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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1011/2024

JTAPI/283/2024 du 28.03.2024 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1011/2024 et A/1055/2024 LVD

JTAPI/283/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 mars 2024

 

dans la cause

Monsieur A______

contre

Madame B______, représentée par Me Sofia SUAREZ-BLASER, avocate, avec élection de domicile

COMMISSAIRE DE POLICE

et

Madame B______, représentée par Me Sofia SUAREZ-BLASER, avocate, avec élection de domicile

contre

Monsieur A______

EN FAIT

1.             Par décision du 25 mars 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement courant du 25 mars 2024 à 06h00 au 4 avril 2024 à 17h00, soit d'une durée de onze jours à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher ou de contacter Madame B______, et de s'approcher et de pénétrer à l'adresse privée, située ______[GE].

Le séquestre de tous les moyens donnant accès au domicile susmentionné était également ordonné.

Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

" Description des dernières violences :

Conflit verbal, suivi d'un conflit physique incluant des blessures sur sa femme (hématomes sur le front et sur le bras droit).

Description des violences précédentes :

Divers conflits verbaux ainsi que physiques. Plusieurs coups sur le corps ainsi que des injures.

M. A______ démontrait par son comportement violent qu'il était nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes.

2.             M. A______ a immédiatement fait opposition à cette décision devant le commissaire de police le 25 mars 2024.

3.             L'opposition a été transmise par la police le même jour au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

4.             Selon le rapport de renseignement du 25 mars 2024, une patrouille de police était intervenue la veille à l'adresse susmentionnée en raison des violences conjugales. Sur place, Mme B______ avait déclaré que son mari l'avait frappée durant la soirée. Elle avait déjà subi des violences par le passé. Les policiers avaient constaté qu'elle avait une marque rouge sur le front et la joue droite. Elle leur avait également montré un hématome sur son bras droit résultant d'une précédente dispute. Elle voulait déposer plainte contre son mari. Quant à M. A______, il a expliqué s'être défendu contre sa femme qui s'en était prise à lui. Il avait des traces de griffures sur plusieurs parties de son corps. Ce n'était pas la première fois qu'un conflit surgissait entre eux. Par le passé, il avait déjà été frappé et menacé avec un couteau.

5.             M. A______ et Mme B______ ont été conduits au poste de police, où ils ont été auditionnés le 25 mars 2024.

6.             Entendue la première, Mme B______ a notamment expliqué que le couple s'était connu à travers les réseaux sociaux, deux ans plus tôt. Elle avait rejoint M. A______ qui vivait à Genève. Il avait une fille de six ans dont il avait la garde à 50 %.

Lorsqu'ils avaient commencé à vivre ensemble, tout allait bien. Ils avaient décidé de se marier en Espagne où ils avaient fait une belle cérémonie, mais les problèmes avaient commencé peu après. En fait, il y avait déjà eu des problèmes avant le mariage et elle avait dû quitter la maison pour se réfugier ailleurs. À ce moment, elle avait hésité à se marier car il y avait déjà des violences, des menaces et des injures, mais elle était amoureuse de lui, elle avait déjà sa robe de mariée et tout était organisé. Elle avait donc décidé d'aller de l'avant avec lui.

Lorsqu'ils étaient rentrés d'Espagne, ils n'avaient pas pu entamer les procédures en vue de l'obtention de son permis de séjour car son mari n'avait pas de travail.

Dès leur retour à Genève, il y avait eu pas mal de disputes, lors de sorties, de fêtes, au restaurant ou chez des amis. Son mari buvait trop et commençait à l'insulter. Il lui disait que son argent était le sien et qu'elle n'avait pas à réclamer quoi que ce soit car elle n'était personne pour lui et qu'elle n'avait aucun droit. Il lui disait qu'elle était dépendante de lui. Elle était partie plusieurs fois de la maison. Elle avait toujours peur lorsqu'il rentrait car elle ne savait pas ce qui l'attendait. Parfois, lorsqu'il rentrait, il allait se coucher, mais parfois, il continuait de la rabaisser. Il disait aussi qu'elle n'avait pas de famille, qu'elle n'avait rien et que sa famille n'était rien par rapport à la sienne. Chaque fois qu'il aidait sa famille, il le lui reprochait. Il la rabaissait sans cesse. Il la comparait avec la mère de sa fille. Elle était épuisée. Il la rabaissait également devant leurs amis. Même pour une cigarette, il disait que c'était avec son argent et qu'elle n'avait rien.

Durant l'année passée, ils étaient allés en discothèque et il avait beaucoup bu. Il avait un problème avec le contrôle de la boisson. Elle avait voulu rentrer mais il n'avait pas voulu. Il lui avait demandé de lui rendre sa carte, son argent devant tout le monde, ce qu'elle avait fait. Il l'avait poussée devant tout le monde et elle l'avait également repoussé. Alors qu'elle attendait le taxi dehors, il avait agressé le chauffeur de taxi en disant qu'il allait appeler la police. Il avait tapé sur le taxi. Il l'avait également menacée en disant « tu vas voir ce qu'il va se passer ». Le chauffeur l'avait raccompagnée à la maison. Son mari était rentré le lendemain à 08h00. Elle ne pouvait pas donner de date précise à ce sujet car elle n'avait plus son ancien téléphone que son mari avait cassé.

Elle a également relaté une dispute survenue l'été passé après avoir été aux D______. La dispute avait commencé dans la voiture qui devait les amener manger au restaurant avec des amis. Elle était alors descendue de la voiture, son mari l'avait suivie et il avait attrapé son sac par derrière, tellement fort que ça lui avait laissé une marque sur le bras. Elle était ensuite allée dormir chez une amie.

Deux jours plus tôt, une amie leur avait proposé de venir manger chez elle. Son mari ayant déjà bu une bouteille de vin, elle lui avait dit qu'il valait mieux qu'il reste à la maison pour éviter les histoires. Elle était donc partie sans lui. Une fois arrivée chez son amie, son mari l'avait appelée et lui avait demandé de le rejoindre avec les amis, dans le bar où il se trouvait. Lorsqu'ils étaient arrivés dans le bar, il avait déjà bien bu. Sur le chemin du retour, son mari s'était mis à parler avec le mari de son amie en disant des choses méchantes à son sujet, notamment qu'il vivait avec une « inutile », qui finirait sous les ponts, qu'elle devrait lui rembourser l'argent qu'il avait donné à son frère. Il n'avait pas cessé de la rabaisser.

Arrivés à la maison, il avait allumé le four et s'était endormi. Il était ivre et ne savait plus ce qu'il faisait. Chaque fois qu'il buvait, il était comme ça.

Le jour suivant, lorsqu'elle était rentrée au domicile vers 16h00, son mari n'était pas là et elle avait vu qu'il avait pris une bouteille de Tequila. Elle avait aussitôt compris ce qui allait se passer. Son mari était rentré vers 20h00 ou 22h00 pour se changer et repartir. Il était finalement rentré à 6h00 du matin le lendemain.

Le 24 mars 2024, elle était rentrée chez elle après être allée manger chez une amie. Son mari avait essayé d'être aimable mais elle n'avait pas suivi le mouvement. Lorsqu'il s'était rendu compte qu'elle ne voulait plus parler avec lui, il avait changé. Elle lui avait dit qu'elle ne voulait plus s'occuper de sa fille. Il lui avait alors répondu que si elle ne voulait plus s'en occuper, elle pouvait partir à la rue. Elle lui avait répondu que ce n'était pas une obligation et qu'elle le faisait pour l'aider. Il avait alors appelé ses parents ainsi que les siens. Il s'était ainsi plaint auprès de sa mère (à lui) du fait qu'elle ne faisait pas à manger, qu'elle ne voulait pas s'occuper de lui et qu'elle était inutile. Pendant qu'il était au téléphone avec sa mère, elle avait parlé plus fort pour qu'elle entende qu'elle ne s'occuperait plus de son fils. Son mari l'avait alors prise par les cheveux par l'arrière et il l'avait menacée avec une bouteille de vin entamée dans le but de la frapper. Il avait repris son téléphone et appelé sa mère (à elle) pour lui répéter les mêmes choses. Il lui avait dit que sa fille avait l'obligation de s'occuper de lui. Sa maman qui était à Cuba s'inquiétait pour elle. Alors qu'il continuait à parler avec sa mère, elle avait parlé fort pour lui dire de raccrocher. Il l'avait poussée et elle l'avait repoussé en retour. A un moment, il avait raccroché et lui avait dit de partir dans la « putain de rue » et qu'elle devait écouter ses « putes de copines » qui lui avaient rempli la tête de choses.

Elle avait voulu prendre son téléphone, mais il l'avait caché. Après qu'elle lui avait demandé où se trouvait son portable, il avait fait semblant de ne pas savoir. Il avait dit qu'il était en train d'enregistrer ce à quoi elle avait répondu qu'il faisait bien. Elle avait alors dit à haute voix de ne plus la frapper et de la maltraiter. À ce moment, il l'avait poussée fort et elle aussi. Il lui avait donné plusieurs coups au visage. Elle ne savait pas si c'était des coups ou des claques. Elle l'avait griffé pour se défendre. Elle avait fermé les yeux pendant les coups.

Lors d'un des coups, il lui avait pris les cheveux pour lui frapper la tête contre le mur de la cuisine. Elle avait continué à chercher son téléphone qui était caché au-dessus du meuble de la cuisine. Elle lui avait dit qu'elle allait appeler la police et il avait lui-même appelé la police. Durant cette altercation, elle avait malencontreusement cassé les lunettes de vue de son mari.

Elle a partagé avec les policiers une vidéo du 21 février 2024 où on voyait son mari alcoolisé avec un couteau. Il manifestait son intention de vouloir se couper les veines. Il avait changé de comportement au moment il s'était aperçu qu'elle le filmait. Ils avaient ensuite discuté entre 1h00 à 3h00 du matin. Elle avait envoyé la vidéo à une amie et il s'en était aperçu. À ce moment-là, il avait essayé de prendre son téléphone pour le casser. Il avait pris un câble et l'avait frappée au niveau du bras gauche et de la jambe droite. Il l'avait frappée plusieurs fois avec le câble. Pour finir, le téléphone avait pris un coup de câble et s'était cassé. Elle a transmis aux policiers les photos de ses blessures suite à ces faits.

7.             Lors de son audition, M. A______ a expliqué que durant la soirée du 24 mars 2024, une dispute avait éclaté car son épouse avait envoyé de l'argent à son frère et à sa mère sans son autorisation. Elle avait en effet payé un billet d'avion pour son frère avec son argent, et des packs Internet pour ses parents. Elle avait réalisé les transferts via une application sur son téléphone. Pour valider le paiement qui nécessitait une reconnaissance faciale de son visage, son épouse avait fait un scan de son visage avec son téléphone pendant qu'il dormait. Ce mois les transferts s'étaient élevés à environ CHF 3'000.-.

Il était seul à travailler et gagnait environ CHF 5'000.- par mois. Sa femme ne travaillait pas et n'avait pas de revenus. Il devait donc payer les factures et il lui donnait CHF 500.- pour ses dépenses. Dernièrement, ils avaient dépassé cette somme car elle avait envoyé trop d'argent à sa famille, sans son autorisation. Sa femme lui mettait la pression pour envoyer de l'argent à son frère qui traversait le Mexique afin d'entrer aux USA illégalement. Il n'était pas d'accord et n'avait pas à payer pour cela. Elle le menaçait de ne plus prendre soin ni de s'occuper de sa fille s'il ne l'aidait pas. Il n'y avait aucune limite. Elle voulait plus d'argent qu'il ne pouvait lui donner.

Il estimait qu'il n'avait pas à assumer sa famille. En plus de ses factures, il avait également une fille issue d'une précédente relation qu'il devait également aider financièrement.

Ce soir, elle s'en était prise à lui physiquement et l'avait griffé sur plusieurs endroits du corps. Elle lui avait également cassé une paire de lunettes. C'était la deuxième fois qu'elle lui cassait des lunettes.

Avant que la dispute n'éclate, il avait téléphoné à la mère de sa femme pour expliquer la situation, lui indiquant que sa femme n'avait pas à envoyer de l'argent à son frère et qu'il ne pouvait pas assumer les problèmes de toute sa famille. Il lui avait dit qu'il avait pris la carte bancaire de son épouse car n'ayant plus d'argent sur le compte, il ne voulait pas qu'elle en prenne davantage. Alors qu'il était en train de parler à sa mère, sa femme avait commencé à crier qu'il la tapait. C'est là qu'elle l'avait attaqué par derrière et lui avait donné des gifles aux visages à plusieurs reprises ; elle l'avait griffé sur le front et sur le cou. Il lui avait demandé de s'éloigner. Il avait enregistré leur dispute avec son téléphone portable qu'il avait mis dans sa poche. Il en avait informé son épouse.

Le 23 mars 2024, une dispute avait aussi éclaté entre eux. Sa femme l'avait griffé et l'avait frappé avec un téléphone sur le ventre. Elle lui avait encore réclamé de l'argent, en prétextant que c'était le sien.

Quelques jours plus tôt, elle avait été amendée par les TPG car elle n'avait pas payé son ticket de bus. Elle avait donné une fausse adresse et ils avaient reçu une amende de francs CHF 360.- qu'il avait dû régler. Elle ne l'avait pas informé de ces faits.

Leurs conflits étaient surtout dû à l'argent. S'il lui donnait l'argent qu'elle réclamait c'était bon, s'il ne le lui en donnait pas, un conflit surgissait et elle lui disait qu'elle ne l'aiderait plus à la maison ni avec sa fille.

Ce soir, il s'était protégé en repoussant sa femme avec ses mains. Il contestait lui avoir donné plusieurs coups au visage. Il contestait également avoir saisi son épouse par les cheveux et l'avoir frappée contre un mur de la cuisine. Il ne pouvait expliquer comment une marque rouge, visible sur le front de sa femme à l'arrivée de la police, était survenue. Il contestait avoir injurié sa femme. Il lui avait dit qu'elle n'avait pas de permis et qu'elle devait apprendre le français. Il lui avait dit qu'elle ne faisait rien de sa vie et qu'elle était inutile. Il contestait l'avoir menacée.

À ce stade de l'audition, il est relevé sur le procès-verbal que M. A______ avait fait écouter l'enregistrements d'une partie de la dispute aux policiers. Lors de cette conversation en espagnol, on entendait qu'il informait son épouse de l'enregistrement. Celle-ci avait répondu qu'elle était contente que la conversation soit enregistrée et elle l'accusait de fraude. À un moment donné on entendait dire « ne me touche pas » et on entendait des bruits de coups. Elle lui disait « lâche-moi » et il lui demandait d'en faire de même. À ce sujet, l'intéressé a expliqué que sa femme l'avait agrippé par les cheveux et qu'elle l'avait griffé. Il l'avait repoussée sur le canapé. Elle le griffait tout le temps lors de leurs disputes.

Son épouse lui reprochait d'avoir des contacts avec la mère de sa fille, E______. Sa femme était jalouse et pensait qu'il avait couché avec son ex-femme. Ces histoires de jalousie infondées provoquaient des conflits entre eux.

Il a ajouté qu'à une reprise, sa femme l'avait pointé avec un couteau lors d'une dispute en rapport avec la mère de E______. Elle l'avait touché à plusieurs endroits sur le corps avec la pointe d'un couteau de cuisine. Cela avait provoqué des saignements, qu'il avait soignés avec des pansements. Quant à lui, il avait utilisé un câble de chargeur de téléphone pour se défendre.

Il contestait qu'il y ait eu des violences avant leur mariage.

Il n'avait jamais été agressif avec sa femme ni menaçant. Le climat entre eux changeait uniquement au moment où il n'y avait plus d'argent. Il avouait avoir fait une dépression après sa séparation avec son ex-femme et consommait alors de l'alcool. Dans ces situations, il s'enfermait seul chez lui et il dormait. Il avait suivi un traitement à la F______. Maintenant, il n'avait plus de problèmes d'alcool. Il était chauffeur professionnel et ne devait pas boire d'alcool, sinon il perdrait son travail. Il était très prudent à ce sujet.

Il admettait avoir dit à sa femme que pour lui quelqu'un qui restait toute la journée au lit, qui ne l'aidait pas et ne s'aidait pas soi-même, ne faisait rien à manger, était une personne inutile.

À la question de savoir s'il avait pris son épouse par les cheveux et l'avait menacée de la frapper avec une bouteille de vin entamée, il a répondu par la négative. Elle avait bu la bouteille de vin durant la journée. Il avait pris la bouteille pour éviter qu'elle ne la casse et l'avait jetée à la poubelle par précaution. En effet, elle avait l'habitude de casser des verres ou des bouteilles lors de leurs disputes. C'était tout le temps elle qui criait, qui cassait des objets. Il devait toujours nettoyer par derrière pour que sa fille ne se blesse pas quand elle était chez lui.

Lors de la dispute, il reconnaissait l'avoir repoussée pour qu'elle s'éloigne de lui. Il contestait lui avoir dit d'aller « se faire foutre » mais il lui avait dit d'aller voir ses copines.

Il contestait avoir frappé sa femme le 21 février 2024 avec un câble de chargeur de téléphone mais admettait s'être défendu avec ce câble pour lui enlever le couteau.

Le 21 février 2024, son épouse l'avait filmé avec un couteau à la main. Ils étaient en effet tous les deux alcoolisés. Elle lui avait dit qu'elle allait le tromper. Lors de cette scène qu'elle avait filmée et où il menaçait de se couper, elle lui avait déjà donné les coups de couteau. C'était pour lui faire comprendre qu'elle lui faisait du mal.

Il s'opposait à une mesure d'éloignement de son domicile. Il était d'accord de ne pas s'approcher de sa femme pendant le temps voulu mais il précisait qu'il avait une fille de six ans qui devait venir chez lui une semaine sur deux. Son épouse pourrait aller vivre quelque temps chez une amie comme elle l'avait déjà fait par le passé.

8.             Entendue à nouveau après l'audition de M. A______, Mme B______ a contesté avoir versé la somme de CHF 3'000.- à son frère sans l'autorisation de son mari. Elle avait des reçus de son mari concernant cet argent et l'envoi était confirmé avec le téléphone de son mari par l'application One. Cette application fonctionnait avec un code et non pas par reconnaissance faciale. On ne pouvait pas ouvrir un téléphone avec les yeux fermés.

Elle a admis avoir griffé son mari pour se défendre ainsi que d'avoir cassé les lunettes de ce dernier lors de la dispute. Elle reconnaissait également avoir peut-être donné une gifle à son mari mais pas plusieurs. Elle contestait également avoir griffé son mari et l'avoir frappé avec un téléphone au niveau de son ventre le 23 mars 2024. Il avait commencé à inventer.

Elle ne l'avait pas touché avec la pointe d'un couteau à plusieurs endroits du corps lors d'une dispute le 21 février 2024. Elle avait montré la vidéo à la police où on le voyait avec un couteau en état d'ivresse.

Pour le surplus, elle a indiqué qu'elle voulait porter plainte contre son mari.

9.             Par acte déposé lors de l'audience du 27 mars 2024 devant le tribunal, Mme B______, sous la plume de son conseil, a conclu au rejet de l'opposition de M. A______, et a demandé la prolongation de la mesure d’éloignement du 25 mars 2024 pour une durée supplémentaire de trente jours. 

En substance, elle a répété, en les précisant, les déclarations faites devant la police.

Elle avait peur de son mari violent qui était instable et complètement dans le déni de sa violence et de son problème d'addiction à l'alcool.

Il ressortait manifestement des faits décrits qu'elle était victime de violences domestiques quotidiennes depuis près de six ans et qu'il était nécessaire de confirmer et de prolonger la mesure d'éloignement administratif prononcée à l'encontre de son mari afin d'écarter le danger manifeste qu'il représentait pour elle.

10.         Elle joignait à sa demande de prolongation un constat médical établi le 25 mars 2024 par un médecin des HUG. Il avait ainsi été constaté : un hématome de 2x6 cm en regard de l'humérus proximal droit, plusieurs hématomes de 2x2 cm sur les jambes, une ecchymose de 2x2 cm sur le front, un hématome de 2x2 cm sur la joue droite. Sur le plan psychique, une tristesse et une peur liée aux événements relatés étaient relevées.

11.         Devant le tribunal, M. A______ a persisté dans son opposition à la mesure d'éloignement.

Il a expliqué qu'il était devant le tribunal pour essayer de trouver une solution au conflit qui l'opposait à sa femme. Il aimait son épouse et souhaitait tout faire pour que leur relation continue. Il espérait qu'il y ait davantage de confiance entre eux à l'avenir.

Concernant le conflit du 24 mars 2024, il contestait avoir frappé son épouse, l'ayant uniquement repoussée pour se défendre. C'était elle qui l'avait attaqué par derrière et qui l'avait griffé sur différentes parties du corps. Il n'expliquait pas la présence de bleus sur différentes parties du corps de celle-ci.

Il n'avait pas bu ce jour-là, ce que confirmait le test d'alcoolémie réalisé à la police la nuit du 24 au 25 mars 2024.

12.         Mme B______ a quant à elle confirmé ses déclarations à la police. Au début du conflit, elle se trouvait sur le canapé. Ce qui avait en particulier fâché son mari, c'était qu'elle lui avait déclaré qu'elle ne voulait plus s'occuper de sa fille. La suite des évènements ressortait du procès-verbal d'audition devant la police. Elle confirmait que son mari l'avait poussée, lui avait tiré les cheveux, l'avait menacée avec une bouteille et qu'il l'avait frappée à plusieurs reprises. Elle ne savait pas si c'était avec la main ouverte ou avec le poing, mais elle avait un énorme hématome sur l'épaule droite.

Contrairement à ce qu'indiquait son mari, elle n'avait pas bu la bouteille de vin, ce que confirmait le test d'alcoolémie réalisé à la police. Il était toutefois exact que durant la journée de dimanche, elle avait dû boire au maximum deux verres de cette bouteille de vin, mais bien avant la dispute. Elle reconnaissait avoir griffé son mari durant la dispute pour se défendre.

13.         M. A______ a indiqué qu'il persistait dans ses déclarations. La version de son épouse ne correspondait pas à sa version des faits. En revanche, il admettait qu'ils avaient eu une très grosse dispute.

Comme il avait eu l'occasion d'en parler au foyer G______, où il logeait depuis le début de la mesure, il admettait qu'il ne serait pas raisonnable qu'il rentre à la maison immédiatement. Ainsi, il ne s'opposait pas à demeurer éloigné du domicile pendant une semaine ; en revanche dix ou onze jours seraient trop.

Il n'avait qu'une tante dans la région, laquelle habitait en France et avec laquelle il n'était pas proche. Il avait bien des amis mais il préférait ne pas les solliciter pour loger temporairement chez eux.

14.         Mme B______ a indiqué que même si c'était très douloureux pour elle, elle n'envisageait pas la reprise de leur vie de couple et elle souhaitait désormais une séparation. Si elle avait demandé la prolongation de la mesure, c'était pour avoir le temps de se retourner et trouver une solution de logement. Elle savait que son mari allait lui demander pardon comme à chaque fois, mais elle savait aussi que ces violentes disputes allaient se reproduire.

Ainsi qu'elle avait mentionné à la police, son mari avait un problème avec sa gestion de l'alcool. D'après elle, il ne contrôlait pas la quantité qu'il buvait. Ils avaient déjà évoqué cette question par le passé. Il avait d'ailleurs commencé à consulter la F______, mais après une ou deux fois, il avait cessé de s'y rendre. Elle lui avait également conseillé de se faire aider par un psychologue non pas parce qu'il serait "fou", mais pour se faire aider à relâcher beaucoup de choses qu'il gardait au fond de lui.

Pour elle, désormais, tout était terminé entre eux, elle ne lui faisait plus confiance dans ses promesses de changement.

15.         M. A______ a expliqué que son épouse était trop exigeante avec lui et que lui ne lui mettait pas assez de limites. Pour sa femme, tout allait pour le mieux quand elle obtenait l'argent qu'elle demandait. La semaine dernière, ils n'avaient plus rien et il avait dû demander une avance à son patron. C'était ces questions d'argent qui étaient l'origine de leurs disputes.

Il ne pensait pas être dépendant de l'alcool. Il pourrait toutefois faire mieux et moins boire. Il serait très à se soumettre à des tests et même à consulter un psychologue si nécessaire. Il pensait également qu'une thérapie de couple pourrait être utile pour rétablir la communication dans le couple.

16.         Mme B______ a ajouté qu'elle n'avait pas de famille à Genève. Elle avait effectivement des amis à Genève chez qui elle s'était déjà refugiée lors de précédentes disputes. À ce propos, elle a précisé qu'il était arrivé que son mari ne la laisse pas rentrer à la maison, de sorte qu'elle avait même porté les habits de ses amies dans l'attente de pouvoir récupérer ses affaires. Elle pourrait bien loger quelques jours, voire une semaine chez des amies mais pas d'avantage. Enfin elle a ajouté qu'elle n'avait pas de travail et qu'elle était dans l'attente d'un permis de séjour.

17.         M. A______ a supplié son épouse de leur donner une dernière chance ; il voulait qu'elle continue à s'occuper de sa fille. Il était prêt à lui donner CHF 1'000.- par mois qu'elle pourrait mettre de côté pour le futur. Il admettait qu'il avait des responsabilités envers elle.

18.         Mme B______ reconnaissait que son mari avait besoin de son appartement puisqu'il avait une enfant bas âge. C'était toutefois elle qui s'occupait de l'enfant. Elle relevait qu'une fois de plus son mari la traitait comme une nounou, voire comme une domestique uniquement utile à s'occuper de sa fille. En lui proposant ces CHF 1'000.-, il ne se comportait pas comme un mari et il donnait l'impression de vouloir l'acheter.

Elle craignait que si son mari revenait à la maison tout recommence comme avant. Ainsi, si elle ne faisait pas ce qu'il demandait, qu'il lui coupe internet, l'empêche de rentrer à la maison si elle arrivait en retard, qu'il l'agresse verbalement et qu'il lui répète que sans lui elle n'était rien et qu'elle ne valait rien. Elle craignait également de nouvelles violences physiques car comme déjà expliqué à la police, de telles violences avaient effet déjà eu lieu par le passé.

19.         M. A______ a tenu à indiquer qu'il considérait qu'être marié impliquait des responsabilités. Il estimait que sa femme devait lui dire, lorsqu'elle sortait avec ses amis, quand elle allait rentrer et également qu'elle lui réponde au téléphone pour lui dire tout simplement comment elle allait. Il rappelait que l'appartement n'était pas un hôtel. À ce sujet, il a relaté que pour son travail, il devait se rendre en Italie chaque lundi. Il partait à 2h00 du matin et revenait vers 16h00. Or à son retour, il retrouvait sa femme encore couchée sans qu'elle se soit fait à manger. C'était lui qui devait cuisiner. Ainsi, lorsque sa fille arrivait à la maison vers 18h00, une semaine sur deux, rien n'était prêt pour elle et il trouvait difficile d'avoir tout à préparer alors qu'il était très fatigué.

Pour le surplus, il s'opposait à la prolongation de la mesure d'éloignement.

20.         Le conseil de Mme B______ a conclu à la prolongation de la mesure d’éloignement pour une durée de trente jours. Le constat des HUG relevait des blessures importantes. Le mari de sa cliente semblait être dans un déni complet de la situation et continuait de se positionner en tant que victime. Sa cliente craignait de nouvelles violences en cas de retour prématuré de son mari au domicile familial. Par ailleurs, sa mandante avait contacté l'association AVVEC afin de trouver au plus vite un logement indépendant, elle avait d'ailleurs rendez-vous le 8 avril 2024. D'ici-là, elle devait pouvoir demeurer au domicile familial ne pouvant pas solliciter à nouveau ses amis qui l'avaient déjà hébergée par le passé.

21.         M. A______ a encore contesté se positionner en tant que victime. Il n'avait d'ailleurs et n'avait ne s'est jamais plaint auprès de quiconque d'être une victime. Il n'avait pas l'intention de faire pression sur son épouse. Il était ici parce qu'il aimait et il ferait tout pour elle.

22.         La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement.

23.         Il ressort par ailleurs du dossier de police transmis au tribunal que M. A______ n'a, à ce jour, pas contacté VIRES.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Il connait également des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

3.             En l'espèce, M. A______ a formé opposition à la mesure d'éloignement le 25 mars, alors que Mme B______ a requis la prolongation de la mesure d'éloignement le 28 mars suivant.

Déposées en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition et la demande de prolongation sont recevables au sens de l'art. 11 al. 1 et 2 LVD. Elles seront toutes le deux traitées dans le présent jugement, après jonction des procédures A/1011/2024 et A/1055/2024 y relatives, en application de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

5.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour trente jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

6.             En l'espèce, même si les déclarations des époux sont contradictoires sur certains aspects, il ressort clairement du dossier qu'il existe suffisamment d'éléments pour retenir la survenance de violences domestiques au sein du couple. On notera à cet égard que les photographies figurant au dossier ne laissent guère planer de doutes à leur sujet.

Selon Mme B______, les violences physiques et verbales auraient déjà fait leur apparition en 2023. Elle souhaite désormais mettre un terme à la vie commune et quitter le domicile familial.

Quant à M. A______, s'il conteste toute violence, tant verbale que physique de sa part et souhaite poursuivre la relation avec son épouse, il admet que de violentes disputes ont eu lieux, soulignant à ce sujet les nombreuses griffures que lui a faites sa femme.

À ce stade, il s'agit pour le tribunal d'examiner si c'est à juste titre que le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement du domicile familial à l'encontre de M. A______ et lui a en outre fait interdiction de contacter ou de s'approcher de sa femme.

En accordant du crédit à ce que déclare chacune des parties, il peut être retenu que des actes de violence physique réciproques ont eu lieu. Les griffures reprochées par M. A______ qui ne sont pas contestées par Mme B______, sont documentées par les photographies figurant au dossier. Quand bien même M. A______ conteste vigoureusement avoir frappé sa femme, les hématomes et ecchymoses constatées et également documentées par des photographies ne laissent toutefois planer que peu de doutes à leur sujet. Cela étant, la question n'est pas de savoir lequel des époux est plus responsable que l'autre de la situation, ce qui est bien souvent impossible à établir. L'essentiel est de séparer les conjoints en étant au moins à peu près certain que celui qui est éloigné du domicile conjugal est lui aussi l'auteur de violences.

Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des événements, de la situation visiblement conflictuelle et complexe dans laquelle les deux époux se trouvent, de la tension qui entache leurs rapports, la perspective qu'ils se retrouvent immédiatement sous le même toit apparaît inopportune, quand bien même il est évident qu'une mesure d'éloignement administrative ne permettra pas, à elle seule, de régler la situation.

Par conséquent, étant rappelé, comme précisé plus haut, que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal confirmera, en l'espèce, la mesure d'éloignement prononcée à l'égard de M. A______. Prise pour une durée de onze jours, elle n'apparaît pas disproportionnée.

L'opposition à la mesure sera donc rejetée.

7.             Concernant la demande de prolongation, Mme B______ a répété lors de l'audience qu'elle craignait de nouvelles violences de la part de son mari s'il revenait au domicile conjugal et qu'elle avait très peur de lui. Elle a confirmé qu'elle ne voulait pas reprendre la vie commune, qu'elle souhaitait désormais quitter le domicile conjugal et disposer de temps pour trouver un nouveau logement.

Il est évident que, ne pouvant se fonder que sur le dossier du commissaire de police et les déclarations recueillies à l'audience, le tribunal n'a qu'une vision très partielle de la situation et du fonctionnement du couple, ainsi que des difficultés qu'il a rencontrées jusqu'ici, s'agissant notamment des circonstances et des éléments déclencheurs ayant conduit à la survenance des divers actes de violence domestique relatés.

Il sera en outre rappelé que la mesure d'éloignement a pour objectif d'empêcher la réitération d'actes de violence, mais non de permettre aux personnes concernées de s'organiser pour modifier le cadre et les modalités de leur relation personnelle.

Cela étant, le tribunal a acquis la conviction que le risque de réitération de violences, ne seraient-ce que psychologiques, ne peut être actuellement exclu. En effet, l'écoulement de quatre jours depuis la survenance des derniers actes de violence ne suffit pas pour écarter le risque que de nouveaux actes, quelle que soit leur nature, se reproduisent, si les époux devaient se retrouver sous le même toit dès la fin de la mesure prononcée.

Il apparait en particulier que M. A______ ne semble pas avoir pris la mesure de la situation, ses dénégations concernant les faits dénoncés par sa femme suivies des accusations portées contre celle-ci, les explications qu'il a données à l'audience relatives à son souhait de se faire pardonner et de persuader sa femme de continuer leur vie commune, révèlent le déni dans lequel il semble se trouver concernant la crise que vit le couple et il n'est dès lors pas possible de faire autrement que de retenir qu'il est également dans le déni de la peur qu'il inspire à son épouse. Ses engagements à l’audience de ce jour de diminuer sa consommation d'alcool et de suivre la thérapie qui pourrait lui être proposée lors de son entretien, tout en niant paradoxalement avoir un problème d'addiction, ne peuvent suffire, aux yeux du tribunal, pour envisager un retour dans un futur proche au domicile conjugal. Il n'a d'ailleurs pas encore participé à l'entretien socio-thérapeutique et juridique tel qu'ordonné dans la mesure du 25 mars 2024. De plus, l'écoulement de quatre jours depuis la survenance des derniers actes de violence ne suffit pas pour écarter le risque que de nouveaux actes, quelle que soit leur nature, se reproduisent, si les époux devaient se retrouver sous le même toit dès la fin de la mesure prononcée.

Cette éventualité apparaît ainsi suffisamment réelle et concrète pour justifier que les époux demeurent éloignés pendant un temps encore, ce qui tend à admettre le bien-fondé de la demande de prolongation formulée par Mme B______. Compte tenu toutefois des obligations que M. A______ a envers sa fille, à savoir d'en assumer la garde une semaine sur deux et l'intention exprimée par Mme B______ de quitter le domicile conjugal rapidement, la mesure ne sera prolongée que pour une durée de vingt jours.

Si cette prolongation, qui apparaît utile, nécessaire et opportune, comporte à l'évidence des désagréments pour M. A______, l'atteinte à sa liberté personnelle en résultant demeure acceptable, étant observé qu'aucune autre mesure moins incisive ne serait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD (cf. ATA/619/2020 du 23 juin 2020 consid. 9 ; ATA/527/2020 du 26 mai 2020 consid. 10). Cette prolongation le sera sous la menace de l'art. 292 CP, dont la teneur figure ci-dessus. Elle prendra donc fin le 24 avril 2024 à 17h00.

8.             Enfin, il sera rappelé que M. A______ pourra, le cas échéant, venir chercher dans l'appartement conjugal, ses effets personnels, à une date préalablement convenue par les parties et accompagné de la police.

9.             Il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d’indemnité (art. 87 al. 1 LPA).

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             joint les causes A/1011/2024 et A/1055/2024 sous le numéro de cause A/1011/2024 ;

2.             déclare recevable l'opposition formée le 25 mars 2024 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 25 mars 2024 pour une durée de onze jours ;

3.             la rejette ;

4.             déclare recevable la demande formée par Madame B______ le 27 mars 2024 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 25 mars 2024 à l'encontre de Monsieur A______ ;

5.             l'admet partiellement ;

6.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de vingt jours, soit jusqu'au 24 avril 2024 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

7.             dit qu'il n'est pas perçu d'émoluments ni alloué d'indemnité ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

9.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière