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Décisions | Chambre de surveillance

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C/1687/2023

DAS/167/2023 du 04.07.2023 sur DTAE/3264/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1687/2023-CS DAS/167/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 4 JUILLET 2023

 

Recours (C/1687/2023-CS) formé en date du 15 mai 2023 par Madame A______, domiciliée ______, comparant d'abord par Me Laïla BATOU, puis par Me Rachel DUC, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile, d'une part, et par Monsieur B______, domicilié ______, comparant par Me Laïla BATOU, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile, d'autre part.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 6 juillet 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Rachel DUC, avocate

Boulevard de Saint-Georges 72, CP, 1211 Genève 8.

- Monsieur B______

c/o Me Laïla BATOU, avocate

Rue des Pâquis 35, 1201 Genève.

- Maître C______
______, ______.

- Madame D______

Monsieur E______

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A. a) La mineure F______, née le ______ 2013, est issue de l'union célébrée au Nigéria en 2010, mais non reconnue en Suisse, entre A______ et B______.

Le couple est également parent de G______, né le ______ 2021, et de H______, né le ______ 2022.

b) B______ est arrivé en Suisse en 2014 et a été placé dans le Foyer I______ à Genève. Il a été blessé lors d'un incendie ayant eu lieu le ______ 2014. A______ et sa fille F______ ont rejoint B______ en octobre 2020.

c) Par courrier du 2 février 2023, le Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi; soit pour lui, D______, intervenante en protection de l'enfant, et E______, chef de groupe) a signalé au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) la situation de la mineure F______.

Cette dernière était suivie par le SPMi en appui éducatif depuis juillet 2021 suite à un signalement de maltraitance physique par l'organisme J______ (la mineure ayant participé à un camp de vacances organisé par ledit organisme), et un éducateur L______ intervenait à domicile depuis décembre 2021. Depuis octobre 2021, la mineure était également suivie par une thérapeute auprès de K______, la Dresse M______, psychiatre et psychothérapeute FMH.

La mineure avait confié à différents professionnels, notamment à la thérapeute précitée et au personnel de l'école qu'elle fréquentait, être victime de faits de maltraitance, ce qui avait conduit le directeur de l'école, qui disposait d'un constat médical (lésion sur la cuisse compatible avec les dires de F______, soit coup de bâton par le père), de signaler la situation au SPMi le 1er février 2023. Les parents avaient par ailleurs rasé les cheveux de leur fille à titre de punition et l'avaient gardé plusieurs jours à la maison en raison de son mauvais comportement en classe. Rappelés à l'ordre, les parents s'étaient, à plusieurs reprises, engagés à ne plus faire usage de la violence, mais justifiaient leur comportement par celui de leur fille. Ils se montraient dénigrants envers elle, lui reprochaient d'être turbulente, d'avoir un mauvais comportement, de voler et de mentir. L'enfant rencontrait des problèmes d'énurésie et les parents pensaient que l'enfant provoquait ces "accidents" pour les énerver. Ceux-ci n'arrivaient pas à entendre les conseils des professionnels et, malgré de nombreuses rencontres avec le SPMi, l'école et divers autres intervenants, leur posture parentale n'évoluait pas. Le comportement de la mineure laissait, de plus, transparaître une grande souffrance.

Le signalement du SPMi contient également des informations sur la situation scolaire de la mineure. Il est notamment indiqué que son comportement en classe était problématique, que la mineure pouvait parfois, sans raison, insulter ses camarades ou voler leurs affaires. Les enseignants avaient observé une souffrance chez l'enfant qui se retrouvait isolée de ses camarades en raison de son comportement.

Au vu des circonstances, le SPMi a sollicité du Tribunal de protection qu'il prenne des mesures superprovisionnelles, soit qu'il retire la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de la mineure à ses parents, qu'il ordonne son placement au sein du Foyer N______, qu'il instaure une curatelle aux fins d'organiser, de surveiller et de financer le lieu de placement ainsi que pour faire valoir sa créance alimentaire et une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, qu'il accorde un droit de visite à définir ultérieurement selon l'évolution de la situation et d'entente avec la structure d'accueil, qu'il instaure une curatelle d'assistance éducative et qu'il nomme à cet effet D______, intervenante en protection de l'enfant, en qualité de curatrice et E______, chef de groupe, en qualité de curateur suppléant. Le SPMi a également sollicité qu'un mandat lui soit confié pour évaluer la situation de l'ensemble de la fratrie.

d) Par ordonnance DTAE/820/2023 du même jour, le Tribunal de protection a donné suite à cette requête sur mesures superprovisionnelles.

e) Lors de l'audience du 1er mars 2023, la curatrice du SPMi a confirmé les termes et conclusions de son rapport du 2 février 2023 et ajouté que la mineure s'était bien intégrée au sein du foyer, même si elle rencontrait toujours des difficultés à entrer en relation avec autrui et se retrouvait souvent mise à l'écart.

A______ et B______ se sont opposés aux mesures de retrait de garde et de placement en foyer de leur fille, ainsi qu'au maintien de la curatelle d'assistance éducative, estimant que l'intervention des curateurs n'avait pas amélioré la situation.

f) A l'issue de l'audience, la cause a été délibérée.

B. Par ordonnance DTAE/3264/2023 du 1er mars 2023, reçu par A______ et B______ le 3 mai 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a maintenu le retrait de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence aux parents de la mineure F______ (ch. 1 du dispositif), confirmé le placement de l'enfant au sein du Foyer N______ (ch. 2), accordé à A______ et B______ un droit de visite sur leur fille à exercer à raison de deux fois par semaine, les mercredis et les samedis ou dimanches, pour une durée de 2 à 3 heures dans le périmètre du foyer, puis, dès que possible, à l'extérieur du foyer avec l'accompagnement d'un intervenant de O______ [organisation pour l'éducation spécialisée], et autorisé les appels téléphoniques entre la mineure et sa famille, charge aux parents de veiller à tenir des propos uniquement constructifs et valorisants (ch. 3), ordonné la poursuite du suivi thérapeutique de la mineure (ch. 4), ordonné aux parents de continuer, de façon sérieuse et régulière, la thérapie familiale initiée auprès de P______ [consultations conjugales et familiales], avec la précision qu'il y avait lieu, d'entente avec les thérapeutes concernés, d'assortir ledit suivi d'un travail de guidance parentale (ch. 5), confirmé les curatelles existantes (ch. 6) et la fonction de curateurs de la mineure F______ de D______ et de E______ (SPMi, ch. 7), invité les curateurs à adresser au Tribunal de protection leur préavis sur les modifications à apporter au dispositif de protection, respectivement aux modalités de visite en vigueur, aussitôt que les circonstances et l'intérêt de l'enfant le justifieraient mais au plus tard au 15 juin 2023 (ch. 8), rappelé que l'ordonnance était immédiatement exécutoire (ch. 9) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

En substance, le Tribunal de protection a rappelé que la mineure était placée en foyer depuis février 2023, suite à des faits de maltraitance de la part des parents, qui peinaient visiblement à appréhender les difficultés et besoins de leur fille et à remettre en cause leurs méthodes éducatives. Les parents contestaient tout acte de violence à l'égard de leur fille mais reconnaissaient notamment avoir rasé ses cheveux et l'avoir empêchée de se rendre à l'école plusieurs jours en guise de punition. Les professionnels ne constataient pas d'évolution dans leur posture parentale, malgré une aide éducative mise en place depuis juillet 2021. Des marques de coups sur le corps de l'enfant avaient de plus été confirmées par constat médical. Et la mineure présentait des comportements hétéro-agressifs à l'égard de ses camarades d'école, des problèmes d'énurésie, une faible estime d'elle-même et une détresse générale. Les parents n'étaient pas en mesure d'offrir à leur fille le cadre sécurisant, rassurant et soutenant dont elle avait besoin pour se développer harmonieusement, ce qui causait une grande souffrance chez la mineure. A ce stade, il se justifiait dès lors de maintenir les mesures de retrait de garde et de placement prononcées en faveur de la mineure F______.

C. a) Par acte expédié le 15 mai 2023 à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ et B______, alors tous deux représentés par le même conseil, ont formé recours contre cette ordonnance.

Préalablement, ils ont conclu à ce que la Chambre de surveillance étende la curatelle de représentation de l'enfant, confiée à C______, avocate, à sa représentation dans le cadre de la présente procédure, et ordonne l'audition de leur fille F______.

Principalement, ils ont conclu à l'annulation des chiffres 1, 2, 3 et 10 du dispositif de l'ordonnance attaquée, sollicitant la levée du placement en foyer de leur fille F______ et la restitution de leur droit de déterminer le lieu de résidence de leur fille, ainsi qu'à l'annulation partielle du chiffre 6, en ce sens qu'il devait uniquement confirmer la curatelle d'organisation des relations personnelles mise en place. Ils ont également repris leur conclusion tendant à ce que C______ représente leur fille dans le cadre de la présente procédure.

Subsidiairement, ils ont conclu à l'annulation des chiffres 3 et 10 du dispositif de l'ordonnance attaquée, et à ce que la Chambre de surveillance élargisse leur droit de visite, qui devait s'exercer à raison de deux fois par semaine, les mercredis à l'intérieur du foyer et les week-ends au domicile parental et autorise des contacts téléphoniques réguliers entre les parents et leur enfant.

Ils ont produit deux pièces qui ne figurent pas au dossier de première instance, soit un rapport médical concernant B______ daté du 26 octobre 2022 et un courriel adressé par la curatrice SPMi aux parents de la mineure le 6 avril 2023.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

c) Le 26 mai 2023, les curateurs du SPMi se sont déterminés sur le recours formé par A______ et B______. Ils ont notamment indiqué s'opposer à l'annulation des chiffres 1, 2, 3 et 10 du dispositif de l'ordonnance attaquée.

La thérapie familiale initiée par les parents auprès de P______ [consultations conjugales et familiales] avait débuté le 11 avril 2023 et seules deux séances avaient eu lieu en présence de la mineure. Par ailleurs, le discours des parents concernant leur fille n'avait pas évolué et il était difficile d'envisager des visites sans la présence d'un professionnel et sans un travail de guidance parentale préalable. Un retour à domicile apparaissait prématuré, bien que la mineure leur ait indiqué souhaiter rentrer chez elle, "même si ses parents la tapaient". Le placement de la mineure demeurait nécessaire pour protéger celle-ci.

d) C______ a été nommée en qualité de curatrice de représentation de la mineure F______ pour la présente procédure le 25 mai 2023 et s'est déterminée sur le recours formé par A______ et B______ le 12 juin 2023.

Préalablement, elle a conclu à ce que la Chambre de surveille procède à l'audition de l'un des éducateurs référents de la mineure au sein du Foyer N______.

Principalement, elle a conclu à l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance entreprise et à ce que la Chambre de surveillance place la mineure chez ses parents, ordonne au SPMi la mise en place d'une "mesure PAJ" au sein de la famille ayant pour but l'accompagnement du retour à domicile de la mineure F______, lui octroie le pouvoir de mettre en place toute mesure qu'elle pourrait juger utile pour l'accompagnement du retour à domicile de la mineure F______ et donne acte à A______ et B______ de leur engagement à poursuivre la thérapie familiale auprès de P______.

Elle a produit des pièces ne figurant pas au dossier de première instance, soit une lettre manuscrite de la mineure F______ datée du 23 mai 2023 ("j'aimerais rentrer chez moi"), un courrier électronique de Q______, éducatrice au Foyer N______ du 12 juin 2023 revenant sur les difficultés rencontrées par l'enfant au sein du foyer, et un courrier électronique de la curatrice SPMi du 6 juin 2023 lui confirmant une réunion de réseau le 16 juin 2023.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment fait valoir que bien que le travail thérapeutique entrepris par les parents venait de commencer, le retour de la mineure au domicile parental devait être privilégié au vu des difficultés concrètes rencontrées par F______ au sein du foyer.

e.a) Par pli expédié le 7 juin 2023 à la Chambre de surveillance, B______ a allégué des faits nouveaux en lien avec la situation de sa fille et sollicité des mesures provisionnelles urgentes, concluant à la levée immédiate du placement de la mineure F______, à la poursuite de la thérapie de famille auprès de P______ et de la thérapie de la mineure auprès de la Dresse M______, au maintien des curatelles existantes, à la convocation d'une audience à brève échéance, à l'audition de la curatrice de représentation de l'enfant, de sa curatrice SPMi, de sa pédiatre, de sa psychiatre/psychologue et des éducateurs du Foyer N______.

A l'appui de ses conclusions, il a fait valoir que la situation de sa fille au sein du Foyer N______ était extrêmement problématique puisque celle-ci souffrait beaucoup, "était régulièrement battue et racketée par deux pensionnaires plus âgés" et avait fait plusieurs fugues.

e.b) Par déterminations du 12 juin 2023, la curatrice de représentation de la mineure F______ a persisté dans ses conclusions précédentes.

e.c) Le 12 juin 2023, B______ a transmis à la Chambre de surveillance une retranscription de messages reçus de sa fille, par lesquels elle déclarait notamment souhaiter réintégrer le domicile parental.

e.d) Par déterminations du 15 juin 2023, le SPMi a confirmé que le placement en foyer était encore nécessaire.

e.e) Par décision DAS/149/2023 du 22 juin 2023, la Chambre de surveillance a rejeté la requête de mesures urgentes sollicitées par B______, estimant que les maltraitances alléguées au sein du foyer n'étaient objectivées par aucun élément probant, contrairement aux maltraitances subies à la maison à l'origine du placement en foyer de la mineure. De plus, sans préjuger du fond, il s'agissait de retenir à ce stade que des allers-retours entre le foyer et le domicile seraient préjudiciables à la mineure, sans que puisse et doive être tranchée à ce stade la question de la capacité des parents à sauvegarder les intérêts de leur fille à domicile. Enfin, la situation de la mineure faisait l'objet d'un suivi particulier et une réunion devait bientôt avoir lieu entre tous les intervenants.

f) Les 23 et 27 juin 2023, B______ a encore transmis des déterminations à la Chambre de surveillance, alléguant notamment que la mineure F______ aurait menacé de mettre fin à ses jours.

Il a formellement sollicité que sa fille F______ et un éducateur du Foyer N______ soient entendus par la Chambre de surveillance et qu'une audience soit agendée.

Le 28 juin 2023, A______ a également fait parvenir des déterminations spontanées à la Chambre de surveillance, insistant sur la souffrance de sa fille.

D. Les éléments suivants ressortent également du dossier :

a) Une procédure pénale a été ouverte à l'encontre de B______ pour lésions corporelles simples, voire voies de fait et violation du devoir d'assistance et d'éducation, et de A______ pour violation du devoir d'assistance et d'éducation, concernant leur fille F______.

Dans ce contexte, C______ a été nommée en qualité de curatrice de représentation de la mineure. La mineure a été entendue par la Brigade des mineurs en mars 2023.

b) Le 30 juin 2023, le Tribunal de protection a transmis à la Chambre de surveillance deux rapports du SPMi, le premier daté du 21 juin et le second du 28 juin 2023, dont il ressort ce qui suit :

La situation de la mineure au sein du foyer se dégrade depuis la fin du mois de mars 2023. La mineure est en grande souffrance, dit aux différents professionnels qu'elle veut rentrer chez elle, se met en danger, notamment lors de fugues ou de crises importantes et des conflits l'opposent à d'autres enfants du foyer. Les éducateurs du foyer ont confirmé que le groupe d'enfants présents actuellement au foyer était "plutôt violent" mais ont précisé que la mineure F______ était également "agissante". Le SPMi avait pu discuter à plusieurs reprises avec la mineure au sujet de son placement : la mineure avait confirmé vouloir rentrer chez elle, était fermée à tout échange et avait pu exprimer de la violence, en indiquant souhaiter tuer les curateurs du SPMi s'ils ne la laissaient pas rentrer chez elle.

Pour les éducateurs du foyer, la collaboration avec les parents avait d'abord été compliquée mais semblait évoluer positivement.

En revanche, les curateurs du SPMi peinaient toujours à collaborer avec les parents, dont le discours avait peu évolué, ceux-ci continuant notamment de répéter que leur fille ment.

La Dresse M______ avait également indiqué que le suivi était compliqué. Tout d'abord, les parents envahissaient l'espace thérapeutique de leur fille, en demandant à cette dernière de changer et de bien se comporter. Il leur était difficile de réfléchir aux besoins de leur fille et ceux-ci continuaient d'adopter une posture parentale basée sur la sanction. L'irrégularité du suivi était problématique, mais cela s'était arrangé depuis le placement de l'enfant en foyer. Si la mineure F______ avait pu se confier sur les violences qui se déroulaient à la maison, elle pouvait, aujourd'hui, affirmer qu'elle souhaitait rentrer chez elle et "que ce n'était pas grave si ses parents la tapaient et qu'ils n'allaient plus le faire".

La pédiatre de l'enfant avait également observé peu de remise en question de la part des parents.

Au vu de la grande souffrance de la mineure, et suite à des échanges avec la pédopsychiatre et le foyer, le SPMi était d'avis qu'une ouverture rapide des visites pouvait éventuellement aider la mineure. Le Foyer N______ était disposé à accompagner des visites à domicile en attendant la mise en place de O______ [organisation pour l'éducation spécialisée]. Un retour à domicile apparaissait en revanche prématuré, le discours des parents concernant leur fille n'ayant pas évolué positivement, ce qui avait un impact sur l'estime que l'enfant avait d'elle-même. En effet, malgré le soutien de différents professionnels, les parents n'étaient toujours pas parvenus à se remettre en question et à faire évoluer leur posture parentale, persistant à soutenir que leur fille mentait, se comportait mal et ne respectait pas le cadre. Par ailleurs, la banalisation de la violence par la mineure inquiétait le SPMi. Le fait que les parents ne reconnaissent pas leurs difficultés parentales ne permettait pas d'effectuer un travail éducatif à domicile. La poursuite de la thérapie familiale était dès lors nécessaire afin d'envisager un retour serein au domicile. Une réflexion autour du cadre éducatif que les parents proposaient à leur fille était par ailleurs nécessaire. La mise en place d'un accompagnement auprès de O______ permettrait également de travailler sur les compétences parentales et d'envisager une évolution progressive des visites.

Au vu de ces circonstances, les curateurs du SPMi ont, par rapport du 21 juin 2023, sollicité du Tribunal de protection notamment qu'il maintienne le retrait de garde et du droit de déterminer le lieu de résidence de la mineure F______ ainsi que le placement de celle-ci au Foyer N______ dans l'attente qu'une place en foyer moyen-long terme soit disponible et élargisse le droit de visite des parents sur leur fille selon les modalités proposées.

Inquiets par les fugues et les appels à l'aide de la mineure, les curateurs du SPMi ont jugé nécessaire de solliciter, le 28 juin 2023, des mesures superprovisionnelles auprès du Tribunal de protection, concluant à ce que le droit de visite des parents sur la mineure F______ soit élargi et s'exerce, dès le 30 juin 2023, les week-ends du vendredi soir 17h00 au dimanche soir 17h00 et les mercredis de 12h00 à 17h00, ce que le Tribunal de protection a autorisé le 29 juin 2023. Selon le SPMi, une ouverture des visites pouvait apaiser la situation et permettre d'évaluer la situation de la mineure au domicile parental avant d'envisager un réel retour.

Par ordonnance DTAE/4972/2023 du lendemain, le Tribunal de protection a donné suite à cette requête sur mesures superprovisionnelles

 

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection rendues sur mesures provisionnelles peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 445 al. 3 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 52 al. 1 LaCC).

En l’espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon les formes prescrites, de sorte qu’il est recevable.

1.2 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d’office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. La Cour n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC ; art. 314 al. 1 et 440 al. 3 CC).

1.3 L'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne stipulant aucune restriction en matière de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance, les pièces nouvelles déposées par les parties sont dès lors admises.

2. A titre préalable, les recourants concluent à la nomination d'un curateur de représentation pour leur fille.

Il n'est plus nécessaire d'entrer en matière sur cette conclusion puisqu'une curatrice a depuis été nommée aux fins de représenter la mineure dans le cadre de la présente procédure.

3. Les recourants et la curatrice de représentation de la mineure sollicitent diverses mesures probatoires, soit notamment la tenue d'une audience et l'audition de la mineure et d'un éducateur du Foyer N______.

3.1 Selon l'art. 53 al. 5 LaCC, il n'y a en principe pas de débats devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice.

3.2 En l'espèce, le dossier comporte entre autres éléments des signalements de l'établissement scolaire fréquenté par la mineure et des rapports du SPMi, de sorte qu'il est suffisamment instruit sur la question de la nécessité de prendre des mesures urgentes de protection en faveur de la mineure. Il n'y a dès lors pas lieu de déroger au principe légal ci-dessus rappelé dans le cas d'espèce, la Cour s'estimant suffisamment renseignée sur la base du dossier en sa possession. Les conclusions formées en ce sens par le recourant seront en conséquence rejetées.

4. Les recourants concluent à ce que la garde de leur fille leur soit restituée. Selon eux, leur fille serait maltraitée en foyer et en grande souffrance.

4.1.1 Lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement d'un mineur ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire ce dernier aux père et mère et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC). Le droit de garde passe ainsi au Tribunal de protection, qui détermine alors le lieu de résidence du mineur et choisit son encadrement.

Le danger doit être tel qu'il soit impossible de le prévenir par les mesures moins énergiques prévues aux art. 307 et 308 CC. La cause du retrait réside dans le fait que le développement corporel, intellectuel ou moral de l'enfant n'est pas assez protégé ou encouragé dans le milieu dans lequel il vit. Les raisons de cette mise en danger du développement importent peu, elles peuvent être liées au milieu dans lequel évolue le mineur ou résider dans le comportement inadéquat de celui-ci, des parents ou d'autres personnes de l'entourage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2012 du 21 juin 2012, consid. 3.1).

A l'instar de toute mesure de protection de l'enfant, le retrait du droit de garde – composante de l'autorité parentale (ATF 128 III 9 consid. 4a et les références citées) – est régi par les principes de subsidiarité, de complémentarité et de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_858/2008 du 15 avril 2009, consid. 4.2).

4.1.2 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3b).

A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit (ATF 122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C.244.2001, 5C.58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204; Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation du droit de visite (art. 4 CC; ATF 120 II 229 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_422/2015 du 10 février 2016 consid. 4.2 non publié aux ATF 142 III 193).

4.1.3 Lorsque les circonstances l’exigent, l’autorité de protection de l’enfant nomme un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l’enfant (art. 308 al. 1 CC). Elle peut conférer au curateur certains pouvoirs, tels que la surveillance des relations personnelles (art. 308 al. 2 CC).

4.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a retiré, à titre superprovisionnel, la garde de l'enfant à ses parents le 2 février 2023 suite à des signalements de mauvais traitements. La mineure a alors été placée au Foyer N______. Ce placement a été confirmé par l'ordonnance sur mesures provisionnelles du 1er mars 2023.

4.2.1 Les recourants font valoir que la situation de leur fille est alarmante; celle-ci serait victime de maltraitances de la part d'autres mineurs du foyer et souffrirait énormément de ne pas pouvoir rentrer chez elle, ce qui la conduirait à se mettre en danger (fugues et comportements violents).

En effet, il ressort du dossier, notamment des rapports rendus par le SPMi, que la mineure est en grande souffrance au foyer. Celle-ci se met en danger lors de ses fugues et de crises importantes et sa place au sein du foyer est de plus en plus compliquée.

Les problèmes de comportement de la mineure, qui ne parvient pas à s'intégrer à un groupe, ne sont toutefois pas nouveaux, le signalement du SPMi du 2 février 2023 faisant déjà état de telles difficultés avec ses camarades de classe.

En outre, le placement en foyer de la mineure fait suite à des cas de maltraitance avérés de la part de ses parents. En effet, si ces derniers ne reconnaissent pas avoir frappé leur enfant, il n'en demeure pas moins que ceux-ci ont admis certains faits dont la gravité ne peut être niée, soit notamment d'avoir rasé la tête de leur fille pour la punir ou lui avoir fait manquer l'école. De plus, une lésion sur la cuisse de la mineure a été constatée par un médecin. Les faits à l'origine du placement en foyer de l'enfant sont suffisamment graves pour justifier l'ouverture d'une enquête pénale.

Les recourants soutiennent toutefois que le placement de leur fille en foyer leur a permis de prendre conscience de la gravité de la situation. Or, il résulte des rapports des curateurs du SPMi que le discours parental n'a pas évolué : ceux-ci ne se remettent pas en question, ne reconnaissent pas leurs difficultés parentales et continuent d'adopter une posture parentale punitive. Si les éducateurs du Foyer N______ ont observé une amélioration de la collaboration avec les parents, il en va différemment pour tous les autres intervenants, soit non seulement les curateurs du SPMi mais également la pédopsychiatre et la pédiatre de l'enfant.

Dans ces circonstances, il apparaît prématuré de lever le placement de la mineure à titre provisionnel, alors que l'instruction est en cours et que le Tribunal de protection doit prochainement statuer sur le fond, et examiner l'opportunité d'un retour de l'enfant auprès de ses parents et éventuellement des mesures requises par la curatrice de représentation dans le cadre du présent recours pour encadrer ce retour. De plus, depuis le prononcé de l'ordonnance entreprise, le Tribunal de protection a élargi, le 29 juin 2023, à titre superprovisionnel, le droit de visite des parents sur leur fille, permettant ainsi à la mineure F______ de passer ses week-ends avec sa famille, ce qui devrait apaiser la souffrance de la mineure et permettre aux curateurs d'évaluer le sérieux de la prise de conscience alléguée par les parents.

Au vu de ce qui précède, l’ordonnance litigieuse doit être confirmée en tant qu’elle a confirmé le retrait de la garde de l'enfant à ses parents et maintenu son placement en foyer.

4.2.2 Les recourants ont conclu, subsidiairement, à l'élargissement du droit de visite fixé par l'ordonnance entreprise. Or, le droit de visite a été modifié par le Tribunal de protection par ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 29 juin 2023 et ses nouvelles modalités correspondent à celles souhaitées par les recourants. Par conséquent, il ne se justifie plus de statuer sur ce point.

4.2.3 Dans le cadre de l'ordonnance litigieuse, Tribunal de protection a maintenu les curatelles déjà ordonnées sur mesures superprovisionnelles du 2 février 2023, soit une curatelle d'organisation, de surveillance et de financement du lieu de placement, une curatelle pour représenter la mineure dans le cadre d'une action alimentaire, une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles et une curatelle d'assistance éducative.

Les recourants concluent à ce que seule la curatelle d'organisation des relations personnelles soit maintenue, mais ne formulent aucune critique à l'égard de ces mesures. Or, il apparaît primordial que la mineure puisse continuer de bénéficier du soutien des professionnels l'entourant, et notamment des curateurs du SPMi, chargés de l'accompagner dans son placement et dans le bon déroulement des relations personnelles avec ses parents, mais aussi de fournir un appui éducatif essentiel à ces derniers, surtout que la mineure va passer ses fins de semaine au domicile parental. Le maintien des curatelles sera donc confirmé.

4.2.4 Le recours est en conséquence rejeté dans son intégralité.

5. S'agissant de mesures de protection des mineurs, la procédure est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC). Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 15 mai 2023 par A______ et B______ contre l'ordonnance DTAE/3264/2023 rendue le 1er mars 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/1687/2023.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.