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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19727/2021

AARP/379/2022 du 16.12.2022 sur OPMP/1278/2022 ( REV )

Descripteurs : DÉLAI DE RECOURS;RÉVISION(DÉCISION);ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE
Normes : CPP.410.al1.letA; CPP.412.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19727/2021 AARP/379/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 décembre 2022

 

Entre

A______, comparant par Me Antoine BOESCH, avocat, PONCET TURETTINI, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4,

demandeur en revision,

 

contre l'ordonnance pénale OPMP/1278/2022 rendue le 15 février 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeur en revision.


EN FAIT :

A. a. Par demande reçue par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) le 1er juin 2022, A______ sollicite la révision partielle de l'ordonnance pénale (OPMP/1278/2022) rendue dans le cadre de la procédure P/19727/2021 le 15 février 2022, le déclarant coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP]), d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI, le condamnant à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 100.- l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, frais à sa charge.

Cette ordonnance pénale, non frappée d'opposition, est entrée en force

b. A______ conclut à la révision de dite ordonnance pénale en ce qu'elle l'a condamné pour faux dans les titres et tentative d'infraction à l'art. 118 LEI, sollicitant son acquittement pour ces chefs d'accusation, avec suite de frais et dépens.

B. a. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Selon l'ordonnance pénale, il était reproché à A______ d'avoir, à Genève, dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 22 juin 2018 auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations de Genève (OCPM), donné de fausses informations à cette autorité, en particulier en produisant de fausses fiches de salaire au nom de la société B______ Sàrl, afin d'induire en erreur l'OCPM dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation pour lui-même, étant précisé qu'aucune autorisation ne lui a finalement été délivrée.

Il lui était aussi reproché, faits pour lesquels il a été condamné et qui ne sont pas remis en cause, d'avoir, depuis une date indéterminée durant l'année 2016 et (sic) le 15 février 2022, date de son interpellation, à réitérées reprises, pénétré, séjourné et travaillé sur le territoire suisse, en particulier à Genève, alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires.

a.b. L'OCPM a dénoncé les faits le 11 octobre 2021 au Ministère public (MP), exposant ses doutes sur l'authenticité des documents produits par A______ dans le cadre de sa demande de régularisation, notamment s'agissant des fiches de salaire établies au nom de B______ Sàrl.

a.c. Devant la police, A______ a affirmé que tous les documents produits étaient "en règle". Il les avait remis à un certain C______ [petit nom] (ndr : C______), auquel il avait payé la somme de CHF 1'500.- pour qu'il l'assiste dans le dépôt de sa demande "Papyrus". Il n'avait pas d'explication au fait que les fiches de salaire pour 2006 contenaient notamment un taux de cotisation erroné et une anomalie dans l'adresse de l'employeur, ou encore que celle concernant septembre était datée du 31 (sic) septembre 2006. Il avait bien reçu ces fiches de salaire en 2006. Il admettait cependant avoir demandé certaines fiches de salaire de manière rétroactive, en particulier les documents datant de 2008 à "aujourd'hui".

b. Le dossier du MP contient notamment :

-     deux extraits de compte individuel de la Caisse cantonale genevoise de compensation mentionnant au nom de A______ des salaires soumis à cotisation de 2006 (pour un revenu de CHF 31'601.- versé par B______ Sàrl) à 2015 puis en 2019 et 2020 ;

-     des fiches de salaire pour 2006 (juin, août, du 31 (sic) septembre et un mois non précisé, pour un total de CHF 10'421.44), 2007 (avril, juillet et septembre), 2008 (novembre et décembre), 2009 (janvier à juin ainsi que décembre), ainsi que des duplicata de fiches de salaire pour 2013 (avril à juin), 2014 (janvier, avril, octobre et novembre).

c. La police a remarqué un certain nombre d'anomalies dans le dossier transmis par l'OCPM et relevé que, dans le passé, A______ avait déclaré être arrivé en Suisse en 2005, alors qu'il avait indiqué dans sa demande "Papyrus" être retourné au Kosovo entre 2002 et 2006, que lors d'une audition police du 22 novembre 2008 pour des faits de vol, il avait indiqué être arrivé en avril 2001 puis reparti au Kosovo et revenu en mars 2003, qu'il avait de fait été renvoyé au Kosovo en 2002 suite à un rejet de sa demande d'asile, qu'il avait fait l'objet en France d'une obligation de quitter le territoire en 2016, avec un renvoi exécuté le 15 septembre 2016, enfin que son relevé individuel à l'Office cantonal des assurances sociales (OCAS) ne mentionnait aucune cotisation sociale entre les années 2016 et 2018.

C. a. Dans sa demande en révision et à l'appui d'une réplique, A______ expose avoir vécu et travaillé à Genève depuis 2001. Le MP l'avait condamné sur la seule base de la rétroactivité des relevés de salaire produits, sans vérifier auprès de l'employeur si ces relevés étaient authentiques et sans faire de vérifications s'agissant des cotisations sociales payées.

Il n'avait consulté un avocat qu'une fois le délai d'opposition échu.

Son conseil avait désormais interpellé l'ancien employeur ainsi que la Caisse de compensation D______ [ci-après : la D______], laquelle lui avait répondu le 13 mai 2022. L'attestation de la D______ constituait un propter nova au sens de l'art. 410 al. 1 let. a du Code de procédure pénale (CPP). Le fait que les fiches de salaire avaient été établies par la D______ n'était et n'avait pu être connu ni du MP ni de A______, lequel ne pouvait que s'attendre à ce que les fiches de salaire fussent établies par l'employeur. Il eût en revanche été simple et rapide pour le MP d'instruire la question. A______ devait dès lors être acquitté des infractions visées dans sa demande de révision.

À l'appui de la demande sont joints :

-     un extrait de compte individuel de l'OCAS, à teneur duquel les salaires soumis à cotisation ont été déclarés au nom de A______ pour les années 2006 à 2015 puis pour 2019 et 2020, confirmant le contenu des deux relevés figurant dans le dossier du MP ;

-     la copie d'un contrat de travail du 8 mars 2019 ;

-     un courrier de la D______ du 13 mai 2022, confirmant que les fiches de salaire des années 2007 – 2008 de A______, annexées en copie, étaient bien des duplicata des feuilles de paie originales, établies par la D______ selon les informations transmises par l'employeur, B______ Sàrl.

b. Le MP s'en rapporte sur la recevabilité de la demande et relève au fond que les fiches de salaire produites, dont certaines figuraient déjà au dossier, étaient connues de A______ lors de la procédure puisqu'elles lui avaient été remises par son employeur à l'époque. Il n'avait pas formé opposition à l'ordonnance pénale, de sorte que sa demande en révision devait être qualifiée d'abusive. La D______ ne s'était en tout état pas prononcée sur les fiches de salaire de 2006, dès lors non couvertes par la demande de révision, ce qui venait confirmer la condamnation prononcée.

EN DROIT :

1. 1.1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du CPP cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]).

1.1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

1.1.3. La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).

1.1.4. Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition. Une révision peut cependant entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque. L'abus de droit ne sera admis qu'avec retenue. Il s'agit, dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199).

1.1.5. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).

La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP, en principe réservée à des vices de nature formelle, est toutefois également applicable lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables ou mal fondés (arrêts du Tribunal fédéral 6B_793/2014 du 20 janvier 2015 consid. 2.1.3 et 6B_36/2014 du 6 mai 2014 consid. 2.1). Le CPP ne précise pas si, dans ce cas, il convient de consulter préalablement les parties ; une prise de position de leur part n'apparaît pas nécessaire, mais peut être souhaitable dans les cas douteux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_415/2012 du 14 décembre 2012 consid. 1.1).

1.2. En l'espèce, la demande en révision apparaît d'emblée mal fondée.

Le demandeur se prévaut de nouveaux moyens de preuve, soit de fiches de salaire de 2007 et 2008 et d'un courrier de la D______ concernant ces fiches de salaire, ainsi que d'un extrait de compte individuel de l'OCAS. Or, il s'avère que le MP était déjà en possession, sinon des fiches de salaire, du moins de deux exemplaires du relevé de compte individuel contenant les données mises en avant dans la demande en révision, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un moyen de preuve nouveau.

Au fond, le demandeur reproche d'ailleurs au MP de n'avoir pas entendu l'employeur qui avait la responsabilité d'établir les fiches de salaire alléguées de fausses et de n'avoir pas interpellé la D______. Il s'agit en réalité de critiques qu'il eût dû faire valoir dans le cadre de la procédure d'opposition à l'ordonnance pénale, laquelle n'a pas été utilisée, ce que la procédure de révision n'a pas finalité à suppléer.

Dès lors, il ne sera pas entré en matière sur la demande de révision.

2. Vu l'issue de la procédure, la présente décision est rendue sans frais.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la demande en révision formée par le Ministère public contre l'ordonnance pénale OPMP/7605/2022 qu'il a rendue le 24 août 2022.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.