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Décisions | Chambre de surveillance

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C/343/2022

DAS/142/2023 du 19.06.2023 sur DTAE/960/2023 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/343/2022-CS DAS/142/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 19 JUIN 2023

 

Recours (C/343/2022-CS) formé en date du 29 mars 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 20 juin 2023 à :

 

- Monsieur A______
______.

- Madame B______
______.

- Maître C______
______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/960/2023 datée du 9 janvier 2023, communiquée pour notification le 20 mars 2023 aux parties, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a constaté que B______, née le ______ 1942, originaire de D______ (Genève) ne réunit pas les conditions au prononcé d'une mesure de protection en sa faveur (ch. 1 du dispositif), classé la procédure (ch. 2) et laissé les frais à la charge de l'Etat (ch. 3).

En substance, il a considéré que bien que la personne concernée souffrait de troubles sévères cognitifs et moteur, éprouvant des difficultés à assumer seule la gestion de ses affaires administratives, financières et juridiques et qu'elle était totalement incapable d'accomplir seule les actes de la vie quotidienne, elle pouvait compter sur la présence de nombreux intervenants justifiant l'absence de prononcé d'une mesure de protection.

B. Par acte du 29 mars 2023 adressé à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______, parent de la personne concernée, a recouru contre cette ordonnance, considérant que l'instauration d'une mesure de protection était nécessaire au vu de l'impossibilité de sa parente de comprendre les documents administratifs, ou de les signer, et de prendre des décisions.

Par courrier reçu le 17 avril 2023 par la Cour, le Tribunal de protection a déclaré ne pas souhaiter revoir sa décision.

En date du 10 mai 2023, C______, curateur d'office désigné pour la procédure par le Tribunal de protection, a conclu à l'admission du recours et au prononcé d'une mesure de protection en faveur de la personne visée. Il a produit un certificat médical du 9 mai 2023 de la Dre E______, neurologue suivant B______, dans lequel elle atteste qu'en raison de son handicap sévère, sa patiente était dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne, n'était plus capable d'écrire et avait besoin d'aide pour la gestion de ses affaires administratives.

Le curateur d'office a indiqué avoir été frappé par la dégradation de l'état cognitif de B______ depuis sa dernière visite le 28 novembre 2022.

La cause a été gardée à juger le 9 juin 2023.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Par signalement du 11 janvier 2022, A______, fils d'un cousin de B______, s'est adressé au Tribunal de protection pour lui faire part des difficultés de cette dernière, laquelle souffrait d'une sclérose en plaques depuis de nombreuses années, afin d'assurer la gestion de ses affaires administratives en raison de la péjoration de son état cognitif.

b) Le Tribunal de protection a mené une enquête administrative constatant que la personne concernée n'avait pas établi de mandat pour cause d'inaptitude, ne faisait l'objet d'aucune poursuite, ni d'acte de défaut de biens à Genève, et que sa fortune mobilière prise en compte par l'Administration fiscale cantonale se montait à 1'449'552 fr. au 31 décembre 2020.

Du certificat médical du 1er février 2022 établi par la Dre E______, neurologue, il ressortait que la personne concernée, née le ______ 1942, souffrait d'une sclérose en plaques diagnostiquée en 1972 et de troubles cognitifs de type mnésique et exécutif, avec une bonne collaboration, mais une nosognosie partielle de ses difficultés, présentait un trouble moteur sévère, était totalement dépendante de l'aide d'une tierce personne pour la gestion des actes de la vie quotidienne et la gestion de ses affaires administratives et financières, mais restait en mesure de comprendre sa situation médicale et de prendre des décisions conformes à ses intérêts en la matière.

c) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 14 mars 2022 lors de laquelle il est ressorti que B______ bénéficiait de l'assistance d'une dame de compagnie, F______, depuis douze ans, laquelle l'aidait pour les actes de la vie quotidienne et la gestion de ses affaires administratives, d'un passage infirmier bihebdomadaire et qu'elle recevait la visite d'une amie un dimanche sur deux pour une promenade et de A______ une fois par mois.

d) Par rapports des 22 avril et 1er décembre 2022, C______, avocat désigné aux fonctions de curateur d'office le 24 mars 2022 par décision DTAE/1818/2022, avait considéré que si le besoin de protection ne faisait pas de doute, sa protégée bénéficiait d'un encadrement dispensé par sa dame de compagnie, d'une fiduciaire ou encore de G______, lequel s'avérait adéquat et suffisant pour renoncer à l'instauration d'une mesure de protection, étant relevé que même si légèrement déficitaire, la situation financière de l'intéressée n'était pas mise en péril et qu'elle conservait sa capacité de discernement en matière médicale.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

En vertu de l'art. 450 al. 2 CC, ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (ch. 1), les proches de la personne concernée (ch. 2) et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (ch. 3).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l’espèce, le recours a été interjeté dans le délai et la forme utiles, par un proche de la personne concernée, de sorte qu’il est recevable. Sa motivation est suffisante.

2.             Le recourant reproche au Tribunal de protection de ne pas avoir instauré une mesure de protection en faveur de B______, alors que les conditions en étaient réalisées, et d’avoir classé la procédure.

2.1.1 Les mesures prises par l'autorité de protection garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

A teneur de l'art. 389 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure de protection lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. Cette disposition exprime le principe de la subsidiarité (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 89 CC, n. 10 et 11).

Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle, notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

2.1.2 L'autorité de protection de l'adulte procède à la recherche et à l'administration des preuves nécessaires. Elle ordonne si nécessaire un rapport d'expertise (art. 446 al. 2 CC).

Les démarches de l'autorité dans l'établissement des faits selon l'art. 446 al. 1 et 2 CC s'opèrent d'office et ne sont pas liées à une requête des parties à la procédure (ATF 130 I 180). L'autorité est tenue d'entreprendre toutes les démarches nécessaires et appropriées pour établir les faits juridiquement relevants sans égard à leur coût ou à sa charge de travail. Comme pour l'art. 168 al. 2 CPC, le principe est celui de la libre appréciation des preuves en vertu duquel l'autorité n'est liée par aucune moyen de preuve en particulier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_42/2009 consid. 3).

2.2 En l'espèce, comme l'a relevé le Tribunal de protection, il ressort des éléments recueillis par lui que l'intéressée présente, outre un trouble moteur sévère, des troubles cognitifs de type mnésique et exécutif, notamment sous la forme de problèmes de mémoire, qui ont pour conséquence qu'elle éprouve des difficultés à assumer seule la gestion de ses affaires administratives, financières et juridiques et qu'elle est totalement incapable d'accomplir seule les actes de la vie quotidienne.

Ces constatations ont été confirmées et renforcées dans le cadre de la procédure de recours tant par le médecin neurologue traitant la personne concernée, que par le curateur d'office ayant conclu à l'instauration d'une mesure de protection, en considérant que celle-ci était totalement dépendante et incapable de gérer ses affaires.

Ce nonobstant, et en application du principe de subsidiarité, le Tribunal de protection a considéré que B______ pouvait compter sur la présence de nombreux intervenants et proches qui sont en mesure de pallier ses propres difficultés et qui assurent ainsi la sauvegarde de ses intérêts dans tous les domaines concernés.

Certes, il existe un réseau de soutien autour de l'intéressée. Cela étant, les interventions tout à fait ponctuelles des membres de la parenté et d'amis, voire de G______, auprès d'elle ne suffisent manifestement pas à une personne dépendante pour tous ses gestes quotidiens et incapable de comprendre ou de signer. Il est vrai que l'intéressée dispose d'une dame de compagnie, qui l'assiste plus régulièrement. Il n'en demeure pas moins qu'on ne sait rien de cette personne et que son activité sans doute essentielle ne peut pallier la présence formalisée d'un tiers soumis au contrôle de l'autorité dans le cadre de la gestion administrative et financière de ses affaires. Si la présence de la dame de compagnie est essentielle au quotidien et pour les questions de soins, la totale dépendance de B______ de celle-ci, également en matière administrative et financière, est susceptible de léser ses intérêts.

Une mesure de protection doit dès lors être prononcée. Le recours est admis et la cause renvoyée au Tribunal de protection pour détermination du périmètre de la mesure et désignation du curateur.

3. Vu le sort de la cause, les frais judiciaires seront arrêtés à 400 fr. et laissés à la charge de l’Etat (art. 52 al. 1 LaCC). L'avance de frais de même montant versée par le recourant lui sera restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 29 mars 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/960/2023 rendue le 9 janvier 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/343/2022.

Au fond :

Annule l'ordonnance querellée.

Renvoie la procédure au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour nouvelle décision au sens des considérants.

Arrête les frais judiciaires à 400 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais versée à hauteur de 400 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.