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Décisions | Chambre de surveillance

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C/19854/2022

DAS/255/2023 du 20.10.2023 sur DTAE/7302/2023 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19854/2022-CS DAS/255/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREDI 20 OCTOBRE 2023

 

Recours (C/19854/2022-CS) formé en date du 9 octobre 202 par Madame A______, actuellement hospitalisée au sein de l’unité B______ des HUG, ______, représentée par Me C______, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 20 octobre 2023 à :

- Madame A______
c/o Me C______, avocate.
______, ______.

- Madame D______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information à :

- Direction de la Clinique de E______
______, ______.


EN FAIT

A.           a) A______, née le ______ 1955, est au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion, étendue au domaine médical, et confiée à D______, par décision du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) rendue sur mesures superprovisionnelles le 6 décembre 2022, confirmée le 13 février 2023, faisant suite au signalement du 10 octobre 2022 de son médecin-traitant, le Dr F______, lequel avait observé un changement de comportement chez sa patiente depuis quelques temps, un encombrement important de son logement et une difficulté à gérer ses affaires administratives et financières.

A______, divorcée, qui vivait seule dans son logement, est mère de deux filles, G______ et H______, avec lesquelles elle s'était fâchée courant 2022.

b) Par décision du 30 mars 2023, le Tribunal de protection a ordonné l'expertise psychiatrique de A______, laquelle présentait des troubles du comportement avec désinhibition et refusait de se soumettre à un bilan neuropsychologique préconisé par son médecin-traitant afin de déterminer les causes de son état, et a commis I______, médecin psychiatre auprès du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), aux fonctions d'experte.

c) C______, curatrice d'office nommée par le Tribunal de protection le 28 octobre 2022, a alerté celui-ci le 24 avril 2023 de la péjoration de l'état de santé de sa protégée, qui ne répondait plus à ses appels téléphoniques et refusait de collaborer. Elle préconisait son placement à des fins d'assistance.

d) Le 5 mai 2023, D______ a informé le Tribunal de protection des difficultés de collaboration qu'elle rencontrait avec A______, laquelle avait vu son bail résilié pour le 31 juillet 2023 en raison de la multiplication des conflits de voisinage dont elle était à l'origine. Elle estimait qu'il était urgent d'identifier la cause des problèmes de sa protégée afin de déterminer si une médication visant à améliorer son état était nécessaire.

e) Par courrier du 30 mai 2023, la Dre I______, médecin psychiatre commise aux fonctions d'experte, a informé le Tribunal de protection que A______ ne s'était pas présentée aux deux convocations qui lui avaient été adressées aux fins d'expertise.

f) Par décision du 6 juin 2023 (DTAE/4410/2023), le Tribunal de protection a ordonné le placement à des fins d'expertise de A______ et prescrit son exécution au sein de la Clinique de E______, en autorisant la curatrice, D______, à faire appel au Service de l'application des peines et mesures pour assurer l'exécution du placement, si nécessaire.

g) A______ a été admise à la Clinique de E______ le 15 juin 2023.

h) D______ a informé le Tribunal de protection qu'elle n'avait pas contesté la résiliation du bail de sa protégée au vu des circonstances (état de santé, impossibilité de vivre en communauté, agressivité verbale, menaces diverses, harcèlement, coût élevé du loyer), les meubles et effets personnels de la concernée ayant été déménagés chez sa fille G______ à J______ [GE].

i) La Dre I______ a rendu son rapport d'expertise le 11 août 2023. Il en ressort que A______ souffre d'un trouble de la personnalité d'intensité modérée, pour lequel elle a besoin d'assistance, dès lors qu'elle n'est pas à même de maintenir des conditions de vie assurant sa sécurité à son domicile (état de propreté insuffisant et manque de collaboration avec les intervenants). L'assistance nécessaire pourrait lui être fournie en ambulatoire, sous réserve d'une bonne collaboration de la patiente avec les différents intervenants (visite hebdomadaire de l'IMAD et consultation hebdomadaire en psychiatrie). Toutefois, au moment des entretiens, l'expertisée s'opposait à ces prises en charge en expliquant qu'elles ne lui semblaient pas nécessaires et minimisait les problèmes somatiques et relationnels auxquels elle était confrontée.

En cas de placement à des fins d'assistance, celui-ci pourrait, dans un premier temps, être effectué à la Clinique de E______ jusqu'à l'avis de la Commission cantonale d'indication. Un placement était recommandé dans un lieu adapté de type EMS ou immeuble avec encadrement pour personnes âgées, ce qui permettrait de favoriser la prise en charge des pathologies somatiques de l'intéressée, en sus de son trouble de la personnalité. Il était également probable qu'une institutionnalisation permette un support affectif et social ainsi qu'un cadre de vie diminuant naturellement les troubles du comportement de A______. Elle ne présentait pas de déficit exécutif qui l'empêcherait d'accomplir des tâches motrices à domicile telles que la cuisine, les soins personnels ou le ménage.

Selon l'experte, A______ ne présentait pas de risques auto ou hétéro-agressifs mais elle pouvait se mettre en danger sur le plan somatique ainsi qu'en difficulté sociale. Il était probable que les troubles du comportement résultent d'une difficulté à identifier et à gérer ses émotions (par ex. colère lors des conflits avec ses filles, solitude imposée par les difficultés interpersonnelles en lien avec les troubles de la personnalité), que la patiente ne réussissait à exprimer qu'au travers de conflits et de passages à l'acte. Un suivi psychiatrique, qui était recommandé, pourrait aider la concernée à développer des stratégies alternatives. Si elle devait finalement se montrer collaborante avec l'IMAD pour la toilette et les repas et acceptait un suivi médical régulier par un généraliste et un psychiatre, un maintien à domicile pourrait être envisagé, même en cas de persistance des troubles du comportement.

j) Par courrier du 23 août 2023, les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ont informé le Tribunal de protection que A______ avait dû être transférée [à l'hôpital] L______ à M______ [VD] pour une prise en charge aigue en milieu spécialisé.

k) D______ a indiqué au Tribunal de protection par courriel du même jour que sa protégée, alors qu'elle était dans sa chambre à l'unité N______ de E______, avait mis le feu à la robe de chambre qu'elle portait et avait dû être héliportée au Service des grands brûlés [de l'hôpital] L______ de M______ et prise en charge par le Service des soins intensifs, où elle avait été plongée dans un coma artificiel.

l) Par déterminations du 31 août 2023, la curatrice d'office, au vu notamment du risque suicidaire de A______, de l'incapacité de maintenir son logement dans un état de propreté suffisant et de son refus de collaborer avec les différents intervenants qui cherchaient à l'aider, a conclu au placement de celle-ci dans un EMS fermé, dès réception de l'avis de la Commission cantonale d'indication.

B.            Par décision (DTAE/7302/2023) du 18 septembre 2023, le Tribunal de protection a prononcé la levée du placement à des fins d'expertise de A______ (chiffre 1 du dispositif), ordonné le placement à des fins d'assistance de la personne concernée (ch. 2), prescrit l'exécution du placement à des fins d'assistance en la Clinique de E______, dans l'attente d'une place en établissement médico-social (ch. 3), rendu attentive l'institution de placement au fait que la compétence de libérer la personne concernée, de lui accorder des sorties temporaires ou de transférer le lieu d'exécution du placement appartenait au Tribunal de protection (ch. 4), invité D______, en sa qualité de curatrice, à exécuter la décision, au besoin en faisant appel au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) (ch. 5) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que la personne concernée présentait un trouble de la personnalité, correspondant à un trouble psychique, susceptible de représenter un risque pour sa vie, respectivement celle d'autrui. Malgré son placement à des fins d'expertise en la Clinique de E______, la personne concernée avait mis le feu à sa robe de chambre, ce qui lui avait occasionné de graves brûlures ayant nécessité son transfert au Service des grands brûlés [de l'hôpital] L______ à M______, de sorte qu'elle n'avait pas pu être entendue. Il ressortait de l'instruction qu'elle était anosognosique de son état psychique, opposante et méfiante, rendant la collaboration impossible; elle minimisait ses problèmes somatiques, refusait les suivis médicaux et n'était pas capable, en raison de son trouble, de maintenir des conditions de vie assurant sa sécurité dans son logement. L'assistance et le traitement dont elle avait besoin ne pouvant lui être fournis en l'état de manière ambulatoire, un placement à des fins d'assistance devait être prononcé, l'exécution devant être prescrite en la Clinique de E______, dans l'attente d'un transfert de l'exécution auprès d'un établissement médico-social, lequel constituait une institution appropriée pour répondre à ses besoins.

C.           a) Par courriel du 26 septembre 2023, O______, secrétaire coordinatrice aux HUG, a informé le Tribunal de protection du fait que A______ venait d'être admise dans l'unité B______ des HUG le jour-même.

b) Par courrier du 5 octobre 2023, la Dre P______, médecin interne à l'unité B______ des HUG, a sollicité du Tribunal de protection une permission pour que A______ puisse sortir de l'unité le dimanche 8 octobre 2023 de 10h00 à 18h00 en compagnie de ses filles. A______ présentait depuis le début de son séjour dans l'unité un comportement adéquat; elle était calme, collaborante aux soins, respectait le cadre proposé et n'avait pas de velléités auto ou hétéro-agressives. Concernant son passage à l'acte, elle se remettait peu en question, évoquait qu'il s'agissait d'un accident dont elle ne comprenait pas la cause. Ses filles relevaient une nette amélioration de son comportement depuis son transfert [de l'hôpital] L______ et étaient confiantes de l'accompagner lors de cette sortie. En revanche, sa curatrice, D______, n'était pas rassurée par cette perspective.

Le Tribunal de protection a autorisé cette sortie par décision du 6 octobre 2023.

c) Par courrier du 9 octobre 2023, la Dre P______ a informé le Tribunal de protection que les observations cliniques étaient favorables, A______ ne présentant pas de troubles du comportement au sein de l'unité; elle était calme, collaborante et "remerciante". Elle parvenait à gérer la frustration de manière adaptée. Sa curatrice se montrait toujours inquiète compte tenu des antécédents, mais avait également observé un changement favorable dans son comportement. Les filles de la concernée relevaient une amélioration de l'état de leur mère; la journée de permission du 8 octobre 2023 s'était bien passée.

D'un point de vue médical, les médecins préconisaient un transfert de la concernée dans une unité de réadaptation (par exemple à l'hôpital Q______) pour une suite de soins de plaies cutanées compliquées, renutrition et réadaptation aux activités de la vie quotidienne ainsi qu'à la marche, avec suivi rapproché par l'équipe de psychiatrie de liaison. Ils estimaient que cette prise en charge ne pourrait être offerte que dans un hôpital de rééducation, la Clinique psychiatrique de E______ ne disposant pas de cet encadrement. L'accord du Tribunal de protection pour ce transfert était requis.

d) Par courrier du 10 octobre 2023, le Tribunal de protection a consenti à ce que A______ soit transférée pour la suite des soins dans une unité de réadaptation.

D.           a) Par acte du 9 octobre 2023, A______, par l'intermédiaire de sa curatrice d'office, a recouru contre le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance du 18 septembre 2023, reçue le 27 septembre 2023, et cela fait, a conclu à ce que le placement à des fins d'assistance soit prescrit au domicile de sa fille G______ dans l'attente d'une place en établissement médico-social.

Elle exposait que des faits nouveaux étaient intervenus depuis que le Tribunal de protection avait rendu son ordonnance. Elle avait renoué des contacts avec ses deux filles, lesquelles étaient venues la voir lors de son hospitalisation. Depuis l'événement du 23 août 2023, elles avaient fait table rase des précédents conflits qui avaient pu les opposer et leurs relations étaient dorénavant sereines et apaisées; elles étaient en mesure de partager des moments agréables ensemble. G______, qui habitait seule une villa à J______, disposait de place et de temps pour s'occuper de sa mère et souhaitait l'accueillir à son domicile à sa sortie d'hospitalisation. Elle était sans activité lucrative, de sorte qu'elle était disponible pour elle, et pourrait compter ponctuellement sur l'aide de sa sœur, H______. Les soins nécessaires allaient être mis en place avec les médecins de l'hôpital, notamment l'intervention de l'IMAD et le physiothérapeute. Sa mère ne supportait pas l'idée de retourner à la Clinique de E______. Un placement au domicile de sa fille paraissait plus judicieux dans l'attente d'une place en EMS.

b) Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 16 octobre 2023.

Le Dr R______, médecin chef de clinique au sein [de l'unité] B______ des HUG a indiqué que la demande de transférer A______ au sein de l'hôpital Q______ avait été sollicitée et obtenue du Tribunal de protection, le transfert devant être effectué le 17 octobre 2023, celle-ci devant y résider en suite de soins pour une durée de trois semaines. L'hôpital Q______ n'était pas un établissement psychiatrique mais de réadaptation, bénéficiant cependant d'une équipe de psychiatrie de liaison. A______ était parfaitement d'accord d'être transférée à l'hôpital Q______. Son comportement avait changé de manière importante et positive depuis son accident du 23 août 2023, tant à l'égard de ses filles et de ses curatrices, que du personnel soignant. Son attitude était adaptée dans l'unité et elle tolérait plus les frustrations. Un retour à la Clinique de E______ n'était pas nécessaire. A sa sortie de l'hôpital Q______, il était parfaitement envisageable qu'elle vive chez l'une de ses filles. L'entourage qui lui serait apporté serait un correctif suffisant dans l'hypothèse où la situation devait dégénérer. Il n'était pas nécessaire qu'elle bénéficie d'une présence constante, ce d'autant qu'elle pourrait bientôt marcher seule et qu'elle serait davantage autonome. Elle ne présentait pour l'instant pas de risques auto ou hétéro-agressifs, sans que l'on puisse totalement écarter un risque de récidive. A______ prenait les médicaments qu'on lui donnait sans difficulté. Aucun traitement particulier ne lui était administré pour son trouble. Un neuroleptique lui avait été prescrit lors de son séjour à la Clinique de E______ en vue d'expertise, mais il ne lui était plus donné. Le trouble de la personnalité dont était affectée A______ n'était pas d'une intensité toujours identique. Il y avait des éléments déclencheurs lesquels n'étaient pas possibles à déterminer. La relation qui avait été distendue avec ses filles pouvait être cet élément, sans qu'il soit possible de l'affirmer. Son trouble n'allait pas disparaître. Aucun traitement médicamenteux ne pouvait être prescrit pour traiter ce trouble. Seule une psychothérapie de longue durée était possible.

S______, Professeur au sein du Service de Psychogériatrie de la Clinique de E______, a relevé que son collègue qualifiait l'évolution de l'état de A______ de spectaculaire. Il n'avait pas personnellement été impliqué dans le traitement de A______ lors de son séjour à la Clinique de E______ mais était optimiste quant à l'avenir. Il ne pouvait se prononcer sur le lieu de résidence futur de la personne concernée, mais la famille qui l'entourait constituait une approche tout-à-fait positive pour la stabilisation de son état actuel. Il partageait le point de vue du Dr R______. Aucun traitement médicamenteux ne pouvait être prescrit pour traiter le trouble dont était atteinte la personne concernée, seule une psychothérapie de longue durée était envisageable.

A______ était parfaitement d'accord avec son transfert à l'hôpital Q______ pour une suite de soins. Elle était consciente qu'elle n'occuperait pas une chambre seule et s'adapterait à son environnement. Elle ne souhaitait pas retourner à la Clinique de E______. A sa sortie de l'hôpital Q______, elle irait soit vivre en EMS, soit chez sa fille, G______, solution qu'elle privilégiait. Elle avait fait une grosse bêtise au mois d'août et avait conscience qu'elle aurait pu mourir. Elle n'avait pas l'intention de recommencer et ne savait pas pourquoi elle avait fait cette bêtise. Elle se sentait bien avec les médecins et le personnel soignant dans l'unité, moins avec les patients qui présentaient des troubles cognitifs, auxquels elle ne s'identifiait pas. Elle ne recevait pas de traitement pour son trouble. Elle ne prenait qu'un antidépresseur, qui lui avait été prescrit de longue date et dont son médecin traitant avait diminué le dosage un an et demi auparavant. Elle était sortie le 8 octobre 2023, avec l'accord du Tribunal de protection, pour passer une journée chez sa fille G______ et tout s'était bien passé. Elle avait compris qu'elle habiterait chez sa fille pour un temps déterminé, avant d'emménager en EMS, ce avec quoi elle était d'accord.

La fille cadette de la personne concernée, G______, s'est dite prête à accueillir sa mère lorsqu'elle sortirait de l'hôpital Q______. Elle ne travaillait pas, avait du temps à lui consacrer et habitait une villa dans laquelle sa mère disposerait d'une chambre, d'une salle-de-bains et de toilettes au rez-de-chaussée. Des aides à domicile allaient être mises en place avec les médecins, notamment pour les soins et la toilette. Elle s'était beaucoup rapprochée de sa mère depuis l'accident du mois d'août. Elle avait vécu chez sa mère en décembre 2021 et était partie en été 2022. Elles s'étaient fâchées à ce moment-là car elle ne parvenait pas à discuter avec sa mère sereinement; celle-ci s'énervait facilement, ce qui était arrivé également avec l'IMAD; elle avait également eu quelques problèmes de voisinage. Elle se sentait parfaitement capable de s'occuper de sa mère ainsi que du suivi ambulatoire qui serait prescrit par les médecins. Si sa mère devait s'opposer à cette prise en charge, elle lui en ferait comprendre la nécessité. Elle pensait qu'un placement à la Clinique de E______ serait néfaste pour sa mère. Elle prendrait soin de celle-ci jusqu'à ce qu'une place dans un EMS adapté soit trouvée.

H______, fille aînée de la personne concernée, s'est dite prête à aider sa sœur dans la prise en charge de leur mère à sa sortie de l'hôpital Q______, notamment en lui rendant régulièrement visite, en l'accompagnant à ses rendez-vous et en l'assistant en cas de problèmes. Elle avait été distante de sa mère durant une période, celle-ci étant fâchée contre tout. Elle était dorénavant en très bons termes avec elle et favorable au fait qu'elle habite chez sa sœur à sa sortie de l'hôpital. Elle espérait que sa mère puisse par la suite intégrer un "appartement assisté" car elle la trouvait trop jeune pour résider en EMS. Sa mère allait tellement mieux qu'elle pensait que sa prise en charge par sa sœur ne poserait pas de problème.

La curatrice de la personne concernée considérait que les filles de sa protégée étaient dans l'émotion et n'évaluaient pas les besoins réels de leur mère. Elle lui paraissait aujourd'hui calme et coopérante mais sa connaissance du dossier l'amenait à être prudente. Aucune démarche n'avait été entreprise auprès de la commission d'intégration.

Le Pr S______ considérait, au contraire, cette énergie familiale comme un élément positif au maintien de l'état actuel de la concernée.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

1.2 En l'espèce, le recours formé par la personne concernée dans le délai et selon les formes prévues par la loi, est recevable.


 

2.             La recourante s'oppose à son placement à des fins d'assistance à la Clinique de E______.

2.1 Une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière (art. 426 al. 1 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficiences mentales ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fournis autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, 2011, p. 302, n° 666).

Le placement à des fins d'assistance est notamment destiné à protéger la personne, si nécessaire contre elle-même, et à lui fournir l'aide et les soins dont elle a besoin; son but est de faire en sorte que la personne puisse retrouver son autonomie (HAUSHEER/GEISER/AEBI-MÜLLER, Das neue Erwachsenenschutzrecht, n. 2.156).

2.2 En l'espèce, la recourante a été initialement placée à la Clinique de E______ en vue d'expertise en juin 2023 et a, le 23 août 2023, attenté à sa vie, ce qui a nécessité sa prise en charge au L______ dans l'unité des grands brûlés, avant son retour aux HUG le 26 septembre 2023.

L'expertise qui a été effectuée par le CURML a mis en évidence que l'intéressée souffrait d'un trouble de la personnalité d'intensité modérée, pour lequel aucun traitement médicamenteux n'était préconisé, seul un suivi psychiatrique soutenu permettant d'améliorer la problématique. L'experte a précisé que ce traitement pouvait être mis en place de façon ambulatoire, ce qui n'était cependant pas possible en l'état, l'expertisée refusant l'aide qui pouvait lui être apportée. Elle ne pouvait demeurer seule dans son logement, trop encombré, sa sécurité n'étant plus assurée au sein de celui-ci, de sorte qu'un placement à des fins d'assistance au sein de la Clinique de E______ était nécessaire jusqu'à ce qu'un logement adapté lui soit trouvé.

Depuis lors, la situation a cependant évolué. L'événement qui a conduit la recourante à être hospitalisée en urgence au L______ semble avoir été un élément déclencheur, sans que les médecins entendus en audience par le juge délégué de la Chambre de surveillance puissent en expliquer la cause, ni savoir si le comportement de la recourante, normalisé et adapté à la situation actuelle, sera pérenne ou se péjorera de nouveau à l'avenir. Quoi qu'il en soit, la recourante est dorénavant calme et coopérante, les relations qu'elle entretient avec son entourage sont sereines, tant avec ses filles, avec lesquelles le lien s'est renoué et renforcé, qu'avec le personnel soignant ou ses curatrices, qui l'ont confirmé. La recourante est collaborante aux soins qui sont nécessaires à son état, en relation avec ses plaies qui doivent être encore soignées, et prend son traitement pour ses problèmes somatiques sans opposition. Aucun traitement particulier n'a été mis en place par les HUG. Elle ne reçoit aucun médicament afin de contenir son trouble, mais continue à prendre l'antidépresseur que lui avait prescrit son médecin traitant par le passé. Elle est conciliante et remercie le personnel soignant des soins qui lui sont prodigués; elle ne s'explique pas son geste d'août 2023 mais certifie ne pas vouloir recommencer. Elle se réjouit de pouvoir être accueillie par sa fille pour un certain temps, après son séjour à l'hôpital Q______ pour réhabilitation, établissement qu'elle accepte d'intégrer, et est consciente qu'elle devra à terme entrer dans un EMS, ce qu'elle accepte. La visite du 8 octobre 2023 chez sa fille cadette s'est bien déroulée. La recourante gagne par ailleurs en autonomie. Enfin, le Dr R______ ne préconise pas un placement à des fins d'assistance de la recourante à la Clinique de E______ et pense tout-à-fait envisageable le projet de vie future de celle-ci chez sa fille à sa sortie de l'hôpital Q______. Cet optimisme est partagé par le Pr S______, qui estime que la nouvelle dynamique familiale peut être favorable au maintien de la stabilité de l'état de santé psychique de l'intéressée. Les deux médecins confirment que le trouble qui affecte la recourante ne se manifeste pas toujours avec la même intensité et qu'il n'existe aucun médicament pour le soigner, seule une psychothérapie de longue durée étant préconisée. Quant à la fille cadette de la recourante, elle accepte de prendre en charge sa mère à sa sortie d'hôpital et à mettre en place toutes les aides et les suivis nécessaires à son état et pourra compter sur l'aide de sa sœur aînée.

En conséquence, les conditions ayant présidé au placement à des fins d'assistance de la recourante au sein de la Clinique de E______, en attente d'une place en EMS ne sont plus réalisées. Les traitements nécessaires à l'état de santé de la recourante, notamment en psychothérapie/psychiatrie et en physiothérapie, peuvent dorénavant lui être prodigués de manière ambulatoire, puisque son état s'est stabilisé et qu'elle accepte les prises en charge préconisées, dont il lui sera donné acte, aucun traitement médicamenteux n'étant par ailleurs nécessaire pour son trouble. Elle prend correctement ses médicaments pour ses problèmes somatiques et est parfaitement collaborante. Les conditions de mise en danger de la recourante à son domicile sont dorénavant écartées puisque sa fille cadette, avec laquelle les relations se sont normalisées, accepte de l'héberger et de l'assister dans sa prise en charge quotidienne, avec l'aide de professionnels, ce que la recourante accepte. Les risques auto et hétéro-agressifs sont par ailleurs actuellement écartés, aux dires des médecins. Un placement à des fins d'assistance à la Clinique de E______ n'est ainsi pas nécessaire. De même, bien qu'une prise en charge en EMS soit envisagée par la famille et l'intéressée elle-même pour le futur, aucune mesure de placement à des fins d'assistance dans un EMS spécialisé ne doit être ordonnée, compte tenu de la prise en charge mise en place par la famille de la recourante à sa sortie d'hôpital et l'adhésion de cette dernière à un futur placement en EMS.

La mesure de placement à des fins d'assistance doit en conséquence être totalement levée, les conditions n'en étant actuellement plus remplies, étant encore précisé qu'en cas de survenance de nouveaux problèmes liés au trouble de la recourante, un nouveau placement à des fins d'assistance pourra être ordonné par un médecin ou le Tribunal compétent.

3.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 9 octobre 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/7302/2023 rendue le 18 septembre 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/19854/2022.

Au fond :

Annule les chiffres 2 à 5 du dispositif de l’ordonnance attaquée.

Lève la mesure de placement à des fins d'assistance instituée en faveur de A______.

Donne acte à A______ de son engagement à demeurer à l'hôpital Q______ jusqu'à la fin de sa réhabilitation et d'accepter à sa sortie d'hôpital tous les suivis, notamment psychothérapeutique/psychiatrique et physiothérapeutique qui seront préconisés par les médecins.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.