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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4074/2022

DCSO/82/2023 du 08.03.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.264.al1; lp.263.al1; oaof.88
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4074/2022-CS DCSO/82/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 8 MARS 2023

 

Plainte 17 LP (A/4074/2022-CS) formée en date du 28 novembre 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Christel Burri, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me BURRI Christel

KBB

Place Longemalle 16

1204 Genève.

- Office cantonal des faillites.

 

 


EN FAIT

A. a. La faillite de A______, né le ______ 1967 et domicilié à Genève, a été déclarée le ______ 2021 par le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois.

Elle a été liquidée en la forme sommaire par l'Office cantonal des faillites (ci-après : l'Office).

b. Le compte de frais et tableau de distribution des deniers a été établi le
23 septembre 2022.

La veille, 22 septembre 2022, l'Office avait établi et adressé aux créanciers admis à l'état de collocation et non complètement désintéressés des actes de défaut de biens après faillite portant la date du 23 septembre 2022.

c. Par jugement du 26 octobre 2022, le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois a prononcé la clôture de la faillite. Un recours contre ce jugement, interjeté par le failli auprès de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, est pendant.

d. Sur requête du conseil de A______, l'Office lui a adressé par courriel, le 18 novembre 2022, le compte de frais et tableau de distribution dressé le 23 septembre 2022; une copie des courriers d'accompagnement adressés aux créanciers en même temps que les actes de défaut de biens qui leur étaient destinés était annexée, mais pas les actes de défaut de biens eux-mêmes.

B. a. Par acte adressé le 28 novembre 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le tableau de distribution du 23 septembre 2022 et contre les actes de défaut de biens datés du même jour, concluant à la constatation de leur nullité, subsidiairement à leur annulation. Il a fait valoir à l'appui de ses conclusions que l'Office, en violation de l'art. 87 al. 1 OAOF, ne l'avait pas informé du dépôt du tableau de distribution; en violation "flagrante" de l'art. 264 al. 1 LP, il avait par ailleurs établi et adressé aux créanciers concernés les actes de défaut de biens dans la faillite avant même le dépôt de l'état de collocation. Enfin, l'Office avait violé son droit d'être entendu en communiquant par courriel à son conseil, le 18 novembre 2022, une copie partielle et lacunaire du dossier.

b. Par ordonnance du 2 décembre 2022, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif formée à titre préalable par le plaignant.

c. Dans ses observations du 19 décembre 2022, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

Pour l'Office, A______ avait eu connaissance du dépôt du tableau de distribution et de la délivrance des actes de défaut de biens au moment de la publication du jugement de clôture de la faillite, intervenue le 1er novembre 2022, de telle sorte que la plainte déposée le 28 novembre 2022 était tardive. Il ne faisait par ailleurs valoir aucun grief relatif au contenu des actes contestés, et ne pouvait donc se prévaloir d'aucun intérêt actuel, concret et digne de protection.

Sur le fond, la distribution des deniers et la délivrance d'actes de défaut de biens pouvait, lorsque la faillite était liquidée en la forme sommaire, intervenir dès que le tableau de distribution, qui n'avait pas à être déposé, avait été dressé. La loi ne prévoyait pas que le failli dût être informé de la délivrance des actes de défaut de biens. On pouvait certes se demander si l'Office n'aurait pas dû informer le failli de l'établissement du tableau de distribution, de manière à lui permettre de faire valoir ses droits, mais cette éventuelle omission avait été corrigée par la communication au plaignant dudit tableau par courriel le 18 novembre 2022. Enfin, le fait qu'une copie des actes de défaut de biens n'ait pas été communiquée au conseil du plaignant le 18 novembre 2022 en même temps que le reste du dossier ne résultait pas d'une volonté de dissimulation mais d'un problème informatique; A______ n'avait subi aucun préjudice en relation avec cette absence de communication puisque le tableau de distribution comportait une liste des actes de défaut de biens et qu'il aurait pu les consulter dans les locaux de l'Office.

d. En l'absence de réplique spontanée, la cause a été gardée à juger le
4 janvier 2023.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).. La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés ou, à tout le moins, atteinte dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a; arrêt 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1 et les références).

1.1.2 Le tableau de distribution dans la faillite et le compte final – qui en constitue une partie (Schober, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 3 ad art. 263 LP) – sont des mesures de l'office des faillites pouvant être contestées par la voie de la plainte à l'autorité de surveillance (Staehelin/Stojiljkovic, in BSK SchKG II, 3ème édition, 2021, N 13 ad art. 263). L'autorité de surveillance ne pourra toutefois qu'examiner si le tableau de distribution correspond à l'état de collocation ainsi que s'il a été établi en conformité avec les prescriptions de forme; elle est également compétente pour déterminer s'il existait des motifs de révision de l'état de collocation définitif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_639/2015 consid. 3.2).

La voie de la plainte est notamment ouverte aux créanciers admis à l'état de collocation mais non entièrement désintéressés. Le débiteur failli peut lui aussi former une plainte contre le tableau de distribution s'il est touché dans ses intérêts dignes de protection, ce qui sera le cas s'il conteste le compte final, fait valoir une violation de la loi en relation avec la distribution elle-même – dès lors qu'une distribution erronée implique la distribution d'actes de défaut de biens inexacts – ou s'il existe un excédent de liquidation (ATF 129 III 559 consid. 1.2; Staehelin/Stojiljkovic, op. cit., N 14 ad art. 263 LP; Schober, op. cit., N 8 ad art. 263 LP; Stöckli/Possa, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 15 ad art. 263 LP).

1.2 Il résulte en l'espèce du dossier que le plaignant a eu connaissance du tableau de distribution le 18 novembre 2022. En formant plainte contre cet acte le
28 novembre 2022, il a dès lors respecté le délai de dix jours prévu par l'art. 17 LP. Contrairement à ce que soutient l'Office, la publication du jugement de clôture de la faillite, intervenue le 1er novembre 2022, ne pouvait faire partir le délai de plainte dès lors qu'elle ne permettait nullement au plaignant de connaître le contenu du compte final et du tableau de distribution.

Le plaignant fait valoir à l'appui de ses conclusions que l'Office ne lui a pas communiqué le dépôt du tableau de distribution, n'a pas attendu l'entrée en force de ce tableau pour établir et remettre aux créanciers perdants les actes de défaut de biens leur revenant et ne lui a pas communiqué copie desdits actes de défaut de biens en même temps que le reste du dossier le 18 novembre 2022. Il invoque ainsi la violation de dispositions devant lui donner la possibilité de contester le compte final et le tableau de distribution. Dans cette mesure, il fait valoir une violation de ses intérêts juridiquement protégés, ce qui lui confère la qualité pour former plainte.

La plainte répond pour le surplus aux exigences de forme et de contenu requises par la loi. Elle est donc recevable.

Dès lors que le jugement de clôture de la faillite n'est pas définitif, ayant fait l'objet d'un recours dont le sort n'a pas encore été tranché, il n'y a pas lieu d'examiner si une éventuelle clôture définitive de la procédure de faillite aurait pour effet de rendre la plainte sans objet.

2. 2.1 Lorsque la faillite est liquidée en la forme ordinaire, le compte final et le tableau de distribution des deniers (lequel comporte une liste des actes de défaut de biens délivrés aux créanciers non complètement désintéressés) doivent être déposés pendant une période de dix jours auprès de l'office des faillites compétent (art. 263 al. 1 LP). Ce dépôt n'a pas à être publié (Jeandin/Casonato, in CR LP, 2005, N 11 ad art. 263 LP) mais les créanciers (art. 263 al. 2 LP) et le débiteur failli (art. 87 al. 1 OAOF) doivent en être informés par lettre recommandée. Un extrait du tableau de distribution relatif au dividende lui revenant doit en outre être adressé à chaque créancier (art. 263 al. 2 LP et 87 al. 1 OAOF). A l'expiration de la durée du dépôt, l'administration de la faillite doit s'assurer que le tableau de distribution est devenu définitif, autrement dit qu'il n'a fait l'objet d'aucune plainte à l'autorité de surveillance, avant de procéder à la distribution des deniers et de délivrer aux créanciers non totalement désintéressés les avis de défaut de biens leur revenant (art. 264 al. 1 et 265 al. 1 LP; art. 88 OAOF).

Lorsque la faillite est liquidée en la forme sommaire, l'administration de la faillite peut renoncer à déposer le tableau de distribution (art. 231 al. 3 ch. 4 LP). Bien que la loi ne précise pas quel effet une éventuelle renonciation au dépôt a sur les obligations de communication incombant à l'administration de la faillite, il paraît évident que son obligation d'informer les créanciers et le débiteur du dépôt du tableau de distribution disparaît faute d'objet. On comprend cela étant de la règlementation légale que le législateur a voulu que la distribution des deniers n'intervienne qu'une fois le tableau de distribution entré en force (art. 264 al. 1 LP), de manière à éviter que son éventuelle correction intervienne après que l'administration de la faillite a versé les dividendes et délivré les actes de défaut de biens. Il paraît donc expédient que, également lorsque la faillite est liquidée en la forme sommaire, les personnes disposant de la qualité pour attaquer le tableau de distribution par la voie de la plainte soient informées de son établissement, de manière à ce qu'elles puissent le consulter et exercer leurs droits. Pour les créanciers, une telle information découlera en principe de la communication relative au dividende leur revenant (art. 263 al. 2 LP) alors que, pour le débiteur failli, une communication ad hoc paraît souhaitable par application analogique de l'art. 87 al. 1 OAOF.

Pour ce qui est de la distribution des deniers, plusieurs auteurs considèrent que, dès lors que l'art. 264 al. 1 LP, qui se réfère expressément au délai de dépôt du tableau de distribution, ne peut être appliqué tel quel lorsque la faillite est liquidée en la forme sommaire, l'administration qui a renoncé au dépôt peut directement procéder à la distribution des deniers et à la délivrance des actes de défaut de biens (Jeandin/Casonato, op. cit., N 3 ad art. 264 LP; Gilliéron, Commentaire, N 8 ad art. 264 LP, cet auteur considérant qu'il s'agit là d'une contrepartie à la prohibition des distributions provisoires en cas de liquidation sommaire de la faillite, ladite prohibition n'existant toutefois plus depuis le 1er août 2021). Cette opinion paraît toutefois contestable, puisqu'elle permettrait à l'administration de la faillite de procéder à la distribution de dividendes alors que le délai de dix jours pour former une plainte contre le tableau de distribution n'aurait pas encore expiré, voire n'aurait pas encore commencé à courir, ce qui contredit à tout le moins l'esprit de l'art. 264 al. 1 LP.

2.2 Il ne sera pas nécessaire en l'espèce de résoudre les questions abordées ci-dessus, le plaignant ne les invoquant qu'à titre purement formel sans que l'on discerne en quoi la réponse qui leur serait donnée modifierait le cours de la faillite.

Ainsi, même s'il fallait admettre avec le plaignant que l'Office aurait dû l'informer de l'établissement du tableau de distribution (qui n'avait pas à être déposé), il faudrait simultanément constater que cet acte lui a effectivement été communiqué le 18 novembre 2022 et qu'il a effectivement eu la possibilité de faire valoir ses griefs à son encontre dans le délai de plainte de l'art. 17 LP. Une annulation du tableau de distribution ne répondrait dans cette configuration à aucun intérêt public ou privé dès lors que la communication prétendument omise a finalement été faite, sans que le plaignant en subisse aucun préjudice puisqu'il a eu la possibilité de faire valoir ses droits. On ne voit pour le surplus pas quel motif pourrait justifier une nullité au sens de l'art. 22 al. 1 LP, la disposition prétendument violée ne visant à protéger que les intérêts du débiteur failli.

De la même manière, une prétendue violation par l'Office des art. 264 al. 1 et 265 al. 1 LP, consistant en une distribution prématurée des dividendes et une délivrance tout aussi prématurée des actes de défaut de biens, ne pourrait conduire à une annulation du tableau de distribution et des actes de défaut de biens que si le caractère erroné dudit tableau devait être par la suite admis. La prescription selon laquelle l'administration de la faillite ne peut procéder à la distribution avant que le tableau de distribution n'entre en force ne peut en effet être isolée de son but, qui consiste à éviter qu'en cas de modification ultérieure l'administration doive procéder à une nouvelle répartition et, dans ce cadre, à obtenir de certains créanciers la restitution de montants versés à tort, à annuler des actes de défaut de biens et à en émettre de nouveaux (cf. à cet égard Staehelin/Stojiljkovic, op. cit., N 17 ad art. 264 LP). Lorsque, comme en l'espèce, aucun grief n'est articulé à l'encontre du compte final de frais, du tableau de distribution et des actes de défaut de biens, et donc que le caractère exact de ces actes n'est pas remis en cause, la caractère éventuellement prématuré de la distribution demeure sans conséquence.

Enfin, le grief de violation de son droit d'être entendu soulevé par le plaignant, en relation avec le fait que la communication électronique intervenue le
18 novembre 2022 ne comportait – selon toute vraisemblance en raison d'une erreur de l'Office – pas de copie des actes de défaut de biens délivrés, doit également être rejeté. D'une part en effet le tableau de distribution comportait une liste des actes de défaut de biens comportant les mêmes informations que celles ressortant des actes de défaut de biens eux-mêmes; d'autre part, il pouvait être attendu du plaignant qu'il réclame de l'Office les pièces manquantes, étant précisé qu'il lui aurait aussi été loisible de les consulter dans les locaux de l'Office.

En tous points mal fondée, la plainte doit donc être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 28 novembre 2022 par A______ contre le compte final et le tableau de distribution établis le 23 septembre 2022 par l'Office cantonal des faillites ainsi que contre les actes de défaut de biens établis le 22 septembre 2022.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.