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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4362/2022

ATAS/208/2024 du 28.03.2024 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4362/2022 ATAS/208/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2024

 

En la cause

A______ et B______

représentées par Me Aliénor WINIGER, avocate

 

demanderesses

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENÈVE (CPEG)

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. C______, née le ______ 1961 et décédée le ______ 2021 (ci-après : l’assurée ou la défunte), était la sœur d'A______, B______, nées respectivement les ______ 1956 et ______ 1959 (ci-après : les demanderesses) et de D______, née le ______ 1964.

b. Par testament, l’assurée, qui n’avait ni conjoint, ni enfant, a institué héritières ses deux sœurs aînées, soit A______ et B______.

c. Employée par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en tant que commise administrative à 80% depuis le 1er août 1981, l’assurée a été affiliée à la CAISSE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS MÉDICAUX DU CANTON DE GENÈVE puis à la CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L’ÉTAT DE GENÈVE (ci-après : CPEG ou défenderesse), ensuite de fusion.

d. Le 24 octobre 2008, l’assurée a effectué un retrait anticipé de prestations de prévoyance d’un montant de CHF 216’201.80 qu’elle a intégralement remboursé par virement bancaire, le 18 juin 2020.

e. Dès le 1er avril 2019, l’assurée a été en incapacité de travail complète durable pour cause de maladie. En lieu et place de son salaire, l’assurée a reçu, dès cette date, une indemnité pour incapacité de travail versée par son employeur, conformément aux statuts du personnel des HUG.

f. Le 27 novembre 2019, l’assurée a demandé l’octroi d’une rente d’invalidité à l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI).

g. Par courrier du 28 juillet 2020, son employeur lui a indiqué que son droit aux prestations en cas de maladie prendrait fin le 21 avril 2021.

h. Le 20 octobre 2020, l’OAI a octroyé une rente entière d’invalidité à l’assurée en raison d’un taux d’invalidité de 80% avec effet au 1er mai 2020 (soit après un an d’incapacité durable). L’OAI a reconnu que l’assurée, dont le statut était celui d’une personne active à 80%, était en incapacité totale de travail dès le 1er avril 2019 (début du délai d’attente) et que son incapacité de gain était entière dès le 1er avril 2020 (après le délai d’attente). L’assurée n’ayant déposé sa demande qu’en date du 27 novembre 2019, elle ne pouvait prétendre à une rente qu’après l’échéance du délai de six mois prévu par la loi, soit dès le 1er mai 2020.

i. L’employeur de l’assurée a adressé à la défenderesse, par pli du 27 janvier 2021, tous les documents relatifs à une demande de prestations provisoires et lui a indiqué qu’il y avait une décision « de rente AI du 20.10.2020 ». La fin du droit au salaire de l’employeur arrivait à échéance le 21 avril 2021, selon le formulaire rempli par ce dernier et annexé audit pli. L’employeur restait en effet tenu de lui verser une indemnité pour incapacité de travail jusqu’au 21 avril 2021 conformément à son règlement.

j. La CPEG a refusé, le 15 février 2021, de verser des prestations à l’assurée au motif que l’OAI n’avait pas encore statué sur sa demande de rente d’invalidité, et l’a confirmé par courrier du 23 avril 2021, en précisant que l’assurée pourrait prétendre à des prestations provisoires si son droit aux indemnités de maladie était interrompu.

k. Le 24 février 2021, l’assurée est décédée des suites de sa maladie.

l. Le 3 mai 2021, l’une des sœurs de l’assurée a transmis à la CPEG le certificat d’héritiers de sa sœur.

m. Le 12 mai 2021, la CPEG a sollicité en sus du certificat d’héritiers, le certificat de décès, copie d’un accusé de réception de l’OAI d’une demande d’invalidité et de connaître la cause du décès.

n. Le 10 juillet 2021, les demanderesses ont écrit à la CPEG que leur sœur était décédée d’une maladie et qu’il n’y avait pas de demande de prestations d’invalidité en cours à l’OAI.

o. Le 30 octobre 2021, les demanderesses ont à nouveau sollicité la CPEG afin de connaître leurs droits en tant qu’héritières instituées.

p. Lors d’un entretien téléphonique subséquent, les sœurs de l’assurée ont été informées par la CPEG du fait qu’en raison de la décision de l’OAI qui reconnaissait que leur sœur était invalide, il n’existait pas de droit à un capital décès.

q. Sur demande de précision, la CPEG a, par courrier du 27 septembre 2022, indiqué aux demanderesses qu’une demande de prestations d’invalidité avait été déposée par leur défunte sœur et que l’OAI avait alloué à cette dernière une pleine rente par décision du 20 octobre 2020, en admettant l’invalidité dès le 1er mai 2020. De ce fait, la CPEG considérait que la défunte était un membre pensionné invalide au jour de son décès ce qui privait ses héritières de leur droit à un capital décès de la CPEG, seuls les proches d’un salarié pouvant prétendre à ce capital, sous certaines conditions. En outre, puisque l’assurée avait été reconnue invalide dès le mois de mai 2020, les héritières de la défunte ne pouvaient pas prétendre à une rente pour ces mois puisque la défunte percevait encore des indemnités pour incapacité de travail de son employeur. En revanche, les cotisations payées pour ces mois-ci, d’un montant de CHF 2’401.80, leur seraient remboursées.

r. La CPEG a établi un certificat d’assurance au 31 juillet 2020 ne mentionnant pas le remboursement de CHF 216’201.80.

B. a. Par acte du 22 décembre 2022, les demanderesses ont saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) d’une demande en paiement envers la CPEG. Elles concluent à ce que la CPEG produise un certificat d’assurance au 31 décembre 2020 avec mention du remboursement de CHF 216’201.80 et à la condamnation de la CPEG à leur verser un capital décès de CHF 361’761.60 avec intérêts à 5% l’an dès le 28 février 2021, sous suite de frais et dépens. Leur sœur décédée ne s’était pas vue reconnaître la qualité de membre pensionnée par la CPEG. Malgré le fait qu’elle avait été reconnue invalide par l’OAI, la demande de rente qu’elle avait adressée à la CPEG en février 2021 était incomplète et la CPEG avait refusé de verser des prestations provisoires. Leur défunte soeur faisait dès lors encore partie des membres salariés à son décès et recevait d’ailleurs toujours son salaire. En leur qualité d’héritières instituées, les demanderesses estimaient qu’elles avaient droit au capital décès. Enfin, même à considérer la défunte comme membre pensionnée, les demanderesses avaient droit au capital décès car le règlement de la CPEG, selon leur lecture de celui-ci, n’excluait pas ce droit en cas de décès d’un membre pensionné.

b. La CPEG a conclu, par acte du 2 février 2023, au rejet de la demande en paiement, sous suite de frais et dépens, pour les motifs déjà invoqués. Elle précisait qu’elle n’avait reçu la décision de l’OAI qu’en juin 2021. Il n’existait pas de droit au capital décès pour les proches des membres pensionnés, qu’ils aient été retraités ou invalides au moment du décès. En tous les cas, faute de clause bénéficiaire établie de son vivant par l’assurée, ce sont toutes ses sœurs qui auraient eu droit à une part du capital décès si celui-ci était dû, ce que la CPEG persistait à contester sur la base de l’interprétation de son règlement.

c. Par acte du 6 avril 2023, les demanderesses ont répliqué et persisté dans leurs conclusions.

d. Le 10 mai 2023, la CPEG a fait parvenir sa duplique par laquelle elle persistait dans ses conclusions.

e. Les demanderesses se sont encore déterminées le 31 mai 2023.

f. A la suite de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations
[CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP – RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) n’est pas applicable aux litiges en matière de prévoyance professionnelle (art. 2 LPGA). L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).

1.3 À teneur de l’art. 73 al. 2 LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite dans laquelle le juge constatera les faits d’office.

1.4 Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle, est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; RSG E 5 10) et plus particulièrement par les art. 89A et ss.

1.5 Déposée auprès de l’autorité compétente et dans la forme prévue à l’art. 89B LPA, la demande est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit des demanderesses au versement par la défenderesse d’un capital décès chiffré à CHF 361’761.60, avec intérêt à 5% l’an dès le décès de leur sœur, le 24 février 2021. La conclusion tendant à recevoir un certificat d’assurance est en revanche sans objet dans la mesure où ledit certificat, lequel est conforme à la demande, a été produit en cours d’instance.

2.1 Les demanderesses soutiennent dans un premier moyen de droit que l’assurée, bien que reconnue invalide par l’OAI aurait dû être considérée par la défenderesse comme une membre salariée aussi longtemps qu’elle ne percevait pas de prestations d’invalidité de cette dernière et non comme une membre pensionnée. Ainsi, son décès ouvrirait un droit à un capital décès pour ses sœurs héritières. Les demanderesses soutiennent à titre subsidiaire que même si l’on devait considérer que leur défunte sœur était une membre pensionnée à son décès, ce dernier ouvrirait néanmoins le droit au versement d’un capital décès, les proches d’une membre pensionnée pouvant prétendre à cette prestation selon leur interprétation du règlement de la caisse.

2.2 La défenderesse soutient à l’inverse que ses assurés sont considérés comme des membres pensionnés dès qu’ils sont reconnus invalides par l’OAI, même s’ils n’ont pas fait de demande de prestations auprès d’elle ou si lesdites prestations sont reconnues mais différées tant que les assurés bénéficient d’autres prestations, en particulier s’ils n’ont pas encore épuisé leur droit à des prestations de leur employeur ou de l’assurance perte de gain. Ces membres sortent du cercle des membres salariés, dont le décès donne droit à un capital décès, sous réserve des cas pour lesquels des prestations pour survivants sont dues (la rente pour conjoint survivant excluant le droit au capital décès).

3.              

3.1 La CPEG est une institution de prévoyance de droit public dite enveloppante, en ce sens qu’elle alloue à ses affiliés des prestations obligatoires et plus étendues (sur la notion d’institution de prévoyance enveloppante, voir ATF 140 V 169 consid. 6.1). Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP en matière d’organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient, pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid. 3.1 et les références).

La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l’art. 49 al. 2 LPP n’implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d’évaluation, elles doivent se conformer, dans l’application des critères retenus, aux conceptions de l’assurance sociale ou aux principes généraux (voir par exemple, en ce qui concerne la notion de l’invalidité, ATF 120 V 106 consid. 3c, ou en ce qui concerne la notion de l’événement assuré, arrêts du Tribunal fédéral des assurances B 31/03 du 23 janvier 2004 consid. 3; B 57/02 du 19 août 2003 consid. 3.3; B 40/93 du 22 juin 1995 consid. 4, in SVR 1995 LPP n° 43 p. 127). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d’une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d’assurance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_52/2020 du 1er février 2021 consid. 5.2.1, non publié in ATF 147 V 146).

3.2 La CPEG est fondée sur la loi instituant la Caisse de prévoyance de l’État de Genève du 14 septembre 2012 [LCPEG - B 5 22].

La caisse a pour but d’assurer le personnel de l’État de Genève ainsi que des autres employeurs affiliés contre les conséquences économiques de la retraite, de l’invalidité et du décès (art. 4 al. 1 LCPEG). Elle fixe les dispositions générales, communes et particulières s’appliquant aux prestations, dans le cadre du financement fixé par l’État (art. 22 LCPEG).

La caisse a ainsi adopté un règlement pour fixer lesdites dispositions. À teneur de l’art. 30 du règlement général de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève [RCPEG], dans sa teneur en vigueur le 28 février 2021, soit au moment du décès, le droit au capital décès naît lorsqu’un membre salarié décède, sans ouverture d’un droit à une prestation de conjoint survivant (al. 1). Le capital est égal aux versements effectués par le défunt, à l’exclusion des cotisations temporaires de l’art. 29 al. 2 let. c LCPEG, sans intérêts (al. 2). Le capital décès est attribué aux orphelins au sens de l’art. 28 du présent règlement, aux personnes à charge du défunt ou à la personne qui a formé avec ce dernier ou cette dernière une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès, dont l’existence a été communiquée préalablement à la Caisse par la remise à cette dernière d’une convention datée et signée, ou qui doit subvenir à l’entretien d’un ou de plusieurs enfants commun (let. a) ; à défaut des bénéficiaires prévus à la let. a : les enfants qui ne remplissent pas les conditions de l’art. 28, à défaut les parents, à défaut les frères et sœurs du défunt (let. b) ; à défaut des bénéficiaires prévus aux let. a et b : les autres héritières légales et héritiers légaux à l’exclusion des collectivités publiques (let. c ; al. 3).

Ni la LCPEG ni le règlement ne définissent la notion de « membre salarié ». La LCPEG opère toutefois une distinction entre les notions de « membre salarié » et de « membre pensionné ».

Les « membres salariés » sont prévus à l’art. 11 LCPEG, selon lequel l’assurance par la Caisse est obligatoire pour tous les membres salariés du personnel des employeurs affiliés (al. 1). La loi ou le règlement de la Caisse définit les catégories de personnes qui, pour des motifs particuliers, sont admises ou exclues de l’assurance, notamment en raison d’un engagement pour une durée limitée dans le temps (al. 2). Quant aux « membres pensionnés », il s’agit des retraités et des invalides selon l’art. 12 LCPEG.

3.3 La notion d’invalidité est définie à l’art. 32 RCPEG, en ce sens qu’il s’agit d’une atteinte durable à la santé physique ou mentale du membre salarié entraînant une incapacité partielle ou totale de remplir sa fonction ou toute autre fonction analogue au service de l’État ou d’une institution externe.

À teneur de l’art. 33 RCPEG, le membre salarié reconnu invalide par l’assurance-invalidité fédérale (AI) l’est également par la Caisse pour autant qu’il ait été assuré auprès de la Caisse lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité. Il l’est à concurrence du taux d’incapacité de travail durable constaté à la fin des rapports de service et de prévoyance. La pension est allouée à la demande de l’intéressé ou de l’employeur (al. 1). Le degré d’invalidité est celui reconnu par l’AI (al. 2). Son versement est différé jusqu’à la cessation du paiement du traitement ou l’épuisement des indemnités journalières en cas de maladie ou accident, pour autant que ces dernières représentent au moins 80% du salaire dont l’assuré est privé et qu’elles aient été financées au moins pour moitié par l’employeur (al. 3).

Le droit à la pension s’éteint dès la reprise d’activité ou à la fin du mois au cours duquel le bénéficiaire décède (art. 36 RCPEG).

L’art. 40 RCPEG précise que lorsque l’AI tarde à rendre sa décision, la Caisse peut verser des prestations provisoires équivalant à la pension d’invalidité de la Caisse, à l’exclusion de toute pension d’enfant. Si le compte individuel d’adaptation du membre salarié présente un solde, le montant des prestations provisoires est calculé conformément à l’art. 38 al. 2 du présent règlement (al. 1). Les prestations provisoires sont versées au plus tôt dès la fin du droit au traitement ou aux indemnités journalières qui en tiennent lieu (al. 2). Les prestations provisoires prennent fin à la date du préavis de l’AI si l’invalidité n’est pas reconnue, ou sont réduites au degré d’invalidité fixé dans le préavis de l’AI s’il est inférieur au degré d’invalidité retenu par la ou le médecin-conseil de la Caisse pour l’ouverture des prestations provisoires (al. 3). À réception de la décision AI, les pensions d’invalidité échues sont versées sous déduction du montant des prestations provisoires versées pour la même période (al. 4).

Pendant la durée de l’invalidité, le membre salarié et l’employeur sont libérés du paiement des cotisations à concurrence du degré d’invalidité (art. 42 RCPEG).

L’art. 75 RCPEG consacre l’obligation pour le membre salarié, pensionné ou leur ayant-droit de communiquer le cas d’invalidité à la caisse. En cas de violation de cette obligation, la caisse peut refuser de verser des prestations, à l’exception des prestations minimales (art. 76 RCPEG).

3.4 La CPEG s’est dotée d’une Directive d’application de l’invalidité et de l’invalidité réglementaire du 30 janvier 2014 (état au 13 janvier 2017), laquelle prévoit en son article 1, concernant la reconnaissance de l’invalidité selon l’AI (art. 33 RCPEG), ce qui suit : « L’administration procède à l’examen du dossier et vérifie qu’elle dispose de l’ensemble des documents requis et informations nécessaires, en particulier de la décision de l’AI. Elle peut demander toute information ou document complémentaire à la ou au salarié·e ou à l’employeur ou l’employeuse et leur impartir un délai à cette fin (al. 1). Sur la base du dossier, l’administration détermine si les conditions d’une reconnaissance sont remplies, calcule et ouvre la pension d’invalidité (al. 2). La décision est notifiée à la ou au salarié·e et à l’employeur ou l’employeuse (al. 3).

3.5 La défenderesse étant une institution de prévoyance de droit public, le sens des dispositions réglementaires doit être recherché selon les règles applicables en matière d’interprétation des lois (arrêt du Tribunal fédéral 9C_886/2018 du 4 juillet 2019 consid. 3.4).

La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Ce n’est que si le texte n’est pas absolument clair qu’il faut rechercher la véritable portée de la norme en la dégageant des travaux préparatoires, de son but, de son esprit, des valeurs qui la sous-tendent ou de sa relation avec d’autres dispositions légales (ATF 130 V 479 consid. 5.2 et les références).

4.             En l’occurrence, il ressort des dispositions précitées, en particulier de
l’art. 30 al. 1 RCPEG, que le droit au capital décès naît lorsqu’un membre salarié décède, sans ouverture d’un droit à une prestation de conjoint survivant. La question se pose donc de savoir ce qu’il faut entendre par « membre salarié ».

4.1 La LCPEG distingue les membres salariés des membres pensionnés, en indiquant que ces derniers sont les retraités et les invalides (art. 11 et 12 LCPEG) mais ne définit pas la notion d’invalide. En revanche, l’art. 33 RCPEG stipule expressément que le membre salarié reconnu invalide par l’assurance-invalidité fédérale (AI) l’est également par la Caisse à concurrence du taux d’incapacité de travail durable constaté à la fin des rapports de service et de prévoyance. Elle précise ensuite que la pension est allouée à la demande de l’intéressé ou de l’employeur et que son versement est différé jusqu’à la cessation du paiement du traitement ou l’épuisement des indemnités journalières en cas de maladie ou accident (…).

Le règlement différencie ainsi la reconnaissance de l’invalidité – fondée sur la décision d’AI que l’assurée aurait en l’espèce dû communiquer à la Caisse dès sa réception (art. 75 RCPEG) – du versement de la pension qui peut intervenir plus tard comme dans le cas d’espèce, puisque l’assurée ne pouvait pas prétendre au versement d’une pension de la CPEG avant qu’elle n’ait épuisé son droit à l’indemnité pour incapacité de travail due par l’employeur, soit le 21 avril 2021.

La CPEG a décidé de se considérer liée par la décision de l’AI et a prévu dans ses dispositions réglementaires, conformément à ce permet l’art. 26 LPP, que le droit aux prestations est différé aussi longtemps que l’assuré reçoit un salaire entier (al. 2).

La défenderesse est ainsi tenue à la notion d’invalidité et au degré d’invalidité déterminés par l’AI. Le fait de pouvoir différer le début du versement de la pension d’invalidité est prévu par le règlement comme le prévoit le LPP, mais il n’emporte pas le report de la date à partir de laquelle l’invalidité est reconnue, notamment pour ses effets sur les cotisations qui ne sont plus dues dès la date d’invalidité retenue par l’AI (art. 42 RCPEG).

Le statut d’invalide correspond en conséquence à l’invalidité reconnue, rétroactivement, par l’AI et non au fait que la personne reçoive ou non une pension, un invalide pouvant être reconnu comme tel bien qu’il continue à avoir droit à un salaire ou à des prestations d’une assurance perte de gain, son droit à des prestations d’invalidité étant simplement reporté au jour où son droit à des prestations de son employeur ou d’une assurance cesse.

Vient confirmer cela le fait que pendant la durée de l’invalidité, le membre salarié et l’employeur sont libérés du paiement des cotisations à concurrence du degré d’invalidité (art. 42 RCPEG). La défenderesse a, dans ce cas, annoncé qu’elle restituerait les cotisations perçues durant la période où l’assurée avait été reconnue invalide, soit dès le 20 mai 2020. L’invalide est qualifié dans cette disposition de membre « salarié » mais est d’ores et déjà traité comme un pensionné au regard des cotisations.

Le fait qu’une assurée soit au bénéfice d’une indemnité pour incapacité de travail et non d’une rente d’invalidité versée par la défenderesse ne saurait faire de cette assurée une salariée au regard de la LCPEG et de l’art. 30 al. 1 RCPEG sauf à nier la notion d’invalidité retenue dans le règlement.

Ce n’est en outre pas le versement d’un salaire ou d’une indemnité remplaçant le salaire qui est déterminant puisque la chambre de céans constate à la lecture de l’art. 62D RCPEG que la notion de membre salarié comprend également celui qui est au bénéfice d’un congé officiel ou qui fait l’objet d’une suspension de salaire. Cette disposition vise également les bénéficiaires d’une pension d’invalidité n’ayant pas atteint l’âge réglementaire de la retraite mais ne les désigne pas sous le terme « salarié ». Cette disposition démontre que le statut de salarié n’est pas lié au salaire perçu.

En conclusion, l’invalide au regard de la LCPEG et du RCPEG est celui qui s’est vu reconnaître comme tel par l’AI. Autre est la question des modalités du versement d’une pension d’invalidité de la caisse défenderesse.

4.2 La chambre de céans ne peut pas suivre les demanderesses lorsqu’elles soutiennent, subsidiairement, que le règlement n’exclut pas clairement le droit pour les proches du membre pensionné (invalide ou retraité) de percevoir un capital décès. En effet, le texte de l’art. 30 RCPEG est sans équivoque sur ce point. Seul le décès d’un salarié ouvre le droit pour ses proches au versement d’un capital décès, à moins qu’il existe un droit à une rente de conjoint survivant.

Les demanderesses ne peuvent pas davantage être suivies lorsqu’elles expliquent que le règlement aurait dû exclure le droit au capital décès pour les pensionnés comme c’est le cas de l’art. 22 al. 7 RCPEG qui exclut expressément le droit au capital lors du décès d’un salarié qui a atteint l’âge officiel de la retraite mais qui a décidé de reporter celle-ci en demeurant dès lors salarié au regard de la caisse.

La caisse a certes expressément exclu dans son règlement le droit au capital décès dans cette hypothèse (art. 22 al. 7 RCPEG). S’agissant toutefois de l’invalide, au bénéfice ou non de prestations de prévoyance, ou du retraité, le règlement de la caisse n’avait pas à contenir la même exclusion puisque ceux-ci sont déjà qualifiés de pensionnés dans la loi (art. 12 LCPEG). Ce n’est que si la caisse avait voulu prévoir pour les proches des membres pensionnés un droit au capital décès que la rédaction aurait été différente. Le règlement aurait dû le préciser. Il aurait en effet été nécessaire d’ajouter le retraité et l’invalide au membre salarié visé par
l’art. 30 RCPEG.

Les demanderesses ont cité à titre de comparaison le règlement de la Ville de Genève (ci-après : la Ville) qui offre un capital décès aux proches d’un invalide ou d’un retraité. L’on constate que l’art. 45 de ce règlement – contrairement à celui de la CPEG – stipule que « le droit au capital décès naît lorsqu’un assuré actif, invalide ou un retraité décède (…) ». L’on doit en outre constater que le règlement prévoit que le capital décès d’un invalide au bénéfice d’une rente depuis moins de dix ans équivaut aux versements effectués par le défunt sous déduction des pensions ou capitaux déjà versés.

Le RCPEG ne prévoit pas, contrairement au règlement de la Ville, de droit au capital décès pour les assurés retraités ou les invalides et a fortiori pas de déductions des pensions déjà versées. Si l’on suivait les demanderesses, bien que le RCPEG n’exprime rien de ces droits et déductions, la défenderesse devrait offrir à ses assurés retraités ou invalides des pensions et, en cas de décès, un capital décès à leur proche correspondant à des avoirs potentiellement entamés voir épuisés. Les proches des retraités et des invalides auraient ainsi droit au capital décès alors que les proches d’un salarié ayant différé sa retraite perdraient tout droit au capital décès sur la base de l’art. 22 al. 7 RCPEG.

En l’absence d’une base règlementaire à cet effet dans le RCPEG, le capital décès ne peut pas être versé lorsque les éventualités « retraite » ou « invalidité » sont survenues. La survenance de ces deux cas d’assurance exclut le droit au capital décès. Le texte même de l’art. 30 RCPEG vise exclusivement les membres salariés au contraire des membres pensionnés, qu’ils soient retraités ou invalides.

Dès que l’âge de la retraite est survenu, il n’existe plus de droit au capital décès quand bien même l’assuré reporte sa retraite. En effet, le choix de différer le moment à partir duquel l’on prend sa retraite a pour conséquence qu’aucun capital décès ne peut être versé en cas de décès de l’assuré. Le fait que le capital de prévoyance reste entier n’y change rien, le règlement excluant le droit au capital décès.

Il en va de même lorsque l’invalidité est reconnue (art. 33 RCPEG), que des prestations soient ou non allouées. Dans ces deux cas, le capital reste acquis à la caisse (art. 29 al. 6 par analogie RCPEG).

L’on rappellera que l’art. 33 RCPEG énonce que le salarié reconnu invalide par l’AI l’est également par la caisse et qu’au terme de l’art. 12 LCPEG l’invalide est considéré comme un membre pensionné et non salarié et qu’enfin
l’art. 30 RCPEG ne prévoit la possibilité de verser un capital décès qu’aux proches d’un membre salarié. Lues ensemble, ces dispositions excluent suffisamment clairement le droit au capital en cas de décès d’une personne reconnue invalide par l’AI et qui doit être de ce fait considérée comme membre pensionné de la CPEG.

4.3 Reste à voir si l’assurée peut être qualifiée de « membre salariée ».

Il ressort des pièces produites par les parties que l’assurée a déposé une demande de rente d’invalidité auprès de l’OAI le 27 novembre 2019 et qu’elle a été mise au bénéfice d’une pleine rente d’invalidité, par décision du 20 octobre 2020, avec effet rétroactif au 1er mai 2020, ce qui lie dès lors la défenderesse. L’on ne saurait reprocher à cette dernière de ne pas avoir notifié de décision de reconnaissance de son invalidité à la défunte dans la mesure où la défenderesse ne s’est vue communiquer la décision de l’AI qu’après le décès de son assurée. Cette dernière n’aurait pas eu droit à une rente de la défenderesse avant le 21 avril 2021, puisqu’elle était au bénéfice d’une indemnité pour incapacité de travail versée par son employeur (art. 56 al. 1 et 2 du statut du personnel des HUG).

L’on ne peut pas suivre les demanderesses lorsqu’elles soutiennent que leur défunte sœur était salariée au jour de son décès, d’une part parce que l’assurée n’était à proprement parler plus au bénéfice d’un salaire mais d’une indemnité pour incapacité de travail et, d’autre part, parce qu’elle était invalide selon l’AI depuis le 1er mai 2020.

Le fait que la défunte était déjà au bénéfice d’une décision d’AI la reconnaissant invalide était suffisant pour la considérer invalide au sens de l’art. 12 LCPEG (art. 33 RCPEG) et la dispenser du paiement des cotisations. Peu importe à cet égard que la demande de prestations provisoires auprès de la CPEG ait été rejetée et qu’aucune pension ne lui ait été allouée, le principe de son invalidité ne pouvant être remis en cause au vu de la loi et du règlement, lesquels sont conformes à la LPP. Pour le surplus, la Directive de la défenderesse ayant pour objectif de décrire les modalités de la reconnaissance et du versement de la pension ne contrevient pas à l’art. 33 RCEPG qui consacre le principe de la reconnaissance de l’invalidité au membre reconnu invalide par l’AI.

L’on doit en conséquence donner raison à la défenderesse lorsqu’elle soutient que l’assurée était un membre invalide au jour de son décès et non une salariée au sens de l’art. 11 LCPEG.

Ses proches ne peuvent dès lors pas prétendre au capital décès, puisque c’est le principe contraire qui est énoncé à l’art. 30 RCPEG.

5. La demande en paiement sera rejetée.

La procédure est gratuite et il ne sera pas alloué des dépens (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA ; art. 89H al. 3 a contrario LPA).

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le