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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24448/2020

AARP/226/2022 du 02.08.2022 sur JTCO/28/2022 ( PENAL ) , RECEVABLE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ
Normes : CPP.403
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24448/2020 AARP/226/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 2 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Guy ZWAHLEN, avocat, rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/28/2022 rendu le 28 février 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

B______, domicilié ______ [VD], comparant par Me François MICHELI, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTCO/28/2022 du 28 février 2022 par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a classé la procédure pour l'infraction d'insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 du Code pénal [CP]), l'a reconnu coupable d'escroquerie (art. 146 CP) ainsi que de faux dans les titres (art. 251 CP), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 23 jours de détention avant jugement, dont six mois ferme et mis au bénéfice du sursis partiel pour le surplus, assorti d'un délai d'épreuve de trois ans. Le TCO a renoncé à révoquer le sursis octroyé le 29 juin 2020 par le Ministère public du canton de Genève (MP) et a levé les mesures de substitution ordonnées le 9 avril 2021 par le Tribunal des mesures de contraintes.

En outre, le TCO l'a condamné à payer CHF 200'000.-, avec intérêts à 5% dès le 4 mai 2021, et CHF 70'000.-, avec intérêts à 5% dès le 17 juin 2021, à B______ [organisme de cautionnement] à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO), a prononcé une créance compensatrice à hauteur de CHF 270'000.- en faveur de l'État de Genève (art. 71 al. 1 CP), a alloué cette créance compensatrice à B______ (art. 73 al. 1 et 2 CP), a donné acte à B______ de ce qu'il cède à l'État de Genève la part correspondante de sa créance en dommages-intérêts contre A______ et a débouté pour le surplus B______ de ses conclusions civiles.

Enfin, le TCO a constaté que les comptes n° 1______ au nom de A______ et n° 2______ au nom de C______ SA auprès de [la banque] D______ ont été clôturés et que dès lors les séquestres portant sur ces comptes n'ont plus d'objet, a ordonné le maintien en vue de l'exécution de la créance compensatrice du séquestre prononcé sur la parcelle n° 3______ de la commune de E______ [GE], à concurrence de la valeur de sa part, et a ordonné la restitution en sa faveur des objets figurant sous chiffres 1 à 8 de l'inventaire n° 4______. Le TCO a rejeté les conclusions en indemnisation (art. 429 CPP) de A______, l'a condamné à verser à B______ la somme de CHF 2'250.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP) ainsi qu'aux frais de la procédure.

b. Selon l'acte d'accusation du 21 septembre 2021, il est notamment reproché ce qui suit à A______ :

- le 24 avril 2020, il a obtenu un prêt de CHF 70'000.- de D______ sur la base d'informations mensongères reportées dans une convention de crédit COVID-19, quant à l'existence d'une entreprise en raison individuelle "A______", au numéro de référence inexistant de l'entreprise et à son chiffre d'affaire fictif, dépassant largement son chiffre d'affaires personnel réalisé en 2018 ou 2019, soit environ CHF 50'000.- ;

- le 21 mai 2020, en agissant en qualité d'organe de C______ SA, il a obtenu un prêt de CHF 200'000.- de D______ en inscrivant un chiffre d'affaires pour 2019 bien plus élevé que celui obtenu en 2018 et 2019, soit CHF 1'500.-.

B. a. Par acte du 20 avril 2022, A______ conclut à la réforme des chiffres 5.1.1 à 5.2.1 du jugement querellé et à l'annulation de la partie du dispositif ordonnant le maintien en vue de l'exécution de la créance compensatrice du séquestre prononcé sur la parcelle n° 3______ de la Commune de E______ à concurrence de la valeur de sa part.

En substance, il conteste que la part qu'il détient dans la parcelle concernée puisse faire l'objet d'une confiscation dès lors que dite parcelle est la propriété d'une hoirie et que les parts y relatives n'ont à ce jour pas été attribuées. Celle lui revenant n'ayant pas été déterminée le séquestre en tant qu'il porte sur la parcelle "à concurrence de la valeur de la part concernée" ne peut être exécuté.

b. Par acte du 18 mai 2022, B______ soutient que l'appel est irrecevable dans la mesure où l'appelant n'a pas d'intérêt juridique à recourir au sens de l'art. 382 CPP.

L'art. 4 de l'Ordonnance concernant la saisie et la réalisation de parts de communauté (OPC) prévoyait expressément la possibilité de saisir des droits du débiteur dans une succession non partagée, notamment une propriété commune ; le créancier peut aussi exiger la saisie d'une part de copropriété. Dans la mesure où l'instance précédente avait expressément conclu au maintien du séquestre sur la parcelle "à concurrence de la valeur de la part de A______", rien ne permettait à l'appelant de s'opposer à ceci.

c. Le MP s'en remet à l'appréciation de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) quant à la demande de non-entrée en matière.

d. Dans sa réponse du 13 juin 2022, A______ rappelle qu'il conteste la confiscation et le maintien du séquestre d'une parcelle actuellement propriété d'une hoirie dont il fait partie mais dont les parts n'ont à ce jour pas encore été attribuées aux héritiers, son appel était donc recevable.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Par ordonnance du 19 mars 2021, le MP a ordonné le séquestre pénal des biens immobiliers dont A______ est copropriétaire à l'adresse route 5______ no. ______, notamment la parcelle n° 3______ de la commune de E______. Cas échéant, le séquestre devait porter sur la part de copropriété dont le prévenu était propriétaire. En exécution dudit séquestre, le Registre foncier de Genève a été requis de mentionner une restriction du droit d'aliéner de l'immeuble.

b. Devant le TCO, A______ a notamment conclu à ce que "le séquestre de la parcelle n° 3______ de la Commune de E______ soit levé" (JTCO/28/2022 p. 2).

EN DROIT :

1. 1.1. Au sens de l'art. 403 al. 1 let. b du Code de procédure pénale (CPP), la juridiction d'appel rend par écrit sa décision sur la recevabilité de l'appel lorsque la direction de la procédure ou une partie fait valoir que l'appel n'est pas recevable au sens de l'art. 398 CPP.

1.2. Peuvent faire l'objet d'un appel, les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure (art. 398 al. 1 CPP).

Par renvoi de l'art. 379 CPP qui prévoit que les dispositions générales du code s'appliquent par analogie à la procédure de recours, l'art. 382 CPP concernant la qualité pour recourir des autres parties s'applique en procédure d'appel.

1.3. À teneur de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.

L'intérêt à recourir doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_818/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.1).

Le recourant doit en outre avoir un intérêt à l'élimination de cette atteinte, c'est-à-dire à l'annulation ou à la modification de la décision dont provient l'atteinte. L'intérêt pour recourir relève de la recevabilité et non du bien-fondé du recours (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Zurich 2019, n. 2 et 3 ad art. 382 CPP).

L'intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision résulte en règle générale du dispositif de la décision attaquée et non des motifs (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND (éds.), Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 9 ad art. 382 CPP).

Celui qui jouit d'un droit de propriété ou d'un droit réel limité (notamment un droit de gage) sur les valeurs saisies ou confisquées dispose d'un intérêt juridique protégé à recourir (arrêt du Tribunal fédéral 1B_490/2020 du 9 décembre 2020, consid. 2.2).

1.3.  Afin d'assurer l'exécution de la créance compensatrice, le séquestre d'éléments du patrimoine peut être ordonné en vertu de l'art. 71 al. 3 CP. A la différence du séquestre pénal traditionnel, les effets de ce séquestre conservatoire sont maintenus, une fois le jugement en force, jusqu'à son remplacement par une mesure du droit des poursuites. Cette mesure est provisoire, purement conservatoire, et tend à éviter que le débiteur de la créance compensatrice ne dispose de ses biens pour les soustraire à l'action future du créancier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_326/2011 du 14 février 2012 consid. 2.1).

1.4. En l'espèce, l'appelant sollicite l'annulation du séquestre portant sur la parcelle n° 3______ de la Commune de E______ prononcé en vue de l'exécution de la créance compensatrice.

En sa qualité d'héritier, membre de l'hoirie détenant la parcelle litigieuse, il est titulaire d'un droit de propriété sur le bien séquestré appartenant à celle-ci et faisant ainsi partie intégrante de son patrimoine.

L'intérêt de l'appelant est actuel et concret dans la mesure où la décision querellée prononce un séquestre à concurrence de la valeur de sa part sur le bien, il a un intérêt évident à son annulation afin, premièrement, de ne pas se voir restreint dans sa faculté de disposer de son bien et, deuxièmement, d'éviter une procédure de réalisation forcée sur le bien dont il est propriétaire.

En effet, il est de jurisprudence constante que celui qui jouit d'un droit de propriété sur une chose saisie ou confisquée dispose d'un intérêt juridiquement protégé à recourir.

Les arguments mis en avant par l'intimé relèvent plutôt du droit de fond et devront être traités au stade du bien-fondé de l'appel, ils ne permettent pas en l'occurrence de conclure à l'absence d'intérêt juridique à recourir au stade de l'analyse de la recevabilité.

En vertu de ce qui précède, l'incident d'irrecevabilité sera rejeté et l'appel déclaré recevable. Il sera traité par la voie écrite (art. 406 al. 1 let. e et al. 3 CPP).

2. 2.1. Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP).

2.2. En l'occurrence, la demande de non-entrée en matière formée par l'intimé est rejetée de sorte qu'il se justifie de mettre à sa charge les frais occasionnés par la présente décision, comprenant un émolument de décision arrêté à CHF 500.- (art. 14 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 [RTFMP]).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE PENALE D'APPEL ET DE REVISION :

 

Déclare recevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/28/2022 rendu le 28 février 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/24448/2020.

Condamne B______ aux frais de la présente décision par CHF 635.-, qui comprennent un émolument de CHF 500.-.

 

LA DIRECTION DE LA PROCÉDURE DE

LA CHAMBRE PENALE D'APPEL ET DE REVISION :


Impartit à A______ un délai de 30 jours pour le dépôt de son mémoire d'appel motivé.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

635.00