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Décisions | Chambre de surveillance

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C/15495/2008

DAS/30/2023 du 16.02.2023 sur DTAE/6030/2022 ( PAE ) , REJETE

Normes : CLaH 2000
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15495/2008-CS DAS/30/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 16 FEVRIER 2023

 

Recours (C/15495/2008-CS) formé en date du 19 octobre 2022 par Monsieur A______, sans domicile ni résidence connus, comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 17 février 2023 à :

- Maître B______

______, ______.

- Docteur C______
Centre universitaire romand de médecine légale
Rue Gabrielle-Perret-Gentiel 4, 1211 Genève 14.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.

Décision communiquée par publication dans la Feuille d'avis officielle à :

-          Monsieur A______
actuellement sans domicile ni résidence connus.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/6030/2022 du 19 août 2022, dont le dispositif a été notifié à A______ par publication dans la Feuille d'avis officielle du ______ 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) s'est, préalablement, déclaré compétent ratione loci pour connaître de la situation de A______, né le ______ 1947, de nationalité française (ch. 1 du dispositif) et a, statuant sur mesures préparatoires, ordonné l'expertise psychiatrique de A______ (ch. 2), commis le Docteur C______, médecin adjoint agrégé, chef de l'Unité de psychiatrie légale auprès du Centre universitaire romand de médecine légale, aux fonctions d'expert unique, l'a autorisé, sous sa propre responsabilité, à désigner un médecin de son choix pour réaliser l'expertise en ses lieu et place (ch. 3), assigné à celui-ci une mission précisément décrite (ch. 4), imparti à celui-ci un délai au 31 octobre 2022 pour déposer son rapport écrit en deux exemplaires au greffe du Tribunal, ajourné la cause à cette date (ch. 5), rendu l'expert attentif aux conséquences pénales d'un faux rapport au sens de l'art. 307 du Code pénal, de la violation du secret de fonction au sens de l'art. 320 du Code pénal ainsi qu'aux conséquences d'un défaut ou d'une exécution lacunaire du mandat au sens de l'art. 48 de la Loi d'application du Code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile (ch. 6) et réservé le sort des frais judiciaires (ch. 7).

B. a) Par acte déposé le 7 octobre 2022 au greffe de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ forme une requête en restitution de délai.

En substance, il expose n'avoir eu connaissance de la décision entreprise que le 30 septembre 2022.

b) Par acte déposé au greffe de la Cour le 19 octobre 2022, A______ forme recours contre l'ordonnance DTAE/6030/2022 du 19 août 2022, concluant à ce que "la Chambre suive l'avis de droit de DFJP qui reconnaît la compétence à la France".

c) Par courrier du 30 janvier 2023, le Tribunal de protection a informé la Cour de ce qu'il n'entendait pas prendre position, ni reconsidérer sa décision.

C. Ressortent pour le surplus du dossier les faits pertinents suivant:

a) Le Tribunal de protection a été amené à se préoccuper de la situation de A______ après avoir reçu, le 21 avril 2021, un signalement émanant du Docteur F______, médecin ______ au Service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG).

b) Par décision DTAE/2751/2021, le Tribunal de protection a désigné D______ en qualité de curatrice d'office du concerné.

c) Par courrier du 14 septembre 2021, A______ a contesté la compétence ratione loci du Tribunal de protection, exposant être de nationalité française et être domicilié avenue 1______ no. ______, à E______ (France).

Lors de l'audience du 20 septembre 2021 tenue par le Tribunal de protection, A______ a déclaré être hébergé au Centre communal d'action sociale de E______ (ci-après: CCAS), en France, depuis plusieurs années.

Lors de cette même audience, le Docteur F______ a déclaré que A______ passait la plupart de ses journées dans le quartier de Plainpalais. Il pensait que ce dernier dormait dans la rue.

d) Le 8 novembre 2021, le Tribunal de protection a saisi le Ministère français de la justice, Département de l'entraide, du droit international privé et européen sis à Paris (ci-après: DEDIPE) d'une demande d'informations visant à instruire la question de sa compétence, requérant la transmission des éléments suivants s'agissant de A______: copie de son éventuelle dernière déclaration fiscale française, copie de l'éventuel dossier déposé auprès de la Maison départementale des personnes handicapées en Haute-Savoie, copie d'éventuels papiers d'identité français émis après le 5 février 2007, copie de toute attestation de résidence récente, copie de l'éventuelle mesure de protection de l'adulte en cours en France, copie de toutes décisions de prestations financières sociales, toutes informations du registre foncier sur l'éventuelle propriété de bien(s) immobilier(s) ainsi que les éventuelles coordonnées bancaires de l'intéressé.

e) Par courriel du 10 février 2022, le DEDIPE a notamment répondu au Tribunal de protection que les juges des tutelles de E______ et de G______ [France] n'avaient aucune trace de A______ dans leurs fichiers.

Par courriel du 30 juin 2022, le DEDIPE a fourni au Tribunal de protection une partie de ses investigations, démontrant, en substance, que la trace du concerné semblait avoir été perdue à compter de l'année 2020, son attestation d'élection de domicile au sein du CCAS de E______ ayant pris fin au 11 juillet 2020.

Le 8 août 2022, le DEDIPE a fourni au Tribunal de protection son rapport d'enquête du 4 août 2022, dont il ressortait en substance que les enquêtes menées avaient permis d'infirmer la présence de A______ au no. ______, passage 2______ à E______. Aucune autre adresse ne lui avait été trouvée. Le CCAS avait indiqué avoir radié A______ de son service le 30 décembre 2020, faute pour ce dernier de s'être présenté à la "visite annuelle de renouvellement". Le service des personnes âgées de la Mairie de E______ avait confirmé n'avoir jamais suivi l'intéressé. D'une manière plus large, A______ ne figurait pas au fichier du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ) en qualité d'auteur. Il y apparaissait en qualité de victime le 31 décembre 2009, époque à laquelle il était domicilié au no. ______, passage 2______, à E______. Il ne possédait aucun véhicule répertorié au Système d'immatriculation des véhicules (SIV) et n'était pas inscrit au Fichier des personnes recherchées (FPR). D'après les informations recueillies auprès de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), sa dernière adresse enregistrée était au CCAS et datait du 1er janvier 2018. Il ne possédait ni assurance-vie, ni patrimoine immobilier, ni une ligne téléphonique connue des services fiscaux.

D. Les faits pertinents suivants postérieurs à l'ordonnance querellée ressortent également du dossier:

a) Par courrier du 23 septembre 2022 adressé au Tribunal de protection, H______, adjoint ______[statut] du dispositif d'urgence sociale de la Ville de Genève, a exposé que A______ avait été accueilli au centre d'hébergement d'urgence I______ entre mai 2019 et novembre 2020, qu'il avait ensuite quitté volontairement à la suite d'un changement de chambre rendu nécessaire en raison de l'accumulation de multiples objets. Depuis lors, il dormait dans la rue en toute saison et restait la journée assis avec ses affaires accumulées à proximité du bâtiment d'Uni-Mail. Il se rendait par ailleurs régulièrement au Club social J______ pour y prendre ses repas jusqu'en août 2022, moment où il lui avait été demandé de ne plus fréquenter ledit lieux temporairement en raison de ses propos injurieux et agressifs répétés envers le personnel.

b) Par décision DTAE/6695/2022 du 6 octobre 2022, le Tribunal de protection a révoqué D______ en tant que curatrice d'office de A______. Par décision DTAE/6700/2022 du même jour, le Tribunal de protection a nommé B______ en qualité de curatrice d'office de A______.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant sont susceptibles de faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450 et 450b CC; art. 53 al. 1 et 2 LaCC et 126 al. 3 LOJ), aux conditions de l'art. 319 lit. b CPC. Le délai pour former recours contre les décisions d'instruction est toutefois de dix jours (art. 450f CC et 321 al. 2 CPC).

Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 450 al. 2 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l'espèce, la décision querellée statue sur le fond en tant qu'elle reconnaît, à titre préalable, la compétence ratione loci du Tribunal de protection, de sorte que le délai pour recourir contre cette partie du dispositif est de trente jours. En tant que la décision querellée ordonne l'expertise psychiatrique du recourant et en arrête les modalités, elle constitue une mesure d'instruction, qui doit être contestée dans les dix jours à compter de sa notification.

Dans la mesure où le recourant, qui est partie à la procédure, ne conteste que la compétence ratione loci du Tribunal de protection, son recours, motivé et déposé par écrit dans les trente jours à compter de la notification de l'ordonnance querellée, est recevable.

Aussi, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête en restitution de délai, qui est sans objet.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. Le recourant conteste la compétence ratione loci du Tribunal de protection.

2.1 En matière de protection des adultes, l'art. 85 al. 2 LDIP renvoie à la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes [CLaH 2000; RS 0.211.232.1], à laquelle la France et la Suisse sont parties.

Selon l'art. 5 al. 1 CLaH 2000, les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'adulte sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.

La notion de résidence habituelle n'est pas définie dans la Convention. Il s'agit d'une notion de fait qui doit être appréciée par les autorités appelées à statuer. Même si cette notion est propre à la CLaH 2000 et doit être interprétée de façon autonome conformément à ses objectifs (arrêt de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du 15 mai 2013, DAS/72/2013 consid. 2.1; Bucher, Commentaire romand LDIP/CL, 2011, n. 328 ad art. 85 LDIP), les autorités suisses peuvent s'inspirer en grande partie de la notion de résidence habituelle retenue à l'art. 20 al. 1 lit. b LDIP (Florence in: Leuba/Stettler/Büchler/Häfeli, Protection de l'adulte, ad Convention sur la protection internationale des adultes, n° 41).

Selon cette dernière disposition, une personne «a sa résidence habituelle dans l'Etat dans lequel elle vit pendant une certaine durée, même si cette durée est de prime abord limitée ». L'accent est ainsi mis sur la présence de la personne physique au lieu ou dans le pays de séjour. Selon la jurisprudence, la résidence habituelle correspond à l'endroit où la personne intéressée a le centre de ses relations personnelles et se déduit, non de sa volonté subjective, mais de circonstances de fait extérieurement reconnaissables attestant de sa présence dans un lieu donné. Les notions de domicile et de résidence habituelle se recoupent généralement. Il peut néanmoins exister une divergence entre ces deux réalités, à savoir lorsqu'une personne conserve son lieu de vie dans un pays donné, tout en étant présent dans un autre Etat pendant une certaine durée: ainsi, les saisonniers, les étudiants étrangers ou encore les expatriés résident habituellement en Suisse tout en conservant leur centre de vie et donc leur domicile dans l'Etat où leur famille vit, où leur maison se trouve (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.1.2 et les références citées).

2.2 En l'espèce, il ressort des éléments recueillis par le Tribunal de protection que le recourant n'a plus, contrairement à ce qu'il affirme, de quelconques attaches avec la France, dont il est ressortissant, depuis début juillet 2020 au plus tard.

En effet, le CCAS, lieu où il a été officiellement domicilié jusqu'en juillet 2020, a indiqué aux autorités françaises avoir radié l'intéressé de ses registres fin 2019, faute pour celui-ci de s'être présenté à la visite annuelle requise pour conserver une domiciliation. De même, les autorités françaises affirment avoir perdu toute trace de l'intéressé dans le courant de l'année 2020.

Le recourant a, en revanche, vécu en Suisse au moins entre mai 2019 et novembre 2020, au centre d'hébergement d'urgence I______. Après avoir quitté ledit centre d'hébergement d'urgence, le recourant se rendait régulièrement, jusqu'en août 2022 au moins, au "Club social J______" pour y prendre ses repas, ce qui démontre une présence régulière à Genève.

De même, H______, adjoint de direction du dispositif d'urgence sociale de la Ville de Genève, a exposé, en septembre 2022, que le recourant passait ses journées à proximité du bâtiment d'Uni-Mail à Genève et qu'il passait ses nuits dans la rue, depuis environ deux ans.

Au vu de ces éléments, la résidence habituelle du recourant se trouve à Genève, lieu où il se nourrit, dort et passe l'essentiel de son temps.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal de protection s'est déclaré compétent ratione loci, de sorte que le recours doit être rejeté.

Pour le surplus, le solde du dispositif de l'ordonnance attaquée n'est pas contesté. Le serait-il que le recours à son égard serait irrecevable pour défaut de motivation.

3. Aux termes de l'art. 22 al. 4 LaCC, il n'est pas prélevé de frais judiciaires ni alloué de dépens en matière de placement à des fins d'assistance. Les frais d'expertise peuvent être mis à la charge des parties dans l'aisance.

En l'espèce, l'ordonnance litigieuse a notamment pour objet la compétence ratione loci du Tribunal et la mise en place d'une expertise afin de déterminer l'éventuel besoin de soins et de traitement requis par l'état de santé du recourant, l'institution d'une curatelle ou d'un placement à des fins d'assistance de l'intéressé étant envisagée.

Par conséquent, le recourant n'étant pas dans l'aisance, il ne sera pas prélevé de frais judiciaires.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/6030/2022 rendue le 19 août 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/15495/2008.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas prélevé de frais judiciaires.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.