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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3866/2022

DAS/33/2023 du 17.02.2023 sur DTAE/7288/2022 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3866/2022-CS DAS/33/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREDI 17 FEVRIER 2023

 

Recours (C/3866/2022-CS) formé en date du 8 décembre 2022 par Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, ______ (Genève), comparant par Me C______, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 28 février 2023 à :

Madame A______
c/o Me C______, avocate

______, ______ [GE].

- Madame D______
______, ______ [GE].

- Monsieur E______
______, ______ [VD].

- Docteur F______
Département de santé mentale et de psychiatrie
Chemin du Petit-Bel-Air 2, 1226 Thônex.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A.           A______, originaire de G______ (Genève), est née le ______ 1939. Elle est l'épouse de H______, qui a fait l'objet d'un signalement de la part de ses enfants E______ et D______, reçu par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) en date du 28 février 2022.

Les signalants informaient le Tribunal de protection de ce qu'à leur sens, une mesure de protection devait pouvoir être envisagée à l'égard de leur père, H______, dans la mesure où, après avoir subi un AVC, il adoptait des comportements contraires à la loi (conduite sans permis, obstruction aux mesures Covid), prenait des décisions apparaissant déraisonnables relatives à son lieu de vie, et semblait souffrir de problèmes cognitifs.

Dans la mesure où le signalement visait éventuellement et accessoirement leur mère, A______, sans que des faits concrets relatifs à la nécessité d'une protection la concernant ne ressortent à l'évidence de celui-ci, le Tribunal de protection a parallèlement ouvert une procédure à son égard.

B.            Le Tribunal de protection a procédé à l'enquête usuelle, de laquelle il ne ressort pas d'élément défavorable, et a, le 31 mars 2022, désigné un curateur chargé d'assister A______ dans la procédure. A______ a fait l'objet d'une poursuite pour un montant de 300 fr. en 2016, et n'est pas bénéficiaire de prestations complémentaires.

Elle a produit un rapport cognitif de sa personne établi par les HUG le 11 juillet 2022 sur la base d'un bilan neuropsychiatrique du 14 avril 2022, duquel il ressort que sa performance cognitive est normale, l'examen ne mettant pas en évidence de déclin cognitif objectif, hormis un fléchissement attentionnel dans certaines tâches. Les performances se situent dans la norme. Le langage, le calcul, les capacités visuo-perceptives, spatiales et constructives, ainsi que la gestualité sont préservées. L'orientation spatio-temporelle et personnelle est conservée.

C.           Le Tribunal de protection a procédé à l'audition des parties, simultanément, à son audience du 31 août 2022, à l'issue de laquelle il a ordonné l'expertise psychiatrique des deux époux, formalisée par ordonnance communiquée aux parties pour notification le 28 novembre 2022.

D.           a) Par acte du 12 décembre 2022, A______ a recouru contre cette ordonnance. Elle soutient que cette mesure d'instruction est non nécessaire et disproportionnée, dans la mesure où il n'y a pas lieu à institution à son égard d'une mesure de protection.

b) La Chambre de surveillance de la Cour de justice a admis la requête d'effet suspensif au recours par décision du 9 décembre 2022.

c) Le 12 janvier 2023, le Tribunal de protection a informé la chambre de céans qu'il ne souhaitait pas revoir sa décision.

d) D______ et E______ n'ont pas déposé de réponse au recours.

e) Par avis du 24 janvier 2023, les parties à la procédure ont été informées de ce que la cause serait mise en délibération dans un délai de dix jours.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection relatives à des mesures d'instruction peuvent faire l'objet d'un recours dans les dix jours à compter de leur notification (DAS/43/2015; art. 31 al. 1 let. c LaCC; 321 al. 2 CPC) auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 Le recours a été formé dans le délai légal, conformément aux conditions de l'art. 450 al. 2 et 3 CC, et par-devant l'instance compétente. Il est, de ce point de vue, recevable.

1.3 Contre les ordonnances d'instruction, le recours n'est recevable que lorsque la décision peut causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC, par renvoi de l'art. 450f CC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_171/2015 consid. 6.1 et 5D_100/2014 consid. 1.1; DAS/19/2016).

La notion de préjudice difficilement réparable vise toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 73; ACJC/327/2012 consid. 2.4; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n° 2485).

Selon la jurisprudence, l'ordonnance d'une expertise psychiatrique rendue dans le cadre de l'instruction de mesures de protection est toujours susceptible de provoquer un dommage difficilement réparable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_655/2013 consid. 2.3).

1.4 Dans la mesure de ce qui précède, l'ordonnance querellé étant susceptible de provoquer un dommage difficilement réparable, le recours direct contre celle-ci est également recevable de ce point de vue.

1.5 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. 2.1 Selon l'art. 446 al. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte établit les faits d'office. Elle procède à la recherche et à l'administration des preuves nécessaires. Elle peut charger une tierce personne ou un service d'effectuer une enquête. Si nécessaire, elle ordonne un rapport d'expertise (al. 2). Elle applique le droit d'office (al. 4).

En pratique, la mise en œuvre de l'art. 446 CC s'effectue tout d'abord essentiellement par la recherche d'informations sous forme de titres, p.ex.: extraits de registres, certificats médicaux, etc., et par l'audition des intéressés et de tiers (MARANTA, Basler Kommentar, Zivilgestzbuch I, 2022, no 13ss ad art. 446). L'ordonnance d'une expertise psychiatrique n'a lieu que lorsqu'elle est jugée nécessaire, soit en particulier lorsque le trouble psychique ou la faiblesse d'esprit entre sérieusement en ligne de compte et quand l'autorité de protection, composée elle-même de spécialistes, estime ne pas être en mesure de se prononcer à ce sujet (MARANTA, idem, no 17-19 ad art. 446).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a ordonné la mesure d'expertise psychiatrique de la recourante après avoir procédé à la récolte usuelle d'éléments de preuve et à l'audition des parties. La première n'a pas abouti, prima facie, à la mise en évidence de problèmes particuliers. C'est à la suite de l'audition de l'intéressée que l'expertise a été ordonnée. Or, si certes il n'existe pas de hiérarchie des preuves et que l'autorité de protection instruit d'office comme rappelé plus haut, il n'en demeure pas moins que l'ordonnance d'une expertise psychiatrique ne doit être délivrée qu'aux conditions rappelées ci-dessus. En particulier, elle doit être nécessaire. Elle l'est d'une part, lorsque l'autorité, composée de spécialistes, n'est pas en mesure d'apprécier elle-même les capacités de la personne. Elle l'est d'autre part, lorsqu'un trouble psychique ou une faiblesse d'esprit entre sérieusement en considération.

Or, en l'espèce, le dossier contient déjà un rapport neurologique récent duquel il ressort qu'aucune mesure de protection n'est nécessaire à l'égard de la recourante, dont toutes les facultés sont préservées. Il n'y avait dès lors aucune nécessité à l'ordonnance de la mesure prononcée, comme, sans aucun doute, aucune nécessité à la poursuite de la procédure de protection à son égard.

Par conséquent, la mesure probatoire ordonnée est manifestement excessive et doit être annulée.

3. Vu l'issue du recours, les frais judiciaires seront arrêtés à 600 fr. et laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 106 al. 1 CPC). L'avance de frais de 600 fr. fournie par A______ lui sera restituée (art. 111 al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 8 décembre 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/7288/2022 rendue le 31 août 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/3866/2022.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à rembourser la somme de 600 fr. à A______.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.