Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/8175/2018

DAS/190/2023 du 10.08.2023 sur DTAE/5416/2023 ( PAE ) , ADMIS

Normes : CC.426
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8175/2018-CS DAS/190/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 10 AOÛT 2023

Recours (C/8175/2018-CS) formé en date du 27 juillet 2023 par Madame A______, sans domicile connu, comparant par Me Andrea VON FLÜE, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 10 août 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Andrea VON FLÜE, avocat
Rue de la Terrassière 9, 1207 Genève.

- Madame B______
Madame C
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information, à :

- DIRECTION DE LA CLINIQUE DE D______
______, ______.

- SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES
ET MESURES (SAPEM)
Route des Acacias 78-82, case postale 1629, 1211 Genève 26.


EN FAIT

A. Par ordonnance du 19 novembre 2018, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a confirmé au fond la mesure de curatelle de représentation et de gestion, instaurée sur mesures urgentes le 3 juillet 2018, en faveur de A______, née le ______ 1998, et confié le mandat à deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte (SPAd).

B. Il ressort d'un rapport d'expertise psychiatrique dressé le 2 juillet 2019 par le Docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, commis par le Tribunal de protection aux fonctions d'expert, que A______ souffre d'un trouble de la personnalité de type borderline et d'un syndrome de dépendance à l'alcool, qui entraînaient un besoin d'assistance et de traitement ne pouvant être fournis de manière ambulatoire, de sorte qu'un placement à des fins d'assistance s'avérait nécessaire.

A______ a dès lors été placée à des fins d'assistance auprès de la Clinique de D______, par ordonnance provisoire du Tribunal de protection du 26 août 2019, confirmée le 18 novembre 2019, mesure qui a finalement été levée le 28 avril 2020. En effet, A______ n'était pas preneuse de soins, fuguait très fréquemment de l'unité et s'alcoolisait à l'extérieur ou dans l'enceinte du domaine de la clinique.

C. Par ordonnances des 19 septembre et 10 octobre 2022, le placement à des fins d'expertise de A______ a été successivement ordonné puis levé, au vu notamment de l'absence de collaboration de celle-ci dans un premier temps.

D. Dans son rapport d'expertise dressé le 14 octobre 2022, le Docteur E______, à nouveau commis aux fonctions d'expert, a confirmé les diagnostics posés dans sa précédente expertise, à savoir que l'intéressée souffrait d'un trouble de la personnalité borderline, avec des traits importants, ainsi que d'un syndrome de dépendance à l'alcool.

L'expert a toutefois relevé que depuis un an et demi, l'instabilité affective et émotionnelle de la requise ainsi que sa consommation d'alcool semblaient moins importantes eu égard au fait qu'elle n'avait plus consulté de façon répétée le Service des urgences psychiatriques des HUG, précisant toutefois qu'elle avait récemment mobilisé le service d'ambulances pour des situations urgentes de nature inconnue et qu'elle avait également présenté une rechute de surconsommation d'alcool. Cela étant, ses troubles psychiques apparaissaient en période d'atténuation ou de rémission partielle.

Selon l'anamnèse figurant dans le rapport, A______ vivait chez un couple de personnes âgées avec son compagnon [à] F______ [GE], en échange de services rendus. Elle avait besoin d'assistance et de traitement, d'une part, dans les domaines social et professionnel, d'autre part, dans le domaine médical, sous la forme d'un suivi régulier de sa santé physique et mentale. Lors de périodes de crise, un appoint médicamenteux était souhaitable. Un suivi en addictologie s'imposait également.

Un nouveau placement à des fins d'assistance n'était pas préconisé. Cela étant, l'expert émettait une réserve quant à l'adhésion, à court terme, de la concernée aux mesures d'assistance et de traitement nécessaires à son état.

E. Suite à un signalement de G______ à la curatrice de A______, avec copie au Tribunal de protection, celui-ci a appointé une audience le 28 novembre 2022, à laquelle la concernée ne s'est pas présentée.

Le Docteur E______, entendu à titre d'expert dûment exhorté, a tout d'abord confirmé son diagnostic. Vu l'échec de la dernière hospitalisation sous placement à des fins d'assistance, il a préconisé d'envisager une approche différente en favorisant par exemple des hospitalisations de courtes durées, solution qui avait montré plus de bénéfices pour des pathologies analogues à la sienne.

L'expert a indiqué avoir pu constater une certaine prise de conscience de la concernée de ses difficultés psychiques et de son addiction à l'alcool, mais que celle-ci serait toutefois insuffisante pour l'amener à adhérer à des soins volontaires et ambulatoires. Ce faisant, il a indiqué que le prononcé simultané d'un placement à des fins d'assistance et de la suspension de son exécution sous condition de suivre des soins ambulatoires pouvait être une option.

F. Par ordonnance DTAE/8380/2022 du 28 novembre 2022, le Tribunal de protection a prononcé le placement à des fins d’assistance de A______ en la Clinique de D______, cela fait, a sursis à l'exécution du placement à des fins d'assistance, soumis le sursis au suivi psychiatrique régulier auprès de l'Unité K______ des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et à la compliance aux traitements médicamenteux prescrits par l'équipe soignante, enjoint les curateurs de la personne concernée à organiser la prise en soins psychiatrique et à l'informer de tout fait nouveau pouvant justifier la révocation du sursis ou la levée définitive du placement, rappelé que la décision était immédiatement exécutoire et laissé les frais d'expertise à la charge de l'Etat.

G. Par courriers des 19 décembre 2022 et 23 janvier 2023, la curatrice a informé le Tribunal de protection des difficultés qu'elle rencontrait à mettre en place les conditions du sursis. D'une part, A______ était très difficile à joindre, car elle ne répondait pas au téléphone. D'autre part, le service concerné était surchargé, de sorte qu'un suivi ne pouvait être mis en place immédiatement, et une évaluation ne pourrait être faite avant mars 2023.

H. Le 26 avril 2023, répondant à une demande de la curatrice, le Tribunal de protection a autorisé celle-ci à mettre en place un suivi auprès d'une autre institution que celle visée dans l'ordonnance du 28 novembre 2022.

I. Par courrier du 14 juin 2023, la curatrice a informé le Tribunal de protection de ce qu'elle avait fait appel au CAPPI [du quartier] de H______ pour assurer le suivi de A______, mais que celle-ci ne s'était pas présentée au rendez-vous fixé. Elle avait trouvé une chambre à l'Hôtel I______ pour A______ et son compagnon, mais ceux-ci n'avaient pu y rester, suite à une altercation. La première demeurait injoignable, de sorte qu'un avis de disparition avait été émis.

J. Par ordonnance DTAE/5416/2023 du 26 juin 2023, le Tribunal de protection a révoqué le sursis à l’exécution du placement à des fins d’assistance institué le 28 novembre 2022 en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), ordonné, en conséquence, la réintégration de la personne concernée en la Clinique de D______ (ch. 2), rendu attentive l’institution de placement au fait que la compétence de libérer la personne concernée, de lui accorder des sorties temporaires ou de transférer le lieu d’exécution du placement, appartenait au Tribunal de protection (ch. 3), invité le Service de l'application des peines et mesures à exécuter la décision (ch. 4), invité la Clinique de D______ à lui communiquer en temps utile son évaluation psychiatrique sur l'état clinique de la personne concernée et son avis sur la nécessité ou non de maintenir la mesure (ch. 5), rappelé que la procédure était gratuite et que la décision était immédiatement exécutoire (ch. 6 et 7).

K. Par courriel du 24 juillet 2023 au Tribunal de protection, la Dre J______ a informé celui-ci que A______ s'était présentée à la consultation au CAPPI de H______ pour un premier entretien médical, avait déclaré vouloir s'engager dans un suivi et travailler sur ses troubles psychiques. La patiente étant stable psychiquement, sans risque d'auto/hétéro-agressivité, et souhaitant s'engager dans les soins, il n'existait pas d'argument médical pour l'hospitaliser. Un suivi médical et infirmier était mis en place.

L. Par acte du 27 juillet 2023, A______ a formé recours contre l'ordonnance DTAE/5416/2023 du 26 juin 2023, publiée dans la Feuille d'avis officielle du ______ 2023, concluant à son annulation.

M. Par décision DAS/186/2023 du 4 août 2023, la Chambre de surveillance de la Cour de justice a accordé l'effet suspensif au recours, retenant qu'il ne ressortait pas du dossier que l'exécution immédiate de la décision entreprise serait nécessaire à éviter un péril pour la vie ou la santé de la recourante ou pour des tiers.

N. La Cour a fixé une audience qui s'est tenue le 4 août 2023, à laquelle A______ ne s'est pas présentée.

B______, curatrice, a été entendue. Elle a déclaré qu'elle n'avait eu aucune nouvelle de A______. Elle considérait que celle-ci se mettait en danger en ne se rendant pas à son suivi et en ne prenant pas contact avec ses services. Elle n'avait pas de logement fixe. La curatrice a persisté dans le signalement.

La Dre J______ ne s'est pas présentée, car en vacances jusqu'au 21 août 2023. Le conseil de A______ n'était pas présent non plus.

O. La Cour a convoqué une nouvelle audience, qui s'est tenue le 9 août 2023. A______ a téléphoné au greffe de la Chambre de surveillance de la Cour de justice pour indiquer qu'elle serait présente. Elle ne s'est toutefois pas présentée.

Son conseil a déclaré qu'il n'avait pas réussi à entrer en contact avec sa cliente. Le compagnon de celle-ci lui avait dit qu'il ne l'avait pas non plus vue depuis environ une semaine. Il a précisé qu'il avait eu un contact avec sa cliente avant l'audience du 4 août, à laquelle elle avait dit qu'elle viendrait. Il n'avait aucune information sur la situation actuelle de sa cliente. Lors des derniers contacts notamment par courriel, A______ semblait stable et pas en détresse.

La Cour a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 3 CPC), devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC), par la personne directement concernée par la mesure. Il est donc recevable à la forme.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. 2.1.1 Une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsqu'en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d'une autre manière (art. 426 al. 1 CC). La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficiences mentales ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fournis autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, 2011, p. 302, n° 666).

2.1.2 Le Tribunal de protection peut surseoir pendant deux ans au plus à l'exécution d'une mesure de placement et imposer des conditions. Le sursis est révoqué lorsque les conditions ne sont pas observées (art. 57 al. 1 LaCC).

2.2 En l'espèce, il ressort du dossier que la mise en place d'un suivi thérapeutique, condition posée à l'octroi du sursis au placement dans l'ordonnance du 28 novembre 2022, s'est avérée difficile, au motif de la surcharge de l'institution désignée à cet effet. Ce n'est qu'en juin 2023 qu'il a été fait appel au CAPPI. Certes, la recourante ne s'est pas rendue au premier rendez-vous en ce lieu, mais elle a finalement eu un entretien avec la Dre J______ le 24 juillet 2023, lors duquel elle a manifesté son souhait de suivre un traitement. Il a alors été considéré que son état, stable, ne justifiait pas un placement. Depuis ce moment-là, la curatrice n'a pas eu de contacts avec la recourante, laquelle ne s'est pas non plus présentée aux audiences de la Cour, malgré le fait qu'elle avait avisé son mandataire et le greffe qu'elle s'y rendrait. La Dre J______, en vacances, n'a pu être entendue. Le conseil de la recourante a déclaré que l'état de sa cliente ne lui paraissait pas préoccupant, en ce sens qu'elle ne paraissait pas en détresse, mais plutôt stable.

Il ressort encore du dossier que les placements ordonnés jusqu'à ce jour n'ont pas conduit à une amélioration de la situation de la recourante. L'expert mandaté à deux reprises par le Tribunal de protection a dès lors conclu qu'une autre approche devait être envisagée, le but premier étant que la patiente adhère à un suivi ambulatoire.

Au vu des éléments qui précèdent, la Chambre de surveillance de la Cour de justice retient que les conditions à la révocation du sursis ne sont en l'état pas remplies. En effet, compte tenu de la période estivale et des vacances des différents intervenants, les difficultés à la mise en place d'un suivi ne peuvent être imputées entièrement à la recourante, quand bien même la situation de celle-ci reste préoccupante, en particulier au regard de son absence de domicile fixe. Il n'apparait toutefois pas que celle-ci traverse une nouvelle crise, ayant pour conséquence un risque auto ou hétéro-agressif. Les contacts qu'elle a pris avec son conseil ou le greffe de la Cour permettent au contraire de considérer qu'elle se soucie de la présente procédure et est consciente de la nécessité de poursuivre, dès septembre 2023, les démarches commencées en juillet 2023 pour éviter la révocation du sursis, qui parait aujourd'hui prématurée.

Le recours sera admis et l'ordonnance entreprise annulée, celle rendue le 28 novembre 2022 restant dès lors en vigueur.

3. La procédure de recours est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 27 juillet 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/5416/2023 rendue le 26 juin 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/8175/2018.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Mesdames Verena PEDRAZZINI RIZZI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.