la confiscation et la destruction de l'enveloppe figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______ (art. 69 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'778.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 7'560.55 l'indemnité de procédure due à Me E______, conseil juridique gratuit de D______ (art. 138 CPP).

[ ]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 1'000.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 1'000.-. ".

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'au Service cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'778.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'700.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'915.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'693.00