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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3099/2023

ATAS/211/2024 du 28.03.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3099/2023 ATAS/211/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

représenté par Me Thierry STICHER, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1962, qui travaillait en tant que concierge à plein temps, a été mis au bénéfice d'une
demi-rente d’invalidité à compter du 1er octobre 2018, soit six mois après le dépôt de la demande de prestations, par décision de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) du 26 mars 2020. À cet effet, l’administration s’est fondée sur les avis de son service médical régional (ci-après : SMR) des 11 décembre 2018 et 27 novembre 2019, eux-mêmes basés sur les rapports des médecins-traitants interniste et cardiologue, retenant une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle depuis le 18 septembre 2016 en raison d’une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection du ventricule gauche entre 35-40%, mais de 50% dans une activité adaptée dès le 1er mai 2018.

b. L’assuré n’a pas interjeté recours contre cette décision.

B. a. Le 1er novembre 2021, l’assuré a demandé la révision de son dossier, en s’appuyant sur le rapport de son cardiologue du 18 août 2021.

b. Par avis du 14 février 2022, le SMR a relevé que ce médecin-traitant faisait état d’une amélioration de la fraction d’éjection du ventricule gauche mise en évidence sur une imagerie réalisée en mai 2021, de sorte que l’assuré ne présentait pas une aggravation de son état de santé depuis la dernière décision.

c. Par décision du 6 mai 2022, contre laquelle l’assuré n’a pas recouru, l’OAI a refusé d’augmenter la rente d’invalidité.

C. a. Le 19 décembre 2022, l’assuré a sollicité une nouvelle révision de sa rente.

b. Le même jour, l’OAI a imparti à l’assuré un délai de 30 jours pour qu’il lui transmette tous les documents médicaux permettant de rendre plausible une aggravation de son état de santé.

c. Dans un projet de décision du 12 juin 2023, l’OAI a annoncé à l’assuré qu’il entendait ne pas entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations, faute de production des pièces médicales requises.

d. Le 27 juin 2023, l’assuré a contesté ce projet de décision.

e. Le lendemain, l’OAI a fixé un délai au 21 août 2023 à l’assuré à titre exceptionnel pour compléter son audition par des éléments médicaux circonstanciés.

f. Par décision du 25 août 2023, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations.

D. a. Par pli du 23 septembre 2023, l’assuré a formé recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à la prise d’une nouvelle décision.

Il a en substance allégué, pièces à l’appui, que la fraction d’éjection de son ventricule gauche qui était à 56% en avril 2022 avait diminué à 47% en juin 2023.

b. Dans sa réponse du 24 octobre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 8 janvier 2024, le recourant, représenté par un avocat, a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision du 25 août 2023, et au renvoi du dossier à l’intimé pour instruction complémentaire pour déterminer son degré d’invalidité consécutif à l’aggravation de son état de santé.

À cet égard, il a produit un questionnaire daté du 21 novembre 2023 préétabli par son conseil et rempli par son cardiologue, dont il a cas échéant sollicité l’audition.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de trente jours (art. 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 sont entrées en vigueur (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du règlement et de l’ordonnance correspondants.

2.2 Les dispositions concernant les conditions d’entrée en matière sur les nouvelles demandes de prestations (cf. consid. 4 ci-dessous) n’ont toutefois pas été modifiées dans le cadre du développement de l’AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3 ; ATAS/654/2023 du 30 août 2023 consid. 4).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’entrer en matière sur la demande de révision déposée par le recourant le 19 décembre 2022, motif pris qu’il n’a pas rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d’influencer ses droits.

4.              

4.1 Selon l’art. 87 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201), lorsqu’une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l’invalidité, l’impotence ou l’étendue du besoin de soins ou du besoin d’aide découlant de l’invalidité de l’assuré s’est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l’allocation pour impotent ou la contribution d’assistance a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, parce qu’il n’y avait pas d’impotence ou parce que le besoin d’aide ne donnait pas droit à une contribution d’assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l’al. 2 sont remplies (al. 3).

Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans rendre plausible une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 117 V 198 consid. 4b et les références citées).

Ainsi, lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrée en matière. L’administration est fondée à se montrer d’autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l’assuré que le laps de temps qui s’est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d’un certain pouvoir d’appréciation, que le juge doit en principe respecter. Le juge ne doit examiner comment l’administration a tranché la question de l’entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c’est-à-dire quand l’administration a refusé d’entrer en matière et que l’assuré a interjeté recours pour ce motif (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2).

4.2 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à la procédure de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 et les références). La personne assurée a en effet le fardeau de la preuve en ce qui concerne l’existence d’un changement plausible des circonstances depuis le dernier refus de prestations entré en force (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 3.2 et les références). Eu égard au caractère atypique de cette procédure dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l’administration pouvait appliquer par analogie l’art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) – qui permet aux organes de l’AI de statuer en l’état du dossier en cas de refus de l’assuré de coopérer – à la procédure régie par l’art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s’en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. – RS 101] ; ATF 124 II 265 consid. 4a).

Ainsi, lorsqu’un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s’est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu’il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d’office, l’administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l’avertissant qu’elle n’entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d’autres termes qu’ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués (arrêt du Tribunal fédéral 8C_308/2015 du 8 octobre 2015 consid. 3.2).

L’exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l’art. 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l’autorité administrative n’a pas besoin d’être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu’une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d’une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu’une instruction plus poussée ne permettra pas de l’établir (arrêts du Tribunal fédéral 8C_29/2023 du 7 juillet 2023 consid. 3 ; 8C_619/2022 du 22 juin 2023 consid. 5.1 ; 9C_552/2022 du 20 mars 2023 consid 4.2 ; Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références). En revanche, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas de rendre plausible une aggravation au sens de l’art. 87 al. 2 RAI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2022 précité consid. 5.1).

4.3 Sous l’angle temporel, la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente constitue le point de départ pour examiner si un assuré a rendu plausible une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 71 consid. 3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_29/2023 précité consid. 3).

Le juge doit examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué, après avoir dûment laissé à l’assuré un délai pour compléter sa demande. Son examen est ainsi d’emblée limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non l’entrée en matière sur la nouvelle demande, sans prendre en considération les documents médicaux déposés ultérieurement à la décision administrative, notamment au cours de la procédure cantonale de recours (arrêt du Tribunal fédéral 9C_629/2020 du 6 juillet 2021 consid. 4.3.1).

5.              

5.1 En l’espèce, le recourant, au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité depuis le 1er octobre 2018 en raison d’une affection cardiaque, a formulé une nouvelle demande de révision de sa rente en date du 19 décembre 2022.

Dans sa requête, il a fait part d’une détérioration de sa situation médicale sans fournir le moindre rapport médical à l’appui de sa position. Le recourant n’a donc absolument pas rendu plausible une aggravation de son état de santé, étant souligné que l’administration, et en cas de recours, le juge, doit pouvoir s’appuyer sur des rapports médicaux qui sont de nature à rendre plausibles les faits allégués, et non pas sur les seuls allégués de l’assuré.

Après avoir laissé au recourant un délai, en dernier lieu jusqu’au 21 août 2023, pour compléter sa demande, en vain, c’est à juste titre que l’intimé a rendu la décision litigieuse de non-entrée en matière de la demande.

À l’appui de son recours, le recourant a versé au dossier les IRM cardiaques des 26 avril 2022 et 1er juin 2023, ainsi que le questionnaire daté du 21 novembre 2023 rempli par son cardiologue. Or, la chambre de céans ne peut pas prendre en considération ces documents, dès lors qu’ils ont été produits postérieurement au 25 août 2023, date à laquelle l’intimé a statué.

5.2 Par conséquent, il est superflu d’entendre oralement le cardiologue-traitant.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

8.             Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner le recourant au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI ; ATAS/654/2023 du 30 août 2023 consid. 8).

 

******

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le