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Décisions | Chambre de surveillance

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C/10986/2020

DAS/15/2024 du 16.01.2024 sur DJP/515/2023 ( AJP ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10986/2020 DAS/15/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 16 JANVIER 2024

 

Appel (C/10986/2020) formé le 28 août 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (FR), représenté par Me Yvan JEANNERET, avocat.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 24 janvier 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me Yvan JEANNERET, avocat
Rue Ferdinand-Hodler 15, CP 6090, 1211 Genève 6.

- Monsieur B______
c/o de Me Patrick SPINEDI, avocat
Rue Saint-Léger 2, 1205 Genève.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.           a) C______, né le ______ 1959, originaire de D______ (Valais), divorcé, est décédé le ______ mai 2020 à E______ (France), sans laisser de dispositions testamentaires. Il a été admis que le défunt était, de son vivant, domicilié à F______ (Genève).

C______ était le père de deux enfants nés hors mariage de sa relation avec G______, soit H______, née le ______ 2003 et I______, né le ______ 2005.

Il avait par ailleurs trois frères, J______ (parfois dénommé J______), A______ et B______, ainsi que sa mère K______, encore vivants.

b) Informé du décès de C______ par son frère J______, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a, par ordonnance du 7 juillet 2020, désigné une juriste titulaire de mandats auprès du Service de protection des mineurs aux fonctions de curatrice des mineurs H______ et I______, afin de les représenter dans la succession de leur père.

Par nouvelle ordonnance du 16 octobre 2020, le Tribunal de protection a relevé la juriste titulaire de mandats auprès du Service de protection des mineurs de son mandat et a désigné en ses lieu et place L______, avocat, aux fins de représenter les deux mineurs dans la succession de leur père.

c) Par courrier du 18 juin 2020 adressé à la Justice de paix, B______ a sollicité la nomination d’un administrateur d’office de la succession, compte tenu du fait que le défunt était propriétaire d’une maison sise à E______ (France).

d) Par plis du 25 juin 2020, la Justice de paix a indiqué à B______ et J______ qu’en l’absence de dispositions testamentaires, ils ne revêtaient pas la qualité d’héritiers de leur frère C______.

e) Par courrier du 16 décembre 2020 adressé à la Justice de paix, le curateur de H______ et I______ a requis le bénéfice d’inventaire. Il a exposé que le défunt possédait, outre une villa sise en France, une société à Monaco, une pépinière, ainsi que divers biens mobiliers, sans que les détails et la valeur des biens soient connus ; le défunt avait par ailleurs des dettes fiscales, ainsi qu’à l’égard du SCARPA et une procédure était pendante devant le Tribunal des prud’hommes.

f) Le 18 décembre 2020, la Justice de paix a informé le curateur des enfants H______/I______ de ce que le délai de répudiation de la succession de feu C______ était prolongé au 7 février 2021. La Justice de paix a par ailleurs indiqué que le délai pour requérir le bénéfice d’inventaire était d’un mois dès la date ou la connaissance du décès. Par conséquent, il restait au curateur la possibilité de solliciter un inventaire conservatoire au sens de l’art. 553 CC.

g) Par courrier du 27 janvier 2021, le curateur a fait valoir le fait que le délai d’un mois pour solliciter le bénéfice d’inventaire pouvait être prorogé/restitué pour justes motifs, par analogie avec l’art. 576 CC. Dans le cas d’espèce, des justes motifs justifiaient la restitution du délai. En effet, après le décès de C______, le Service de protection des mineurs avait été « nommé ». Au vu de la situation de départ, un bénéfice d’inventaire n’apparaissait pas nécessaire, au motif qu’il n’y avait a priori rien dans la succession, sous réserve de quelques centaines de francs sur un compte. Il s’était toutefois avéré par la suite que la situation était plus complexe. En effet, une maison en France, totalement rénovée, avait été découverte, ainsi qu’une vigne, des armes de collection et une société à Monaco ; une procédure prud’homale portant sur dix millions de francs selon le Service de protection des mineurs avait été initiée par C______ contre son employeur et était pendante et il était probable que le défunt était titulaire de comptes bancaires en Suisse et à l’étranger. Les dettes du défunt semblaient également importantes. Compte tenu de la complexité de la situation, le Service de protection des mineurs avait sollicité sa relève et la désignation d’un autre curateur aux mineurs. L______ a par conséquent sollicité de la Justice de paix la restitution du délai pour solliciter le bénéfice d’inventaire. Il a relevé que l’inventaire conservatoire n’aurait pas le même effet de protection qu’un bénéfice d’inventaire.

h) Dans un nouveau courrier du 4 février 2021, le curateur a sollicité la confirmation de la Justice de paix de ce que le délai initialement prévu pour répudier/accepter la succession, fixé au 7 février 2021, était prorogé à la date de clôture du bénéfice d’inventaire ou, à tout le moins, à la date de clôture de l’inventaire conservatoire.

Le 12 février 2021, la Justice de paix a prorogé ledit délai au 7 mai 2021.

i) Par courrier du 13 avril 2021, la Justice de paix a indiqué au curateur que, conformément à ce qui figurait dans son pli du 18 décembre 2020, elle n’entendait pas prolonger le délai pour réclamer le bénéfice d’inventaire, mais consentait à prolonger le délai de répudiation.

j) Par courrier du 20 avril 2021, le curateur a indiqué avoir pris note de la position de la Justice de paix concernant le bénéfice d’inventaire. Il allait dès lors procéder à un inventaire conservatoire et attendait encore des documents pour ce faire. Il partait par ailleurs du principe que le délai de répudiation fixé au 7 mai 2021 était prorogé à la clôture de l’inventaire conservatoire.

k) Par courrier du 12 mai 2022, le curateur a informé la Justice de paix de ce que H______ et I______ répudiaient la succession de leur père, le Tribunal de protection lui ayant donné l’autorisation de le faire.

H______ étant toutefois devenue majeure, elle a elle-même signé une déclaration de répudiation de la succession de son père le 30 juillet 2022.

l) Le 3 août 2022, la Justice de paix a requis du Tribunal de première instance qu’il ordonne la liquidation par l’Office des faillites de la succession répudiée de C______.

Cette requête était motivée par le fait que ladite succession avait été répudiée « par tous les ayants droit connus à ce jour ».

m) Par jugement JTPI/9304/2022 du 11 août 2022, le Tribunal de première instance a ordonné l’ouverture de la liquidation de la succession de feu C______ selon les règles de la faillite.

B. a) Le 27 janvier 2023, B______ a formé une requête en révocation de la faillite et réhabilitation (art. 196 LP) devant le Tribunal de première instance, en se prévalant du fait que plusieurs membres de la deuxième parentèle étaient encore vivants au moment de l’ouverture de la succession de feu C______.

b) Par jugement JTPI/7037/2023 du 15 juin 2023, ce même Tribunal a admis la requête de B______, annulé en conséquence le jugement JTPI/9304/2022 du 11 août 2022 ordonnant la liquidation par voie de faillite de la succession de feu C______ et dit qu’il n’y avait pas lieu à liquidation par voie de faillite de ladite succession.

En substance, le Tribunal a retenu que la liquidation par la voie de la faillite de la succession de C______ avait été ordonnée alors que ni B______, ni ses frères et sa mère ne l’avaient répudiée.

Ce jugement a été notifié à B______ le 21 juin 2023 et reçu le 23 juin 2023.

c) Par courrier du 23 juin 2023 adressé à la Justice de paix, J______ a déclaré répudier la succession de feu son frère C______.

K______, mère du défunt, en a fait de même par pli du 12 juillet 2023.

d) Le 12 juillet 2023, A______, frère du défunt, a indiqué à la Justice de paix qu’il venait d’apprendre que les enfants de son frère C______ avaient répudié sa succession ; il venait en outre de prendre connaissance du jugement du Tribunal de première instance du 15 juin 2023 annulant celui du 11 août 2022 ordonnant la liquidation par voie de faillite de ladite succession. Avant de se déterminer sur l’acceptation de celle-ci, il souhaitait « l’établissement officiel d’un bénéfice d’inventaire ».

e) Le 17 juillet 2023, la Justice de paix a répondu à A______ qu’une instruction administrative était en cours et qu’il serait tenu au courant du suivi.

Le même jour, la Justice de paix s’est adressée au Service des prestations complémentaires, à l’Administration fiscale cantonale, à l’Hospice général ainsi qu’à l’Office des poursuites afin d’obtenir des informations sur la situation personnelle de feu C______.

f) L’extrait du registre des poursuites du 18 juillet 2023 fait état, pour les vingt dernières années, de cinq actes de défaut de biens délivrés aux créanciers de C______ pour un montant total de 1'126'392 fr.

g) Par courrier du 9 août 2023, le conseil de B______ a informé la Justice de paix de ce que son mandant acceptait la succession de feu son frère C______. Il a relevé que A______ et lui-même étaient désormais les seuls héritiers du défunt. Selon lui, A______ tentait par tous les moyens de « gagner du temps » et il convenait que la Justice de paix tranche la question du délai tardif pour déposer une demande de bénéfice d’inventaire.

C. Par décision DJP/515/2023 du 10 août 2023, la Justice de paix a déclaré irrecevable la requête en bénéfice d’inventaire formée le 12 juillet 2023 par A______ (chiffre 1 du dispositif) et a renoncé à la perception d’un émolument de décision (ch. 2).

La Justice de paix a retenu que la requête formée par A______ était intervenue plus de trois ans après le décès de C______, respectivement « bien après la connaissance par le requérant de sa qualité d’héritier ». La requête était dès lors tardive.

D. a) Le 28 août 2023, A______ a formé appel auprès de la Cour de justice (ci-après : la Cour) contre cette décision reçue le 16 août 2023, concluant à son annulation, à ce que la requête en bénéfice d’inventaire formée le 12 juillet 2023 soit déclarée recevable et à ce que ledit bénéfice lui soit accordé. Subsidiairement, il a conclu à ce qu’un nouveau délai d’un mois pour requérir le bénéfice d’inventaire lui soit accordé, avec suite de frais à la charge de l’Etat. Il a allégué que par courrier du 21 juin 2023, versé à la procédure sous pièce 5, le conseil de B______ l’avait informé, ainsi que sa mère et ses frères J______ et A______, du fait qu’il avait « initié seul et sans autre soutien une procédure au Tribunal civil afin d’annuler la liquidation de la succession par voie de faillite ». B______ avait également transmis une copie du procès-verbal de l’audience du 15 juin 2023, tout en indiquant que le Tribunal déclarerait sous peu l’annulation de la faillite de la succession de feu C______ et la constitution d’une hoirie comprenant les héritiers légaux restants, soit la mère et les trois frères du défunt, sauf répudiation de ces derniers de la succession. B______ avait en outre indiqué que l’inventaire établi par l’Office des faillites faisait état d’actifs pour un montant de 501'021 fr. ; les passifs étaient encore incertains, mais pouvaient être estimés à 1'250'000 fr.

A______ a allégué, dans son appel, n’avoir jamais été informé, avant de recevoir ledit courrier, ni par sa famille, ni par les autorités, de la répudiation de la succession par les enfants du de cujus, étant précisé qu’il n’avait entretenu aucun contact avec eux depuis le décès de son frère. Ainsi, A______ n’avait eu connaissance de sa qualité d’héritier qu’au plus tôt le 21 juin 2023 et sa requête du 12 juillet 2023 adressée à la Justice de paix était intervenue dans le délai d’un mois dès sa connaissance de sa qualité d’héritier.

A______ a produit un bordereau contenant des pièces figurant déjà dans le dossier de la Justice de paix et une pièce nouvelle (pièce 5 dont la teneur a été détaillée ci-dessus).

b) Le 27 septembre 2023, un délai de dix jours a été imparti à B______ pour se déterminer sur l’appel formé par son frère A______.

c) Dans ses observations du 3 octobre 2023, B______ a soutenu que la famille était informée de la répudiation de la succession par les descendants directs du défunt. A l’appui de cette allégation, il a produit un courriel que son frère J______ lui avait adressé le 4 octobre 2022 (pièce 1), dont A______ avait reçu copie, comprenant, en pièce jointe, un courrier de l’Office des faillites du 16 août 2022. Par ledit courrier, l’Office des faillites rappelait la teneur du jugement du Tribunal de première instance du 11 août 2022 et sollicitait de son destinataire qu’il remplisse un questionnaire devant permettre d’effectuer l’inventaire des actifs de la succession.

Par ailleurs, le 27 décembre 2022 (pièce 2), A______ lui avait transmis copie d’un courrier du 19 décembre 2022 de l’Office des faillites, lequel sollicitait des renseignements concernant la maison sise à E______ (France) dont le défunt était propriétaire.

Pour le surplus, B______ a soutenu que tant sa mère que son frère J______ pouvaient attester du fait que toute la famille, y compris A______, était informée dès 2022 de ce que la succession de feu C______ avait été répudiée par ses enfants.

Il a conclu à ce que la vérité soit rétablie, à ce que l’appel soit déclaré irrecevable et à ce qu’un ultime délai soit imparti à A______ pour accepter ou répudier la succession, avec suite de frais.

B______ a produit des pièces ne figurant pas dans le dossier de première instance (pièces 1, 2, 3, 5).

d) L’écriture de B______ a été transmise à A______ par pli du 8 novembre 2023 et reçue le 10 novembre 2023.

Le greffe de la Cour de justice a par ailleurs informé les parties de ce que la cause était mise en délibération, une décision devant être rendue ultérieurement.

e) A______ a répliqué le 17 novembre 2023, contestant les allégations de B______ contenues dans son écriture du 3 octobre 2023 et persistant dans ses conclusions. Le courriel du 4 octobre 2022 se limitait à faire état de la liquidation de la succession de C______ selon les règles de la faillite. Il en allait de même du courrier de l’Office des faillites du 19 décembre 2022. A______ a par ailleurs indiqué n’avoir jamais été contacté par les autorités, contrairement à ses deux frères, au sujet de la succession de son frère C______. A______ a également allégué que la procédure de liquidation ne l’avait guère surpris, dans la mesure où, à sa connaissance, la succession de feu son frère était grevée d’une importante amende fiscale. Il avait supposé, de bonne foi, que la procédure de liquidation emportait de jure sa renonciation à son éventuelle qualité d’héritier. Pour le surplus, A______ a contesté avoir été informé par son frère B______, avant le courrier du 21 juin 2023, des démarches entreprises par celui-ci au nom de l’hoirie.

Il a produit un nouveau bordereau de pièces contenant : une attestation de J______ du 5 novembre 2023 (pièce 9), un courriel de B______ à K______, J______ et A______ du 21 juin 2023 (ch. 10), un courrier du conseil de B______ du 24 août 2023 (pièce 11), des courriers des conseils successifs de B______ des 31 août et 10 octobre 2023 (pièce 12 et 13).

f) Cette écriture a été transmise à B______ par le greffe de la Cour par pli du 20 novembre 2023.

g) B______ a formulé de nouvelles observations le 1er décembre 2023, concluant à l’irrecevabilité de l’écriture de A______ du 17 novembre 2023 ainsi que des pièces nouvellement produites, au motif qu’elles contenaient des allégations nouvelles, alors que la Cour n’avait pas ordonné un second échange d’écritures. B______ n’a toutefois pas précisé quelles allégations de A______ seraient nouvelles. Il a par ailleurs soutenu que son écriture du 3 octobre 2023 n’avait pas été reçue par A______ le 10 novembre 2023, mais le 11 octobre 2023, puisqu’elle avait été transmise directement au conseil de A______, à sa demande expresse.

Pour le surplus, il a persisté dans l’essentiel de ses précédentes conclusions, alléguant au surplus que son frère A______ avait eu accès à toutes les informations relatives à la succession et qu’il connaissait sa qualité d’héritier dès le mois d’août 2022.

B______ a, à son tour, produit des pièces nouvelles, soit divers courriers et courriels datés d’août à novembre 2023 (pièces 1 à 8).

h) Cette écriture a été transmise à A______ par le greffe de la Cour le 5 décembre 2023.

i) Le 14 décembre 2023, A______ a formulé de nouvelles observations et a persisté dans ses précédentes écritures.

j) Cette écriture a été transmise à B______ le 15 décembre 2023 par le greffe de la Cour et reçue le 18 décembre 2023.

k) Le 22 décembre 2023, B______ a adressé de nouvelles observations à la Cour.

Il en a à nouveau fait de même le 2 janvier 2024.

A l’appui de ces deux nouvelles écritures, il a produit plusieurs pièces nouvelles, dont un courriel qui lui a été adressé le 7 juillet 2023 par A______ (pièce 1).

Selon B______, l’on pouvait déduire de la phrase suivante contenue dans ce courriel : « Les infos que tu m’as communiquées sont 10 jours avant ta séance auprès du Tribunal et en précisant que de toute façon c’était trop tard » que A______, savait, le 5 juin 2023 déjà (l’audience devant le Tribunal ayant été fixée au 15 juin 2023), qu’il était héritier de son frère C______, B______ lui ayant déjà fourni, à cette date, toutes les informations nécessaires.

l) La cause a été mise en délibérations au terme de ces échanges.

EN DROIT

1. 1.1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) à la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

L'appel doit être motivé (art. 311 al. 1 CPC).

Si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC).

1.1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse prévue par l'art. 308 al. 2 CPC est atteinte, au vu des actifs figurant dans la succession du défunt.

L'appel, formé dans le délai et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), est formellement recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit, avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. 2.1.1 Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos ("droit de réplique", "Replikrecht"); peu importe que celle-ci contienne de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit propre à influer concrètement sur le jugement à rendre. En effet, il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce produite contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvellement versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent faire usage de leur droit de réplique (ATF 139 I 189 consid. 3.2; 139 II 489 consid. 3.3; 138 I 154 consid. 2.3 p. 157, 484 consid. 2.1 p. 485 s.; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197; arrêt 4A_29/2014 du 7 mai 2014 consid. 3, non publié in ATF 140 III 159).

La communication spontanée de documents par le conseil d'une partie au mandataire de la partie adverse ne saurait suppléer une transmission par le juge, laquelle est la seule à garantir un droit de réplique effectif (arrêts du Tribunal fédéral 4A_612/2013 du 25 août 2014 consid. 6.4, 4A_660/2012 du 18 avril 2013 consid. 2.2, in RSPC 2013 p. 290).

Le droit à la réplique ne peut en aucun cas être utilisé par la partie appelante pour compléter après coup son mémoire d’appel à raison d’éléments dont elle était en mesure de se prévaloir dans le délai d’appel (Jeandin, CR CPC 2ème éd., n. 4b ad art. 312).

2.1.2 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu’aux conditions suivantes : a) ils sont invoqués ou produits sans retard ; b) ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 CPC).

2.2 En l’espèce, bien que le greffe de la Cour ait indiqué, en transmettant à l’appelant la réponse de B______ du 3 octobre 2023, que la cause était mise en délibération, le premier était, quoiqu’il en soit, en droit de répliquer spontanément, ce qu’il a fait le 17 décembre 2023. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence citée sous considérant 2.1.1 ci-dessus et contrairement à ce qu’a soutenu B______, seule la communication de son écriture de réponse par le greffe de la Cour doit être prise en considération pour déterminer si la réplique spontanée de l’appelant est recevable et non l’éventuelle transmission faite directement entre avocats.

Pour le surplus, B______ s’est contenté d’alléguer, dans ses observations du 1er décembre 2023, que l’écriture de l’appelant du 17 novembre 2023 contenait des faits nouveaux, sans toutefois préciser lesquels. Or, dans son écriture litigieuse, l’appelant a répondu aux allégués contenus dans l’écriture de B______ du 3 octobre 2023 et aux pièces produites par celui-ci, qui ne figuraient pas dans le dossier de première instance, de sorte qu’il ne pouvait pas en anticiper le contenu dans son appel. La présente procédure a par ailleurs ceci de particulier que la requête formée par l’appelant le 12 juillet 2023 devant la Justice de paix, réclamant le bénéfice d’inventaire, n’a pas véritablement fait l’objet d’une instruction avant le prononcé de la décision litigieuse, de sorte que les parties n’ont pas pu faire valoir leurs arguments, ou de manière très incomplète seulement, en première instance.

Au vu de ce qui précède, l’écriture de l’appelant du 17 novembre 2023 apparaît recevable, de même que l’écriture successive de B______ en réponse à celle-ci. La recevabilité des échanges successifs entre les parties peut demeurer indécise, leur contenu n’étant pas déterminant pour l’issue de la procédure.

En ce qui concerne les pièces produites par les parties à l’appui de leurs allégations, qui ne figuraient pas encore dans le dossier de première instance et qui accompagnaient les deux premiers échanges d’écritures, elles seront déclarées recevables pour les raisons déjà exposées ci-dessus, soit l’absence d’instruction en première instance. En revanche, la recevabilité des pièces nouvelles produites par B______ avec ses écritures des 21 décembre 2023 et 2 janvier 2024 est douteuse, dans la mesure où elles auraient pu être produites soit avec son écriture du 3 octobre 2023, soit avec celle du 1er décembre 2023, B______ n’ayant pas expliqué les raisons qui l’auraient empêché de le faire. La question de la recevabilité de ces pièces peut toutefois demeurer indécise, étant relevé que leur contenu n’est pas susceptible d’influencer la solution exposée ci-dessous.

3.             3.1.1 L’héritier qui a la faculté de répudier peut réclamer le bénéfice d’inventaire (art. 580 al. 1 CC). Sa requête sera présentée à l’autorité compétente dans le délai d’un mois (art. 580 al. 2 CC).

Le point de départ et le calcul du délai sont soumis aux règles applicables au délai de répudiation (art. 567 al. 2 CC) (ATF 138 III 545).

Le délai (pour répudier) court, pour les héritiers légaux, dès le jour où ils ont connaissance du décès, à moins qu’ils ne prouvent n’avoir connu que plus tard leur qualité d’héritiers (art. 567 al. 2 CC).

Le point de départ du délai pour répudier implique la connaissance de deux éléments, le décès et sa qualité d’héritier. Ces deux éléments ne coïncident pas forcément avec l’ouverture de la succession, celle-ci intervenant dès le décès indépendamment de toute connaissance de ce dernier comme de sa qualité d’héritier. Le législateur présume toutefois que l’héritier légal, réservataire ou non, a connaissance de sa qualité d’héritier dès qu’il a connaissance du décès, mais lui permet de renverser cette présomption en prouvant qu’il n’a eu connaissance de sa qualité d’héritier qu’ultérieurement. Cette connaissance peut intervenir bien plus tard que le décès, si, par exemple, elle dépend d’un prédécès ignoré ou d’une répudiation (Sandoz, CR CC II 2016, n. 9 et 10 ad art. 567).

La requête (de bénéfice d’inventaire) de l’un des héritiers profite aux autres (art. 580 al. 3 CC).

3.1.2 Les héritiers les plus proches sont les descendants (art. 457 al. 1 CC).

Les héritiers du défunt qui n’a pas laissé de postérité sont le père et la mère (art. 458 al. 1 CC). Ils succèdent par tête (art. 458 al. 2 CC). Le père et la mère prédécédés sont représentés par leurs descendants, qui succèdent par souche à tous les degrés (art. 458 al. 3 CC).

Lorsque le défunt n’a pas laissé de dispositions pour cause de mort et que l’un de ses héritiers répudie, la part du renonçant est dévolue comme s’il n’avait pas survécu (art. 572 al. 1 CC).

3.2.1 Dans la décision attaquée, la Justice de paix a considéré que la requête de l’appelant réclamant le bénéfice d’inventaire était tardive, au motif qu’elle avait été formée « bien après la connaissance par le requérant de sa qualité d’héritier ». La Justice de paix n’a toutefois pas précisé à quel moment, selon elle, l’appelant avait appris qu’il était héritier de feu son frère. Or, il s’agit du point essentiel, celui-ci permettant de déterminer le dies a quo du délai d’un mois pour réclamer le bénéfice d’inventaire au sens de l’art. 580 al. 2 CC.

3.2.2 En l’espèce, les héritiers les plus proches du défunt, qui n’a pas laissé de dispositions testamentaires, étaient ses deux enfants. Dès lors, au décès de C______, c’est à bon droit que l’appelant ne s’est pas considéré comme héritier, étant rappelé que la Justice de paix a donné la même information à B______ et J______ par courrier du 25 juin 2020.

H______ a répudié la succession de son père le 30 juillet 2022, le curateur de I______ en ayant déjà fait de même au nom et pour le compte du mineur le 12 mai 2022.

Le 3 août 2022, la Justice de paix a requis du Tribunal de première instance qu’il ordonne la liquidation de la succession répudiée de C______ par l’Office des faillites.

L’appelant a reçu copie, par courriel de l’un de ses frères du 4 octobre 2022, d’un courrier de l’Office des faillites du 16 août 2022, par lequel ledit Office sollicitait des informations devant permettre l’établissement de l’inventaire des actifs successoraux. A ce stade toutefois et sur la base des informations contenues dans le courrier de l’Office des faillites, l’appelant était fondé à considérer qu’il n’était pas concerné par la succession de feu son frère, dont la liquidation allait être opérée par l’Office des faillites. La situation est demeurée la même après l’éventuelle prise de connaissance par l’appelant du courrier du même Office du 19 décembre 2022, qui ne faisait que requérir des informations concernant le bien immobilier du défunt sis en France, toujours dans l’optique d’une liquidation de la succession par voie de faillite.

Contrairement à ce qu’a soutenu B______ dans sa dernière écriture, l’appelant ne pouvait connaître de manière certaine, le 5 juin 2023 déjà, sa qualité d’héritier, même s’il n’ignorait plus, à cette date, qu’une procédure était pendante devant le Tribunal visant à obtenir l’annulation du jugement ayant ordonné la liquidation par voie de faillite de la succession de C______. En effet, la date du 5 juin 2023 est antérieure à l’audience du 15 juin 2023 et au jugement prononcé le même jour. Sauf à être devin, l’appelant ne pouvait donc pas savoir, le 5 juin 2023, que le Tribunal donnerait raison à B______ et reviendrait sur sa précédente décision ayant ordonné la liquidation par voie de faillite de la succession en cause.

Ce n’est par conséquent, au plus tôt, qu’à réception du courrier du conseil de B______ du 21 juin 2023 que l’appelant a pris conscience de sa qualité d’héritier. En effet, dans ce courrier, le conseil de B______ a affirmé que le Tribunal allait, « sous peu », annuler « la faillite de la succession de feu Monsieur C______ » et que l’hoirie allait comprendre les héritiers légaux restants, dont l’appelant faisait partie. Quand bien même le conseil de B______ n’avait, le 21 juin 2023, pas encore reçu la notification du jugement du Tribunal du 15 juin 2023, qui est intervenue deux jours plus tard, il semblait ne pas douter de l’issue de la procédure.

La requête adressée à la Justice de paix le 12 juillet 2023, par laquelle l’appelant a réclamé le bénéfice d’inventaire, a par conséquent été formée dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle il a appris, avec une vraisemblance confinant à la certitude compte tenu des informations fournies par l’avocat de son frère B______, sa qualité d’héritier. Contrairement à ce qu’a retenu la Justice de paix, cette requête, formée dans le délai utile de l’art. 580 al. 2 CC, n’était par conséquent pas tardive et aurait dû être déclarée recevable.

La décision attaquée sera par conséquent annulée et la cause renvoyée à la Justice de paix afin qu’elle dresse l’inventaire de la succession de feu C______ conformément aux art. 581 ss CC.

4.             Les frais judiciaires de la procédure d’appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 26 et 35 RTFMC), partiellement compensés avec l’avance de frais versée par l’appelant, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et mis à la charge de B______, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Celui-ci sera dès lors condamné à verser 500 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires et 500 fr. à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, correspondant au solde des frais judiciaires.

B______ sera en outre condamné à verser à A______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 20 ss LaCC ; art. 84 ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé par A______ contre la décision DJP/515/2023 rendue le 10 août 2023 par la Justice de paix dans la cause C/10986/2020.

Au fond :

Annule la décision attaquée et cela fait :

Retourne la cause à la Justice de paix afin qu’elle dresse l’inventaire de la succession de feu C______ conformément aux art. 581 ss CC.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure d’appel à 1'000 fr., les compense partiellement avec l’avance de frais versée et les met à la charge de B______.

Condamne en conséquence B______ à verser la somme de 500 fr. à A______ et la somme de 500 fr. à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.