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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/25/2016

AARP/255/2022 du 06.09.2022 sur JTCO/150/2021 ( PENAL ) , RECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25/2016 AARP/255/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 30 août 2022

Entre

A______, domicilié ______ [GE], prévenu, assisté de Me Margaux BROIDO, avocate, SPIRA + ASSOCIÉES, rue De-Candolle, 1205 Genève,

appelant et intimé sur appel joint,

contre le jugement JTCO/150/2021 rendu le 22 décembre 2021 par le Tribunal correctionnel,

B______, ______ [VD],

intimée et appelante jointe,

C______, comparant par Me D______, avocat,

E______ SA (ex H______ SA), assisté de Me Laurent MOREILLON, avocat, MAZOU AVOCATS, avenue de Mon-Repos 14, case postale 5780, 1002 Lausanne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a notamment reconnu coupable de vol (art. 139 al. 1 du code pénal [CP]), de brigandage (art. 140 ch. 1 CP), de dommages à propriété (art. 144 al. 1 CP) et d'induction de la justice en erreur (art. 304 ch. 1 CP) ainsi que condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et six mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, et à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, à CHF 150.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : deux ans).

Le Tribunal de première instance a dans son jugement également reconnu F______ coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), de dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 CP) et d'infraction grave à la loi sur la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de la détention subie avant jugement.

Il a par ailleurs reconnu G______ coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup) et d'infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 LArm) et l'a condamné à une peine privative de liberté de six ans, sous déduction de la détention subie avant jugement.

Le TCO a condamné F______, G______ et A______, conjointement et solidairement, à payer divers montants à C______ et à E______ SA [entreprise de sécurité], au titre de réparation du dommage matériel et du tort moral ainsi qu'au titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

Le TCO n'a pas tranché la question des prétentions civiles de [la compagnie d'assurances] B______, déposées le 3 mai 2021 au Ministère public et transmises le 18 mai 2021 au Tribunal, avant les débats.

a.b. A______ conclut à son acquittement des chefs de brigandage et de dommages à la propriété ainsi qu'au prononcé d'une peine privative de liberté compatible avec le sursis.

b. B______ a annoncé en temps utile former un appel joint.

Elle conclut à la condamnation de F______, G______ et A______ à lui verser, conjointement et solidairement CHF 247'180.- avec intérêts à 5 % dès le 28 juin 2017, au titre de réparation du dommage.

B. a. G______ conclut à l'irrecevabilité de l'appel joint et à son indemnisation pour ses frais de défense à hauteur de CHF 373.04.

B______ ne pouvait user du mécanisme de l'appel joint pour obtenir sa condamnation au paiement d'une prétention civile, dans la mesure où il n'était pas partie à la procédure d'appel. Les conclusions prises ne pouvaient "toucher" que A______.

b. A______ soutient que l'appel joint est irrecevable.

Afin d'obtenir une condamnation de F______, G______ et lui-même, B______ aurait dû former un appel principal contre le jugement. Dans la mesure où il était l'unique appelant, il ne devait pas supporter seul une erreur de la partie plaignante, qui n'avait sciemment pas formé appel. Elle avait conclu à leur condamnation conjointe et solidaire, la conclusion ne le visant ainsi pas uniquement, contrairement à ce que soutenait G______. Se posait également la question d'un éventuel abus de droit, vu qu'il s'agissait vraisemblablement d'un oubli initial de sa part que la partie plaignante essayait de réparer.

c. Interpellée à deux reprises par le Président de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) sur les demandes en irrecevabilité, B______ n'a pas réagi.

EN DROIT :

1. 1.1. L'art. 403 al. 1 CPP prévoit qu'une décision écrite sur la recevabilité de l'appel doit être rendue lorsque la direction de la procédure ou une partie invoque l'un des moyens prévus par l'art. 403 al. 1 let. a à c CPP.

1.2. L'appel principal est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.3. Au sens de l'art. 400 al. 3 CPP, les parties peuvent, dans un délai de 20 jours à compter de la réception de la déclaration d'appel, déclarer un appel joint.

L'art. 401 al. 2 CPP prévoit que l'appel joint n'est pas limité à l'appel principal, sauf si celui-ci porte exclusivement sur les conclusions civiles du jugement.

Une partie qui forme un appel joint peut ainsi s'en prendre à tous les points du jugement de première instance, et non pas seulement à ceux qui sont attaqués dans l’appel principal (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 401). En particulier, lorsque le prévenu conteste dans un appel principal la peine infligée par rapport à des infractions concernant la partie plaignante, celle-ci est habilitée à former un appel joint sur d'autres aspects du jugement attaqué, notamment sur les conclusions civiles (ATF 142 IV 234 consid. 1.2).

Le caractère accessoire de l'appel joint impose toutefois de prendre en compte quelles parties sont aux prises et justifie une délimitation par rapport aux parties concernées, l'appel joint devant précisément se situer dans le cadre des parties concernées par l'appel principal. Ainsi, si le Ministère public forme un appel joint à la suite d'un appel d'une partie plaignante, l'appel joint ne peut porter que sur les infractions qui fondent la qualité de lésée de cette partie plaignante, le cas échéant aussi la peine infligée dès lors qu'elle repose notamment sur les infractions précitées. En revanche, par son appel joint, le Ministère public n'est pas habilité à mettre en cause d'autres infractions touchant d'autres parties plaignantes ou sans lien avec la partie plaignante à l'origine de l'appel principal. Le caractère accessoire de l'appel joint serait sinon dépourvu de toute portée (ATF 140 IV 92 consid. 2.3).

Autrement dit, les limites imposées par la jurisprudence portent uniquement sur le cercle des personnes concernées par la procédure d'appel. On ne saurait en déduire, sous peine de vider de son sens l'art. 401 al. 2 CPP, que l'appel joint ne peut pas porter sur d'autres faits ou d'autres points de droit que ceux attaqués par l'appel principal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_6/2019 du 22 février 2019 consid. 1.1).

1.4. Au sens de l'art. 50 CO, lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice.

D'après l'art. 143 al. 1 CO, il y a solidarité entre plusieurs débiteurs lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier chacun d'eux soit tenu pour le tout. Le créancier peut, à son choix, exiger de tous les débiteurs solidaires ou de l'un d'eux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation (art. 144 al. 1 CO).

1.5.1. Il découle de ce qui précède que la partie plaignante C______ ne saurait profiter de son appel joint pour étendre le cercle des parties à la procédure d'appel. Dans la mesure où seul A______ a formé appel, le champ de la procédure devant la CPAR est limité à ce dernier uniquement.

L'appel joint, dans la mesure où il vise les prévenus F______ et G______, condamnés en premières instance et non parties à la procédure d'appel, est ainsi irrecevable.

1.5.2. Reste à déterminer si la conclusion comme elle subsiste est recevable, à savoir si la CPAR peut être saisie uniquement de la question de savoir si seul l'appelant A______ pourrait être cas échéant condamné à payer CHF 247'180.- avec intérêts à 5 % dès le 28 juin 2017 à B______.

Du point de vue de la procédure pénale, la partie plaignante est habilitée à former appel joint sur les conclusions civiles, quand bien même l'appel principal ne porte pas sur cette question, pour autant qu'elles concernent le prévenu dont il est question dans l'appel principal. Le cas d'espèce est assimilable à celui de l'ATF 142 IV 234 précité, dans la mesure où la B______ forme appel joint sur les conclusions civiles formulées notamment à l'égard de A______, alors que l'appel principal porte sur d'autres points, à savoir la culpabilité et la peine de l'appelant A______.

B______ n'a certes pas formé appel principal, ce dont on peut déduire qu'elle s'était accommodé du jugement entrepris au sujet de ses conclusions civiles. La jurisprudence n'impose pas de se montrer particulièrement strict s'agissant de la légitimation de la partie plaignante, contrairement à celle du Ministère public, à former un appel joint (ATF 147 IV 505 consid. 4.4.3 ; 144 IV 189 consid. 5.1 p. 192). Les raisons de B______ de ne pas faire appel lui sont propres et aucun élément concret ne permet de retenir qu'il s'agissait d'une erreur ou d'un oubli initial qu'elle tente de réparer par un appel joint, étant rappelé que le TCO a omis de statuer sur ses prétentions civiles. Le dépôt de son acte ne dénote pas d'une démarche contradictoire susceptible de se heurter au principe de la bonne foi en procédure. La partie plaignante a utilisé l'institution juridique de l'appel joint conformément à son but, qui donne la faculté à une personne n'ayant pas fait appel de se greffer à l'appel principal (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND [éds], Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 2 ad art. 401 ; Y. JEANNERET / A. KUHN, Précis de procédure pénale, 2ème éd., Berne 2018, n. 19050). Elle n'a ainsi pas contrevenu à l'interdiction de l'abus de droit consacré à l'art. 3 CPP.

À la différence de ce que soutient l'appelant, les règles de droit civil permettent au lésé d'un acte illicite d'agir en responsabilité contre un seul, plusieurs ou tous les responsables, par le biais de la consorité simple (art. 71 al. 1 CPC), et demander la réparation de la totalité ou d'une partie du préjudice (cf. art. 50 et 143 al. 1 CO précités ; 6B_150/2017 du 11 janvier 2018 consid. 9, non publié in ATF 144 IV 52 ; F. BOHNET, Actions civiles, Vol. II : CO, 2ème éd., Bâle 2019, n. 50 et 57 ad §2). Ainsi, en cas de pluralité de responsable, un seul auteur peut être condamné au versement de l'intégralité des prétentions civiles, vu que les coauteurs sont tenus solidairement responsables de réparer le dommage. L'auteur condamné au paiement pourra le cas échéant faire recours à l'encontre des autres, selon les règles sur les rapports internes (cf. art. 148 al. 2 et 149 CO).

Selon la doctrine, les conditions de recevabilité d'une demande ou d'une requête sont examinées par le tribunal individuellement pour chaque consort (F. BOHNET / J. HALDY / N. JEANDIN / P. SCHWEIZER / D. TAPPY, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 71). En l'espèce, les conditions de recevabilité ne sont à l'égard de F______ et G______ pas données, ce qui n'entache pas la recevabilité de l'appel joint à l'encontre de l'appelant A______, lequel portera sur l'intégralité du montant en réparation du dommage éventuellement subi. L'appel joint tel qu'il subsiste est partant recevable.

2. 2.1. L'art. 428 al. 1 CPP dispose que les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé.

2.2. En l'espèce, l'appel joint est partiellement irrecevable, de sorte que la partie plaignante supportera la moitié des frais de la présente procédure, qui comprendront un émolument de décision de CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e RTFMP). L'autre moitié sera supporté par A______, qui succombe dans ses conclusions.

La partie plaignante versera en sus une indemnité pour les dépenses occasionnées à G______ par les conclusions civiles, fixées selon l'état de frais produit à CHF 373.04 (art. 432 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare partiellement irrecevable l'appel joint formé par B______ contre le jugement JTCO/150/2021 rendu le 22 décembre 2021 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/25/2016, dans la mesure où il vise F______ et G______.

Reçoit l'appel joint formé par B______ contre le jugement JTCO/150/2021 rendu le 22 décembre 2021 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/25/2016, dans la mesure où il est dirigé contre A______.

Arrête les frais de la présente procédure à CHF 755.- qui comprennent un émolument de décision de CHF 300.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 377.50, à la charge de B______, et l'autre moitié à la charge de A______.

Condamne B______ au paiement de CHF 373.04 à G______ au titre de juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la présente procédure (art. 432 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à F______ et G______, au Tribunal correctionnel.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

380.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

755.00