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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/22840/2016

AARP/186/2022 du 22.06.2022 sur JTCO/103/2021 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONDUITE MALGRÉ UNE INCAPACITÉ;IVRESSE;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ
Normes : CP.191; CP.47; LCR.91.al2.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22840/2016 AARP/186/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 22 juin 2022

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/103/2021 rendu le 29 septembre 2021 par le Tribunal correctionnel,

et

A______, domicilié ______[GE], comparant par Me Marco ROSSI, avocat, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 29 septembre 2021, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a reconnu A______ coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance (art. 191 du Code pénal [CP]), de violation de l'interdiction de conduire sous l'influence de l'alcool (art. 91 al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et d'infraction à l'art. 96 de l'ordonnance sur la circulation routière (OCR). Les premiers juges l'ont condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 100.- avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 60.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour), la peine pécuniaire étant partiellement complémentaire à celle prononcée le 25 août 2016 par le MP. Les frais de la cause arrêtés à CHF 3'000.- ont été mis à la charge d'A______, lequel a également été condamné à verser CHF 1'000.- à la partie plaignante à titre de réparation du tort moral.

Le MP entreprend partiellement ce jugement et conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de 36 mois avec sursis partiel, la partie ferme devant être fixée à 12 mois.

b. Selon l'acte d'accusation du 18 mai 2020, il est encore reproché ce qui suit à A______.

b.a. Durant la soirée du 12 au 13 août 2016, dans une pièce de la boîte de nuit le B______, il a enlevé la culotte de C______, puis lui a fait un cunnilingus et a pénétré son sexe avec ses doigts, alors qu'elle se trouvait seule et, vu son état d'alcoolisation, incapable d'opposer une résistance.

b.b. Le 20 novembre 2019, aux alentours de 02h35, à D______, il a circulé au volant d'un véhicule sur l'avenue de Feuillasse en direction de la place des Cinq-Continents en état d'ébriété, présentant un taux d'alcoolémie de 0.46 mg/l à 03h27. Après avoir pénétré à l'intérieur du parking souterrain situé sous le centre commercial E______, il a perdu la maîtrise du véhicule et heurté le mur gauche. Sa tête a tapé contre le parebrise, ce qui lui a causé un traumatisme crânien sans perte de connaissance.

Il est également reproché à A______ de ne pas avoir porté de ceinture de sécurité dans ces circonstances, mais l'amende d'ordre de CHF 60.- prononcée pour ces faits n'est pas contestée en appel, dont l'objet est circonscrit à la peine (cf. infra consid. 1.2).

b.c. Le 11 janvier 2021, à 22h, au F______, il a circulé au volant d'un véhicule sur la route de l'Usine-à-Gaz en direction du chemin de Château-Bloch en état d'ébriété, présentant un taux d'alcoolémie de 0.68 mg/l à 23h50.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 10 mars 2016, C______ a été engagée en qualité de serveuse au B______, sis rue 1______ et géré par G______. Elle rencontrait à ce moment des difficultés dans la gestion de son propre restaurant en Italie et son père était malade.

b. Après quelques jours, elle a fait la connaissance d'A______, client de l'établissement et marié, avec lequel elle a débuté une relation intime un ou deux mois plus tard.

A______, totalement épris de C______, l'invitait régulièrement au restaurant et lui apportait une aide financière. Il a notamment assumé le coût de ses cours à l'H______, ses frais de voyage, ainsi que ceux de logement et de repas de ses parents lors d'un séjour à Genève. Il lui a remis plusieurs milliers de francs afin d'aider son frère visé par une procédure judiciaire en Albanie, et acheté puis envoyé un fauteuil roulant électrique à son père. Il lui a également transmis les références de l'une de ses cartes de crédit et l'a logée, en compagnie de deux autres femmes, dans un appartement qu'il louait à proximité du B______.

A______ a par la suite reproché à C______ de ne pas se montrer assez tendre avec lui. Elle l'a alors menacé de le quitter s'il la mettait sous pression et il lui a présenté ses excuses.

Leur relation aurait pris fin en juillet 2016 selon C______, date contestée par A______. Dite rupture n'a pas été confirmé par les témoins entendus durant l'instruction et en première instance, qui les considéraient comme un couple encore au moment des faits.

c. Le 12 août 2016, A______ et C______ ont été invités à un dîner organisé par G______. Il a, à cette occasion, accepté de remettre à sa compagne CHF 1'000.- pour qu'elle s'achète une robe.

C______ avait consommé beaucoup d'alcool durant cette soirée et était ivre à la fin du repas. Peu avant minuit, les invités se sont rendus au B______. C______ n'a pas pu y travailler comme cela était prévu, en raison de son alcoolisation. Elle a vomi à plusieurs reprises et ne tenait plus debout. Aussi, ses collègues l'ont-ils installée dans un canapé de l'arrière-salle et veillé sur elle à tour de rôle. Elle y a à nouveau vomi et ses habits ont été nettoyés avec de l'eau.

À un certain moment, A______ est resté seul auprès d'elle. Après lui avoir ôté sa culotte, il lui a fait un cunnilingus et a pénétré son sexe avec les doigts, alors qu'elle n'était plus capable de lui opposer une quelconque résistance. Il a cessé ses agissements à l'arrivée d'G______.

C______ a quitté seule le B______ et est rentrée chez elle à pied.

d. Le lendemain, son contrat de travail s'est terminé d'entente avec G______. Elle a pris un vol pour H______ le 14 août 2016, dont elle a payé le billet avec la carte de crédit d'A______. Elle s'est ensuite rendue en Albanie puis chez elle en Italie.

Avant de partir, elle a eu un contact téléphonique avec le précité puis lui a envoyé des messages, lui demandant de reconnaître ce qu'il lui avait fait durant la soirée du 12 août 2016. A______ a contesté les actes sexuels reprochés mais admis avoir commis une erreur, soit l'avoir caressée et embrassée ainsi que d'avoir enlevé sa culotte car elle était trempée. Il s'en est excusé.

En septembre 2016, C______ a fait des achats sur internet au moyen de la carte de crédit d'A______. En novembre 2016, elle lui a demandé de venir la voir en Italie dans son restaurant, ce qu'il a refusé, suspectant qu'elle lui demanderait de l'argent et que s'il refusait, elle entamerait une procédure pénale.

e. Le 30 novembre 2016, C______ a déposé plainte pénale au MP en raison des faits en cause.

f. En 2017, elle a contacté à deux reprises A______ par téléphone pour avoir de ses nouvelles et lui dire qu'elle aurait pu le rejoindre alors qu'il se trouvait à I______ [France]. Elle lui a aussi envoyé des messages l'informant s'être mariée en Allemagne et y vivre depuis le décès de son père six mois plus tôt. Elle ne pouvait financièrement pas se permettre de se rendre en Albanie mais viendrait à Genève si elle avait assez d'argent pour y vivre. A______ lui a dit devoir se rendre au Kosovo pour y marier son fils. C______ lui a alors demandé de passer la chercher s'il devait s'y rendre en voiture et l'a invité en tout état de cause à passer la voir après le mariage.

Selon ses déclarations dans la présente procédure, elle n'avait pas peur de se retrouver seule avec A______ dès lors qu'elle était en pleine possession de ses moyens, contrairement à la nuit des faits.

g.a. Entendu par la police, A______ a contesté toute contrainte sexuelle. C______ avait été sa maîtresse de juin à août 2016. Elle était ivre le soir des faits, ne tenait pas debout et avait vomi plusieurs fois. Au B______, comme elle tremblait, il l'avait couverte avec une nappe, prise dans ses bras et lui avait parlé. Il ne lui avait pas enlevé sa culotte, ni ne lui avait introduit les doigts dans le vagin et prodigué de cunnilingus. Elle l'accusait pour tenter de lui soutirer de l'argent. Confronté aux messages échangés après les faits, A______ a déclaré ne pas se souvenir avoir écrit qu'il avait retiré le sous-vêtement de C______, mais celle-ci lui avait dit que s'il reconnaissait certaines choses, elle serait d'accord de continuer leur histoire d'amour. Il avait été manipulé et s'était montré crédule.

g.b. Au MP, A______ a indiqué que C______ était complètement trempée car ses collègues avaient nettoyé le vomi maculant sa robe avec de l'eau. Après qu'il l'avait couverte, elle s'était endormie. Il lui avait certes enlevé sa culotte, qu'elle avait remise elle-même, mais uniquement pour l'essorer, ce qu'il avait aussi fait avec sa robe, sans toutefois la retirer.

A______ a ultérieurement précisé avoir demandé à C______ l'autorisation de lui enlever la culotte. Il était très amoureux d'elle, voulait l'aider et n'avait pas réfléchi plus avant. Il lui avait caressé le dos, l'épaule, les bras, peut-être la poitrine. Il l'avait embrassée sur la bouche, la joue et la nuque. Grande actrice, elle avait imaginé les faits reprochés, mais il avait été prêt à les reconnaître pour la reconquérir. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait porté plainte alors qu'il l'avait beaucoup aidée et qu'elle l'avait appelé après les faits pour partir en vacances avec lui.

g.c. En première instance, A______ a persisté à contester l'accusation d'acte sexuel retenue contre lui.

h. Il a en revanche admis ses conduites en état d'ébriété des 20 novembre 2019 et 11 janvier 2021.

C. a. En appel, le MP persiste dans ses conclusions.

La peine prononcée était choquante tout comme l'examen de la faute, qualifiée de non négligeable. Les premiers juges n'avaient pas sérieusement tenu compte de ce que la victime était totalement ivre, à bout de force, incapable de se mouvoir et isolée lors des faits. Ils avaient retenu de manière inacceptable à décharge que les parties entretenaient une relation extraconjugale et s'affichaient comme un couple, que la plaignante bénéficiait des largesses du prévenu et savait qu'il était totalement épris d'elle, que ce dernier s'était laissé aller à ses envies sans vouloir la blesser ou l'offenser. Ils avaient qualifié de sans particularité sa collaboration qui s'avérait mauvaise et sa prise de conscience de bonne alors qu'il n'avait jamais admis les faits, même durant les débats d'appel auxquels il n'avait pas comparu.

Sa faute liée aux infractions à la LCR était aussi importante au vu de son état d'ébriété qualifié et sa prise de conscience nulle compte tenu de sa récidive durant la procédure. Il avait admis des faits qui n'étaient de toute manière pas contestables.

Au vu de la nature des infractions, une peine pécuniaire, qui plus est plafonnée à 180 jours-amende, était choquante et une peine privative de liberté de 24 mois au minimum devait sanctionner les actes de nature sexuelle. Le sursis, le cas échéant partiel, était acceptable. Une peine pécuniaire complémentaire de 70 jours-amende était pour le surplus envisageable pour réprimer les infractions à la LCR.

b. A______ a été représenté par son conseil, lequel a conclu au rejet de l'appel, subsidiairement au prononcé d'une peine privative de liberté avec sursis complet pour les actes sexuels commis sur une personne incapable de résister. Bien qu'invité à le faire dans sa convocation aux débats, A______ n'a pris aucune conclusion en indemnisation de ses frais de défense.

Les circonstances du cas d'espèce étaient particulières. Il était en couple avec la partie plaignante, dont il était très épris, et l'avait soutenue financièrement. Ils avaient passé la soirée ensemble et consommé beaucoup d'alcool. Cela ne justifiait pas ses actes mais atténuait sa faute. Sa collaboration avait été plutôt bonne. Il avait finalement admis sa culpabilité et, durant l'instruction, n'avait pas tout nié, en particulier l'évidence. Il avait immédiatement pris conscience de sa faute et présenté des excuses à la victime, prenant de ses nouvelles et essayant de comprendre ce qui s'était passé.

Les faits étaient relativement anciens et la partie plaignante, se désintéressant désormais du sort de la procédure, ne semblait plus souffrir psychiquement des actes en cause.

Le fruit du travail d'A______ représentait la seule source de revenus pour sa famille, de sorte qu'une peine ferme aurait des conséquences financières préjudiciables pour elle. Il n'avait pas d'antécédent ni récidivé en matière sexuelle.

D. a. A______, né le ______ 1963 au Kosovo, dont il est ressortissant, est marié et père de deux enfants majeurs. Il est venu en Suisse en 1997 et est titulaire d'un permis C.

Il est l'unique associé gérant d'une Sàrl et perçoit un salaire mensuel brut de CHF 5'500.-, versé treize fois l'an.

Il vit avec son épouse ainsi qu'avec l'un de ses fils et la famille de celui-ci. Son loyer se monte à CHF 2'060.-, charges comprises.

b. Il ressort de l'extrait de son casier judiciaire suisse qu'A______ a été condamné à deux reprises en lien avec l'exploitation de sa société, soit :

-       le 22 octobre 2014 par le MP, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 50.- et à une amende pour infraction à l'art. 87 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS) et contravention à l'art. 106 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage (LACI) ;

-       le 25 août 2016 par le MP, à une peine pécuniaire de 80 jours-amende à CHF 120.- pour infraction à l'art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI).

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

1.2. En l'espèce, l'appelant conteste la peine prononcée pour les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP) ainsi que pour les violations qualifiées de l'interdiction de conduire sous l'influence de l'alcool (art. 91 al. 2 let. a LCR). Ces infractions sont passibles de peines privatives de liberté de dix ans et de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2. 2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 et 134 IV 17 consid. 2.1).

Les critères applicables au choix de la peine sont les mêmes que ceux qui fondent la mesure de celle-ci ; l'opportunité d'une sanction déterminée joue un rôle important et les décisions sur ces points exercent l'une sur l'autre une influence réciproque. Pour déterminer le genre de peine devant sanctionner une infraction au regard de l'art. 47 CP, il convient donc notamment de tenir compte de la culpabilité de l'auteur. La faute de l'auteur n'est cependant pas déterminante si différents genres de peine entrent en considération. Dans un tel cas de figure, la culpabilité de l'auteur ne peut constituer le critère décisif, mais doit être appréciée aux côtés de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première (ATF 144 IV 241 consid. 3.2).

2.2. Sauf disposition contraire de la loi, la peine pécuniaire ne pouvait excéder 360 jours-amende sous le droit en vigueur antérieurement au 1er janvier 2018, contre 180 jours-amende selon le nouveau droit (art. 34 al. 1 aCP et nCP, 1ère phrase). Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP, 2ème phrase). Le jour-amende est de CHF 3'000.- au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

2.3. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il doit, dans un premier temps, fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

2.4. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Dans un tel cas, il imparti au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

Le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain. Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1).

2.5. L'art. 42 al. 4 CP permet au juge de prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP. Celle-ci entre en ligne de compte en matière de délinquance de masse (Massendelinquenz), lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3) La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que l'amende est d'importance secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4).

2.6. En l'espèce, la faute du prévenu en lien avec l'infraction à l'art. 191 CP – un crime (art. 10 al. 2 CP) – est importante.

Il a profité de l'isolement de la victime pour lui prodiguer un cunnilingus et introduire ses doigts dans le sexe de cette dernière sans son consentement, ce qui constitue un acte particulièrement intrusif, dépassant de loin la gravité d'un attouchement ou d'une caresse non désirés. Il savait qu'elle était incapable de lui opposer une quelconque résistance et dépendante de l'aide de tiers au vu de son état. Ils étaient certes encore perçus comme un couple par leur entourage mais l'intimé était conscient que leur relation battait de l'aile. Ils se sont par ailleurs séparés le lendemain sans que cela apparaisse exclusivement dû aux faits en cause. L'intimé a été mû par la seule envie d'assouvir un désir charnel, sans aucun égard pour l'intégrité et la liberté sexuelles de la victime. À sa décharge, il était très amoureux d'elle et les parties avaient pris part à une soirée comme un couple, dans un esprit festif. Cela explique pourquoi les actes de l'intimé n'ont apparemment causé qu'une atteinte limitée à la santé psychique de la partie plaignante, ainsi qu'en témoigne son attitude après les faits. Bien qu'éloignée de l'intimé, elle a maintenu un contact avec lui, pris et donné de ses nouvelles, lui a proposé de se revoir et a continué à utiliser sa carte de crédit. Elle a indiqué ne pas craindre de se retrouver seule avec lui.

La collaboration de l'intimé s'est révélée médiocre. Il a contesté les actes sexuels en cause jusqu'en première instance et n'a pas comparu durant les débats d'appel. Les messages échangés avec la partie plaignante, dans lesquels il admet une erreur et présente ses excuses, reflètent cependant une certaine prise de conscience de sa faute et l'expression de regrets.

Une période de six ans s'est écoulée depuis les faits.

Les éléments susexposés, en particulier la faute de l'intimé, excluent le prononcé d'une peine pécuniaire, même eu égard au plafond de 360 jours-amende prévu par l'ancien droit, plus favorable sous cet angle au nouveau droit. Une peine privative de liberté s'impose par conséquent et sera fixée, toujours en prenant en considération les éléments ci-avant, à 18 mois.

L'intimé n'a pas d'antécédent, n'a pas récidivé dans l'intervalle et a exprimé des regrets. Il ne présente dès lors pas un pronostic défavorable nonobstant sa collaboration médiocre. La peine sera assortie du sursis et le délai d'épreuve fixé à la durée minimale de deux ans au vu du très faible risque de récidive.

2.7. La faute de l'intimé pour ses conduites en état d'ébriété est également importante. Il a roulé sous l'emprise de l'alcool, sans égard pour la sécurité des autres usagers de la route. Il a même eu un accident dans un parking la première fois, ce qui ne l'a pas dissuadé de récidiver un peu plus d'une année plus tard. Ni la gravité des infractions à la LCR ni les éléments relatifs à la personne de l'intimé n'imposent toutefois une peine privative de liberté, de sorte qu'une peine pécuniaire sera prononcée. Elle sera fixée à 55 jours-amende pour sanctionner la seconde conduite en état d'ébriété, la plus grave, et étendue à 75 jours-amende pour tenir compte de la première infraction (peine théorique de 35 jours-amende).

Le montant du jour-amende arrêté par les premiers juges à CHF 100.-, qui n'est contesté par aucune des parties, sera confirmé dès lors qu'il est conforme à la situation financière de l'intimé, qui perçoit un salaire mensuel brut (13ème salaire compris) d'un peu moins de CHF 6'000.- et dont la charge principale, outre son propre entretien, consiste dans son loyer de CHF 2'060.- par mois.

Si en lien avec les infractions à la LCR, au nombre de deux et plus récentes, le pronostic de l'intimé est moins bon, il n'est pas pour autant défavorable. La peine pécuniaire sera dès lors également assortie du sursis mais, pour tenir compte du risque de récidive résiduel, le délai d'épreuve sera fixé à quatre ans.

2.8. Eu égard à cette même considération, ces délits seront en outre sanctionnés par une amende, afin de favoriser la prise de conscience par l'intimé de la gravité de son comportement dans le domaine de la circulation routière. L'amende est fixée, conformément à la jurisprudence susmentionnée, à 20% de la peine principale, de CHF 7'500.- (75 jours-amende × CHF 100.-), soit à CHF 1'500.-, avec peine privative de liberté de substitution de 15 jours, correspondant à un jour pour CHF 100.- par équivalence avec le montant du jour-amende précédemment arrêté.

Afin d'intégrer l'amende d'ordre de CHF 60.- acquise aux débats, sanctionnant la contravention à l'obligation de porter la ceinture, le montant total de l'amende sera arrêté à CHF 1'560.-, avec peine privative de liberté de substitution de 15 jours.

3. L'intimé succombe sur le principe dès lors que la peine querellée est majorée, mais la quotité arrêtée est moindre que celle requise par l'appelant. Il supportera dès lors la moitié des frais de la procédure d'appel, qui comprendront un émolument de décision de CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

Bien qu'invité à le faire, l'intimé n'a pas chiffré ni justifié de conclusion en indemnisation de ses frais de défense. Il peut donc être admis qu'il y a implicitement renoncé (ATF 146 IV 332 consid. 1.3).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTCO/103/2021 rendu le 29 septembre 2021 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/22840/2016.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de conduite d'un véhicule automobile sans assurance responsabilité civile (art. 96 al. 2 LCR).

Déclare A______ coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP), de violation de l'interdiction de conduire sous l'influence de l'alcool (art. 91 al. 2 let. a LCR) et de contravention à l'art. 96 OCR.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de deux jours de détention avant jugement.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans.

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 75 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 100.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à quatre ans.

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant les délais d'épreuve, les sursis pourraient être révoqués et les peines suspendues exécutées, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______ à une amende de CHF 1'560.-.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 15 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ à payer à C______ CHF 1'000.-, avec intérêts à 5% dès le 13 août 2016, à titre de réparation du tort moral.

Ordonne la restitution à C______ de la culotte figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______.

Prend acte de ce que les frais de la procédure de première instance ont été arrêtés à CHF 3'000.-

Fixe les frais de la procédure d'appel à CHF 1'655.-, ceux-ci comprenant un émolument de décision de CHF 1'200.-.

Met l'intégralité des frais de la procédure de première instance, soit CHF 3'000.-, et la moitié des frais de la procédure d'appel, soit CHF 827.50, à la charge d'A______, le solde étant laissé à la charge de l'Etat.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations, au Service cantonal des véhicules ainsi qu'à C______, soit pour elle son conseil Me Laura SANTONINO.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

3'000.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

350.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

30.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'655.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'655.00