Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1687/2023

ATAS/207/2024 du 28.03.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1687/2023 ATAS/207/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2024

 

En la cause

A______

représenté par Me Karim HICHRI, avocat

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1988, marié et père de deux enfants, est un ressortissant de la République de Turquie (ci-après : Turquie). Il est arrivé en Suisse le 26 août 2020, respectivement à Genève le 13 janvier 2021 selon les données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Ayant une formation de comptable, il a travaillé à un taux de 100% en Turquie jusqu'en 2019. Il n'a jamais travaillé en Suisse, où il a bénéficié de l'aide de l'Hospice général.

b. Sur demande d'asile déposée le jour de son arrivée en Suisse, l’assuré s'est vu octroyer le 27 mai 2021 par le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) une autorisation de séjour pour réfugiés (permis B). Par la suite, l'épouse de l'assuré ainsi que leurs deux enfants l'ont rejoint en Suisse.

c. Le 10 septembre 2021, l'assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI ou intimé), indiquant souffrir depuis plusieurs années d'un kératocône bilatéral responsable d'une baisse de vision de 60% à l'œil droit et de 30% à l'œil gauche.

d. Selon le dossier AI de l'assuré, ce dernier a été affilié à la caisse de compensation dès le 1er février 2021 et aucune inscription ne figurait sur l'extrait de son compte individuel de cotisations sociales suisses.

e. Le 21 juillet 2022, l'assuré a également déposé une demande d'allocation pour impotent auprès de l'OAI, faisant état de difficultés importantes dans ses déplacements en raison de sa déficience visuelle. Était joint à sa demande un certificat signé par B______ SA attestant que l'assuré, gravement handicapé de la vue, remplissait les conditions pour bénéficier d'une allocation pour impotent de l'AI.

f. Par projet de décision du 6 septembre 2022, confirmé par décision du 21 novembre 2022, l'OAI a octroyé à l'assuré une allocation pour impotent de degré faible d'un montant mensuel de CHF 478.-, avec effet au 1er juillet 2022.

g. En parallèle, l'OAI a rassemblé divers rapports médicaux et les a soumis à son service médical régional (ci-après : SMR). Ce dernier a considéré dans des avis des 10 septembre et 14 novembre 2022, sous la plume du docteur C______, que l'assuré souffrait d'un kératocône bilatéral congénital avec une vision limitée qui, au fil du temps, allait en s'aggravant. Il se trouvait en incapacité de travail totale dans son activité habituelle. Une capacité de travail jusqu'à 50% dans une activité adaptée a été retenue. L'atteinte existait avant son arrivée en Suisse et une aggravation de son acuité visuelle a été située en février 2021.

B. a. Par projet de décision du 6 janvier 2023, l'OAI a envisagé de refuser l'octroi d'une rente AI, motif pris que l'assuré ne remplissait pas les conditions d'assurance. Le statut de l'assuré correspondait à celui d'une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle. Ont été retenues une incapacité de travail de 100% dans toute activité depuis le mois de février 2021 et une incapacité de gain de 100% au terme du délai d'attente d'un an, soit au mois de février 2022. Toutefois, l'assuré ne comptabilisait pas trois années au moins de cotisations au moment de la survenance de l'invalidité en février 2022, de sorte qu'un droit à la rente ordinaire d'invalidité ne pouvait pas lui être reconnu.

b. Par courrier du 27 janvier 2023, l'assuré a contesté ce projet de décision, en mentionnant qu'une convention bilatérale entre la Suisse et la Turquie prévoyait que les ressortissants turcs avaient droit aux rentes ordinaires de l'AI aux mêmes conditions que les ressortissants suisses et que les périodes de cotisations accomplies en Turquie devaient être comptabilisées comme des périodes de cotisations suisses. Ayant travaillé en Turquie, il avait donc cotisé au moins pendant trois ans.

À l'appui de ce courrier, l'assuré a produit un document de l'institution de sécurité sociale de la Turquie dans sa traduction française. Sous l'intitulé « décompte des semestres (institution de sécurité sociale) », il était mentionné que l'assuré avait comptabilisé 1'482 jours de paiement de « prime à long terme » et 780 jours de paiement de « prime ».

c. Par courrier du 9 février 2023, l'OAI a indiqué à l'assuré devoir procéder à un nouvel examen du dossier au vu des éléments soulevés dans sa contestation.

d. Dans le cadre de l’instruction complémentaire, l'OAI a adressé un courrier daté du 20 février 2023 à l'assuré le priant de compléter le formulaire E207 afin de comptabiliser les périodes de cotisations accomplies hors de la Suisse.

e. L'assuré a renvoyé à l'OAI ledit formulaire signé et daté du 2 mars 2023 contenant toutes les périodes de cotisations accomplies en Turquie entre 2007 et 2019.

f. Dans l'intervalle, soit le 28 février 2023, l'OAI a adressé une demande de renseignements aux autorités compétentes turques afin de connaître les périodes d'assurance accomplies par l'assuré selon la législation turque.

g. En réponse à cette demande, les autorités turques ont transmis à la caisse suisse de compensation de Genève les renseignements requis sur l'assuré dans un document daté du « 16 mars 2022 » (sic) intitulé « convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Turquie, renseignements concernant la carrière d'assurance en Turquie ». Dans ce document, étaient indiquées les périodes d'assurance de l'assuré ainsi que les jours de cotisation comptabilisés au nombre de 2'232 entre le 1er février 2007 et le 12 mars 2019.

h. Par décision du 19 avril 2023, l'OAI a maintenu son refus d'octroyer une rente AI, au motif que les conditions d'assurance n'étaient pas réunies, les périodes de cotisations accomplies en Turquie ne pouvant pas être comptabilisées. Compte tenu du statut de réfugié de l'assuré, un droit aux rentes AI existait aux mêmes conditions que les ressortissants suisses et il ne pouvait être tenu compte que des périodes de cotisations accomplies au sein d'un État de l'Union européenne
(ci-après : UE) ou de l'AELE, dont ne faisait pas partie la Turquie, conformément à la Circulaire sur la procédure pour la fixation des prestations dans l'AVS/AI/PC (ci-après : CIBIL).

C. a. Le 17 mai 2023, l'assuré, représenté par un conseil, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision du 19 avril 2023, concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité depuis le 1er mars 2022, sous suite de frais et dépens. Il a fait valoir que l'intimé avait omis d'appliquer la convention bilatérale de sécurité sociale entre la Suisse et la Turquie. L'application de cette convention permettait de tenir compte des périodes de cotisations en Turquie, de sorte qu'il remplissait la période de cotisations minimale et le droit à une rente d'invalidité entière devait lui être reconnu.

b. L'intimé a répondu le 15 juin 2023, concluant au rejet du recours et à la confirmation de la décision du 19 avril 2023. La condition de la durée minimale de cotisations n'était pas remplie au moment de la survenance de l'invalidité du recourant. Au vu de la qualité de réfugié de ce dernier, il n'était pas soumis à la convention bilatérale entre la Suisse et la Turquie. En tout état de cause, les dispositions de la convention bilatérale ne s'appliquaient pas pour déterminer l'ouverture du droit à la rente en Suisse mais uniquement pour le calcul du montant de la rente.

c. Par réplique du 5 juillet 2023, le recourant a conclu au maintien du recours. Il a relevé que la convention bilatérale entre la Suisse et la Turquie devait être interprétée à la lumière de l'arrangement administratif concernant les modalités d'application de ladite convention, dont les dispositions permettaient de considérer que les périodes de cotisations accomplies en Turquie devaient être prises en compte pour l'ouverture du droit à la rente ordinaire AI en Suisse et non uniquement pour le calcul du montant de ladite rente.

d. Par duplique du 19 juillet 2023, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

En l'occurrence, un éventuel droit à une rente d'invalidité naîtrait en mars 2022, dès lors que la demande de prestations du recourant a été déposée le 10 septembre 2021 et que l'intimé lui a reconnu une incapacité de travail complète dans toute activité depuis le mois de février 2021 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI).

Par conséquent, les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimé du 19 avril 2023 de nier le droit du recourant à une rente d'invalidité, au motif qu'il ne remplit pas les conditions d'assurance.

6.              

6.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAI, les ressortissants suisses et étrangers ainsi que les apatrides ont droit aux prestations conformément aux dispositions ci-après.
L'art. 39 est réservé.

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAI relatif aux conditions d’assurance, les étrangers ont droit aux prestations, sous réserve de l’art. 9, al. 3, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s’ils comptent, lors de la survenance de l’invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse. Aucune prestation n’est allouée aux proches de ces étrangers s’ils sont domiciliés hors de Suisse.

6.2 Selon l'art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l'assuré qui, lors de la survenance de l'invalidité, compte trois années au moins de cotisations.

L'art. 36 al. 2 LAI prévoit que les dispositions de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10) sont applicables par analogie au calcul des rentes ordinaires. Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions complémentaires.

Selon l'art. 32 RAI, les art. 50 à 53bis du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) sont applicables par analogie aux rentes ordinaires de l’assurance-invalidité. Au lieu d’établir des tables de rentes, l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) peut édicter des prescriptions relatives au calcul du montant de la rente.

Aux termes de l'art. 50 RAVS, applicable à la fixation de la durée minimale de cotisations selon les art. 36 al. 2 LAI et 32 al. 1 RAI (cf. ATF 125 V 253), une année de cotisations est entière lorsqu'une personne a été assurée au sens des
art. 1a ou 2 LAVS pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps-là, soit elle a versé la cotisation minimale (cf. art. 29ter al. 2 let. a LAVS), soit son conjoint au sens de l’art. 3 al. 3 LAVS a versé au moins le double de la cotisation minimale (cf. art. 29ter al. 2 let. b LAVS), soit elle peut se prévaloir des périodes pour lesquelles des bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance peuvent être prises en compte (cf. art. 29ter al. 2 let. c LAVS).

Les trois années de cotisation selon l'art. 36 al. 1 LAI impliquent en principe des cotisations à l'assurance sociale suisse, respectivement une affiliation à l'AI suisse (cf. ATF 119 V 98 consid. 3).

6.3 La condition de l'année entière de cotisations de l'art. 6 al. 2 LAI ne concerne pas les rentes, dont les conditions d'octroi sont réglées à l'art. 36 al. 1 LAI. Le droit à une rente ordinaire de l'assurance AI n'est ouvert que si l'assuré compte au moins trois ans de cotisations au moment de la survenance de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_237/2020 du 23 juillet 2020 consid. 5.1 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI), Bâle, 2018, n. 15 ad art. 6 LAI).

Dans le cadre de la 5e révision de la LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2008, le législateur a porté la durée minimale de cotisations selon l'art. 36 LAI, qui était jusqu'alors d'une année, à trois ans. Le but était d'éviter que des personnes s'annoncent à l'AI après seulement un an de séjour en Suisse (FF 2005 4215, p. 4291, ch. 1.6.1.7).

La date de la réalisation du cas d'assurance, soit de la survenance de l'invalidité, est déterminante pour savoir si la durée minimale de cotisations est remplie (VALTERIO, op. cit., n. 2 ad art. 36 LAI).

6.4 Demeurent toutefois réservées les dispositions dérogatoires des conventions bilatérales de sécurité sociales conclues par la Suisse avec un certain nombre d'États pour leurs ressortissants respectifs ainsi que l'arrêté fédéral du 4 octobre 1962 concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l'assurance-vieillesse et survivants et dans l'assurance-invalidité du 4 octobre 1962 (ARéf –RS 831.131.11 ;VALTERIO, op. cit., n. 5 ad art. 6 LAI).

6.5 Dans sa circulaire sur l'invalidité et les rentes dans l'assurance-invalidité
(ci-après : CIRAI ; état au 1er janvier 2024), l'OFAS indique que les périodes d’assurance éventuelles accomplies dans un État de l’UE ou de l’AELE, ou dans un État avec lequel la Suisse a conclu une convention de sécurité sociale, doivent être prises en compte. Dans ces cas, l’assuré doit avoir cotisé en Suisse durant une année au moins. Certaines conventions de sécurité sociale prévoient que les périodes d’assurance accomplies dans des États tiers puissent également être prises en compte dans le calcul de la durée minimale de cotisation requise si la Suisse a conclu avec ces États une convention prévoyant la prise en compte de telles périodes pour l’octroi de prestations de l’AI (CIRAI, n. 2101).

7.              

7.1 En vertu de l'art. 24 ch. 1 let. b de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30), les États contractants accordent aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement qu'aux nationaux notamment en ce qui concerne la sécurité sociale (en particulier les dispositions légales relatives à l'invalidité), sous certaines réserves prévues aux lettres i et ii. Ces dispositions sont directement applicables en droit interne (self-executing) à partir de la date de reconnaissance du statut de réfugié mais pas rétroactivement (ATF 136 V 33 consid. 3.2.1 et les références).

Au vu de la Convention relative au statut des réfugiés, le législateur a édicté l'ARéf sur la base de l'art. 34quater aCst (actuellement l'art. 112 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] ;
ATF 136 V 33 consid. 3.2.2).

À son art. 1 al. 1, l'ARéf prévoit que les réfugiés qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit aux rentes ordinaires de l'assurance-vieillesse et survivants, ainsi qu'aux rentes ordinaires et aux allocations pour impotents de l'assurance-invalidité aux mêmes conditions que les ressortissants suisses. Toute personne pour laquelle une rente est octroyée doit personnellement satisfaire à l'exigence du domicile et de la résidence habituelle en Suisse.

7.2 La Suisse a conclu une convention de sécurité sociale avec la Turquie (Convention de sécurité sociale entre la Suisse et la République de Turquie du 1er mai 1969 – RS 0.831.109.763.1 [ci-après : Convention avec la Turquie]).

Celle-ci prévoit à son art. 1 par. 1 al. B let. b qu'elle s'applique en Suisse à la législation fédérale sur l'assurance-invalidité.

Selon l'art. 2 par. 1 de ladite convention, sous réserve de ses dispositions contraires et de son Protocole final, les ressortissants de l'une des Parties contractantes ainsi que les membres de leur famille et les survivants dont les droits dérivent desdits ressortissants sont soumis aux obligations et admis au bénéfice de la législation de l'autre Partie dans les mêmes conditions que les ressortissants de cette Partie.

L'art. 10 par. 1 prévoit que les ressortissants turcs ont droit aux rentes ordinaires et aux allocations pour impotents de l'assurance-invalidité suisse, sous réserve des par. 2 et 3, aux mêmes conditions que les ressortissants suisses.

Le par. 3 mentionne que pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base au calcul de la rente ordinaire de l'assurance-invalidité suisse due à un ressortissant turc ou suisse, les périodes de cotisations accomplies selon les dispositions légales turques sont prises en compte comme des périodes de cotisations suisses en tant qu'elles ne se superposent pas à ces dernières. Pour ladite prise en compte, 30 jours de cotisations accomplis selon la législation turque visées à l'article premier, paragraphe premier, alinéa A, lettre a) sont considérés comme équivalents à un mois de cotisations accompli selon la législation suisse. Seules les périodes de cotisations suisses sont prises en considération pour déterminer le salaire annuel moyen.

Les dispositions de la Convention avec la Turquie ont en général un caractère directement applicable (self-executing ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_873/2012 du 25 février 2013 consid. 4.2.1).

7.3 Quant à l'Arrangement administratif du 14 janvier 1970 concernant les modalités d'application de la convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et la République de Turquie le 1er mai 1969 (RS 0.831.109.763.11
[ci-après: arrangement administratif avec la Turquie]), celui-ci traite à son chapitre 2 le domaine de l'invalidité et plus précisément à son titre I « des ressortissants turcs pouvant prétendre à une rente de l'assurance-invalidité suisse ou bénéficiant d'une telle prestation ». Sous ce titre, l'art. 19 indique qu'aux fins d'application de l'art. 10 par. 3 de la Convention, l'Institut ou la Caisse de retraite communique sur demande de la Caisse suisse les périodes de cotisations que le requérant a accomplies selon la législation turque et qui seraient prises en considération pour l'ouverture du droit et le calcul de la pension d'invalidité selon cette législation.

7.4 Aux termes de l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités suisses sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international. Ni l’art. 190 Cst., ni l’art. 5 al. 4 Cst. n’instaure de rang hiérarchique entre les normes de droit international et celles de droit interne. Selon la jurisprudence, en cas de conflit, les normes du droit international qui lient la Suisse priment en principe celles du droit interne qui lui sont contraires, à moins que le législateur ait consciemment voulu s'en écarter par une règle de droit interne (ATF 146 V 87 consid. 8.2.2 et les références).

8.              

8.1 Dans un premier temps, dans sa décision litigieuse, l'intimé a nié le droit du recourant à l'obtention d'une rente AI, considérant qu'au regard de son statut de réfugié, il ne pouvait être tenu compte que des périodes de cotisations accomplies au sein d'un État de l'UE ou de l'AELE, conformément à la CIBIL, condition qui n'était pas remplie par le recourant.

Dans un second temps, l'intimé a indiqué dans sa réponse du 15 juin 2023 maintenir sa position, au motif que l'ARéf devait s'appliquer et non la Convention avec la Turquie, de sorte qu'il ne pouvait être tenu compte de la période de cotisations du recourant dans son pays d'origine. Par conséquent, il ne comptabilisait pas les conditions d'assurance pour prétendre à une rente d'invalidité.

8.2 Le recourant, quant à lui, estime remplir les conditions d'assurance, dans la mesure où la convention bilatérale s'applique en vertu du principe de la primauté du droit international, ce qui permet de comptabiliser les années cotisées en Turquie.

9.             À titre liminaire, il convient de soulever qu'il n'est pas contesté par les parties que le recourant présente, en raison de ses atteintes, une incapacité de travail totale dans toute activité à compter de février 2021. Les parties n'ont pas non plus contesté le moment de la survenance de l'invalidité, qui a été fixée par l'intimé au mois de février 2022, soit après le délai d'attente d'une année à compter du début de l'incapacité de travail (cf. art. 28 al. 1 LAI ; CIRAI, n. 1203 ss). Compte tenu des éléments versés au dossier, cette question n'a pas lieu d'être mise en doute.

S'agissant du droit applicable, le recourant est un ressortissant turc et la Suisse lui a reconnu le statut de réfugié par décision du 27 mai 2021.

Partant, la Convention avec la Turquie ainsi que son arrangement administratif s'appliquent au recourant. Il en va de même de l'ARéf auquel il est soumis à partir du moment où il s'est vu reconnaître le statut de réfugié.

Selon l'ARéf, le recourant, qui est domicilié en Suisse et qui s'est vu attribuer le statut de réfugié, a droit à la rente AI aux mêmes conditions que les ressortissants suisses.

De la même manière, au regard de la Convention avec la Turquie, en tant que ressortissant turc, le recourant a droit aux rentes ordinaires de l'AI suisse aux mêmes conditions que les ressortissants suisses.

En vertu du principe de l'égalité de traitement avec les ressortissants suisses prévu par ces deux textes, le recourant est soumis aux conditions du droit interne suisse en ce qui concerne le droit à la rente AI ordinaire. Par conséquent, pour se voir octroyer une rente AI, il doit avoir cotisé pendant une période d'au moins trois ans au moment de la survenance de l'invalidité, conformément à l'art. 36 al. 1 LAI.

À cet égard, il n'est pas contesté que le recourant ne comptabilise pas trois années de cotisations en Suisse au moment de la survenance de son invalidité en février 2022. Il invoque toutefois la Convention avec la Turquie, singulièrement son
art. 10 par. 3, laquelle permettrait de faire valoir les périodes de cotisations accomplies dans son pays d'origine afin de totaliser la période de cotisations de trois ans exigée par l'art. 36 al. 1 LAI.

Dès lors, se pose la question de savoir si le recourant peut exiger que les périodes de cotisations accomplies dans son pays d'origine soient prises en considération en vertu de la Convention avec la Turquie, et notamment de son art. 10 par. 3, afin de se voir octroyer une rente AI ordinaire.

10.          

10.1 À cet égard, il convient d'interpréter cette disposition à la lumière des règles d'interprétation des accords internationaux.

10.1.1 À titre liminaire, il convient de rappeler que l'interprétation d'une convention internationale de sécurité sociale doit se fonder en premier lieu sur le texte même de cette convention. Si ce texte semble clair et que sa signification, telle qu'elle résulte du langage courant ainsi que de l'objet et du but de la convention, n’apparaît pas comme manifestement absurde, une interprétation extensive ou restrictive s'écartant du texte même n'entre en ligne de compte que si l'on peut déduire avec certitude du contexte ou de la genèse de cette disposition que l'expression de la volonté des parties à la convention est inexacte. Dans ce cadre, le Tribunal fédéral considérait que les notions auxquelles faisait appel une convention de sécurité sociale, qui déterminaient le droit à des prestations d'une institution d'assurance suisse, devaient être interprétées selon les conceptions suisses, c'est-à-dire d'après le droit national (ATF 112 V 145 consid. 2a). Le Tribunal fédéral a cependant relativisé cette jurisprudence eu égard à l’entrée en vigueur en juin 1990 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV – RS 0.111). Conformément aux principes généraux d’interprétation des traités ancrés aux art. 31 à 33 de cette convention, il convient en premier lieu de rechercher la définition autonome d’une disposition conventionnelle. Ce n’est que si l’interprétation d’un traité dans les règles de l’art ne permet pas de dégager une réglementation expresse ou tacite d’une question donnée qu’il est admissible de se référer à titre subsidiaire aux notions et conceptions du droit national pour l’interprétation de la norme (ATAS/495/2916 du 23 juin 2016 consid. 10c).

10.1.2 Tout d'abord, l'art. 10 par. 1 de la Convention avec la Turquie expose que, pour les conditions d'octroi d'une rente AI ordinaire en Suisse, il convient d'appliquer le principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants suisses et turcs, conformément à l'art. 2 par. 1 de ladite convention. Ainsi, un ressortissant turc doit remplir les mêmes conditions qu'un ressortissant suisse.

Au moment de la ratification de la Convention avec la Turquie en 1969, la législation suisse contenait des discriminations sévères entre les ressortissants suisses et étrangers, notamment en matière d'octroi de rente AI. Alors que les Suisses avaient droit aux rentes ordinaires AI après un an de cotisations en Suisse (selon l'ancienne teneur de l'art. 36 al. 1 LAI), les ressortissants étrangers devaient présenter dix années entières de cotisations au moins ou quinze années ininterrompues de domicile en Suisse. Par conséquent, les conventions de sécurité sociale tendaient à instaurer une égalité de traitement entre les ressortissants des pays contractants (cf. Pierre-Yves GREBER, Droit suisse de la sécurité sociale, 1982, p. 114).

Par conséquent, l'art. 10 par. 1 de la Convention avec la Turquie a pour but de permettre aux ressortissants turcs de pouvoir invoquer la même période de cotisations en Suisse que les ressortissants suisses, et non plus les conditions de durée minimale de cotisations ou de domicile de dix, respectivement quinze ans, initialement prévues dans le droit national.

10.1.3 Ensuite, l'art. 10 par. 3 de la Convention avec la Turquie règle la question des périodes de cotisations prises en compte dans le cadre du calcul de la rente ordinaire AI suisse due à un ressortissant turc. Tel qu'expressément mentionné dans cette disposition, la rente est calculée sur la base des cotisations suisses et turques.

Le message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l'Espagne et la Turquie du 12 novembre 1969, expose l'objet et le but de cette disposition de façon plus précise. Le Conseil fédéral a ainsi expliqué que « dans le domaine de l'assurance-invalidité, les conventions avec l'Espagne et la Turquie s'écartent sensiblement de la ligne adoptée dans tous les accords bilatéraux récents conclus par la Suisse. Ces modifications concernent principalement les cas d'invalidité qui surviennent après que l'intéressé a transféré sa résidence d'un État contractant dans l'autre. […] les conventions bilatérales conclues jusqu'à ce jour, notamment celles qui nous lient aux États limitrophes, prévoient que l'invalide reçoit, lorsqu'il remplit les conditions prescrites, une rente partielle versée par l'assurance de chacun des deux États et calculée au prorata des périodes accomplies dans chacune de ces assurances. Lorsque les systèmes d'assurance des deux États contractants se ressemblent fortement, cette méthode permet de répartir d'une manière satisfaisante la charge des rentes d'invalidité entre les institutions d'assurance intéressées. Les expériences qui ont été faites jusqu'ici dans l'application de cette réglementation ont toutefois révélé que l'exécution pratique de ces dispositions peut soulever des difficultés considérables et surcharger l'administration qui en assume la gestion. […] Au vu de ces circonstances, il a été convenu avec l'Espagne et la Turquie que les prestations seraient réglées en cas d'invalidité selon le principe de l'assurance-risque pure. En application de ce principe, l'assurance à laquelle la personne protégée est affiliée lors de la survenance de l'éventualité assurée, alloue la totalité des prestations correspondantes, c'est-à-dire en tenant compte de toutes les périodes d'assurance accomplies dans l'autre État contractant. Cette solution a des avantages évidents. Du point de vue des institutions d'assurance, la constatation de l'invalidité s'effectue toujours sur le territoire national et selon les mêmes règles pour tous les assurés. En général, des rapports médicaux ou administratifs étrangers ne sont pas nécessaires. L'assuré bénéficie des prestations prévues dans le pays de sa résidence, mais les périodes d'assurance qu'il a accomplies dans l'autre État contractant sont prises en considération pour le calcul de sa prestation. Si, plus tard, il retourne dans l'autre État, les rentes continuent à lui être versées. C'est dans cette conception que s'inspirent les dispositions des deux conventions relatives à l'assurance-invalidité (conv. E. art. 9 ; conv. TR, art. 10). Les ressortissants espagnols et turcs acquièrent un droit à la rente ordinaire d'invalidité, comme les ressortissants suisses, après avoir payé des cotisations pendant une seule année s'ils sont assurés lors de la survenance de l'invalidité [ancienne teneur de l'art. 36 al. 1 LAI, aujourd'hui la durée de cotisations s'élève à trois ans] […]. Pour le calcul de la rente, les périodes d'assurance espagnoles ou les périodes d'assurance turques sont ajoutées aux périodes d'assurance suisses. Si l'on excepte le cas particulier du Liechtenstein, c'est la première fois que l'assurance suisse totalise des périodes d'assurance étrangère, aux fins de déterminer la durée globale d'affiliation à l'assurance » (FF 1969 II 1425, pp. 1440 - 1441).

Il ressort du texte de l'art. 10 par. 3 de la Convention avec la Turquie que le but de cette disposition est de régler le montant de la rente uniquement. En effet, l'article mentionne les périodes devant être prises en compte pour calculer la rente ordinaire AI suisse « due à un ressortissant suisse ou turc », soit pour lequel un droit à une rente a été reconnu.

Cette considération ressort également de l’exposé du Conseil fédéral dans son message du 12 novembre 1969. Selon ce message, l'art. 10 par. 3 de la Convention avec la Turquie est l'expression même du régime spécial de l'assurance-risque pure, qui est une caractéristique des conventions bilatérales dites de « type A » et qui gouverne l'assurance-invalidité (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4850/2019 du 17 mai 2023 consid. 10.2 ; RCC 1982, p. 341). Cette disposition a pour but de permettre à l'assuré de percevoir une seule rente d'invalidité servie par l'assureur auprès duquel il était affilié au moment de la survenance de l'invalidité conformément au principe d'assurance-risque pure. Cette rente est alors calculée sur la base des cotisations suisses et turques. Ainsi, l'on comprend que ce n'est que pour le calcul de la rente que les cotisations accomplies en Turquie sont comptabilisées.

Il n'est par ailleurs pas précisé ni dans le texte de la loi ni dans le message du Conseil fédéral que des périodes de cotisations en Turquie peuvent être reconnues au sens de l'art. 36 al. 1 LAI ou de dispositions similaires en vigueur.

10.1.4 Conformément à l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, conclu le 21 juin 1999 (ci-après : ALCP ; RS 0.142.112.681), une coordination des systèmes de sécurité sociale a été mise en place entre la Suisse et les États membres de l'UE.

Ainsi, dans le cadre du calcul du droit à une rente AI en Suisse, les ressortissants des pays de l'UE peuvent comptabiliser des périodes de cotisations au sein d'un État de l'UE ou AELE lorsque la durée minimale de trois ans de cotisations dans l'AI n'est pas remplie au moyen des périodes d'assurance suisse (cf. notamment l'art. 6 Règlement CE n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale – RS 0.831.109.268.1 ; CIBIL, n. 3005).

À cet égard, dans son message du 22 juin 2005 concernant la modification de la LAI suite à sa 5e révision, lors de laquelle la durée minimale de cotisations pour avoir le droit à une rente ordinaire AI a été portée à trois ans, le Conseil fédéral a indiqué que « (…) cette mesure ne prive pas de tout droit aux prestations les personnes dont la durée de cotisation est inférieure à trois ans. Les ressortissants étrangers ont le même droit aux rentes ordinaires que les ressortissants suisses. Environ 90% des étrangers proviennent d’un État contractant, les deux tiers d’entre eux étant des ressortissants d’États membres de l’Union européenne. Si l’on allonge la durée minimale de cotisation en Suisse, il faut, pour calculer le droit à la rente des ressortissants d’un État membre de l’UE, tenir compte des périodes de cotisation à l’étranger (art. 45 Règlement 1408/71 [aujourd'hui remplacé par le Règlement n° 883/2004 du Parlement européen, modifié par le Règlement 988/2009]). Il en va de même pour les ressortissants des États de l’AELE. Une telle réglementation n’existe pas pour les ressortissants des autres États contractants (soit hors UE et AELE) en raison de la durée minimale de cotisation actuelle, qui est courte. Cependant, les conventions passées avec ces pays prévoient la prise en compte des cotisations en Suisse pour le calcul du droit aux rentes servies par l’État cocontractant. Ces pays n’accepteront sans doute pas une telle discrimination et déposeront des demandes de révision » (FF 2005 4291, ch.1.6.1.7).

S'il est expressément prévu pour les ressortissants des pays de l'UE et de l'AELE que des périodes de cotisations à l'étranger puissent être comptabilisées pour déterminer le droit à la rente AI en Suisse, il n'existe en revanche pas de telle règlementation pour les ressortissants des autres États contractants hors UE et AELE, à moins qu'une convention ne le prévoit expressément. Le Conseil fédéral semblait s'attendre à ce que ces pays n'acceptent pas une telle discrimination et déposent des demandes de révision des conventions, ce que la Turquie n’a pas fait.

L'OFAS a d'ailleurs précisé, dans une formulation pouvant prêter à confusion, que les périodes d'assurance accomplies dans des États tiers peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée minimale de cotisation requise à condition que la Suisse ait conclu avec ces États une convention de sécurité sociale prévoyant la prise en compte de telles périodes pour l'octroi de prestations AI (cf. CIRAI,
n. 2101). Ainsi, s'il existe une convention bilatérale de sécurité sociale qui ne prévoit pas expressément la comptabilisation de ces périodes, celles-ci ne seront pas prises en compte pour déterminer le droit à la rente AI en Suisse.

10.1.5 Dans un arrêt préalable à l'introduction de l'ALCP, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la question de la prise en considération des périodes d'assurance accomplies en Espagne par une ressortissante espagnole dans le cadre de sa demande de rente ordinaire basé sur l'art. 9 de la Convention avec l'Espagne (qui a la même teneur que l'art. 10 de la Convention avec la Turquie – cf. FF 1969 II 1425, pp. 1425 et 1441). Il a conclu que cette disposition, caractéristique d'une convention bilatérale de sécurité sociale de type « A », soit fondée sur le principe de l'assurance-risque pur, concerne uniquement le calcul de la rente et non pas la condition de base du droit à une rente ordinaire. Il n'est dès lors pas possible d'imputer sur la durée minimale de cotisations requises par l'art. 36 al. 1 LAI les périodes d'assurance accomplies en Espagne par un ressortissant espagnol ou suisse (ATF 110 V 278 consid. 1b).

10.2 Au vu des développements qui précèdent, il convient d'interpréter l'art. 10 par. 3 de la Convention avec la Turquie en ce sens que les périodes de cotisations accomplies en Turquie doivent, à certaines conditions, être prises en compte exclusivement dans le calcul de la rente ordinaire AI suisse due à un ressortissant turc ou suisse et non pas pour déterminer si la condition relative à la durée minimale de trois ans de cotisation, au sens de l'art. 36 al. 1 LAI, est remplie.

En effet, le but de l'art. 10 par. 3 de la Convention avec la Turquie vise uniquement à permettre à des ressortissants turcs ou suisses qui remplissent déjà les conditions de cotisation minimale du droit interne suisse de faire valoir les périodes de cotisations accomplies en Turquie aux fins du calcul du montant de leur rente. Cette disposition ne peut pas être lue comme permettant d'imputer les périodes de cotisations en Turquie sur la durée minimale de cotisations de
l'art. 36 al. 1 LAI. Si une telle imputation avait été considérée, la disposition de l'art. 10 par. 3 de la Convention avec la Turquie aurait été formulée différemment, comme cela a été le cas pour les ressortissants des pays de l'UE et de l'AELE.

Pour les ressortissants des pays de l'UE, le système d'imputation des périodes de cotisations à l'étranger dans la durée minimale exigée par le droit interne suisse a été prévu expressément par les règlements en vigueur suite à l'introduction de l'ALCP et de son système de coordination de la sécurité sociale entre les pays de l'UE. Une telle prise en compte des cotisations versées en Turquie n'est en revanche pas prévue par la Convention avec la Turquie dans le cas de la détermination du droit à une rente AI en Suisse.

C'est également dans ce sens qu'il faut comprendre l'art. 19 de l'arrangement administratif lorsqu'il mentionne que les organes compétents de la Turquie communiquent à la caisse suisse les périodes de cotisations que le requérant a accomplies en Turquie et qui seraient prises en considération « pour l'ouverture du droit et le calcul de la pension d'invalidité ». En raison des éléments précités, on ne saurait interpréter cette disposition comme permettant d'imputer sur la durée minimale légale de cotisations les périodes d'assurance accomplies en Turquie. L'utilisation du terme « ouverture du droit » est certes maladroite, toutefois, il convient de relever que cet arrangement administratif ne règle que les modalités d'application de la Convention avec la Turquie et ne saurait s'écarter du texte clair de celle-ci.

Il n'est dès lors pas possible d'imputer sur la durée minimale de cotisations de trois ans exigée par l'art. 36 al. 1 LAI les périodes de cotisations accomplies en Turquie par un ressortissant turc qui demande l'octroi d'une rente AI en Suisse.

Par conséquent, le recourant ne peut pas se prévaloir des périodes de cotisations en Turquie.

11.         En l'espèce, vu ce qui précède, les périodes de cotisations acquittées en Turquie ne peuvent pas être prises en considération dans le cadre de l'art. 36 al. 1 LAI.

Le recourant, qui est arrivé en Suisse le 26 août 2020 et qui a déposé une demande de rente ordinaire AI le 10 septembre 2021, ne satisfait pas à la condition d'avoir versé trois années de cotisations avant la survenance de son invalidité en février 2022.

Il ne peut dès lors pas prétendre à une rente ordinaire AI dès le 1er mars 2022.

12.          

12.1 À titre subsidiaire, il convient d'examiner un éventuel droit du recourant à une rente extraordinaire.

12.1.1 À teneur de l'art. 39 al. 1 LAI, le droit des ressortissants suisses aux rentes extraordinaires est déterminé par les dispositions de la LAVS. Selon l'al. 3, ont aussi droit à une rente extraordinaire les invalides étrangers et apatrides qui remplissaient comme enfants les conditions fixées à l'art. 9 al. 3 LAI.

12.1.2 L'art. 42 al. 1 LAVS prévoit que les ressortissants suisses qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une rente extraordinaire s’ils ont le même nombre d’années d’assurance que les personnes de leur classe d’âge, mais n’ont pas droit à une rente ordinaire parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation de verser des cotisations pendant une année entière au moins. Ce droit revient également à leurs survivants.

12.1.3 Le droit à une rente extraordinaire est également ouvert à certaines catégories d'étrangers, à des conditions parfois différentes.

Les ressortissants d'États avec lesquels la Suisse a conclu une convention bilatérale de sécurité sociale qui remplissent les conditions de l'art. 39 al. 1 LAI ont droit, pour autant que les conventions le prévoient, aux rentes extraordinaires de l'AI si, au moment du dépôt de la demande, ils comptent une durée minimale de résidence en Suisse (délai de carence en général de cinq ans ; VALTERIO,
op. cit., n. 5 ad art. 39 LAI ; CIRAI, n. 2104 ).

L'art. 2 al. 2 ARéf expose que les réfugiés qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit aux rentes extraordinaires de l'assurance-vieillesse et survivants, ainsi que de l'assurance-invalidité, aux mêmes conditions que les ressortissants suisses si, immédiatement avant la date à partir de laquelle ils demandent la rente, ils ont résidé en Suisse d'une manière ininterrompue pendant cinq années.

L'art. 11 de la Convention avec la Turquie prévoit que les ressortissants turcs ont droit aux rentes extraordinaires de l'assurance-invalidité, vieillesse et survivants suisse aux mêmes conditions que les ressortissants suisses aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile en Suisse et si, immédiatement avant la date à partir de laquelle ils demandent la rente, ils ont résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant dix années au moins lorsqu'il s'agit d'une rente de vieillesse et pendant cinq années au moins lorsqu'il s'agit d'une rente de survivants, d'une rente d'invalidité ou d'une rente de vieillesse venant se substituer à ces deux prestations.

12.2 En l'espèce, les conditions pour une rente extraordinaire dès le 1er mars 2022 ne sont pas davantage remplies. Bien que le recourant réside en Suisse de manière ininterrompue depuis le 26 août 2020, il ne remplit pas le délai de carence de cinq années à la date déterminante du dépôt de sa demande de rente, contrairement à ce qu'exigent l'art. 1 al. 2 ARéf et l'art. 11 de la Convention avec la Turquie.

13.         Compte tenu de ce qui précède, le recours est rejeté et la décision attaquée confirmée.

14.         Un émolument de CHF 200.- est mis à la charge du recourant, qui n'obtient pas gain de cause (art. 69 al. 1bis LAI).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le