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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1114/2021

ATAS/204/2024 du 27.03.2024 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1114/2021 ATAS/204/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 mars 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

Représentée par Me Andres PEREZ, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1968, a déposé une demande de prestations d’assurance-invalidité pour adultes le 22 février 2017 auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé). Elle indiquait avoir travaillé comme secrétaire médicale (coordinatrice) à 80% du 1er août 2000 au 9 novembre 2015 aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) et comme secrétaire 2 à 80% du 15 juin au 29 août 2016 toujours aux HUG. Elle souffrait d’un syndrome d’épuisement professionnel avec un état dépressif et anxieux sévère, des insomnies et des idées suicidaires.

b. Selon un rapport établi le 13 mars 2017 par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, l’assurée souffrait de troubles anxieux qui avaient évolué en dépression en novembre 2015. Elle était totalement incapable de travailler dans son activité de secrétaire du 10 novembre 2015 au 14 juin 2016, puis à 50% du 15 juin au 29 août 2016 et à nouveau à 100% dès le 30 août 2016. Du point de vue médical, l’activité exercée était encore exigible à 50%. Le rendement était réduit à cause du stress. On pouvait s’attendre à la reprise de travail à 50% dès avril 2017.

c. Dans un rapport du 3 avril 2017, la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué avoir suivi l’assurée de mars 2013 à août 2016 avant que celle-ci change de psychothérapeute. Elle présentait une dysthymie et une anxiété diffuse et surtout des conduites à type d’échec qui avaient des conséquences délétères au travail.

Sur le plan psychologique, l’assurée indiquait avoir été déprimée durant son adolescence et le début de l’âge adulte et avoir fait un burnout dans un précédent poste. Elle avait une tendance à la dépression et une vulnérabilité au stress. À partir de mars 2015, sa souffrance au travail s’était accrue, car les relations avec certains collègues, notamment avec sa cheffe, étaient devenues de plus en plus conflictuelles. L’assurée était devenue tendue, irritable, ne supportant pas certains agissements ou décisions de sa hiérarchie qui lui paraissaient incohérents. La Dre C______ l’avait mise en arrêt de travail total dès le 10 novembre 2015, car elle était alors en grande souffrance, triste et très angoissée. Elle présentait des troubles du sommeil et de grandes difficultés de concentration, une fatigabilité importante, un sentiment de révolte alternant avec un sentiment d’impuissance, une anhédonie et une aboulie. Elle lui avait prescrit de la Sertraline jusqu’à 100mg par jour avec du Xanax retard 0,5 mg deux à trois fois par jour.

En février 2016, les symptômes étaient plus légers et l’assurée avait décidé de changer de poste. En mai, elle avait été choisie pour un poste hors des HUG qu’elle avait refusé, car certaines conditions ne lui convenaient pas. Elle était alors sous Circardin pour les troubles du sommeil sans autres symptômes. Elle avait trouvé ensuite un poste aux HUG qui semblait intéressant et bien adapté à ses compétences. La Dre C______ avait alors fait une reprise de travail à 50% de son 80%. Malheureusement, les conduites d’échec avaient repris. L’assurée avait trouvé un autre poste aux HUG et décidé d’interrompre son suivi. Le pronostic était bon pour autant qu’elle puisse être soutenue et encadrée dans sa reprise de travail afin de diminuer son anxiété, qui la faisait douter d’elle-même et l’empêchait d’utiliser ses nombreuses compétences professionnelles.

d. La docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué dans un rapport du 22 mai 2017 que l’assurée souffrait d’un trouble d’adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive (F43.22), d’une anxiété généralisée (F41.1) depuis l’adolescence, et d’un burnout (Z73.1). Elle suivait l’assurée depuis le 27 mars 2017, laquelle avait été en incapacité de travail à 100% du 10 novembre 2015 au 1er juillet 2016, 50% du 2 juillet 2016 au 14 septembre 2016, 100% du 15 septembre 2016 au 1er mai 2017 et 40% dès le 1er avril 2017 (reprise à temps partiel thérapeutique).

e. Le 5 décembre 2017, la Dre D______ a indiqué avoir modifié ses diagnostics car elle connaissait mieux l’assurée. Celle-ci souffrait d’un trouble de la personnalité (F60.0), d’un trouble dépressif récurrent, épisode moyen (F33.1), d’un trouble d’anxiété généralisée (F41.1) et d’un état de stress post-traumatique (F43.1). Depuis son arrêt de travail en 2015, l’assurée avait eu trois mesures de reclassement avec un appui au sein des HUG, la dernière, qui avait duré six semaines en avril-mai 2016, s’étant terminée par un échec, notamment en raison de problèmes avec une collègue. Suite à ce stage, l’assurée avait dû être hospitalisée à la Clinique genevoise de Montana du 18 juillet au 7 août 2017 pour une recrudescence de la symptomatologie anxio-dépressive avec idéations suicidaires. En novembre 2017, elle avait dû terminer prématurément des modules à la Fondation IPT, en raison de symptômes d’un état de stress post-traumatique (suite à des comportements agressifs subis sur son lieu de travail aux HUG) et des difficultés dans les relations interpersonnelles. Malgré l’amélioration des symptômes anxio-dépressifs, l’assurée présentait des difficultés importantes dans les relations interpersonnelles dues à un trouble de personnalité relativement sévère. Pendant les modules d’IPT, elle avait eu une tendance à envahir le groupe. Elle n’arrivait pas à laisser la place aux autres et avait peu de capacité d’introspection. Ces éléments faisaient partie de son trouble de personnalité et empêchaient un bon fonctionnement au travail. Elle avait besoin d’aide pour se réinsérer dans le monde professionnel, d’abord dans un poste adapté à ses limitations fonctionnelles (pas trop de stress, moins d’exigences, avec des collègues compréhensifs) afin qu’elle puisse reprendre confiance en elle. En parallèle, la psychothérapie était essentielle.

f. Le 5 juillet 2018, la Dre D______ a indiqué que depuis décembre 2017, l’assurée avait effectué un travail psychothérapeutique de type EMDR afin de traiter son syndrome de stress post-traumatique. Depuis février 2017, il y avait une évolution clinique lentement favorable avec une diminution de la symptomatologie dépressive (disparition des idées suicidaires, de la tristesse et de l’anxiété), de l’anhédonie et de l’aboulie. L’assurée présentait des difficultés dans les relations interpersonnelles de longue date et depuis les événements en 2015 aux HUG, elle avait beaucoup perdu confiance en elle. Actuellement, le tableau clinique était prédominé par une anticipation anxieuse importante et la peur de l’échec. Elle devenait rapidement très angoissée avec de grande difficultés de concentration, des troubles du sommeil ainsi qu’un sentiment de révolte et d’impuissance. Le status psychiatrique était fluctuant avec des moments d’anxiété avec des rires immotivés. Elle avait une fatigabilité importante, une thymie neutre, des lombalgies, une diminution d’estime de soi et un manque de confiance. Les activités sociales et de loisir étaient nettement diminuées. Elle avait des difficultés à faire le ménage en raison d’une apathie et de douleurs au dos. Elle avait le soutien de son ami et de son frère. En dehors de ses soins, elle avait mobilisé plusieurs ressources (elle avait contacté une psychologue spécialisée du burnout ainsi qu’un groupe de soutien). Depuis le 1er février 2018, elle avait retrouvé une capacité de travail de 20% dans son activité habituelle et de 50% dans une activité adaptée, depuis avril 2018.

L’évolution avait été fluctuante. En juillet 2017, la symptomatologie anxio-dépressive avait nécessité une prise en charge hospitalière. En automne 2017, l’assurée allait un peu mieux et avait pu commencer une mesure avec IPT. En novembre 2017, IPT avait mis fin à ses modules prématurément en raison de difficultés de l’assurée dans les relations interpersonnelles et de symptômes anxio-dépressifs. Au début de l’année 2018, il y avait eu une recrudescence de la symptomatologie anxieuse (facteurs de crise, problèmes financiers suite à un licenciement des HUG). Depuis avril, l’assurée allait de nouveau un peu mieux. Une procédure de réinsertion professionnelle était mise en place. Elle restait toutefois très angoissée à l’idée d’effectuer un stage au vu des précédents échecs.

g. Selon une lettre de sortie établie le 4 mai 2018 par la Clinique de Montana, l’assurée avait été hospitalisée du 18 juillet au 7 août 2017 pour un soutien psychologique et un éloignement des facteurs de stress. Le diagnostic principal était un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec somatisation.

h. Par projet d’acceptation de rente du 16 novembre 2018, l’OAI a octroyé à l’assurée dès le 1er août 2017 le droit à une rente entière sur la base d’un degré d’invalidité de 80%. Dès le 1er mai 2018, elle avait droit à un trois quarts de rente sur la base d’un degré de 64%, puis de 61%. Son statut était celui d’une personne se consacrant à 80% à son activité professionnelle et à 20% à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage.

i. L’assurée, assistée d’un conseil, a formé opposition contre le projet de décision précité, le 9 janvier 2019.

j. Sur avis du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), une expertise psychiatrique de l’assurée a été effectuée par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, expert certifié SIM. Dans son rapport du 17 juin 2019, celui-ci a résumé les pièces du dossier, rapporté les plaintes de l’assurée, procédé à une anamnèse et décrit une journée-type de l’assurée, ses constatations ainsi que le status clinique.

Il a posé les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique depuis 2016 (F33.11) et de trouble panique avec attaques de panique hebdomadaires à quotidiennes selon les périodes depuis 2016 (F41.0). Il a posé les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail de trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsive et dépendante actuellement non décompensé, de trouble douloureux somatoforme persistant (peu probable), versus des facteurs psychologiques ou comportementaux associés à des troubles ou des maladies classées ailleurs (probable). Il a retenu que l’assurée était capable de travailler à 50% depuis 2016 du point de vue psychiatrique dans son dernier emploi. Le pronostic psychiatrique était réservé, tenant compte de la chronicité des troubles, mais la situation n’était pas stabilisée et devrait être réévaluée dans six mois à une année après amélioration de la prise en charge pharmacologique. Le dernier emploi était adapté du point de vue psychiatrique.

k. Dans un rapport du 31 juillet 2020, le docteur F______, médecin interne et rhumatologie FMH, du SMR, a résumé les pièces du dossier, procédé à une anamnèse et un status et décrit la vie quotidienne de l’assurée ainsi que le dossier radiologique. Il a retenu comme diagnostic principal avec répercussion durable sur la capacité de travail un syndrome polyalgique compatible avec un diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos et un syndrome d’hypermobilité bégnine ou une fibromyalgie. Il a également retenu les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail de syndrome rotulien droit, de très discrets troubles statiques du rachis dorsolombaire et d’hypovitaminose D3 actuellement substituée.

L’assurée était en incapacité de travail de 20% au moins depuis le 10 novembre 2015 selon le rapport de son employeur du 3 juillet 2017, ce que l’expert confirmait. Il retenait une incapacité de travail de 30% dans l’activité habituelle de secrétaire coordinatrice aux HUG depuis le 10 novembre 2015, en raison des douleurs et du possible syndrome d’Ehlers-Danlos, bien que ce diagnostic ne soit pas certain. L’activité de secrétaire coordinatrice était une activité adaptée aux limitations fonctionnelles requises par la pathologie ostéo-articulaire. Dans une autre activité adaptée, l’incapacité de travail était également de 30%.

l. Dans un projet d’acceptation de rente du 26 novembre 2020, remplaçant celui du 16 novembre 2018, l’OAI a informé l’assurée que dès le 1er août 2017, le droit à une demi-rente d’invalidité lui était reconnu, avec un statut d’active. À l’échéance du délai d’attente, le 1er novembre 2016, l’incapacité de gain était de 50%. Par conséquent, le droit à une demi-rente lui était reconnu. La demande de prestations ayant été déposée le 22 février 2017, celle-ci ne pouvait être versée qu’à compter du mois d’août 2017.

m. Par décision du 23 février 2021, l’OAI a confirmé son projet de décision du 26 novembre 2020.

B. a. L’assurée a formé recours contre la décision précitée le 26 mars 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, invoquant une aggravation de son état de santé antérieure à la notification de la décision du 23 février 2021 et contestant la valeur probante des expertises des Drs E______ et F______.

À l’appui de son recours, l’assurée a produit notamment un rapport établi le 24 février 2021par le docteur M. G______, médecin assistant de la Clinique du Grand-Salève, qui indiquait que l’assurée avait séjourné dans cette clinique du 28 décembre 2020 au 2 février 2021.

b. Par réponse du 27 avril 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le 25 juin 2021, la recourante a répliqué et produit un rapport établi le 10 juin 2021, qui indiquait que la problématique du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (ci-après TDAH) avait été clairement confirmée par un examen neuropsychologique et que l’hyperactivité avait insufflé à l’assurée un dynamisme compensatoire à sa maladie, qui avait pu masquer partiellement les symptômes. L’incapacité de travail de la recourante était supérieure aux 50% qui avaient été retenus par l’intimé. Si sa bonne volonté, voire sa volonté, pouvait lui conférer quelques capacités résiduelles, celles-ci seraient, à son avis, bien inférieures à un mi-temps.

d. Le 12 juillet 2021, l’intimé a estimé, sur la base d’un avis du SMR, que le dossier était suffisamment instruit.

e. L’assurée a été entendue par la chambre de céans le 26 janvier 2022.

f. Par ordonnance du 13 septembre 2022 (ATAS/896/2022), la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique de celle-ci qu’elle a confiée au docteur H______, psychiatre et psychothérapeute, du centre J______ à Crissier, et au professeur I______, chef de service de rhumatologie, de l’hôpital orthopédique de Lausanne.

g. Le Prof. I______ a retenu le diagnostic de syndrome douloureux chronique (ICD10 M54) :

-          avec les critères internationaux remplis pour le diagnostic de fibromyalgie selon widespread paib index et severity score ;

-          St. p. troubles somatoformes diagnostiqués aux HUG sur le rapport du 4 mai 2018 ;

-          examen clinique et US normaux avec l’hypermobilité partielle (score de Beighton 3/9).

S’agissant de la fibromyalgie et de l’hypermobilité, il n’y avait pas de limitations fonctionnelles dans l’activité habituelle d’infirmière coordinatrice. Il y aurait des limitations fonctionnelles pour le travail d’infirmière dans les soins classiques, comme par exemple soulever les patients. Il était nécessaire d’alterner une heure en position assise et une heure en position debout ainsi que d’éviter le port ou le soulèvement de charges de plus de 5 kg. Il n’existait pas d’incapacité de travail durable au niveau somatique/musculo-squelettique et la capacité de travail était de 100% dans une activité physique légère, sans diminution de rendement.

h. Dans son rapport du 12 juillet 2023, le Dr H______ a retenu les diagnostics de :

-          troubles envahissants du développement, notamment syndrome d’Asperger 299.00 (F84.5) ;

-          et de troubles de l’anxiété généralisée 300.02 (F33.4).

Les troubles du spectre de l’autisme étaient présents depuis l’enfance, mais dissimulés par leur aspect Asperger et un niveau d’intelligence de l’assurée situé dans la moyenne supérieure. Il était difficile d’estimer depuis quand l’assurée souffrait des troubles de l’anxiété généralisée. Ils étaient probablement apparus au début de l’âge adulte. Les plaintes étaient objectivées. Les troubles de l’anxiété généralisée compliquaient l’expression du syndrome d’Asperger et perturbaient de manière significative la gestion de ce dernier ainsi que ses impacts sur les relations de l’assurée avec autrui dans les divers domaines de la vie. Il n’y avait pas d’exagération des symptômes. Les approches thérapeutiques montraient des limites, voire des inefficacités, probablement parce que le diagnostic de syndrome d’Asperger avait été négligé. La recourante avait toujours été présente à ses rendez-vous et fait preuve d’une collaboration exemplaire avec les experts. La négligence du diagnostic de syndrome d’Asperger pouvait expliquer les difficultés et les échecs thérapeutiques. Les difficultés éprouvées par l’expertisée pour déchiffrer les enjeux liés aux relations interpersonnelles engendraient chez elle des angoisses de performance et de la dépression. Elle était incapable de saisir avec précision les messages et les enjeux lors des interactions professionnelles. Elle perdait alors le contrôle et était sujette à des crises. Son activité habituelle, qui était variable en termes de relations et de volume de travail, n’était pas adapté à une personne souffrant d’un trouble du spectre autistique. L’expertisée avait quand même pu compenser son stress par ses compétences intellectuelles en restant efficace dans la réalisation de ses missions pendant plus de dix ans. Au moins depuis 2015, elle n’avait plus été en capacité de réaliser ses tâches, à cause du fort épuisement qu’elle avait vécu et sa capacité de travail depuis lors était de 0%. Dans une activité adaptée au syndrome d’Asperger, l’expertisée pourrait obtenir de l’aide pour identifier les moments difficiles et apprendre à mettre en œuvre des stratégies comportementales afin de compenser les déficits occasionnés par ce syndrome. Par conséquent, un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré institutionnel avec des ressources en milieu communautaire adapté (ateliers protégés sous supervision d’un MSP, accompagnement par des éducateurs, etc.) était plus que recommandé. Malgré les nombreux diagnostics déjà posés au sujet de la recourante, l’expert estimait que le syndrome d’Asperger permettait d’expliquer de manière exhaustive les différents phénomènes cliniques observés par les psychiatres qui l’avaient évaluée. Il retenait d’actualité le diagnostic de trouble d’anxiété généralisée. Concernant le trouble dépressif récurrent, il était aujourd’hui en rémission. L’expertisée était en mesure de réintégrer le marché du travail de manière graduelle, à condition de bénéficier des dispositions de réinsertion proposée par l’assurance-invalidité. Initialement, cela pourrait être réalisé par les ateliers protégés spécialisés dans le syndrome d’Asperger. La mise en œuvre de telles mesures devait commencer à 20 ou 30% et progresser graduellement sous la supervision de maîtres socio-professionnels. Dans ces conditions, l’assurée présentait un pronostic global favorable pour une activité, tout d’abord occupationnelle, en augmentation progressive et adaptée pour répondre aux défis de son trouble.

i. Le 3 octobre 2023, l’intimé, sur la base d’un avis du SMR du 21 septembre 2023, a estimé que le volet rhumatologique de l’expertise était convaincant et qu’en l’absence de limitations fonctionnelles somatiques objectivées à l’examen clinique, la capacité de travail était entière dans l’activité habituelle de la recourante qui était adaptée. Le rapport d’expertise était toutefois lacunaire, car il ne contenait pas d’évaluation consensuelle entre les experts.

S’agissant du volet psychiatrique, il retenait un diagnostic inconnu jusqu’alors, le syndrome d’Asperger et l’expert ne se prononçait pas sur la présence d’un trouble somatoforme douloureux. Le SMR s’étonnait de la discordance entre les conclusions de l’expertise du Dr E______ de 2019.

En l’état, le rapport d’expertise ne constituait pas un moyen de preuve adéquat pour établir la capacité de travail de la recourante.

Le SMR souhaitait poser à l’expert psychiatre les questions complémentaires suivantes :

-      quelle était la gravité du trouble anxieux généralisé ?

-      Avez-vous pu objectiver des manifestations anxieuses et objectives lors de votre examen clinique ?

-      L’assurée présente-t-elle un trouble somatoforme douloureux ?

-      L’assurée avait travaillé en tant que secrétaire médicale/coordinatrice puis en tant que secrétaire 2. Ces postes entraînait-t-il trop de pression notamment dans les contacts interpersonnels ? Est-ce qu’une activité avec moins de responsabilité, mais toujours en tant que secrétaire médicale serait plus adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée ? En tenant compte du fait que celle-ci avait toujours eu une activité professionnelle en tant que secrétaire depuis 1989.

-      Comment expliquez-vous la discordance d’évaluation de la capacité de travail avec celle retenue par le Dr E______ en 2019 ? Sachant qu’il avait retenu un trouble dépressif sévère puis moyen motivant une incapacité de travail d’abord totale puis partielle.

-      Pourquoi, en l’absence de trouble dépressif actuel, l’assurée ne pouvait pas travailler dans une activité adaptée malgré un diagnostic de trouble du spectre autistique qui ne l’avait pas empêchée de travailler jusqu’en 2015 ?

-      Dans combien de temps, une reprise professionnelle dans un milieu économique équilibré serait possible ?

j. Le 3 novembre 2023, la recourante a fait valoir que l’expertise psychiatrique répondait aux réquisits formels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. La conclusion selon laquelle elle souffrait d’un trouble du spectre autistique de type Asperger était convaincante et très bien motivée. Les constatations objectives effectuées par les experts avaient abouti à des résultats similaires à ceux des médecins traitants. En effet le test PDQ4 avaient révélé la présence d’un trouble de la personnalité que le Dr D______ avait également diagnostiqué en 2017. De même le test MINI S avait confirmé la présence du trouble d’anxiété, sans pour autant justifier une incapacité de travail. Pour mémoire, le Dr E______ avait renoncé à effectuer un tel test. Contrairement au précédent médecin, les experts avaient procédé à des examens complémentaires apportant des éléments objectifs supplémentaires à leur analyse. L’indice d’aptitudes générales avait démontré que la recourante présentait un profil très proche des individus souffrant d’un spectre de l’autisme de type Asperger. Ses capacités intellectuelles la plaçaient dans la tranche des moyennes supérieures. Le test ne s’écartait pas des conclusions du Dr E______, qui avait fait état de capacités intellectuelles nettement au-dessus de la moyenne. Cependant, les experts judiciaires avaient procédé également au test du « quotient du spectre de l’autisme (AQ-10) du National Institut for HealthResearch (NIHR) » qui avait retourné un score de 7/10. Dans la mesure où le seuil de 6/10 était dépassé, la présence d’un trouble du spectre autistique pouvait être confirmée. L’expert avait en outre expliqué en détail les symptômes de ce trouble selon la CIM-10 retrouvés lors de l’examen de la recourante. Enfin, il avait indiqué être globalement d’accord avec l’expertise du Dr E______, mais que, grâce aux examens complémentaires, il concluait que les symptômes relevés pouvaient s’expliquer dans le cadre du diagnostic plus global de trouble du spectre autistique. Sur la base de l’expertise, il fallait retenir que la recourante ne pouvait pas être employée dans l’économie normale. Par conséquent elle avait droit à une rente entière d’invalidité.

En ce qui concernait l’expertise rhumatologique, celle-ci ne pouvait se voir reconnaître de valeur probante. Le rapport était laconique. Il ne tenait que sur cinq pages et demi, ce qui était manifestement la conséquence de la brièveté de l’entretien qui n’avait duré que 40 minutes. Il ne comportait pas d’anamnèse professionnelle ni familiale alors même que le syndrome d’Ehlers-Danlos était une maladie génétique et héréditaire. Il devait être écarté. Néanmoins, sur la base des conclusions de l’expertise psychiatrique, la recourante concluait à l’octroi d’une rente entière.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité de plus d’une demi-rente dès le 1er août 2017.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

5.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

5.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

5.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

5.5 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.6  

5.6.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

5.6.2 Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs développés par le Tribunal fédéral suivants :

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

5.6.3 Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.

5.6.4 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (cf. ATF 131 V 49 consid. 1.2).

5.7 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.             En l’espèce, le rapport du Dr H______ répond aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante et il est détaillé et convaincant. Sur base de ses conclusions, à savoir une incapacité totale de la recourante de travailler dans le marché ordinaire, en lien avec le diagnostic de syndrome du trouble autistique, il n’apparaît pas nécessaire de faire préciser à l’expert psychiatre la gravité du trouble anxieux généralisé, ni si la recourante présente un trouble somatoforme douloureux, ce qui n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur ses conclusions. De même, le fait de savoir s’il avait pu objectiver des manifestations anxieuses et objectives lors de son examen clinique n’est pas déterminant, dès lors que son examen a eu lieu après la période en cause, qui s’arrête au jour de la décision querellée, soit le 23 février 2021. L’expert psychiatre a motivé clairement la capacité de travail de la recourante tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée, de sorte que les questions complémentaires requises par l’intimé à ce sujet ne se justifient pas. L’expert s’est enfin déterminé dans son rapport sur l’appréciation du Dr E______, de sorte qu’il n’y a pas lieu de le compléter à ce sujet.

Il n’y a pas lieu d’examiner la valeur probante de l’expertise rhumatologique du Prof. I______, au vu de l’incapacité totale de travail de la recourante retenue par l’expert psychiatre.

Il en résulte que celle-ci a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2017, étant rappelé que la fin du délai d’attente d’un an est intervenue le 1er novembre 2016 et que le droit à la rente a pris naissance le 1er août 2017, en raison de la demande tardive de la rente.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 23 février 2021 sera réformée dans le sens que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2017.

La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

Dès lors que l’on ne peut considérer que l’intimé a procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées, les frais de l’expertise judiciaire seront laissés à la charge de l’État (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 23 février 2021.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2017.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à la charge de l’intimé.

6.        Laisse les frais de l’expertise judiciaire à la charge de l’État.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le