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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21936/2019

AARP/26/2023 du 17.01.2023 sur JTDP/1093/2022 ( PENAL ) , RECEVABLE

Descripteurs : AUTORITÉ;PARTIE CIVILE
Normes : CPP.104; LPGA.79.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21936/2019 AARP/26/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt préparatoire du 17 janvier 2023

 

Entre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, partie plaignante,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1093/2022 rendu le 7 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié ______ [TI], comparant par Me François CANONICA, avocat, CANONICA & ASSOCIÉS, rue François-Bellot 2, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES (ci-après : SPC) appelle du jugement du 7 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a classé la procédure s'agissant des faits antérieurs au 7 septembre 2015 (art. 329 al. 5 CPP et 97 al. 1 let. d CP) et acquitté A______ d'obtention frauduleuse de prestations sociales (art. 31 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [LPC]) et d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a CP).

Le SPC entreprend intégralement ce jugement, concluant à son annulation et à ce que A______ soit reconnu coupable d'obtention frauduleuse de prestations sociales (art. 31 al. 1 let. d LPC) et d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a CP).

b. A______ a conclu à l’irrecevabilité de l’appel et formulé une demande motivée de non-entrée en matière. Ses arguments seront repris, en tant que de besoin, dans les développements en droit.

c. Le MP et le SPC concluent au rejet de la demande de non-entrée en matière et, partant, à la recevabilité de l’appel.

d. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions et concluant, à titre subsidiaire, à ce que l’appel soit en tout état déclaré irrecevable s’agissant de l’infraction à l’art. 31 LPC.

B. Les faits pertinents à la décision sur la recevabilité de l’appel sont les suivants.

a. Le 25 octobre 2019, le SPC a déposé plainte à l'encontre de A______, l’accusant d’avoir bénéficié de prestations sociales indues entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2019. Il a confirmé cette plainte en audience au MP, par la bouche de son représentant B______.

b. Par décision du 17 juin 2019, le SPC a enjoint A______ de restituer les prestations allouées pour un montant total de CHF 320'558.30. A______ y a fait opposition.

c. L’acte d’accusation du 26 mai 2021 mentionne le SPC comme partie plaignante et fait état de ses conclusions civiles, qui correspondent à la teneur de la décision du 17 juin 2019.

d. Le SPC a participé aux débats de première instance qui se sont tenus le 7 juillet 2022 devant le TP.

EN DROIT :

1. Conformément à l'art. 403 CPP, une décision écrite sur la recevabilité de l'appel doit être rendue lorsque la direction de la procédure ou une partie invoque l'un des moyens prévus par l'art. 403 al. 1 let. a à c du Code de procédure pénale (CPP).

2. 2.1. Conformément à l’art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. La partie plaignante a qualité pour recourir sur la question de la culpabilité pour autant qu'elle revête la qualité de lésé au sens de l'art. 115 CPP et qu'elle se soit constituée partie plaignante selon l'art. 118 CPP (ATF 139 IV 78 consid. 3.3 et suivants). La voie de l'appel est ainsi ouverte à la partie plaignante indépendamment du sort des conclusions civiles.

2.2. Pour que la qualité de lésé soit reconnue à l'État, il ne suffit pas que celui-ci soit touché par l'infraction en cause dans des intérêts publics qu'il a pour mission de défendre ou de promouvoir ("für welche er zuständig ist") ; il doit être atteint directement dans ses droits personnels comme un privé. Lorsque l'organe étatique agit en tant que détenteur de la puissance publique, il défend des intérêts publics et ne peut pas être simultanément touché directement dans des intérêts individuels qui lui sont propres ; dans ce cas, la sauvegarde des intérêts publics, dont il est le garant, incombe au ministère public (arrêts du Tribunal fédéral 1B_669/2021 du 8 mars 2022 consid. 3.1 ; 1B_576/2018 du 26 juillet 2019 consid. 2.4). En application de ces principes, la qualité de lésé a notamment été niée à une commune agissant en remboursement des prestations d'aide sociale qui auraient été obtenues illégalement par le prévenu, lesquelles relevaient du droit public et la commune ayant agi dans ses prérogatives officielles comme détentrice de la puissance publique (arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2021 susmentionné) ou encore à une caisse publique d'assurance chômage (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2019 du 14 mai 2020) en relation avec l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a CP).

2.3. Selon l'art. 104 al. 2 CPP, la Confédération et les cantons peuvent reconnaître la qualité de partie, avec tous les droits ou des droits limités, à d'autres autorités chargées de sauvegarder des intérêts publics.

La notion d'autorité selon l'art. 104 al. 2 CPP doit, en principe, être comprise dans un sens restrictif. Il n'est pas déterminant de savoir si l'entité est organisée selon le droit public ou le droit privé. Bien plutôt, il est décisif qu'il lui ait été confié l'accomplissement d'une tâche de droit public incombant à la collectivité, qu'à cette occasion elle bénéficie de compétences souveraines, que la gestion et la comptabilité pour ses tâches publiques soient placées sous la surveillance de l'État, que, partant, l'entité soit suffisamment liée à la collectivité et que son activité relevant du droit public soit financée par l'État (ATF 144 IV 240 consid. 2.5 p. 252 s.).

Aux termes de l'art. 79 al. 3 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), en cas de procédure pénale pour violation de l'art. 148a CP ou de l'art. 87 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants, l'assureur peut exercer les droits d'une partie plaignante. Entrée en vigueur le 1er octobre 2019, en même temps que le nouvel art. 43a LPGA relatif à l'observation des assurés (RO 2019 2829), cette disposition fait suite à une proposition de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du conseil des États au cours des débats parlementaires, visant à garantir une certaine uniformité entre les différentes pratiques cantonales quant à la qualité de partie à la procédure pénale des assureurs sociaux, notamment des offices AI (BO CE 2017 p. 1013).

2.4. En l'espèce, l’appelant est un service étatique, chargé d'appliquer la LPC et d'allouer des prestations fondées sur cette loi (cf. art. 21 LPC et 37 de la loi genevoise sur les prestations complémentaires cantonales [LPCC]). En ce sens, il agit en tant que détenteur de la puissance publique et ne revêt en principe pas la qualité de lésé, et donc de partie plaignante, s'agissant des infractions objets de la présente procédure (art. 148a CP et 31 al. 1 let. d LPC), qui ne le touchent pas dans ses droits personnels, au même titre qu'un privé. Sous cet angle, l’appel devrait en principe être déclaré irrecevable.

Cela étant, il faut admettre que l'art. 79 al. 3 LPGA constitue désormais une base légale suffisante pour reconnaître aux assureurs sociaux la qualité de partie sui generis selon l'art. 104 al. 2 CPP dans les procédures portant notamment sur l'art. 148a CP, ce qui est le cas en l'occurrence. Si cette disposition n'est pas dénuée de toute ambigüité, notamment en ce qu'elle se limite à deux infractions déterminées et semble négliger celles, généralement subsidiaires à l'art. 148a CP, qui sont prévues dans d'autres lois spéciales - comme en l'occurrence l'art. 31 al. 1 let. d LPC -, elle a précisément été adoptée afin de permettre aux assureurs sociaux de participer activement aux procédures pénales menées dans leurs domaines de compétences, avec les droits d'une partie plaignante. Tel est le cas en l'espèce pour le SPC. La loi ne limite pas l'étendue des droits octroyés aux assureurs, qui doivent donc également pouvoir exercer un appel (cf. N. SCHMID / D. JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3ème éd., Zurich 2017, N 1457 p. 653 s.).

Il s'ensuit que le SPC dispose de la qualité pour appeler du jugement entrepris, y-compris en ce qui concerne une infraction à la LPC.

3. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec le fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare recevable l'appel formé par le SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES contre le jugement JTDP/1093/2022 rendu le 7 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/21936/2019.

Réserve la suite de la procédure.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.