Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/25360/2022

DAS/16/2024 du 11.01.2024 sur DTAE/4456/2023 ( PAE ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.02.2024, 5A_103/2024
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25360/2022-CS DAS/16/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 11 JANVIER 2024

 

Recours (C/25360/2022-CS) formé en date du 5 juillet 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève).

Recours (C/25360/2022-CS) formé en date du 10 juillet 2023 par Madame B______, domiciliée ______ (Genève), représentée par C______, avocat.

Recours (C/25360/2022-CS) formé en date du 12 juillet 2023 par Monsieur D______, domicilié ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 24 janvier 2024 à :

- Monsieur A______
______, ______.

- Madame B______
c/o Me C______, avocat
______, ______.

- Monsieur D______
______, ______.

- Madame E______
c/o Me SACCONE Franco
Rue Verdaine 12, CP 3647, 1211 Genève 3.

- Monsieur F______
______, ______.

- Maître G______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. B______, née [B______] le ______ 1929, originaire de Genève, H______ (AI) et I______ [BS], veuve, est la mère de quatre enfants : F______, né le ______ 1954, E______, née le ______ 1956, A______, né le ______ 1958 et D______, né le ______ 1959.

b.

b.a Par courrier du 19 décembre 2022, E______, représentée par un conseil, a sollicité du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) qu’il constate l’incapacité de discernement de sa mère B______, notamment dans les domaines en lien avec la prise de décisions pour sa santé, ainsi que la gestion de ses affaires courantes et de son patrimoine, qu’il constate que cette incapacité de discernement existait déjà le 2 novembre 2022, date à laquelle B______ avait signé un mandat pour cause d’inaptitude, qu’il déclare invalide ledit mandat, qu’il donne acte à E______ de ce qu’elle n’acceptait pas le mandat qui lui avait été conféré par sa mère le 2 novembre 2022, en tout état de cause, qu’il prenne toutes les mesures utiles pour assurer la protection de B______, au besoin au moyen de toute curatelle adaptée à la situation, y compris à titre provisionnel, qu’il ordonne le retrait avec effet immédiat des procurations que A______ et D______ détenaient sur les comptes [à la banque] J______ dont leur mère était titulaire et enfin, qu’il donne acte à E______ de ce qu’elle se mettait à disposition pour assumer la charge de curatrice, le cas échéant avec l’aide de son frère F______.

En substance, E______ a allégué que sa mère, âgée de 94 ans, qui vivait encore à domicile, n’était plus en mesure de prendre des décisions concernant tant sa santé que son patrimoine. Il existait par ailleurs des dissensions au sein de la famille. Les quatre enfants de B______ disposaient d’une procuration sur le compte de leur mère et A______ avait récemment procédé à des virements en sa faveur ou en faveur de membres de sa famille, sans l’accord préalable de sa mère, ce qui avait choqué cette dernière.

B______ bénéficiait d’aides à domicile (IMAD, physiothérapeute, ergothérapeute, coiffeuse, gouvernante, aide-ménagère) ; ses trois fils s’occupaient à tour de rôle de ses courses et sa fille gérait ses affaires administratives, aidée de son époux. B______ percevait des revenus de 6'927 fr. par mois (2'390 fr. de l’AVS et 4'537 fr. 30 des K______ [2e pilier]). Sa fortune mobilière s’élevait à environ 272'000 fr.

Selon E______, ses deux frères A______ et D______ avaient une influence négative sur la santé de leur mère (ils s’étaient opposés à une injection de fer prescrite par un médecin, préconisant en lieu et place la prise de spiruline et de vitamine C ; alors que leur mère était en convalescence à l’hôpital de L______ à la suite d’un fracture du col du fémur, ils avaient voulu la faire transporter dans une autre clinique ; D______ avait interdit à l’infirmière à domicile d’administrer à sa mère un traitement visant à réguler le transit intestinal).

A______ et D______ avaient décidé de reprendre, contre l’avis de leur mère, la gestion de ses affaires administratives, dont s’occupaient E______ et son époux à la satisfaction de l’intéressée.

b.b E______ a notamment produit, à l’appui de sa requête, une procuration générale signée devant M______, notaire, le 17 juin 2021, par laquelle B______ a constitué comme mandataires sa fille E______ ou son fils F______, auxquels elle a donné tous les pouvoirs nécessaires aux fins, notamment, de gérer et administrer tous ses biens et la représenter vis-à-vis du personnel médical pour toute décision relative aux soins et aux traitements médicaux.

A la même date et par devant le même notaire, B______ a en outre désigné sa fille E______, ou à défaut son fils F______, aux fins de lui fournir une assistance personnelle et/ou gérer son patrimoine, et la représenter dans ses rapports juridiques avec les tiers en cas de survenance d’une incapacité de discernement.

E______ a encore produit un second mandat pour cause d’inaptitude, établi le 2 novembre 2022 par devant N______, notaire, signé par B______ à l’instigation, selon sa fille E______, de A______ et D______. Dans ce document, l’intéressée a, dans l’hypothèse où elle deviendrait incapable de discernement, désigné ses enfants : F______, avec pouvoir d’agir collectivement à deux avec son frère D______ ; E______, avec pouvoir d’agir collectivement à deux avec son frère A______ ; A______, avec pouvoir d’agir collectivement à deux avec sa sœur E______ ; D______, avec pouvoir d’agir collectivement à deux avec son frère F______, pour lui fournir une assistance personnelle, gérer tout son patrimoine, la représenter dans ses rapports juridiques avec les tiers, et s’entretenir avec les médecins sur les soins médicaux à lui administrer, avec droit de décider en son nom et notamment de consentir aux soins requis par son état de santé ou de les refuser.

Selon E______, sa mère n’avait plus le discernement nécessaire au moment où elle avait signé ce second mandat pour cause d’inaptitude.

c. A réception de cette requête, le Tribunal de protection a sollicité des médecins s’occupant de B______ des certificats médicaux la concernant et a désigné G______, avocat, en qualité de curateur d’office, son mandat étant limité à la représentation de l’intéressée dans la procédure pendante devant ce même Tribunal.

d. Le 20 janvier 2023, le curateur d’office a adressé au Tribunal de protection un compte rendu de la situation. Il avait rencontré B______, laquelle n’avait pas semblée hostile à l’idée qu’un tiers soit désigné curateur, afin que la paix revienne au sein de la fratrie. E______ et F______ semblaient assez favorables à cette solution. A______ attribuait à sa sœur E______ le désaccord au sein de la fratrie. D______ s’était montré moins catégorique, mais, tout comme son frère A______, il n’avait plus repris contact avec le curateur après un entretien téléphonique.

e. Le 10 février 2023, C______, avocat, s’est constitué pour la défense des intérêts de B______. Il a produit un certificat de la Dre O______, psychiatre, du 9 février 2023, mentionnant le fait que B______ avait la capacité de discernement « pour décider qui la représente dans ses affaires administratives courantes, et si besoin se trouve, de mandater un avocat ».

f. Selon les réponses fournies par la Dre P______ (médecin traitant de B______ depuis octobre 2017) le 17 février 2023 aux questions posées par le Tribunal de protection, la patiente montrait, depuis quelques années, des signes progressifs de déclin cognitif, compatibles avec son grand âge, notamment des troubles de la mémoire, mais également une perte d’autonomie devenue majeure. Ainsi, elle n’était plus capable d’assumer la gestion de ses affaires administratives et financières depuis plusieurs années déjà, sa fille et son gendre ayant géré ces aspects ; elle avait besoin d’aide pour faire sa toilette, était tributaire de l’aide d’un tiers (membre de la famille, gouvernante) pour la préparation des repas et elle devait être incitée à manger ; son orientation spatiale était conservée, mais son orientation temporelle était déficiente ; elle avait conservé une certaine capacité à comprendre une situation d’ordre médical dans ses grandes lignes, mais ne pouvait les restituer par la suite et avait des difficultés à prendre elle-même les décisions conformes à ses intérêts s’agissant du traitement et du suivi médical ; elle n’avait pas la capacité de prendre par elle-même une décision éclairée concernant certains engagements ; elle était influençable ; l’incapacité décrite était durable et l’intéressée aurait sans doute des difficultés à désigner un mandataire et à en contrôler l’activité. Selon la Dre P______, le prononcé d’une curatelle, tant sur le plan médical qu’administratif, était indiqué.

g. Par courrier du 21 février 2023, le Tribunal de protection a indiqué à C______ que les éléments médicaux recueillis étaient suffisants pour considérer que B______ n’était pas en mesure de signer valablement une procuration pour mandater un avocat. Dès lors, le mandat du curateur d’office se justifiait et le Tribunal de protection renonçait à prendre en considération la nomination de C______ en tant qu’avocat de choix.

Le Tribunal de protection est finalement revenu sur sa décision et C______ a été admis en qualité d’avocat de choix de B______.

h. Par courrier du 20 février 2023 adressé au Tribunal de protection, E______ indiquait s’inquiéter pour sa mère. Ses frères A______ et D______ tentaient de l’influencer ; ils l’avaient ainsi convaincue de désigner un avocat. D______ avait transféré un montant de 5'000 fr. du compte épargne au compte courant de B______, prétendument à sa demande, ce qui n’était selon toute vraisemblance pas le cas. Il s’agissait probablement de couvrir la première provision de l’avocat de choix. Il devenait par conséquent urgent de mettre en œuvre une mesure de curatelle de représentation.

i. Par courrier du 2 mars 2023, le curateur d’office a informé le Tribunal de protection de ce que D______ avait donné l’ordre bancaire de débiter en sa faveur le compte de sa mère d’un montant de 2'500 fr., afin de rembourser la somme qu’il avait lui-même payée à l’avocat constitué.

j. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 14 mars 2023.

B______ a fourni des explications s’agissant de l’organisation de sa vie quotidienne. Elle ne se souvenait pas avoir signé un mandat pour cause d’inaptitude le 2 novembre 2022 et n’a pas répondu à la question de savoir avec qui elle avait rencontré C______, avocat. Elle a indiqué que le fait que ses enfants ne s’entendent pas lui faisait de la peine. Elle ne connaissait pas la Dre O______ et ne croyait pas être suivie par un psychiatre. Elle ne voulait pas d’une mesure de curatelle aussi longtemps qu’elle pouvait « régler ses affaires ». Si elle n’y parvenait pas, elle demandait de l’aide. Elle a par ailleurs indiqué ne s’être jamais occupée de ses affaires administratives, dont son mari se chargeait de son vivant ; depuis son décès, le mari de sa fille E______ s’occupait de régler ses factures.

Q______, femme de ménage de B______ depuis 2020, a été entendue. Elle a fait état d’une visite de D______ et d’un autre fils de l’intéressée, dont elle ne se rappelait pas le nom. Ils avaient dit à leur mère qu’ils n’étaient pas contents de l’attitude de E______, qui se mêlait de tout, ne faisait rien pour elle et la maltraitait; leur mère devait se défendre et ils allaient s’en occuper. Il fallait que B______ prenne un avocat et ils l’accompagneraient. B______ avait accepté la proposition. L’un des fils avait appelé un avocat qu’il semblait connaître depuis le domicile de sa mère. Q______ avait eu l’impression que B______ ne comprenait pas très bien ce qui se passait.

R______, gouvernante de B______ d’août 2021 à fin janvier 2023, a également été entendue. Elle a indiqué avoir été licenciée, alors qu’elle ne s’y attendait pas du tout. De retour de vacances, elle avait reçu un téléphone de E______ qui le lui avait appris, en lui disant que son frère avait décidé d’engager quelqu’un d’autre. Elle avait évité de parler du licenciement avec B______ pendant les trois mois de délai de congé. Cette dernière lui avait juste dit qu’elle ne comprenait pas cette situation, « car c’était elle qui payait ».

A______ a confirmé que sa mère avait besoin d’aide dans le domaine administratif, pour un repas par jour, ainsi que pour sortir et sur le plan médical. Le mari de E______ lui apportait son aide sur le plan administratif, ce qui était satisfaisant. A______ déplorait par contre les inégalités de traitement au sein de la fratrie, comme par exemple les montants versés pour les anniversaires et le fait que sa sœur et son beau-frère se chargeaient de faire lesdits versements sur les comptes des uns et des autres. Selon les explications qu’ils lui avaient données, ils agissaient sur instruction de B______, mais A______ n’en avait pas la preuve et il était dans le doute. Ainsi, son épouse et son fils n’avaient rien reçu du tout pour leur anniversaire, alors que son beau-frère avait reçu 500 fr. Il a contesté avoir exercé des pressions sur sa mère pour qu’elle mandate un avocat, mais a admis avoir eu une conversation à ce sujet avec elle, en compagnie de son frère D______. Il a également reconnu avoir créé, avec son frère D______ et en accord avec leur mère, une adresse mail au nom de cette dernière et envoyé un courriel au Tribunal de protection, afin de solliciter des pièces de la procédure qui lui avaient été refusées tant par le curateur d’office que par le Tribunal lui-même. Il avait pris un rendez-vous avec une psychiatre afin d’obtenir un certificat attestant que sa mère avait la capacité de choisir un mandataire. Il ne s’était pas adressé au médecin généraliste de l’intéressée, au motif qu’il avait supposé qu’il aurait fait « un certificat dans un autre sens ».

D______ a également confirmé le fait que sa mère avait besoin d’aide pour ses affaires courantes ; tel avait été le cas depuis qu’elle était veuve. Le système mis en place n’était pas satisfaisant et il convenait que toute la fratrie s’occupe de B______. Sachant que cette dernière ne voulait pas d’une mesure de curatelle, il l’avait, avec son frère, accompagnée chez une médecin, afin de savoir si elle avait la capacité de discernement pour demander de l’aide et se faire accompagner à sa guise. Avec son frère A______, ils avaient pensé qu’un psychiatre serait plus apte qu’un médecin généraliste pour effectuer un tel constat. Il a, pour l’essentiel, confirmé les explications données par son frère A______ concernant l’envoi d’un courriel au Tribunal de protection, au nom de B______, afin de solliciter des pièces. D______ a affirmé avoir agi de la sorte à la demande de sa mère. Il a repris les mêmes propos que son frère concernant les cadeaux non égalitaires reçus par la fratrie.

F______, à l’étranger, n’a pas assisté à l’audience du 14 mars 2023. Il a toutefois indiqué au Tribunal de protection, par courrier du 23 février 2023, préférer la nomination d’un curateur externe.

k. Par courrier du 23 mars 2023, C______ a sollicité qu’une expertise judiciaire concernant la capacité de discernement de B______ soit effectuée.

B. Par ordonnance DTAE/4456/2023 du 14 mars 2023, le Tribunal de protection, dont la composition comprenait, outre la Présidente, un médecin psychiatre et une psychologue, a constaté que le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 ne déployait pas ses effets (chiffre 1 du dispositif) et cela fait, a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de B______ (ch. 2), désigné G______ aux fonctions de curateur (ch. 3), lui a confié les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ; gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes (ch. 4), privé la personne concernée de l’accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort en son nom ou dont elle est ayant-droit économique et révoqué toute procuration établie au bénéfice de tiers (ch. 5), autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat (ch. 6) et arrêté les frais judiciaires à 800 fr., mis à la charge de la personne concernée (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a retenu, s’agissant du mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022, que la question de la capacité de discernement de la personne concernée au moment de la signature de celui-ci pouvait demeurer ouverte, dans la mesure où la condition de l’aptitude des mandataires n’était pas remplie. E______ avait en effet refusé d’accepter ce mandat, tout comme son frère F______, favorable à la nomination d’un curateur externe. Le système de deux duos agissant collectivement était ainsi mis en échec, ce qui apparaissait contraire à l’esprit de ce mandat, qui visait la participation de l’ensemble de la fratrie. De surcroît il existait un conflit d’intérêts patent entre la sauvegarde des intérêts patrimoniaux de B______ et ceux de ses enfants. Le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 ne pouvait dès lors déployer ses effets. Pour le surplus, le Tribunal de protection a admis que la personne concernée souffrait d’un trouble cognitif et d’une faiblesse de caractère prenant la forme d’une influençabilité, tous deux liés à l’âge, de sorte qu’elle était empêchée de sauvegarder elle-même ses intérêts et n’était plus en mesure de s’opposer à chacun de ses enfants. Les conditions de la mise en œuvre d’une curatelle étaient dès lors remplies s’agissant des domaines financier et administratif. Les mesures prises s’agissant de l’assistance personnelle et médicale étant suffisantes et adéquates et la fratrie semblant suffisamment s’entendre, sur ces plans-là hormis l’épisode isolé de l’injection de fer, il n’était pas nécessaire de faire porter la curatelle sur ces points. Les querelles au sein de la fratrie, essentiellement liées à une jalousie découlant d’inégalités financières supposées, ne permettait pas de désigner curateur l’un de ses membres et il était nécessaire de nommer un tiers, externe à la famille.

C.           a. Le 10 juillet 2023, B______ (ci-après : la recourante 1), représentée par C______, a formé recours contre cette ordonnance, reçue le 12 juin 2023, concluant à son annulation, au prononcé de la mainlevée de la curatelle de représentation et de gestion instituée en sa faveur, à ce qu’il soit dit qu’elle a la capacité de discernement pour se déterminer sur ses affaires administratives, juridiques et financières, à ce qu’il soit dit qu’il n’y a pas lieu de restreindre ses droits civils en matière d’avoirs bancaires, à ce qu’il soit dit que le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 avait été valablement constitué et déployait ses effets, avec suite de frais et dépens à la charge de l’Etat de Genève. Subsidiairement, la recourante a sollicité qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, afin de déterminer sa capacité de discernement lorsqu’elle avait signé le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 et pour gérer ses affaires.

La recourante 1 a contesté ne pas avoir eu la capacité de discernement nécessaire au moment de signer le mandat pour cause d’inaptitude le 2 novembre 2022. Le certificat établi par la Dre P______ devait être relativisé : cette dernière était en effet généraliste et non psychiatre et elle ne l’avait consultée qu’une douzaine de fois. S’il était exact qu’elle avait besoin d’aide pour la gestion de ses affaires courantes, cette situation s’inscrivait dans la continuité de ce qui avait été fait auparavant, puisqu’elle ne s’occupait pas de ces tâches du vivant de son époux déjà. C’est la raison pour laquelle elle avait demandé à A______, puis à E______ et à l’époux de celle-ci, de s’occuper de ses affaires courantes et non en raison d’une incapacité de discernement. Elle avait, comme l’avait confirmé la Dre O______, la capacité de choisir un mandataire et d’en contrôler l’activité. Elle n’avait ainsi pas été influencée lors du choix de son avocat. Elle percevait la curatelle comme une atteinte à sa liberté et à sa dignité, dans la mesure où elle avait exprimé à diverses reprises son souhait que la situation actuelle perdure, avec l’aide de ses enfants. Les conditions pour le prononcé d’une mesure de curatelle n’étaient pas remplies.

A l’appui de son recours, la recourante 1 a produit une pièce nouvelle, soit un second certificat de la Dre O______ du 26 juin 2023, lequel mentionne ce qui suit : « La patiente susmentionnée présente des troubles mnésiques en particuliers (sic) en ce qui concerne la mémoire de travail. Par contre la capacité de discernement reste préservée, à savoir que tout comme elle est capable d’effectuer des épreuves logiques dans les tests effectués, elle comprend les tenants et aboutissements (sic) de ses affaires courantes, de plus elle évalue correctement son besoin d’être aidée pour les effectuer. Elle est donc parfaitement capable de décider qui doit l’aider à effectuer les tâches liées à l’exécution de ses affaires courantes ».

b. Le 5 juillet 2023, A______ (ci-après : le recourant 2) a également formé recours contre l’ordonnance du 14 mars 2023, reçue le 20 juin 2023. Il n’a pas pris de conclusions formelles, mais, sous une rubrique « conclusions », il a déclaré contester plusieurs allégations de sa sœur E______ le concernant, contester que le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 ne puisse déployer ses effets en raison du refus de sa sœur E______ et contester la manière partiale dont G______ avait rédigé son rapport concernant la situation familiale.

Le recourant 2 s’est notamment opposé à ce que les procurations bancaires dont lui-même et son frère sont titulaires leur soient retirées. En effet, la consultation des comptes bancaires de sa mère avait permis de « détecter certains faits et des irrégularités ». Sa sœur E______ souhaitait s’affranchir d’un contrôle extérieur ; elle évitait « soigneusement d’aborder les manquements de sa gestion avec son mari ». De nombreux retraits opérés avec la carte bancaire de B______ avaient été faits sans transparence vis-à-vis de lui-même et de son frère D______. Or, sa mère était absolument claire et constante dans son affirmation qu’elle souhaitait une égalité de traitement et de droit pour ses quatre enfants. Le nouveau mandat pour cause d’inaptitude allait justement dans ce sens. Pour le surplus, le recourant 2 a indiqué que les tensions entre les membres de la fratrie étaient un élément reconnu par tous et il est revenu sur plusieurs épisodes, en donnant sa propre version des faits. G______ n’avait toutefois tenu compte que de la version fournie par E______ et avait refusé d’écouter la sienne. Le recourant 2 a contesté l’incapacité de discernement de sa mère. Il est revenu sur les prétendues inégalités au sein de la fratrie s’agissant des cadeaux, soutenant que sa sœur E______ évitait systématiquement le sujet du traitement de faveur qu’elle avait accordé à sa famille, elle-même comprise et à F______. Il a reconnu que sa mère avait de la peine à s’opposer à une demande. Pour le surplus, il a contesté être à l’origine du choix d’un avocat pour défendre les intérêts de sa mère et du licenciement de sa gouvernante. Le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 était un moyen de favoriser le dialogue, tout en permettant que des décisions soient prises et éviter les blocages ; ce mandat serait opérationnel « avec un peu de bonne volonté de chacun ». Pour le surplus, le recourant 2 a fait état du fait que sa sœur E______ était coutumière des ruptures dans ses relations avec les autres membres de la fratrie et considérait que le Tribunal de protection aurait dû solliciter une expertise de la fratrie, afin d’évaluer lequel était apte à accompagner leur mère. Il a également relevé le coût important d’une curatelle.

Il a produit des pièces nouvelles.

c. Le 12 juillet 2023, D______ (ci-après : le recourant 3) a formé recours contre l’ordonnance du 14 mars 2023, reçue le 12 juin 2023, concluant à son annulation, à l’annulation de la mesure de curatelle et à ce qu’il soit reconnu que B______ avait la capacité de discernement ; elle devait être rétablie dans toute l’étendue de ses droits civils, notamment en ce qui concernait ses avoirs mobiliers ; la validité du mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 devait être confirmée.

Dans son écriture de près de 30 pages, que la Chambre de surveillance ne saurait résumer de manière exhaustive compte tenu de la profusion de détails, observations et commentaires qu’elle contient, le recourant 3 a soutenu, en substance, que la curatelle prononcée en faveur de sa mère était inadaptée à la situation de celle-ci. Elle avait par ailleurs été décidée sur la base d’un signalement émis par E______, tendancieux, mensonger et parfois calomnieux à l’égard de certains membres de la fratrie, dont lui-même. L’instruction du dossier avait par ailleurs été « bâclée » par G______ (sic), qui n’avait pas rempli son rôle avec impartialité. Sa mission n’était pas de nature à « atteindre son but apparent, à savoir ramener l’harmonie dans les relations familiales », autour de la recourante 1. Il y avait eu, selon le recourant 3, une collusion entre le curateur et E______ et F______. Lui-même avait été tenu à l’écart des discussions et dans la plus grande ignorance des enjeux de la procédure en cours. Le recourant 3 s’opposait par conséquent à la désignation de G______ en tant que curateur. Selon le recourant 3, les échanges intrafamiliaux étaient en grande partie bienveillants et polis et les rares débordements notables étaient le fait de sa sœur E______. Lui-même était disposé à prendre le relai de cette dernière dans la gestion des tâches administratives en faveur de leur mère. Il n’était par conséquent pas nécessaire de désigner un curateur extérieur à la famille. Le recourant 3 a ensuite fait état de l’organisation mise en place autour de sa mère, en relevant notamment le rôle joué par S______, fille de F______, laquelle, contrairement à ce qui avait été soutenu dans un premier temps par E______, ne faisait pas du bénévolat, mais était rémunérée à hauteur de 30 fr./h. Or, il avait fallu au recourant 3 près d’une année pour obtenir de F______, qui s’occupait de la rémunération de sa fille S______, une certaine clarification de ses conditions d’engagement. Le recourant 3 a exposé en outre que la décision d’administrer à B______ de la spiruline et de la vitamine C, en sus du traitement conventionnel, avait été prise par l’ensemble de la fratrie, contrairement à ce que soutenait E______. Il s’est également déclaré opposé au prononcé d’une mesure de curatelle en raison de son coût, qui était de nature à compromettre à moyen terme l’indépendance financière de B______. Il a par ailleurs soutenu que le mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 ne créait pas des devoirs, mais des droits égaux pour chaque membre de la fratrie. Si l’un ou l’autre des bénéficiaires ne souhaitait pas les assumer, cela ne devait avoir aucune conséquence sur les autres. Le recourant 3 était dès lors opposé à l’invalidation du mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022. Il a également allégué que la capacité de discernement de B______ n’était pas altérée et a remis en cause le contenu des déclarations des témoins entendus par le Tribunal de protection. En conclusion et selon le recourant 3, la solution devait être recherchée dans le dialogue au sein de la fratrie.

Le recourant 3 a produit des pièces nouvelles.

d. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de la décision attaquée.

e. G______ s’est déterminé et s’en est rapporté à justice, tout en indiquant ne pas être opposé à la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique. Il a contesté avoir fait preuve de partialité et a rappelé que son rôle ne consistait pas à jouer l’arbitre au sein de la fratrie ; sa seule préoccupation était d’étudier la nécessité de proposer au Tribunal de protection la mise en place – ou pas – d’une mesure de curatelle.

Le curateur a produit des pièces.

f. D______ a répliqué et a produit des pièces.

g. E______ a répondu aux trois recours, concluant à leur rejet et à l’instauration d’une curatelle de soins et de représentation médicale en faveur de B______. Elle a confirmé souhaiter que la curatelle soit confiée à un curateur externe à la famille ; elle s’était mise à disposition, avec son frère F______, uniquement à titre subsidiaire. Elle désirait également que l’accès aux comptes de sa mère soit retiré à toute la fratrie. Elle a relevé que des doutes subsistaient sur la régularité de l’engagement de la nouvelle gouvernante de sa mère, celle-ci ne disposant ni d’une carte AVS, ni apparemment d’un permis de travail. Or, l’engagement de cette gouvernante avait été décidé exclusivement par A______ et D______. De plus, B______ ne semblait pas apprécier sa nouvelle gouvernante et cette dernière cuisinait de manière peu saine. E______ et son frère F______ auraient souhaité s’en séparer, mais cela semblait quasiment impossible au vu des dissensions au sein de la fratrie. Ces mêmes dissensions s’étendaient à d’autres domaines que la seule gestion administrative et des avoirs de B______ et aucune décision commune dans l’intérêt bien compris de l’intéressée n’était envisageable. E______ a enfin contesté l’utilité d’une expertise.

Elle a produit des pièces nouvelles.

h. F______ s’est également prononcé sur les trois recours, concluant à la confirmation de l’ordonnance attaquée. Il considérait inutile le recours à une expertise judiciaire.

i. D______ a, à nouveau, formulé des observations.

Puis, dans une seconde écriture du même jour, il a communiqué un fait nouveau à la Chambre de surveillance, à savoir le fait que selon un courriel adressé par F______ à la fratrie, la gouvernante nouvellement engagée et S______, qui s’occupait de sa grand-mère, avaient été remplacées par une tierce personne.

j. E______ s’est à nouveau exprimée.

k. A______ également, à deux reprises le même jour.

Il a informé la Chambre de surveillance, ce que E______ avait déjà fait avant lui, qu’au cours d’une réunion avec l’IMAD, il avait été décidé qu’il serait, avec son frère F______ en qualité de remplaçant, le référent thérapeutique de leur mère ; l’IMAD souhaitait en effet n’avoir qu’un seul interlocuteur.

l. F______ s’est à nouveau exprimé, indiquant qu’il souhaitait une extension du mandat du curateur au domaine des soins et de la représentation médicale.

m. E______ s’est à nouveau exprimée. Elle a relevé les difficultés de communication entre les membres de la fratrie alors que B______ était tombée à domicile et avait dû être hospitalisée.

n. D’autres échanges ont suivi, lesquels attestent des profondes dissensions qui divisent la fratrie F______/E______/A______/D______, y compris relativement à la prise en charge médicale de leur mère.

o. La cause a été mise en délibération au terme de ces échanges.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Ont qualité pour recourir: les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 450 al. 2 CC).

Sont parties à la procédure devant le Tribunal de protection, dans les procédures instruites à l'égard d'un adulte, outre la personne concernée, son conjoint, son partenaire enregistré ou la personne faisant durablement ménage commun avec elle ou l'un de ses parents jusqu'au 4ème degré, dans la mesure où ils interviennent comme requérants (art. 35 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

En l’espèce, les trois recours ont été formés, pour l’un, par la personne concernée par la mesure et pour les deux autres, par des proches au sens de l’art. 450 al. 2 CC. Les conditions de forme et de délais étant remplies, les trois recours sont recevables. Par souci de simplification, ils seront traités dans une seule et même décision.

1.2 La Chambre de céans établit les faits d'office, applique le droit d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

1.3 Compte tenu de ce qui va suivre, il n’apparaît pas nécessaire de soumettre la recourante 1 à une expertise visant à déterminer sa capacité de discernement au moment de la signature du mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022.

2. 2.1.1 Les mesures prises par l’autorité de protection de l’adulte garantissent l’assistance et la protection de la personne qui a besoin d’aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

L’autorité de protection de l’adulte ordonne une mesure lorsque l’appui fourni à la personne ayant besoin d’aide par les membres de sa famille, par d’autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l’adulte n’est ordonnée par l’autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité (…) : des mesures ne peuvent être ordonnées par l’autorité que lorsque l’appui fourni à la personne ayant besoin d’aide par les membres de sa famille, par d’autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (ch. 1). Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 389 CC, n. 10 et 11).

Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

2.1.2 Toute personne ayant l’exercice des droits civils (mandant) peut charger une personne physique ou morale (mandataire) de lui fournir une assistance personnelle, de gérer son patrimoine ou de la représenter dans les rapports juridiques avec les tiers au cas où elle deviendrait incapable de discernement (art. 360 al. 1 CC). Le mandant définit les tâches qu’il entend confier au mandataire et peut prévoir des instructions sur la façon de les exécuter (art. 360 al. 2 CC). Il peut prévoir des solutions de remplacement pour le cas où le mandataire déclinerait le mandat, ne serait pas apte à le remplir ou le résilierait (art. 360 al. 3 CC).

Le mandat peut être confié à plusieurs personnes. Le mandant doit alors définir les rapports des intéressés entre eux et les compétences de chacun. Désigner plusieurs personnes peut être utile en particulier lorsque la gestion du patrimoine exige des aptitudes qui n’ont pas d’importance pour l’assistance personnelle et inversement. En présence d’une très grande fortune, il peut aussi être judicieux de charger plusieurs personnes de la gestion commune du patrimoine. Des règles devraient alors prévoir la marche à suivre en cas de désaccord (Geiser, CommFam, Protection de l’adulte, n. 11 ad art. 360 CC).

2.1.3 Le mandat pour cause d’inaptitude est constitué en la forme olographe ou authentique (art. 361 al. 1 CC).

La personne qui établit l’acte ne doit pas examiner si la personne désignée est disposée à accepter le mandat, ni si elle semble apte à le remplir. La question se pose au moment seulement où le mandat pour cause d’inaptitude prend effet (Geiser, op. cit., n. 13 ad art. 361 CC et les références citées).

Le mandat pour cause d’inaptitude qui ne révoque pas expressément un mandat précédent le remplace dans la mesure où il n’en constitue pas indubitablement le complément (art. 362 al. 2 CC).

2.2.1 Si les parties et les intervenants à la procédure s’opposent sur la question de la capacité de discernement de la recourante 1, ils ne contestent en revanche pas le fait qu’elle n’est pas en mesure, seule, de s’occuper de la gestion de ses affaires administratives. Il résulte en effet de la procédure que du vivant de son époux, ce dernier l’assumait ; depuis son décès, elle a été prise en charge par E______ et par le mari de celle-ci. La recourante 1 est aujourd’hui âgée de 94 ans. Selon la Dre P______, son médecin traitant depuis 2017, l’intéressée présente, depuis quelques années, des signes progressifs de déclin cognitif, notamment des troubles de la mémoire, ainsi qu’une perte d’autonomie. Ce praticien a par ailleurs confirmé le fait que la recourante 1 n’est plus capable d’assumer la gestion de ses affaires administratives et financières, laquelle doit par conséquent être confiée à un ou des tiers.

L’instauration d’une mesure de curatelle n’apparaît nécessaire que lorsque l’appui fourni à la personne ayant besoin d’aide par les membres de sa famille notamment ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. En l’espèce et jusqu’à ce jour, la gestion des affaires administratives de la recourante 1 a été essentiellement assumée par E______ et par le mari de celle-ci ; les divers membres de la fratrie sont en outre au bénéfice d’une procuration sur le compte de leur mère. A première vue, l’aide apportée à la recourante 1 paraît ainsi suffisante. Toutefois, les recourants 2 et 3 ont émis des critiques virulentes à l’encontre de la manière dont leur sœur E______ assume la tâche de gestion des affaires administratives et financières de leur mère, alléguant notamment le fait que celle-ci favoriserait des membres de sa propre famille au détriment des recourants 2 et 3 et de leurs proches ; le recourant 2 a par ailleurs fait état de certaines « irrégularités ». E______ a pour sa part clairement exprimé, à plusieurs reprises, son souhait que la gestion des affaires de sa mère soit assumée par un tiers extérieur à la famille, ne se mettant à disposition pour être désignée curatrice qu’à titre subsidiaire.

Il résulte de ce qui précède que la situation actuelle, source de désaccords et de tensions au sein de la famille, ne saurait perdurer.

2.2.2 Le 2 novembre 2022, la recourante 1 a signé par-devant notaire un mandat pour cause d’inaptitude. Sa capacité de discernement, au moment de la signature de cet acte est un sujet de controverse entre les membres de la fratrie. Toutefois, cette question peut demeurer indécise, dans la mesure où il appert que ce mandat ne saurait être mis en œuvre.

Il sera tout d’abord relevé que la recourante 1 a constitué des tandems (F______ avec D______ d’une part et A______ avec E______ d’autre part), qu’elle a chargés de lui fournir une assistance personnelle, de gérer son patrimoine, de la représenter dans ses rapports juridiques avec les tiers et de s’entretenir avec les médecins au sujet des soins à lui administrer, avec droit de décider en son nom. La recourante 1 n’a pas confié des tâches distinctes à chacun des tandems, les deux étant compétents pour le tout. Or, la recourante 1 n’a fourni aucune indication utile sur la manière de résoudre les conflits entre les tandems ou au sein même de ceux-ci. Les divers membres de la fratrie étant en désaccord constant sur l’ensemble des questions relatives à leur mère, ce que la procédure n’a eu de cesse de démontrer, il ne fait aucun doute que la mise en application du mandat pour cause d’inaptitude du 2 novembre 2022 conduirait à un blocage total et à l’impossibilité de prendre des décisions, ce qui nuirait inévitablement aux intérêts de la recourante 1. Certes, la « bonne volonté de chacun », comme l’a relevé le recourant 2, permettrait la mise en œuvre du mandat litigieux. Force est toutefois de constater que cette bonne volonté fait défaut, les membres de la fratrie se rejetant mutuellement la responsabilité de cet état de fait. Quoiqu’il en soit, E______ a clairement manifesté son refus de fonctionner conformément au mandat du 2 novembre 2022 et il en va de même de son frère F______, de sorte que c’est à juste titre que le Tribunal de protection a considéré qu’il se justifiait de confier à un tiers, extérieur à la famille, les tâches que la recourante 1 n’est pas en mesure d’exécuter elle-même. Les chiffres 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée seront donc confirmés.

2.2.3 Le Tribunal de protection a considéré que les mesures prises par la fratrie, s’agissant de l’assistance personnelle et médicale, étaient suffisantes et adéquates, les membres de la fratrie semblant s’entendre sur ce plan-là. La procédure a toutefois démontré le contraire, les intéressés n’ayant eu de cesse, tout particulièrement devant la Chambre de surveillance, de s’opposer les uns aux autres s’agissant des divers aspects relatifs à la santé et au bien-être de leur mère. Or, compte tenu de son âge et de son état de santé, la recourante 1 aura de plus en plus besoin d’assistance et de soins à l’avenir. A nouveau, la prise de décisions se heurtera à la mésentente des quatre membres de la fratrie, ce qui justifie, pour ces domaines-là également, la nomination d’un curateur extérieur à la famille.

Au vu de ce qui précède, les tâches confiées au curateur seront élargies à la santé et au bien-être de la recourante 1. Dans un souci de clarté, le chiffre 4 du dispositif de l’ordonnance attaquée sera annulé et entièrement reformulé.

2.2.4 Bien que les recourants 2 et 3 aient formulé des griefs à l’encontre de G______, aucun élément objectif ne permet de soutenir qu’il n’aurait pas accompli les tâches qui lui ont été confiées dans l’intérêt de la recourante 1, étant rappelé au recourant 3 que la fonction du curateur ne consiste ni à instruire un dossier (tâche qui est dévolue au magistrat), ni à ramener l’harmonie dans les relations familiales, mais uniquement à accomplir les tâches qui lui sont confiées, dans l’intérêt exclusif de la personne protégée.

Le chiffre 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée sera par conséquent confirmé.

3. L’émolument de décision sera arrêté à 1'200 fr. (art. 67A et 67B RTFMC) et mis à la charge des recourants, qui succombent, à concurrence d’un tiers chacun. Ce montant sera compensé avec les avances de frais versées, qui restent acquises à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Compte tenu de la nature familiale de la cause, il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les recours formés par B______, D______ et A______ contre l’ordonnance DTAE/4456/2023 rendue le 14 mars 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/25360/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de l’ordonnance attaquée et cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Confie au curateur les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques ; gérer les revenus et biens de la personne concernée ; veiller à son bien-être social et la représenter dans tous les actes nécessaires dans ce cadre, veiller à son état de santé et mettre en place les soins nécessaires.

Confirme pour le surplus l’ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Arrête l’émolument de décision à 1'200 fr., le compense avec les avances de frais versées, qui restent acquises à l’Etat de Genève et le met à la charge de B______, D______ et A______, à concurrence d’un tiers chacun.

Dit qu’il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; 
RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.