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Décisions | Chambre de surveillance

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C/7683/2021

DAS/257/2023 du 20.10.2023 sur DTAE/8591/2022 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7683/2021-CS DAS/257/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREDI 20 OCTOBRE 2023

 

Recours (C/7683/2021-CS) formé en date du 18 janvier 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Innocent SEMUHIRE, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 27 octobre 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Innocent SEMUHIRE, avocat
Rue du Conseil-Général 8, 1205 Genève.

- Monsieur B______
c/o Me Nathalie BÜRGISSER SCHEURLEN, avocate
Promenade de Saint-Antoine 20, 1204 Genève.

- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/8591/2022 rendue le 10 octobre 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a réservé à B______ un droit de visite sur l'enfant E______, né le ______ 2021, devant s'exercer à raison d'une demi-journée par semaine avec un passage au Point rencontre (ch. 1 du dispositif), maintenu la curatelle d'organisation et de surveillance de ce droit de visite (ch. 2), confirmé les deux collaborateurs du Service de protection des mineurs dans leurs fonctions de curateurs (ch. 3) en les invitant à lui faire parvenir un rapport sur l'évolution de la situation (ch. 4), invité B______ à lui transmettre la reconnaissance du mineur lorsqu'il l'aura effectuée (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a) Par acte expédié à la Chambre de surveillance de la Cour de justice le 18 janvier 2023, A______, mère de l'enfant E______ a recouru contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le 19 décembre 2022. Elle demande à la Chambre de céans d'annuler cette ordonnance et, cela fait, de réserver à B______ un droit de visite devant s'exercer une heure et demie par semaine au Point rencontre, subsidiairement de lui réserver un droit de visite d'une demi-journée par semaine dans son appartement genevois avec passage au Point rencontre en lui faisant interdiction d'exercer son droit de visite à son domicile situé à H______ (France), plus subsidiairement encore au renvoi de la cause au Tribunal de protection pour nouvelle décision.

Elle s'oppose à l'élargissement du droit de visite, en reprochant au Tribunal de protection de n'avoir pas fixé le lieu d'exercice du droit de visite et d'avoir omis de prendre en considération les besoins spécifiques de l'enfant liés à son jeune âge.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b) Dans sa réponse du 14 septembre 2023, B______ a conclu à ce que le recours de A______ soit déclaré sans objet, subsidiairement à ce qu'il soit rejeté, avec suite de frais et dépens.

Il estime que le recours n'a plus d'objet puisque cette dernière ne s'était pas opposée à l'élargissement du droit de visite préconisé par le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) dans son rapport du 27 juillet 2023. Sur le fond, il relève que tous les professionnels encadrant son enfant préconisent d'élargir les modalités de leurs relations personnelles.

Il a également déposé de nouvelles pièces.

c) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

d) Les curateurs de surveillance des relations personnelles ont relevé que le droit de visite n'avait pas pu être élargi en raison du recours formé par la mère. Les parents présentaient tous deux de bonnes compétences parentales, mais ne parvenaient pas à communiquer au regard du conflit persistant les opposant.

e) A______ a répliqué le 29 septembre 2023.

B______ a renoncé à dupliquer.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier:

a) A______ a donné naissance à l'enfant E______ le ______ 2021.

Elle est également la mère de F______, âgée de 14 ans.

b) Par jugement rendu le 13 septembre 2022 sur action en désaveu de paternité intentée par le mineur E______, le Tribunal de première instance a constaté que le mineur n'était pas le fils de G______, époux de la mère.

c) B______ a reconnu l'enfant E______ le 24 janvier 2023.

d) La relation entre A______ et B______ est marquée par un conflit virulent. La communication entre eux est inexistante.

D. a) En février 2022, B______ a saisi le Tribunal de protection d'une requête en fixation d'un droit de visite sur le mineur E______.

b) Statuant sur mesures superprovisionnelles le 15 juillet 2022, le Tribunal de protection a accordé à B______ un droit de visite sur l'enfant E______ à raison d'une visite d'une heure et demie par semaine au sein du Point rencontre, instauré une curatelle d'organisation et de surveillance de ce droit de visite et désigné deux collaborateurs du Service de protection des mineurs aux fonctions de curateurs du mineur.

c) Lors de l'audience tenue le 10 octobre 2022, le Tribunal de protection a entendu A______, B______, l'intervenante en protection de l'enfant auprès du Service de protection des mineurs et une collaboratrice du SEASP.

B______ a indiqué qu'il voyait son fils au Point rencontre depuis fin août 2022. Il disposait d'un appartement à H______ en France, qu'il avait aménagé pour pouvoir accueillir son fils. Son logement à Genève n'était pas adapté pour recevoir son fils la nuit, dans la mesure où il s'agissait d'une colocation.

A______ a indiqué que l'enfant fréquentait la crèche depuis le mois d'août 2022, qu'il était plus fatigué et nerveux depuis qu'il avait commencé les visites avec son père au Point rencontre.

La collaboratrice du Service de protection des mineurs a relevé que les professionnels du Point rencontre n'avaient aucune crainte quant aux compétences parentales de B______: il était adéquat dans sa relation avec l'enfant, amenait des jeux et tout ce dont l'enfant avait besoin, était à l'écoute de ses besoins et en mesure de le calmer lorsqu'il pleurait.

d) Par requête du 2 mars 2023, B______ a demandé au Tribunal de protection d'instaurer l'autorité parentale conjointe sur l'enfant E______.

e) Dans son rapport d'évaluation sociale établi le 27 juillet 2023, postérieurement au prononcé de l'ordonnance querellée, le SEASP a relevé que B______ travaillait comme physiothérapeute à 80%, qu'il vivait dans un appartement de quatre pièces à H______ (France), qu'il était un père attentif et soucieux du bien-être de son fils et qu'il souhaitait s'impliquer dans son éducation. Selon la curatrice chargée de l'organisation et de la surveillance du droit de visite, les relations personnelles se déroulaient à raison d'une heure et demie à quinzaine au sein du Point rencontre, les rapports périodiques étaient positifs, le Service de protection des mineurs recommandait un élargissement du droit de visite, aucun élément ne permettant de maintenir ces modalités restrictives du droit de visite. S'agissant des modalités du droit de visite réservé au père, seules litigieuses dans la présente procédure de recours, le SEASP a recommandé d'élargir le droit de visite du père à raison d'un jour par semaine, le samedi, de 11h00 à 18h00, avec passage de l'enfant au Point rencontre et de maintenir la curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles afin de vérifier que cet élargissement se déroule correctement.

Selon ce service, les éléments essentiels de leur rapport ont été communiqués aux parents les 26 et 27 juillet 2023, qui ne s'étaient pas opposés pas aux conclusions du rapport.

A______ s'est opposée à l'élargissement du droit de visite recommandé par le SEASP dans ses déterminations adressées au Tribunal de protection le 30 août 2023.

E. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal de protection a retenu que le droit de visite fixé en juillet 2022 se déroulait correctement, que les capacités parentales de B______ s'avéraient adéquates et que ce dernier disposait d'un logement adapté pour accueillir son fils, de sorte qu'il convenait d'élargir le droit de visite tout en maintenant le passage de l'enfant auprès du Point rencontre en raison du conflit parental.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions du Tribunal de protection de l'adulte sont susceptibles de faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450 al. 1 et 450b al. 1 CC, 53 al. 1 et 2 LaCC, 126 al. 3 LOJ).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC). Disposent notamment de la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

1.2 En l'espèce, le recours interjeté par A______ a été déposé dans les délais et la forme prescrite auprès de l'autorité compétente, de sorte qu'il est recevable.

1.3 Les pièces nouvellement déposées par les parties devant la Chambre de céans sont recevables, dans la mesure où l'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450 f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne prévoit aucune restriction en cette matière.

2. La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a al. 1 CC). Elle établit les faits d’office et n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

3. La présente procédure n'est pas devenue sans objet, puisque la recourante s'est, par courrier adressé au Tribunal de protection le 30 août 2023, opposée à l'élargissement du droit de visite recommandé par le SEASP dans son rapport du 27 juillet 2023.

4. La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir élargi les modalités des relations personnelles entre le mineur E______ et son père.

4.1.1 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Le droit aux relations personnelles est conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (cf. art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_497/2017 du 7 juin 2018 consid. 4.1). A cet égard, il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de recherche d'identité de l'enfant (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_586/2012 du 12 décembre 2012 consid. 4.2). Le bien de l'enfant constitue la règle fondamentale, les intérêts des parents devant être relégués au second plan. Il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3,
141 III 328 consid. 5.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 7.1; 5A_498/2019 consid. 2).

4.1.2 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

Il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit (ATF 122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C.244.2001, 5C.58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204; Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

Pour fixer le droit aux relations personnelles, le juge fait usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 131 III 209 consid. 3; 120 II 229 consid. 4a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_489/20195A_504/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1; 5A_41/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.1; 5A_454/2019 du 16 avril 2020 consid. 4.2.1).

4.2 En l'espèce, le père exerce depuis août 2022 son droit de visite sur son fils à raison d'une heure et demie par semaine au sein du Point rencontre. Il ressort tant des déclarations de la curatrice chargée de l'organisation et de la surveillance des relations personnelles que du rapport du SEASP et des renseignements transmis par les professionnels du Point rencontre que le père a de bonnes compétences parentales et qu'il dispose d'un logement adapté pour accueillir son fils. C'est, dans ces circonstances, à juste titre que le Tribunal de protection a élargi le droit de visite réservé au père à une demi-journée par semaine, tout en maintenant le passage de l'enfant au Point rencontre au regard du conflit persistant opposant les parents.

Aucun élément au dossier ne permet de retenir que le droit de visite du père doit être limité ou soumis à des modalités particulières au sein du Point rencontre. L'on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle reproche au Tribunal de protection d'avoir omis de régler précisément la question du lieu d'exercice de ce droit de visite ou de prendre en considération les besoins spécifiques de l'enfant résultant de son jeune âge: rien ne s'oppose en particulier à ce que l'enfant effectue les déplacements entre Genève et H______ (France), qui ne sont pas de nature à entraver son bon développement. Il n'y a, dans ces circonstances, pas lieu de limiter l'exercice des relations personnelles entre l'enfant et son père au territoire genevois.

Les griefs de la recourante n'étant pas fondés, son recours, à la limite de la témérité, sera rejeté.

5. La procédure, qui porte sur les modalités d’exercice du droit de visite, n’est pas gratuite (art. 77 LaCC; 67A et B RTFMC).

L’émolument sera fixé à 400 fr. et mis à la charge de la recourante, qui succombe. Il sera provisoirement supporté par l’Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l’assistance judiciaire, qui pourra en réclamer le remboursement conformément aux conditions légales.

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens de recours (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 18 janvier 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/8591/2022 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 10 octobre 2022 dans la cause C/7683/2021.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête l’émolument de décision à 400 fr., le met à la charge de A______ et dit qu’il est provisoirement pris en charge par l’Etat de Genève.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.