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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11500/2019

AARP/386/2022 du 20.12.2022 sur JTDP/1126/2022 ( PENAL ) , RECEVABLE

Descripteurs : APPEL(CPP);CONDITION DE RECEVABILITÉ
Normes : CP.55A; CPP.399.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11500/2019 AARP/386/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt préparatoire du 20 décembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD],

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1126/2022 rendu le 15 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Le 16 septembre 2022, A______, agissant en personne, a annoncé un appel à l’encontre du jugement du 15 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l’a reconnu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 4 du code pénal [CP]) et de voies de fait (art. 126 al. 1 et 2 let. b CP) et l’a acquitté de contrainte (art. 181 CP), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l’unité avec sursis pendant trois ans ainsi qu’à une amende de CHF 200.-.

Le jugement motivé a été notifié à l’appelant le 11 octobre 2022.

b. Le 19 septembre 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a reçu un courrier de l’épouse de A______, sollicitant la suspension de la procédure, au motif que « le jugement rendu le 15 septembre 2022 a[vait] ravivé les tensions au sein de notre couple alors que tout se passait pour le mieux depuis 2021 ». L’original de ce courrier a été transmis au TP par la CPAR, qui n’en a gardé qu’une copie. Il ne figure pas au dossier transmis par le TP avec le jugement motivé.

Par courrier daté du 28 octobre 2022, mais expédié le 29 septembre 2022 et adressé à la CPAR, A______ a contesté le jugement et conclu à son acquittement. L’original de ce courrier a été transmis au TP par la CPAR, qui n’en a gardé qu’une copie. Il ne figure pas au dossier transmis par le TP avec le jugement motivé.

c. Le 9 novembre 2022, la CPAR a interpellé A______ sur l’apparente irrecevabilité de son appel, faute d’avoir reçu une déclaration d’appel en temps utile. Celui-ci a contesté l’irrecevabilité par courrier (non signé) reçu le 18 novembre 2022, se référant aux courrier et déclaration d’appel reçus les 19 et 30 septembre 2022.

d. Le 21 novembre 2022, la CPAR a reçu un courrier non daté de A______, dans lequel il motive son appel.

B. La CPAR a transmis ces documents au MP en attirant son attention sur l’arrêt 6B_1217/2013 du Tribunal fédéral et en l’invitant à se déterminer sur l’application de l’art. 55a CP.

Le MP conclut à l’irrecevabilité de l’appel ; subsidiairement, il conclut à son rejet et ne s’oppose pas à la suspension de la procédure en application de l’art. 55a CP, en particulier au vu des allégations de l’appelant et de son épouse selon lesquelles ils auraient eu un nouvel enfant.


 

EN DROIT :

1. 1.1. Conformément à l'art. 403 CPP, une décision écrite sur la recevabilité de l'appel doit être rendue lorsque la direction de la procédure ou une partie invoque l'un des moyens prévus par l'art. 403 al. 1 let. a à c CPP.

1.2. Aux termes de l'art. 399 al. 1 CPP, la partie annonce l'appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement.

Lorsque le jugement motivé est rédigé, le tribunal de première instance transmet l'annonce et le dossier à la juridiction d'appel (art. 399 al. 2 CPP).

La partie qui annonce l'appel adresse une déclaration d'appel écrite à la juridiction d'appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP), en indiquant si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties (let. a), les modifications du jugement de première instance qu'elle demande (let. b) et ses réquisitions de preuves (let c).

1.3. Lorsque l'annonce d'appel n'a pas été suivie d'une déclaration d'appel l'appel est irrecevable, même si l'on parvient à deviner, à la lecture de l'annonce d'appel, quelles auraient pu être les modifications du jugement demandées dans la déclaration d'appel, celle-ci eût-elle été déposée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_458/2013 du 4 novembre 2013 consid. 1.4 ; AARP/249/2016 du 23 juin 2016).

1.4. L’autorité judiciaire a un devoir de vigilance, qui découle directement de l'art. 3 CPP et stipule entre autres que le juge est tenu, en tout cas dans le cas d'une partie au procès qui ne connaît pas le droit et qui n'est pas représentée par un avocat, de l'informer d'office d'une erreur de procédure si la partie en commet une et si l'erreur est découverte à temps et peut encore être réparée dans le délai imparti (ATF 124 II 265 p. 270 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1217/2013 du 18 février 2014).

1.4. En l’espèce, le courrier de l’appelant, agissant en personne, daté du 28 octobre 2022 (sic !) mais en réalité adressé à la CAPR avant même la notification du jugement motivé, constituait manifestement une déclaration d’appel anticipée, en principe irrecevable. Le devoir de vigilance de l’autorité aurait alors commandé d’attirer l’attention de l’appelant sur ce vice de procédure, ce qui n’a pas été fait. Même si, à ce moment-là, aucun dossier du TP ne lui était encore parvenu, la CPAR aurait ainsi été tenue de s'y intéresser de plus près. La transmettre simplement au TP n’était pas adéquat. Une brève vérification aurait permis de constater que l’appelant n'avait pas respecté la prescription légale et la CPAR aurait dû attirer l'attention du requérant sur cette erreur, qui pouvait encore être réparée sans conséquences (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1217/2013 susmentionné, consid. 2 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 2 ad art. 399).

1.5. Certes, le jugement motivé du TP, qui lui a été notifié le 11 octobre 2022, a encore une fois expressément attiré l'attention de l’appelant sur les modalités de la déclaration d'appel. Le fait qu'il n'y ait pas réagi et qu'il se soit fié sans autre à sa déclaration antérieure, qui n’avait suscité aucune réaction de la CPAR, est compréhensible de la part d’un plaideur en personne, peu versé dans les questions juridiques. L’appelant ne doit pas subir de conséquence de l’absence de réaction de la CPAR à la réception de sa déclaration d’appel anticipée.

Il sera dès lors entré en matière sur son appel, sans qu’il soit nécessaire d’impartir un nouveau délai à l’appelant, dont les différents courriers permettent de comprendre qu’il conteste le jugement entrepris dans son intégralité.

2. 2.1. A teneur de l’art. 55a CP, en cas de lésions corporelles simples (art. 123, ch. 2, al. 3 à 5 CP) ou de voies de fait réitérées (art. 126, al. 2, let. b, bbis et c CP), le tribunal peut suspendre la procédure si la victime est le conjoint ou ex-conjoint de l’auteur et que l’atteinte a été commise durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce, si la victime le requiert, et si la suspension semble pouvoir stabiliser ou améliorer la situation de la victime. Le Tribunal peut obliger le prévenu à suivre un programme de prévention de la violence pendant la suspension de la procédure. Il communique les mesures prises au service cantonal chargé des problèmes de violence domestique.

2.2. En l’espèce, l’épouse du prévenu avait sollicité une première la suspension de la procédure en 2020, puis sa reprise. Elle sollicite à nouveau cette suspension en se prévalant du fait que la condamnation de son époux par le premier juge a péjoré la situation du couple, sans expliciter en quoi consiste cette aggravation. Un tel argument apparaît étranger aux motifs de l’art. 55a CP, qui n’a pas pour vocation de permettre au conjoint condamné d’échapper à sa condamnation en s’en prenant à sa victime.

Il n’y a dès lors pas lieu, à ce stade de la procédure, d’ordonner la suspension de la procédure d’appel.

Afin de clarifier la situation du couple, une audience sera convoquée pour permettre leur audition et déterminer s’il y a lieu de faire droit ou non à la demande de suspension.

3. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec le fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare recevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1126/2022 rendu le 15 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/11500/2019.

Refuse de suspendre la procédure d’appel (art. 55a CP).

Réserve la suite de la procédure.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à B______.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.