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Décisions | Chambre de surveillance

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C/22816/2010

DAS/63/2023 du 22.03.2023 sur DTAE/8050/2022 ( PAE ) , ADMIS

Normes : CC.307
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22816/2010-CS DAS/63/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 22 MARS 2023

 

Recours (C/22816/2010-CS) formé en date du 23 décembre 2022 par Madame A______, domiciliée ______, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 24 mars 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Sandy ZAECH, avocate
Rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge.

- Monsieur B______
c/o Me Manuel MOURO, avocat
Rue Joseph Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge.

- Madame C______
Monsieur D
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A. a) A______ et B______ sont les parents non mariés de E______, née le ______ 2009.

b) A______ lui refusant tout contact avec sa fille depuis octobre 2011 – celle-ci ayant simultanément déposé plainte pénale à son encontre pour attouchements sexuels sur l'enfant – B______ a requis, le 3 mai 2012, l'intervention du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection, anciennement le Tribunal tutélaire) pour le rétablissement des relations personnelles père-fille.

c) Par ordonnance du 28 mars 2014, le Tribunal de protection, suivant les recommandations formulées par les experts psychiatres dans leur rapport du 5 février 2014, a notamment fixé les modalités de reprise des relations personnelles entre la mineure et son père à raison d'une heure tous les quinze jours en Point de rencontre, de manière médiatisée, puis, dès que possible, à raison d'une heure par semaine en Point Rencontre, de manière médiatisée, pris acte de l'engagement de A______ de mettre en place un suivi psychothérapeutique individuel, ordonné un suivi de guidance parentale portant sur le lien mère-fille et donné acte à la mère de son engagement d'organiser et de veiller au suivi thérapeutique en faveur de sa fille auprès de la Guidance infantile, la curatelle ad hoc d'ores et déjà instaurée à cette fin étant maintenue.

d) Dans son rapport du 14 septembre 2015, le Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi) a informé le Tribunal de protection que les divers intervenants auprès de l'enfant avaient constaté que cette dernière montrait des troubles, crises et maladies depuis l'augmentation du rythme du droit de visite.

e) Par ordonnance du 25 février 2016, le Tribunal de protection a notamment réduit l'étendue du droit de visite du père, celui-ci s'exerçant dorénavant une heure trente à quinzaine au Point rencontre en alternance avec les séances de thérapie familiale, ordonné un suivi thérapeutique familial des deux parents – qui avaient donné leur accord sur ce point en audience – avec inclusion de la mineure selon appréciation du thérapeute et suspendu le suivi thérapeutique en faveur de la mineure. Cette ordonnance a été confirmée par décision de la Cour du 8 décembre 2016, sous réserve de l'invite au curateur ad hoc en charge d'assurer le suivi du traitement pédopsychiatrique de l'enfant de mettre un terme à la thérapie entamée par cette dernière auprès de la Dresse F______ et de trouver un nouveau pédopsychiatre.

Le Tribunal de protection a considéré que le suivi de la famille permettrait à la mineure de constater l'implication de ses deux parents dans la construction d'une communication entre eux et d'une coparentalité, susceptible de lui permettre de faire vivre ses deux parents dans sa vie psychique, sans que l'existence de l'un implique la disparition de l'autre.

f) Par ordonnance du 29 mai 2018, le Tribunal de protection a, sur mesures provisionnelles, maintenu les modalités du droit aux relations personnelles de B______ sur sa fille telles que fixées dans son ordonnance du 25 février 2016 et a invité la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples des HUG (ci-après: la Consultation familiale) à intégrer, autant que possible, la mineure au suivi thérapeutique familial afin que des rencontres père-fille puissent avoir lieu. Préparatoirement, il a ordonné qu'un complément d'expertise familiale soit réalisé.

g) Lors de l'audience du 18 juin 20218 du Tribunal de protection, la thérapeute de A______ a déclaré que sa patiente avait intégré le fait qu'elle devait permettre au père de l'enfant de prendre sa place. La perspective d'un retrait de garde stressait la mère et perturbait énormément l'enfant, qu'elle avait reçue à cinq ou six reprises, qui avait très peur de "perdre" sa mère.

L'un des intervenants de la Consultation familiale a constaté l'absence d'évolution dans la relation des parents depuis le début de la thérapie et que l'opposition de l'enfant rendait l'éventualité d'entretiens père-fille impossible.

h) Dans un rapport relatif à la période du 12 juillet 2017 au 11 juillet 2018, le Point rencontre a relaté que les visites entre le père et sa fille se déroulaient toujours dans un climat de tensions plus ou moins fortes. L'enfant exprimait souvent son souhait de ne pas voir son père et le fait de ne pas être entendue sur ce point. Se posait dès lors la question du bien-fondé desdites rencontres.

i) Entendue par le Tribunal de protection le 30 octobre 2018, la mineure E______ a rappelé son opposition aux rencontres avec son père, adressant à ce dernier divers griefs. Elle a en outre relaté sa peur de se voir placée en foyer.

j) Dans leur rapport du 14 novembre 2019, les experts requis par le Tribunal de protection ont proposé le prononcé d'un retrait de la garde de l'enfant à la mère et le placement en foyer, moyennant un droit de visite en faveur de la mère, mais l'absence de droit de visite en faveur du père durant trois à six mois, relevant qu'un "travail de coparentalité serait utile ".

k) Par rapport du 7 janvier 2020, le SPMi a également préconisé l'arrêt des rencontres père-fille au Point rencontre au vu de l'échec de celles-ci, qui se déroulaient mal, n'apportant que souffrance tant à la fille qu'au père, au profit d'un "travail de fond".

l) Par ordonnance DTAE/1102/2020 du 21 février 2020, le Tribunal de protection a, notamment, retiré à A______ la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de E______, ordonné le placement de l'enfant dans un foyer, réservé à la mère un droit de visite sur l'enfant à raison d'une rencontre par semaine en présence d'un thérapeute, dans un premier temps, suspendu le droit de visite du père, ordonné le maintien du travail de guidance parentale par les père et mère et ordonné un suivi de la mère.

Il a retenu que la situation de l'enfant à l'égard de son père n'avait pas connu d'évolution significative depuis l'expertise de 2014 malgré les suivis thérapeutiques mis en place. Tout portait à considérer que le besoin de protection de la mineure dépassait désormais la nécessité d'une interaction positive avec son père mais tendait bien plus globalement à lui permettre de retrouver une personnalité propre et une autonomie, de sorte à ce qu'elle puisse se comporter en accord avec ses besoins et non selon la réalité qu'elle s'était construite à la lumière du positionnement de sa mère.

Le Tribunal de protection a, par ailleurs, considéré que la suspension des relations père-fille était la seule mesure envisageable dans l'intérêt de l'enfant, compte tenu de la manière dont s'était déroulé le droit de visite jusqu'alors malgré toutes les modalités mises en place. Il a chargé le curateur de préaviser une reprise des visites père-fille au moment jugé opportun, à savoir lorsque la mineure serait à même d'investir positivement sa relation avec son père.

m) Par décision DAS/107/2020 du 3 juillet 2020, la Chambre de surveillance de la Cour a annulé la décision du Tribunal de protection en tant qu'elle retirait la garde de l'enfant à sa mère et prononçait son placement. Elle a considéré que les mesures prononcées par le Tribunal de protection n'allaient pas dans le sens permettant de créer une stabilité, notamment affective et morale chez l'enfant, nécessaire à son épanouissement, et que la couper par la force de son milieu quotidien, de ses habitudes, de ses camarades et de la partie de sa famille avec laquelle elle avait passé son enfance, était inopportun à permettre la sauvegarde dudit intérêt, de sorte qu'elles étaient, dans les faits, contraires à celui-ci.

S'agissant de la suspension du droit de visite du père, qu'elle a confirmée, la Chambre de surveillance a considéré que, quand bien même ils s'en défendaient, les experts focalisaient leur analyse sur la nécessité de rétablir une relation entre l'enfant et son père. Elle a toutefois rappelé que si, en principe, une relation saine avec ses deux parents favorisait l'équilibre et la construction personnelle de l'enfant, l'existence d'une telle relation, pour elle-même, n'était pas un but en soi, en particulier lorsqu'elle entrait, pour des raisons diverses, en contradiction avec l'intérêt de l'enfant et son bon développement. Dans le cas présent, il devait être admis que la contrainte des relations entre l'enfant et le père s'était avérée contreproductive, participant à l'état somatique et psychique de la mineure. De plus, alors qu'ils recommandaient un placement en foyer de l'enfant, de manière à tenter un "reset", en particulier concernant la capacité de la mineure à s'investir dans la relation avec son père, sans garantie d'obtenir le résultat escompté, comme les experts le relevaient eux-mêmes, ceux-ci proposaient simultanément la suspension des relations personnelles avec lui. Cette recommandation tendait à démontrer que la préoccupation sous-jacente n'était pas tant le bien de l'enfant que la relation de celle-ci avec son père que l'on souhaitait à tout prix contraindre, mais en constatant que cette relation problématique devait être interrompue sur une durée de plusieurs mois pour permettre l'apaisement de l'enfant.

n) Par courrier du 3 décembre 2020, la curatrice de représentation de l'enfant a informé le Tribunal de protection que la mineure avait été contrainte par la doctoresse de la guidance parentale d'envoyer de ses nouvelles à son père toutes les deux semaines et à recevoir des cartes postales de sa part; elle serait en outre prochainement forcée de visionner une vidéo de son père et de le voir dans le cadre de la thérapie. Elle a rapporté que l'enfant avait vomi à cette nouvelle. Elle a demandé au Tribunal de protection de prendre une décision à ce propos, soutenant que le travail de la guidance parentale ne pouvait pas inclure E______ en l'état.

o) Le 23 décembre 2020, la curatrice de représentation de l'enfant a encore rapporté au Tribunal de protection que E______ s'était plainte d'être en lien indirect constant avec son père à travers la thérapie familiale. L'enfant lui avait relaté faire des cauchemars et être de plus en plus angoissée à l'idée d'être contrainte de revoir son père.

p) Par courrier du 26 février 2021, le SPMi a demandé au Tribunal de protection si sa décision d'ordonner le maintien du travail de guidance parentale par les père et mère dans son ordonnance du 21 février 2021 impliquait une guidance parentale incluant les père et mère ensemble, une guidance parentale individuelle pour chaque parent ou une thérapie familiale pouvant inclure d'autres membres, comme le faisaient jusqu'à présent les thérapeutes de la Consultation familiale.

q) Par pli du 24 mars 2021, le Tribunal de protection a répondu au SPMi que le maintien du travail de guidance parentale ordonné visait bien la poursuite du suivi thérapeutique des parents, en cours depuis plusieurs années à la Consultation familiale.

r) Le 25 juin 2021, les thérapeutes de la Consultation familiale ont informé le Tribunal de protection du fait que la thérapie n'évoluait pas car, si elles continuaient de recevoir les parents mensuellement, le refus catégorique de l'enfant de revoir son père ne permettait pas de progresser vers une reprise des relations père-fille. Si l'objectif final restait de promouvoir une reprise du lien entre E______ et son père, ce travail commun devrait favoriser chez E______ l'aboutissement de cet objectif. Les visites père-fille pourraient alors être réinstaurées par la suite au Point de rencontre. Les thérapeutes ont ainsi demandé au Tribunal de protection de prendre position.

s) Par courriel du 3 novembre 2021, les thérapeutes de la Consultation familiale ont informé le Tribunal de protection de ce que la prise en charge des parents de E______ était suspendue de sorte qu'elles avaient besoin d'un positionnement de sa part.

t) Dans son rapport du 21 janvier 2022, rendu à la requête du Tribunal de protection, le SPMi a indiqué que les attentes du père vis-à-vis de la thérapie étaient que les rencontres père-mère se poursuivent en y intégrant l'enfant petit à petit. Celui-ci avait émis le souhait que sa fille puisse visionner, au sein de la thérapie, le film qu'il lui avait fait.

Pour la mère, la thérapie familiale était peu constructive car le père ressassait le passé et l'attaquait, devant parfois sortir pour se calmer. Elle-même voulait aller de l'avant mais la thérapie familiale devait être suspendue le temps que le père soit prêt à faire de même. Il fallait que le père et la fille soient moins en colère et rigides pour que la situation évolue.

Les thérapeutes de la Consultation familiale considéraient qu'il était important de réunir tout le réseau pour redéfinir les objectifs de la thérapie de famille et savoir si la reprise du lien père-fille était possible.

u) Lors de l'audience du 9 juin 2022 devant le Tribunal de protection, G______, thérapeute de la mineure, a exposé que la relation thérapeutique avec l'enfant était bonne, qu'elles avaient un objectif thérapeutique commun, à savoir que l'enfant parvienne à se sentir bien dans son conflit avec son père et dans l'intervention du Tribunal de protection dans la situation, perçue comme affectant sa vie et sa famille. Cela étant il n'était pas encore possible pour la mineure de parler de son père en thérapie, par excès d'émotions. Les objectifs thérapeutiques réellement abordés concernaient donc la gestion de ses angoisses, de ses émotions, ainsi que l'autonomisation de sa pensée. La mineure développait très peu ses craintes par rapport à ce dernier mais exprimait des raisons, que la thérapeute n'avait pas pu communiquer au Tribunal de protection faute d'être déliée sur ce point. La thérapeute a toutefois avancé qu'elle ne pensait pas que la position de la mineure vis-à-vis de son père soit définitive. Elle ignorait si E______ tirait des effets positifs du fait que ses parents entreprenaient simultanément une thérapie mais l'absence d'intervention du Tribunal de protection et des autres intervenants durant ces derniers mois avait offert une bonne protection de l'espace thérapeutique, une certaine paix et favorisé l'apaisement de E______.

La Dresse H______, pour la Consultation familiale, a indiqué que sa dernière séance avec E______ remontait à janvier 2020. Elle avait voulu tenter une reprise des liens entre E______ et son père en janvier 2021 au moyen d'une vidéo que le père adressait à sa fille mais cette séance avait été annulée par la curatrice de représentation de l'enfant. De son point de vue, il n'y avait aucune indication qui justifiait une rupture de lien entre E______ et son père, ce dernier ne présentant aucune pathologie psychiatrique susceptible de représenter un danger pour sa fille en cas de contact entre eux. Le problème était la finalité du travail thérapeutique des parents, qui était en arrêt depuis plus de deux mois. Les objectifs des parents ne coïncidaient pas, le père souhaitant que cette thérapie l'amène à avoir des contacts avec sa fille alors que la mère souhaitait travailler une meilleure coparentalité. Il fallait donc que les objectifs soient clarifiés par le Tribunal de protection, avec un cadre temporel, afin que les thérapeutes puissent travailler sur des objectifs communs, de même que les parents de leur côté et l'enfant du sien. En l'état, une amélioration de la coparentalité n'était pas nécessaire, ni suffisant en soi, car même lorsque des parents n'ont aucun contact cela n'empêche pas l'enfant d'avoir accès à chacun de ses parents. La Dresse a constaté que parmi les différentes approches thérapeutiques qui avaient été tentées, les confrontations père-fille semblaient plus bénéfiques, une véritable ouverture n'ayant été constatée qu'au moment de la menace du retrait de garde.

A______ a pour sa part estimé que les séances de thérapie avec B______ étaient devenues inutiles pour elle, celui-ci revenant toujours sur le passé et éprouvant toujours beaucoup de colère, ce que E______ ressentait. En revanche, la thérapie de E______ avec G______ était un grand pas en avant car c'était la première fois que sa fille parvenait à un tel rapport de confiance avec un thérapeute. Elle-même constatait que E______ acceptait aujourd'hui qu'elle envoie des messages et des informations à son sujet à son père, alors qu'elle y était opposée auparavant, qu'elles discutaient par ailleurs ensemble de son père durant une minute chaque semaine. Elle ignorait quelles étaient les craintes actuelles de E______ vis-à-vis de son père mais la mineure avait encore besoin de temps pour avancer dans sa thérapie avant d'aborder la question des relations avec son père, un délai au début de l'année 2023 paraissant envisageable.

C______, curatrice au SPMi, a fait part d'un certain pessimisme pour la suite, par manque d'envie sincère chez la mère et l'enfant que les choses avancent. Seul B______ les interpellait pour s'enquérir de l'avenir de leur intervention.

B______, représenté par son conseil, a dit espérer encore pouvoir rétablir un jour un lien avec E______ et souhaiter que les séances thérapeutiques à la Consultation familiale continuent, de même que les mandats du SPMi et que soient fixés des objectifs aux thérapies en cours et un cadre temporel à ceux-ci.

B. Par ordonnance DTAE/8050/2022 du 9 juin 2022, reçue par A______ le 28 novembre 2022, le Tribunal de protection a ordonné la poursuite de la thérapie individuelle de la mineure auprès de G______ (ch. 1 du dispositif) ainsi que la poursuite de la guidance parentale de A______ et B______ auprès de la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples des HUG (ch. 2), ordonné la communication de l'expertise du 14 novembre 2019 et des décisions de justice des 21 février et 3 juillet 2020 à G______ (ch. 4), invité les curateurs à lui transmettre un point de situation sur l'avancée des thérapies ordonnées ci-dessus d'ici au 17 mars 2022 (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Le Tribunal de protection a considéré que le suivi thérapeutique de la mineure demeurait aujourd'hui encore l'unique moyen pour elle de travailler une meilleure conscience de sa situation et une meilleure autonomie de pensée, et d'œuvrer simultanément à l'évolution de l'image négative de son père, construite et entretenue au fil des ans, au profit d'une perception de celui-ci plus en lien avec la réalité. Le suivi de la mineure devait ainsi être poursuivi et, maintenant que celle-ci était plus apaisée et que le lien thérapeutique était établi, il devait clairement inclure une approche spécifique sur l'image du père. Selon le Tribunal de protection, ce travail devrait ainsi rendre possible, à relativement brève échéance, des confrontations de la mineure à son père selon des modalités restant à définir mais qui pourraient par exemple commencer par celles envisagées à la Consultation familiale en janvier 2021.

Afin de favoriser cette perspective, le maintien de la thérapie parentale s'avérait également indispensable, l'investissement et la protection de cet espace par les deux parents ne pouvant qu'aider la mineure à s'y rendre en temps voulu. Il s'agirait pour les parents d'unir leurs efforts et de travailler conjointement à la constitution d'un espace apaisé susceptible d'accueillir leur fille.

C. a) En date du 23 décembre 2022, A______ a recouru contre le chiffre 2 du dispositif de ladite ordonnance, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à B______ d'entreprendre un suivi thérapeutique individuel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a fait valoir que la poursuite de la thérapie parentale n'avait plus de sens à ce jour et n'œuvrait aucunement dans l'intérêt de l'enfant car, en forçant les parents à se rencontrer, les tensions étaient exacerbées et pouvaient avoir un impact négatif sur l'enfant. La coparentalité n'ayant pas à être discutée, les parents n'avaient rien à se dire.

b) Le SPMi a relevé qu'aucun avancement n'avait pu être constaté depuis que la guidance parentale avait été ordonnée, et la dernière séance s'était tenue depuis bientôt une année. Cette guidance était le seul lieu commun entre E______ et ses deux parents et donc leur seul contact. C'était également le lieu où l'enfant pouvait rencontrer son père en étant accompagnée mais elle n'avait jamais souhaité le faire. Les parents n'arrivaient également pas à s'entendre sur le sens de ces séances qui étaient ainsi contre productives. Lors des séances avec les parents, les intervenants de la Consultation familiale avaient pu constater que le père avait souvent besoin de sortir pour se calmer, avait besoin d'être contenu et était débordé par ses émotions.

c) Le 6 février 2023, B______ a conclu au rejet du recours. Il a indiqué que pour lui la guidance parentale avait pour objectif une reprise des relations personnelles avec sa fille alors que A______ tendait à obtenir une meilleure coparentalité. Or, selon lui, l'amélioration de la coparentalité n'était pas nécessaire à la poursuite d'une reprise de son lien avec E______. En revanche, les confrontations qu'il avait eues avec E______ semblaient bénéfiques. Le recours de A______ visait à anéantir ses derniers espoirs de rencontre avec E______ dans un encadrement sécurisé en présence de thérapeutes compétents. Il a indiqué bénéficier d'un suivi thérapeutique depuis plusieurs années compte tenu de son traumatisme en lien avec la privation des contacts avec sa fille.

d) Le Tribunal de protection a fait savoir à la Chambre de surveillance de la Cour qu'il n'avait pas d'observations à faire valoir concernant le recours formé par A______. Il a transmis un courrier de E______ du 9 février 2023 par lequel celle-ci confirmait ne pas vouloir être mise en présence de son père et que, même convoquée, elle ne se rendrait pas à une quelconque rencontre.

e) Dans leurs écritures ultérieures, B______ et A______ ont persisté dans leurs conclusions, cette dernière rappelant que la décision de la Chambre de surveillance du 3 juillet 2020 indiquait qu'il fallait mettre un terme à toute contrainte tendant à imposer à E______ des rencontres avec son père.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC).

En l'occurrence, le recours interjeté par la mère de l'enfant, personne ayant qualité indiscutable pour recourir, dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite, est recevable (art. 450 al. 2 et 3 et 450b CC; art. 41 LaCC).

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. La recourante conteste l'ordonnance en tant qu'elle ordonne la poursuite de la guidance parentale auprès de la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples des HUG.

2.1 L'autorité de protection de l'enfant prend les mesures nécessaires pour protéger l'enfant si son développement est menacé et que les père et mère n'y remédient pas d'eux-mêmes ou sont hors d'état de le faire (art. 307 al. 1 CC). Elle peut en particulier rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l'enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives aux soins, à l'éducation et à la formation de l'enfant, et désigner une personne ou un office qualifié qui aura un droit de regard et d'information (art. 307 al. 3 CC).

Le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 307 al. 3 CC habilitait l’autorité de protection à imposer une médiation entre deux parents (arrêt du Tribunal fédéral 5A_457/2009 du 9 décembre 2009 consid. 4.3), à émettre une instruction pour mettre en œuvre une thérapie (arrêt du Tribunal fédéral 5A_411/2014 du 3 février 2015 consid. 3.3.2) et à ordonner un accompagnement psychologique (ATF 142 III 197 / JT 2017 II 179 consid. 3.7).

2.2 En l'espèce, en juillet 2020, la Chambre de céans, tout comme le Tribunal de protection, a considéré qu'il n'était pas dans l'intérêt de l'enfant de renouer des liens avec son père dès lors que cette perspective causait des troubles à l'enfant. Aussi, cette relation problématique devait être interrompue sur une durée de plusieurs mois pour permettre l'apaisement de l'enfant.

Malgré cette suspension, le Tribunal de protection a maintenu la guidance entre les parents dans le but que ceux-ci créent un espace apaisé susceptible d'accueillir leur fille lorsque la reprise des relations père-fille serait envisageable. Dès lors qu'il n'avait pas été appelé de la décision du Tribunal de protection sur ce point, la Cour ne s'était pas exprimée sur le bien-fondé du maintien de cette thérapie.

Or, il s'est avéré que les responsables de la Consultation familiale n'ont eu de cesse de vouloir rétablir les relations père-fille de manière indirecte (courriers, vidéos) sans attendre que le curateur ait préavisé positivement une telle reprise. En ne se limitant pas à recevoir les parents et en sollicitant l'enfant dans le cadre de leur intervention, les intervenants ont contourné les décisions judiciaires tendant à ce que la mineure n'ait plus de contact avec son père afin de pouvoir se reconstruire individuellement. Ils ont agi de manière précipitée ne laissant pas à la mineure le temps nécessaire à l'avancement de sa propre psychothérapie relative à ses relations avec son père, ce qui a eu pour conséquence de raviver les inquiétudes de cette dernière à ce sujet. A ce jour encore, l'enfant refuse tout contact avec son père et la seule perspective d'être intégrée dans la thérapie familiale entretient ses angoisses. Le seul maintien de la thérapie ordonnée entre les parents met l'enfant sous pression ce qui est contraire à son intérêt.

Dès lors qu'il est à exclure, en l'état, que la Consultation familiale serve d'intermédiaire entre le père et l'enfant et que les thérapeutes considèrent que la thérapie parentale n'a pas à être centrée sur une amélioration de la coparentalité, rien ne justifie la poursuite de la guidance parentale.

Compte tenu de ce qui précède, la décision querellée sera annulée en tant qu'elle ordonne la poursuite de la guidance parentale auprès de la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples des HUG.

Le père de l'enfant poursuivant d'ores et déjà une thérapie individuelle de manière volontaire et n'ayant pas indiqué vouloir y mettre fin, il n'est pas nécessaire de lui ordonner de la poursuivre.

3. La procédure, qui porte sur des mesures de protection de l’enfant, est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 23 décembre 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/8050/2022 rendue le 9 juin 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/22816/2010.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance entreprise.

La confirme pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.