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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19503/2020

AARP/271/2022 du 06.09.2022 sur JTDP/222/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : CONDUITE SANS AUTORISATION;CAS BÉNIN
Normes : LCR.95.al1.lete; LCR.100.al1; LCR.100.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19503/2020 AARP/271/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 septembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/222/2022 rendu le 3 mars 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 3 mars 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de mise à disposition d'un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire requis (art. 95 al. 1 let. e de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et l’a condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 130.- l’unité, assortie du sursis et d’un délai d'épreuve de deux ans, avec suite de frais.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, subsidiairement à son exemption de toute peine et à son indemnisation pour ses frais de défense.

b. Selon l'ordonnance pénale 18 novembre 2020, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, entre le 6 janvier 2020 et le 30 juin 2020, mis à disposition de B______ des véhicules automobiles appartenant à la société C______ (ci-après : C______), alors que celui-ci était titulaire d'un permis de conduire échu depuis le 23 novembre 2018.

B. Les faits de la cause ne sont pas contestés par l’appelant et peuvent être résumés comme suit, étant pour le surplus renvoyé au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du code de procédure pénale suisse [CPP]) :

a. B______ a travaillé du 6 janvier 2020 au 30 juin 2020 en qualité de cuisinier pour C______. Au cours de son emploi, il a régulièrement conduit des véhicules de l’entreprise, au sein de laquelle A______ est directeur du département restauration. Lors de son engagement, le service des ressources humaines avait effectué une copie de son permis de conduire français, sans toutefois en vérifier la date de validité.

b. Le 21 janvier 2020, B______ a été contrôlé en excès de vitesse au volant d'un véhicule de livraison appartenant à la société et s’est aperçu à cette occasion que, pour les catégories B et B1, figure une date d'échéance de validité au 23 novembre 2018. Il a été reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation routière ainsi que de conduite sans permis de conduire.

c. A______ a mis des véhicules à disposition de B______ au sein de C______. Il n’a eu connaissance de la problématique du permis de conduire de celui-ci que lorsqu'il a été contacté à ce sujet par la police. Personne n'avait remarqué la date de validité mentionnée sur le permis de l'intéressé. Il ignorait qu'un permis de conduire français pouvait avoir une date de validité relative à certaines catégories de véhicule. Il a contesté avoir commis une infraction, la procédure de vérification ayant été menée de bonne foi et respectée.

d. Selon ses déclarations, B______ avait fait l'objet d'un contrôle de police en France et l'absence de validité de son permis de conduire n'avait pas été relevée.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Il avait pris toutes les précautions nécessaires et n’avait commis aucune faute. S’il devait néanmoins être reconnu coupable, il devait être mis au bénéfice d’une exemption de peine au vu du peu de gravité de sa faute et de l’absence de mise en danger de la circulation, l’employé concerné ayant été capable de conduire nonobstant la péremption de son permis.

c. Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris.

D. A______, ressortissant français, est né le ______ 1977. Il est marié et a deux enfants à charge. En qualité de directeur de la société C______, il réalise un revenu mensuel net, impôts à la source prélevés, de CHF 7'000.-. Son épouse travaille dans l'information et perçoit à ce titre environ EUR 800.- par mois. Les charges de sa famille s'élèvent mensuellement à environ CHF 5'000.-. Propriétaire de son logement, il n'a pas d'autre dette que la dette hypothécaire grevant ce bien.

Il n'a aucun antécédent judiciaire.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. À teneur de l’art. 95 al. 1 let. e LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque met un véhicule automobile à la disposition d’un conducteur dont il sait ou devrait savoir s’il avait prêté toute l’attention commandée par les circonstances qu’il n’est pas titulaire du permis requis. Conformément à l’art. 100 al. 1 LCR, sauf disposition expresse et contraire de la loi, la négligence est aussi punissable.

Dans toutes les hypothèses visées à l'art. 95 al. 1 LCR, la règle de l'art. 100 al. 1 première phrase LCR s'applique sans restriction, de sorte que la négligence, comme l'intention, sont réprimées (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière (LCR), Berne 2007, n. 43 ad art. 95).

Dans le contexte de l'art. 95 al. 1 let. e LCR, l'auteur agit intentionnellement lorsqu'il sait que le conducteur à qui il cède l'usage de son véhicule n'est pas titulaire du permis requis et qu'en dépit de cela, il lui remet un pouvoir de disposer de ce véhicule (Y. JEANNERET, op. cit. n. 45 ad art. 95).

2.2. La négligence se traduit quant à elle par une conscience erronée portant sur le contenu du permis de conduire d'un tiers. L'auteur a une obligation générale de se renseigner activement. L'obligation de contrôler le contenu du permis de conduire sera très stricte lorsque l'auteur ne connaît pas le conducteur. L'erreur dans laquelle se trouve l'auteur est toujours évitable, et partant l'infraction punissable par négligence, lorsqu'il n'a pas satisfait à son devoir de vérification du permis du tiers alors qu'il était exigible compte tenu des circonstances (Y. JEANNERET, op. cit., n. 48 ad art. 95).

2.3. Les exigences de contrôle auxquelles est soumis le détenteur du véhicule ne doivent pas être exagérées : lorsqu'un ami digne de confiance assure être en possession d'un permis de conduire valable, il n'est pas nécessaire de procéder à un contrôle minutieux de son permis (H. GIGER, SVG Kommentar Strassenverkehrsgesetz mit weiteren Erlassen, Zürich 2014, n. 9 ad art. 95).

2.4. En l'espèce, l'appelant a reconnu avoir mis des véhicules automobiles à disposition de son employé, alors que le permis de conduire français de celui-ci était échu. Il a également admis que ledit permis avait été vérifié par la direction des ressources humaines de l’entreprise, sans toutefois que celle-ci ne s’assure de sa date de validité, et se prévaut de la durée illimitée des permis suisses. Or, il n’est pas incongru qu’un permis soit limité dans le temps, puisque même en Suisse certains permis de conduire sont soumis à de telles restrictions (cf. art. 15a et suivants LCR, art. 24a de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière [OAC]). Dans un contexte professionnel, lors duquel l’employeur confie régulièrement des véhicules à son employé, la vérification de la durée de validité du permis de conduire de celui-ci doit ainsi être la règle.

L'appelant se prévaut cependant d'avoir agi sous l'emprise d'une erreur, dès lors qu'il était persuadé que son employé était titulaire d'un permis de conduire valable pour cette catégorie de véhicule, au motif que celui-ci avait été vérifié par la direction des ressources humaines.

Or, comme relevé ci-dessus, cette vérification n’a pas été complète. L’appelant s’est certes fié à ses collaborateurs sur ce point, et le conducteur concerné lui-même n’a pas prêté l’attention nécessaire à la péremption de son permis de conduire. Ces éléments ne font que confirmer que l’appelant a agi par négligence, pour s’être à tort appuyé sur les vérifications et affirmations de tiers qui n’avaient pas procédé au contrôle complet du permis de conduire de son collaborateur.

L'appelant a ainsi fait preuve de négligence et doit par conséquent être reconnu coupable.

L'appel sera donc rejeté et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

L'infraction à l’art. 95 al. 1 let. e LCR est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2.1. À teneur de l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR, dans les cas de très peu de gravité, le prévenu sera exempté de toute peine.

4.2.2. Il est admis que l'exemption de peine est possible pour toutes les infractions de la législation routière, c'est-à-dire la LCR et ses ordonnances d'exécution, à l'exclusion des infractions du CP, comme les art. 117 et 125 CP, qui pourraient être consécutives à une violation des règles de la circulation ; par ailleurs, l'infraction pourra être un délit ou une contravention, étant cependant précisé qu'en présence d'un délit, il y aura lieu d'en faire un usage plus restrictif.

Enfin, l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR pourra entrer en considération, que l'infraction soit commise intentionnellement ou par négligence (Y. JEANNERET, op. cit., n. 13-14 ad art. 100).

3.2.3. Savoir si le cas est de très peu de gravité dépend de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives pertinentes pour l'appréciation de la faute (ATF 124 IV 184 consid. 3a).

3.2.4. Il n'y a lieu de renoncer au prononcé d'une amende que si une sanction aussi minime apparaît choquante au regard de la faute de l'auteur. La jurisprudence subordonne ainsi l'admission d'un cas de très peu de gravité à des exigences élevées. Toute négligence ne peut, en particulier, être appréciée comme particulièrement légère (ATF 117 IV 302 consid. 3b/cc).

3.2.5. Lorsque les conditions d'application de l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR sont remplies, le juge prononce un verdict de culpabilité, mais renonce à infliger une peine et peut aussi condamner l'auteur de l'infraction aux frais de la procédure (Y. JEANNERET, op. cit., n. 23 ad art. 100).

3.3. En l'espèce, la faute de l'appelant est certes légère. Sa faute ne dénote pas un mépris caractérisé des règles de la circulation routière, mais bien de la négligence. Il a agi de bonne foi, se fiant à un contrôle insuffisant effectué par le département des ressources humaines de son entreprise.

Cela étant, et quand bien même le conducteur concerné savait conduire un véhicule, il n’est pas anodin qu’un employeur s’abstienne de procéder à une vérification complète du permis de conduire de son employé au moment de son engagement, alors qu’il envisage de lui confier régulièrement un véhicule. L’erreur a par ailleurs été découverte à l’occasion d’une infraction grave aux règles de la circulation routière qui, si elle n’est bien sûr pas imputable à l’employeur du conducteur, n’a pu survenir que parce qu’un véhicule avait été, à tort, mis à disposition de l’intéressé.

L’indication de la date de validité du permis de conduire figurait sur le verso de celui-ci, ce qu’un simple examen du document recto-verso aurait permis de constater. L’erreur était facilement évitable et pouvait de surcroît conduire au renouvellement du document et donc palier le défaut de permis de conduire valable. Dans l’ensemble, compte tenu du contexte professionnel (et non amical) et de la régularité de la remise d’un véhicule, la négligence commise n’est ainsi pas minime.

Dès lors, il ne peut pas être retenu qu’il s'agirait pas d'un cas de très peu de gravité au sens de l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR, dont l’application doit donc être écartée.

3.4. L’appelant ne discute pas la quotité de la peine prononcée par le premier juge. Il appartient néanmoins à la Cour de céans de statuer sur la peine (art. 408 CPP).

Comme relevé ci-dessus, la faute commise est légère. L’appelant a agi par négligence et légèreté, en se fiant à tort à des contrôles insuffisants effectués par des tiers. Il a pris des mesures pour prévenir une répétition de cette erreur au sein de l’entreprise. Sa prise de conscience est bonne, même s’il a cherché à minimiser la gravité des faits, vraisemblablement plus pour des motifs de stratégie de défense que par volonté de se soustraire à ses responsabilités.

L’absence d’antécédents a un effet neutre sur la peine.

Dans l’ensemble, la peine pécuniaire fixée par le premier juge apparaît appropriée et proportionnée à la faute commise. Le montant du jour amende, qui n’est pas discuté par l’appelant, est conforme à sa situation personnelle. Les conditions du sursis sont manifestement remplies et la durée du délai d’épreuve, qui correspond au minimum légal, est correcte. Au vu de la gravité relative des faits, il n’y a pas lieu de prononcer une amende à titre de sanction immédiate, qui ne pourrait en tout état pas l’être en appel (art. 391 al. 2 CPP).

La peine de dix-jours amende à CHF 130.- l’unité, assortie du sursis et d’un délai d’épreuve de deux ans, est ainsi adéquate et sera confirmée.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), lesquels comprennent un émolument de décision de CHF 1'000.-.

5. Compte tenu de la confirmation du jugement entrepris, il n’y a pas lieu à indemnisation (art. 429 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/222/2022 rendu le 3 mars 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/19503/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'135.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de mise à disposition d'un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire requis (art. 95 al. 1 let. e LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 10 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 130.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 698.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

( )

Fixe un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-.

Le met à la charge de A______."


 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et au Service cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Julia BARRY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'298.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'433.00