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Décisions | Chambre de surveillance

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C/25482/2022

DAS/59/2023 du 20.03.2023 ( IUS ) , ADMIS

Normes : CPC.319.letc
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25482/2022-CS DAS/59/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 20 MARS 2023

 

Recours pour déni de justice (C/25482/2022-CS) formé en date du 21 décembre 2022 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par Me Sonia RYSER, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 22 mars 2023 à :

 

- Monsieur A______
c/o Me Sonia RYSER, avocate
Promenade du Pin 1, 1204 Genève.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.                a. A______, né le ______ 1954 et B______, née le ______ 1972, ont contracté mariage à Genève le ______ 2019, leur relation ayant débuté en 2012. A______ affirme avoir fait ménage commun à Genève avec B______ à compter de 2017, étant précisé qu’il vivait auparavant dans le canton d’Argovie, le couple ne se voyant que le week-end. Selon B______, exception faite de quelques semaines durant l’année 2020, il n’y avait jamais eu à proprement parler de vie commune, elle-même ayant conservé un appartement à C______ [GE] dans lequel elle vivait la semaine, ne passant que les week-ends dans la maison que A______ avait acquise à D______ [GE] en 2019.

b. L’enfant F______ est née le ______ 2013 à E______ (Ethiopie); elle est arrivée à Genève le 16 août 2014 et a été accueillie au domicile de B______, qui l’a ensuite adoptée seule. A______ allègue, dans le cadre de la présente procédure, s’être beaucoup occupé de la mineure, ce d’autant plus qu’il avait réduit son taux d’activité, dès 2017, pour ne plus travailler qu’à 20% dès le printemps 2020. B______ conteste l’investissement de A______ dans les soins et l’éducation de l’enfant.

c. A______ et B______ se sont séparés durant l’été 2021, raison pour laquelle, selon le premier, il n’avait pu porter à terme son projet d’adopter F______. Selon B______, A______ n’avait jamais eu l’intention d’adopter l’enfant.

d. Par requête du 6 octobre 2022, A______ a saisi le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection) d’une requête en fixation des relations personnelles, avec requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles.

Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, il a conclu à l’octroi d’un droit de visite sur l’enfant F______ à raison d’un samedi sur deux, de 9h00 à 18h00, ainsi qu’à l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles. Sur le fond, il a sollicité l’octroi d’un droit de visite à raison d’un week-end sur deux, du vendredi après l’école au dimanche soir à 18h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires. Il a notamment exposé, à l’appui de ses conclusions, que B______ refusait désormais qu’il voie F______ et ne lui communiquait plus aucune information la concernant.

e. Le 25 octobre 2022, A______, représenté par un conseil, s’est enquis auprès du Tribunal de protection des raisons pour lesquelles aucune suite n’avait été donnée à sa requête de mesures superprovisionnelles.

Le Tribunal de protection a été relancé le 28 octobre 2022.

f. Par courrier du 28 octobre 2022, A______ a été informé par le Tribunal de protection de ce qu’un rapport était sollicité auprès du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale, afin de déterminer s’il était envisageable, d’entente avec la représentante légale de la mineure F______, d’organiser de façon informelle des relations personnelles entre lui-même et cette dernière. Le Tribunal de protection aurait repris contact avec A______ dès réception de la réponse du service mandaté.

g. Il ressort de la procédure que par courrier du 28 octobre 2022, le Tribunal de protection a sollicité un rapport d’évaluation et le préavis du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale sur la requête d’instauration d’un droit de visite présentée par A______.

h. Le 31 octobre 2022, le Tribunal de protection a fixé à B______ un délai au 21 novembre 2022 pour lui faire parvenir ses observations; ce courrier a été retourné à l’expéditeur avec la mention « non réclamé ».

i. Le Tribunal de protection a fixé une audience au 21 décembre 2022, dont B______ a sollicité le renvoi, au motif qu’elle serait absente de Genève pour cause de vacances dès le 20 décembre 2022.

Le Tribunal de protection a convoqué une nouvelle audience le 1er mars 2023, date annulée par la suite et remplacée par le 25 janvier 2023.

Le conseil de B______ a par ailleurs sollicité à deux reprises la prolongation du délai pour répondre à la requête de A______, requêtes admises par le Tribunal de protection. B______ ayant changé de conseil en décembre 2022, celui-ci a, à son tour, sollicité un report du délai pour répondre.

Le Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale pour sa part a également sollicité plusieurs reports de la date initialement prévue pour le dépôt de son rapport.

j. Par courrier du 29 novembre 2022, A______ a indiqué au Tribunal de protection qu’il était privé de tout contact avec l’enfant F______ depuis le mois d’avril 2022. Il s’étonnait de ce que le Tribunal de protection n’avait, un mois et demi après le dépôt de sa requête, toujours pas statué sur ses conclusions superprovisionnelles et concluait au prononcé d’une décision sans délai.

Le 2 janvier 2023, il a une nouvelle fois sollicité le prononcé d’une décision sur mesures superprovisionnelles.

k. Par courrier du 5 janvier 2023 adressé au Tribunal de protection, le conseil de B______ a contesté l’existence d’une urgence à statuer. La mineure F______ se portait bien et ne semblait pas être affectée outre mesure par l’interruption des contacts avec A______, lequel n’avait pour sa part rien entrepris pour tenter de faire évoluer la situation. Ce point a été contesté par l’intéressé, lequel a allégué s’être systématiquement heurté aux refus de B______.

l. Le 23 janvier 2023, la mineure F______, représentée par sa mère, a répondu à la requête en fixation des relations personnelles formée par A______, concluant, tant sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles que sur le fond, à son déboutement. Subsidiairement elle a conclu à ce que le droit de visite de A______ soit occasionnel et qu’il s’exerce, dans un premier temps, dans un lieu médiatisé et thérapeutique. Elle a notamment allégué que depuis plusieurs années A______ s’adonnait à une consommation excessive d’alcool et n’était plus à même d’assurer la sécurité de la mineure F______.

m. Le 25 janvier 2023, le Tribunal de protection a tenu une audience, au cours de laquelle A______, B______ ainsi qu’une représentante du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale ont été entendus. Selon cette dernière, l’enfant F______ avait envie de revoir A______, lequel était disposé à accepter un droit de visite initialement très limité et de s’astreindre à ne pas boire d’alcool avant et pendant les visites; il contestait par ailleurs avoir un problème avec sa consommation d’alcool. B______ a proposé un droit de visite à raison d’une fois par trimestre, en présence d’un éducateur.

A l’issue de l’audience, le Tribunal de protection a indiqué que la cause serait gardée à juger après réception du rapport du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale.

n. Ledit rapport a été rendu le 8 février 2023. En substance, il préconise l’instauration d’un droit de visite progressif en faveur de A______, soit à raison, initialement, de quatre heures à quinzaine le samedi, pour parvenir, après plusieurs mois, à un week-end sur deux ainsi que durant quatre semaines de vacances par année.

Le Tribunal de protection a imparti aux parties un délai au 2 mars 2023 pour leurs éventuelles observations, dont la prolongation a été sollicitée par le conseil de B______ et accordée au 15 mars 2023 par le Tribunal de protection.

B.                 a. Le 21 décembre 2022, A______ a formé devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice un recours pour déni de justice, concluant à ce que le retard injustifié du Tribunal de protection à statuer sur la requête du 6 octobre 2022 soit constaté, à ce qu’il lui soit ordonné de rendre sans délai une décision motivée sur la requête de mesures superprovisionnelles et de convoquer les parties à une audience de mesures provisionnelles avant la fin du mois de janvier 2023, avec suite de frais et dépens à la charge de l’Etat.

Le recourant a soutenu qu’il incombait au Tribunal de protection de statuer sur la requête de mesures superprovisionnelles conformément à l’art. 265 al. 1 CPC. Or, plus de deux mois s’étaient écoulés depuis le dépôt de la requête, sans qu’une décision ait été rendue. Par ailleurs, le Tribunal de protection aurait également dû convoquer une audience sans délai, que la requête de mesures superprovisionnelles ait été admise ou rejetée, et ce conformément à l’art. 265 al. 2 CPC. En convoquant une audience pour le 1er mars 2023, le Tribunal de protection violait ses obligations procédurales.

b. Par courrier du 10 janvier 2023, le Tribunal de protection a informé la Chambre de surveillance de ce qu’une audience avait été convoquée pour le 25 janvier 2023 et de ce qu’une ordonnance serait rendue à l’issue de celle-ci, de sorte que le dossier était conservé par le Tribunal de protection.

Une copie du dossier n’a été transmise à la Chambre de surveillance que le 10 mars 2023.

EN DROIT

1.             1. Le recourant fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir statué sur sa requête de mesures superprovisionnelles et de ne pas avoir convoqué d’audience sur mesures provisionnelles.

1.1.1 Le retard injustifié couvre l'hypothèse d'une absence de décision, constitutive de déni de justice matériel, étant rappelé que toute partie a droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. ( ) Le retard à statuer au sens de l'art. 319 let. c CPC présuppose que le tribunal saisi ne rend pas de décision attaquable alors qu'il le peut (et le doit). Il n'empêche qu'un tel retard, pour être sanctionné au sens de l'art. 319 let. c, doit constituer une violation évidente de ses obligations par la juridiction concernée, ce qui s'apprécie en fonction des circonstances du cas concret mais ne devrait être admis que dans les cas crasses, c'est-à-dire lorsque le retard est injustifiable et que le prolongement d'une telle situation ne saurait être imposé aux parties. En d'autres termes, le recours pour retard injustifié est exclusivement réservé aux situations dans lesquelles il n'y a pas de décision à attaquer ( ) (Jeandin, CR CPC Commenté, 2ème éd. 2019, ad art. 319 n. 27 ss).

1.1.2 Le recours pour retard injustifié peut être formé en tout temps (art. 321 al. 4 CPC). Pour le recours, le CPC pose des exigences identiques en appel et dans le cadre d'un recours (arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2).

1.1.3 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie (art. 314 al. 1 CC).

L’autorité de protection de l’adulte prend, d’office ou à la demande d’une personne partie à la procédure, toutes les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure. Elle peut notamment ordonner une mesure de protection de l’adulte à titre provisoire (art. 445 al. 1 CC).

En cas d’urgence particulière, elle peut prendre des mesures provisionnelles sans entendre les personnes parties à la procédure. En même temps, elle leur donne la possibilité de prendre position; elle prend ensuite une nouvelle décision (art. 445 al. 2 CC).

Le contenu de l’art. 445 al. 1 et 2 CC est similaire à celui des art. 261 al. 1 CPC et 265 al. 1 et 2 CPC.

1.1.4 Dans des circonstances exceptionnelles, le droit d’entretenir des relations personnelles peut aussi être accordé à d’autres personnes (que le père et la mère), en particulier à des membres de la parenté, à condition que ce soit dans l’intérêt de l’enfant (art. 274a al. 1 CC).

1.2 En l’espèce, le recourant a saisi le Tribunal de protection, le 6 octobre 2022, d’une requête en fixation des relations personnelles avec la mineure F______, âgée de 9 ans, fille adoptive de son épouse. La requête comportait des conclusions tant superprovisionnelles que provisionnelles.

Saisi de telles requêtes, il appartenait au Tribunal de protection de se conformer à l’art. 445 al. 2 CC et de rendre sans délai une décision sur mesures superprovisionnelles, sans entendre la partie adverse et sans attendre un éventuel rapport du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale. Puis, toujours conformément à l’art. 445 al. 2 CC, que la requête de mesures superprovisionnelles ait été admise ou rejetée, le Tribunal de protection aurait dû donner à B______ la possibilité de se déterminer et rendre rapidement une décision sur mesures provisionnelles.

Or, force est de constater que le Tribunal de protection n’a pas respecté l’art. 445 al. 2 CC, puisque plus de cinq mois après le dépôt de la requête et en dépit de plusieurs relances du recourant, il n’a rendu aucune décision de nature superprovisionnelle ou provisionnelle. Force est également de constater qu’il n’a pas respecté le contenu du courrier qu’il a adressé le 10 janvier 2023 à la Chambre de surveillance, puisqu’il y indiquait qu’une ordonnance serait rendue à l’issue de l’audience du 25 janvier 2023; or, tel n’a pas été le cas, alors que près de deux mois se sont écoulés depuis lors, sans qu’aucune décision n’ait été rendue.

Le Tribunal de protection a certes, depuis le dépôt de la requête du 6 octobre 2022, instruit la cause, puisqu’il a sollicité un rapport auprès du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale, sollicité une réponse écrite de B______ et tenu une audience le 25 janvier 2023, à l’issue de laquelle il a indiqué que la cause serait gardée à juger (sans préciser si elle le serait sur mesures provisionnelles ou sur le fond) après réception du rapport sollicité. La conduite de cette instruction ne dispensait toutefois pas le Tribunal de protection de statuer rapidement sur la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles.

L’existence d’un déni de justice doit par conséquent être constatée. Le Tribunal de protection ayant désormais entendu les parties, il ne se justifie plus qu’il statue sur mesures supeprovisionnelles. Il sera en revanche invité à statuer sans délai, à tout le moins sur mesures provisionnelles, voire sur le fond s’il considère l’instruction de la cause terminée. La conclusion du recourant portant sur la convocation des parties à une audience avant la fin du mois de janvier 2023 est devenue quant à elle sans objet, le Tribunal de protection ayant tenu une audience le 25 janvier 2023.

2.             Les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B RTFMC), seront laissés à la charge de l’Etat compte tenu de l’issue de la procédure. Il ne sera pas alloué de dépens, l’art. 107 al. 2 CPC ne prévoyant pas la possibilité de condamner l’Etat de Genève au paiement de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours pour déni de justice formé par A______ le 21 décembre 2022 à l’encontre du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/25482/2022.

Au fond :

L’admet.

Invite par conséquent le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant à rendre sans délai une décision sur mesures provisionnelles ou sur le fond dans la cause C/1______/2014.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr. et les laisse à la charge de l’Etat.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.