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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/18966/2023

ACJC/316/2024 du 11.03.2024 sur JTBL/982/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18966/2023 ACJC/316/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 MARS 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 13 novembre 2023, représenté par l'ASLOCA, rue
du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

ANLAGESTIFTUNG B______, p.a. C______ [régie immobilière], ______, représentée par [la société] D______, ______, intimée.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/982/2023 du 13 novembre 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui, l'appartement de 2 pièces situé au 6ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que le grenier n° 2______ qui en dépend (ch. 1 du dispositif), autorisé ANLAGESTIFTUNG B______ à requérir l'évacuation par la force publique du précité dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que le bail principal de l'appartement occupé par A______ avait été résilié, de sorte que le contrat de sous-location dont celui-ci bénéficiait ne pouvait pas perdurer. Il convenait de faire droit à la requête d'ANLAGESTIFTUNG B______, propriétaire de l'immeuble, et de prononcer l'évacuation du précité, avec mesures d'exécution directe. Rien ne justifiait d'octroyer un sursis humanitaire au sous-locataire, celui-ci n'ayant démontré aucune recherche de logement.

B. a. Par acte expédié le 1er décembre 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal "pour examen de l'affaire sur le fond". Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de ce jugement et à ce qu'il soit dit qu'ANLAGESTIFTUNG B______ ne pourrait requérir son évacuation par la force publique que neuf mois après l'entrée en force de la décision d'évacuation.

Il a produit des pièces nouvelles, à savoir deux certificats médicaux du 28 novembre 2023 (pièce 3), ainsi qu'un courrier du Secrétariat des Fondations immobilières de droit public du 11 octobre 2023 (pièce 4).

b. Par arrêt du 12 décembre 2023 (ACJC/1642/2023), la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ tendant à la suspension du caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif de la décision entreprise.

c. Dans sa réponse du 15 décembre 2023, la bailleresse a conclu à la confirmation du jugement attaqué. A titre préalable, elle a conclu à l'irrecevabilité de la pièce 4 susmentionnée.

d. La cause a été gardée à juger le 17 janvier 2024, ce dont les parties ont été avisées le jour même.


 

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 18 août 2006, SI RUE 1______, en tant que bailleresse, et F______, en tant que locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2 pièces situé au 6ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève et sa dépendance (un grenier).

Le loyer mensuel a été fixé à 1'145 fr. charges comprises.

En mars 2014, ANLAGESTIFTUNG B______ est devenue propriétaire de l'immeuble.

b. A une date indéterminée, F______ a sous-loué l'appartement à A______.

c. Par jugement JTBL/467/2023 du 8 juin 2023, le Tribunal a prononcé l'évacuation de F______ de l'appartement loué - à la suite d'un congé notifié par ANLAGESTIFTUNG B______ pour défaut de paiement du loyer - avec mesures d'exécution directe.

d. ANLAGESTIFTUNG B______ n'a pas pu recouvrer la disposition de l'appartement, bien qu'ayant mandaté un huissier judiciaire qui s'est rendu sur place le 23 août 2023, dans la mesure où le logement était occupé par A______.

e. Par requête formée devant le Tribunal le 1er septembre 2023, ANLAGESTIFTUNG B______ a requis l'évacuation de A______ par la voie de la procédure en protection des cas clairs, et sollicité l'exécution immédiate du jugement d'évacuation.

f. Lors de l'audience du 13 novembre 2023, A______ a déclaré qu'il était assisté financièrement par l'Hospice général, qu'il avait des problèmes de santé et qu'il avait sollicité l'octroi d'une rente d'invalidité. Son fils âgé de 9 ans logeait chez lui lorsqu'il exerçait son droit de visite pendant les weekends et les vacances scolaires. L'enfant vivait avec sa mère à Genève. Il cherchait un nouveau logement et avait besoin de temps pour trouver à se reloger.

ANLAGESTIFTUNG B______ a persisté dans ses conclusions et refusé d'octroyer un délai de départ au sous-locataire.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.


 

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, le recourant conteste les mesures d'exécution prononcées par le Tribunal, de sorte que la voie du recours est ouverte.

Même à considérer qu'il forme appel/recours contre le prononcé de l'évacuation en sollicitant le renvoi au Tribunal pour qu'il soit statué sur le fond, celui-ci serait irrecevable faute de motivation suffisante.

Le recours est recevable, pour avoir été interjeté dans le délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC).

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.4 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC).

1.5 Les pièces nouvelles dont se prévaut le recourant devant la Cour sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Elles ne sont quoi qu'il en soit pas déterminantes pour l'issue du litige.

2. Le recourant soutient qu'en prononçant son évacuation alors qu'il n'a pas de solution de relogement, le Tribunal aurait violé son droit au logement découlant notamment de l'art. 38 de la Constitution genevoise (Cst./GE) et de l'art. 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte I ONU). Il reproche également au Tribunal d'avoir violé l'art. 30 al. 4 LaCC en refusant de lui octroyer un sursis humanitaire.

Il fait valoir qu'il est assisté par l'Hospice général, que le paiement des indemnités pour occupation illicite est à jour, qu'il souffre de graves problèmes cardiaques et que ses recherches de logement sont demeurées vaines. Il relève en outre avoir besoin d'un logement pour accueillir son fils le weekend et pendant les vacances. L'intimée, quant à elle, n'avait fait valoir aucune urgence à pouvoir récupérer l'usage de son bien.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un sous-locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. Le juge ne peut cependant pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès; le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie expulsée (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

2.2 Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a p. 280 s.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5; 4A_265/2011 du 8 juillet 2011 consid. 3.2.1).

S'agissant en particulier du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte I ONU), ses dispositions se bornent à prescrire aux Etats, sous la forme d'idées directrices, des objectifs à atteindre dans les divers domaines considérés. Elles leur laissent la plus grande latitude quant aux moyens à mettre en œuvre pour réaliser ces objectifs. Dès lors, elles ne revêtent pas, sauf exception (par exemple l'art. 8 al. 1 let. a, relatif au droit de former des syndicats et de s'affilier au syndicat de son choix), le caractère de normes directement applicables (cf. ATF 121 V 246 consid. 2c; 121 V 229 consid. 3b et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4C.15/2001 du 22 mai 2001 consid. 4).

2.3 En l'espèce, le Tribunal a considéré à juste titre que le recourant - à qui l'intimée n'a jamais concédé un quelconque droit de jouissance (bail, prêt, usufruit) sur le bien immobilier dont elle est propriétaire - ne dispose d'aucun titre juridique lui permettant d'occuper l'appartement litigieux.

Contrairement à ce que plaide le recourant, le fait qu'il n'a pas encore trouvé de solution de relogement ne saurait faire obstacle au prononcé de l'évacuation. En effet, les art. 38 Cst./GE et 11 Pacte I de l'ONU n'ont pas vocation à s'appliquer directement au litige de droit privé qui oppose l'intimée au recourant. C'est donc en vain que celui-ci se prévaut du droit au logement garanti par ces dispositions.

C'est également en vain qu'il reproche au Tribunal d'avoir considéré que les conditions pour l'octroi d'un sursis humanitaire n'étaient pas remplies.

A cet égard, il appert que le recourant est informé de la résiliation du bail principal, et donc de la nécessité pour lui de libérer les locaux litigieux - qu'il ne conteste pas sur le fond - depuis le 23 août 2023 au plus tard, soit depuis la visite de l'huissier judiciaire faisant suite à l'évacuation prononcée contre le locataire principal. Il a donc déjà bénéficié, dans les faits, d'un sursis de plusieurs mois pour trouver une solution de relogement. De surcroît, le recourant n'a pas démontré avoir entrepris des recherches concrètes et sérieuses en vue de se reloger. L'unique pièce qu'il a produite à cet égard est irrecevable; en tout état, cette pièce n'atteste que d'une seule inscription effectuée auprès du Secrétariat des Fondations immobilières de droit public au mois d'octobre 2023, à l'exclusion de toute autre démarche utile. Les problèmes de santé dont il se prévaut n'ont pas non plus été démontrés. Les certificats médicaux produits devant la Cour sont irrecevables; en tout état, ces certificats - qui se limitent à mentionner une incapacité de travail, sans préciser en quoi les problèmes de santé du recourant seraient de nature à l'entraver dans ses recherches de logement - n'ont qu'une force probante limitée.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/982/2023 rendu le 13 novembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18966/2023.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur
Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.