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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2238/2023

ATAS/859/2023 du 08.11.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2238/2023 ATAS/859/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 novembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par Me Mattia DEBERTI, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 21 juin 2022, Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), podologue, a résilié le contrat de travail qui la liait à la clinique de podologie B______ pour le 31 août 2022.

b. Le 22 août 2022, elle s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé). Elle a indiqué sa disponibilité à être placée dans tout le canton de Genève dès le 1er septembre 2020 à un taux de 80%.

Son dossier de demandeur d’emploi a été annulé par l’OCE le 25 octobre 2022, suite à un accident de l’assurée ayant occasionné une incapacité de travail de plus de six semaines.

B. a. Le 21 novembre 2022, l’assurée s’est à nouveau inscrite auprès de l’OCE, faisant état d’une disponibilité à hauteur de 80% dès le jour même.

b. Elle a régulièrement procédé à des recherches d’emploi durant les mois de novembre (4 recherches) et décembre 2022 (10) ainsi qu’en janvier (11), février, (11) mars (11), avril (11) et mai (10) 2023.

c. Le 30 mars 2023, l’OCE a adressé un questionnaire à l’assurée afin de vérifier son aptitude au placement. L’office régional de placement (ci-après : l’ORP) l’avait informé du fait que lors des entretiens de conseil des 23 janvier et 20 mars 2023, l’intéressée avait fait état de son intention de se mettre à son compte en tant que podologue indépendante, chez elle dans un premier temps (dès février 2023), puis auprès de la clinique C______ (dès mai 2023). Elle avait d’ailleurs déjà obtenu un contrat d’indépendante avec l’EMS D______.

d. Le 2 avril 2023, l’assurée a répondu au questionnaire. Elle a indiqué, en substance, qu’elle avait commencé à rechercher des patients dès février 2023 et débuté son activité indépendante le 16 mars 2023. Depuis le démarrage de son activité d’indépendante, elle recherchait « des patients et non pas un poste en tant qu’employée ». Lors de ses recherches, sur sites ou par courriel, elle remettait un flyer pour des soins de podologie à domicile. Sa nouvelle activité l’occupait uniquement une demi-journée par semaine, soit les jeudis matins. Elle demeurait ainsi disposée à accepter un poste à 80%, (les lundis, mardis, mercredis et vendredis), mais sans renoncer à son projet d’indépendante. Elle allait en outre s’installer dans un centre C______ dès le 15 mai 2023 en tant qu’indépendante.

C. a. Par décision du 27 avril 2023, l’OCE a nié l’aptitude au placement de l’assurée dès le 13 février 2023, date à partir de laquelle celle-ci n’était plus à la recherche d’un emploi de salarié, mais uniquement de patients pour déployer son activité indépendante de podologue.

b. L’assurée s’est opposée à cette décision le 2 mai 2023, indiquant qu’elle avait initialement mal compris la question de l’OCE relative à ses recherches d’emploi. Elle a expliqué « oui, je souhaite trouver des postes en tant qu’employée. Je souhaite sur le long terme (même après le début de ma collaboration avec le groupe C______) trouver plus de contrats en tant que salariée que d’indépendante car c’est une sécurité pour moi. Pour ce faire, j’ai opté, en accord avec ma conseillère ORP (office régional de placement), pour une distribution de flyers qui redirige directement sur mon site web, où se trouvent toutes les informations concernant mon parcours professionnel, car sur les plateformes de recherche (type jobroom) aucune offre d’emploi de salarié n’était présente dans mon domaine d’activité ».

c. Par décision du 5 juin 2023, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assurée et confirmé sa propre décision du 27 avril 2023, y compris quant à ses motifs. Il était en outre souligné qu’il ressortait des recherches d’emploi fournies par l’assurée sur demande de l’OCE que celles-ci avaient exclusivement consisté, pour les mois de février à avril 2023, en l’envoi à divers EMS et IEPA d’un flyer comportant les coordonnées de son entreprise individuelle, inscrite au registre du commerce.

Au vu de l’ensemble des circonstances, étant en outre rappelé que l’assurance-chômage n’avait pas pour vocation de palier un manque de revenu temporaire découlant d’une activité indépendante, ni d’aider au démarrage d’une telle entreprise, il était justifié de nier l’aptitude au placement de l’intéressée.

D. a. L’assurée a recouru contre cette décision le 4 juillet 2023 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, sous la plume de son avocat. Elle a conclu à l’annulation de la décision sur opposition de l’OCE du 5 juin 2023 et à la reconnaissance de son aptitude au placement pour la période comprise entre le 13 février et le 15 mai 2023.

Le dossier de la recourante contenait les preuves matérielles démontrant les efforts qu’elle avait déployés pour trouver un emploi salarié durant la période concernée. Son projet de débuter une activité indépendante accessoire visait simplement à diminuer le dommage à l’assurance-chômage, sans pour autant exclure un poste de travail salarié à 80%. Ses nombreuses postulations auprès d’employeurs le démontraient sans le moindre doute. D’ailleurs, elle n’avait jamais refusé un poste de travail du fait de son activité d’indépendante accessoire.

Concernant en particulier les EMS, il était relevé qu’ils représentaient difficilement des employeurs potentiels puisqu’ils pouvaient offrir « au maximum quelques heures par semaine et que les soins sont payés par les résidents. Les EMS font ainsi appel à des prestataires externes agissant en qualité d’indépendants ». Ainsi, si la recourante admettait privilégier les mandats d’indépendants lorsqu’elle faisait la tournée des EMS, ces démarches venaient cependant s’ajouter aux efforts déjà déployés pour trouver un poste de salarié à 80% auprès d’employeurs potentiels, soit les différents centres de podologie et centres médicaux.

b. Par pli du 28 juillet 2023, l’intimé a produit le dossier administratif de la recourante et conclu au rejet du recours.

c. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA ; art. 62ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Est litigieuse la question de l’aptitude au placement de la recourante dès le 13 février 2023.

4.             L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l’alinéa 1, l'assuré doit, pour en bénéficier, être notamment apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Les conditions de l'art. 8 al. 1 LACI, qui sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2), sont précisées par plusieurs dispositions de la loi et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

5.              

Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI).

L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée – sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et, d'autre part, la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 146 V 210 consid. 3.1; 125 V 51 consid. 6a). L'aptitude au placement est évaluée de manière prospective d'après l'état de fait existant au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 146 V 210 consid. 3.2; 143 V 168 consid. 2 et les arrêts cités).

L'aptitude au placement peut être niée, notamment en raison de recherches d'emploi continuellement insuffisantes, en cas de refus réitéré d'accepter un travail convenable, ou encore lorsque l'assuré limite ses démarches à un domaine d'activité dans lequel il n'a, concrètement, qu'une très faible chance de trouver un emploi (ATF 120 V 392 consid. 1 et les références).

Les démarches en vue de créer sa propre entreprise ne constituent pas des recherches de travail au sens de l'art. 17 al. 1 LACI (ATF 112 V 327).

L'aptitude au placement donne lieu à une appréciation globale des facteurs objectifs et subjectifs déterminants quant aux chances d'être engagé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 149/05 du 30 janvier 2007, consid. 5).

L'appréciation de l'aptitude au placement d'un assuré dont la disponibilité est restreinte dans le temps doit se baser à la fois sur le genre d'activité qu'il convoite et ses chances réelles d'être engagé dans la branche économique où il effectue ses recherches d'emploi. Il peut en effet se présenter des cas dans lesquels certaines entreprises s'efforcent précisément de trouver en priorité des employés disposés à travailler durant une brève période. Plus la demande est forte sur le marché de l'emploi à prendre en considération, plus les exigences relatives à la disponibilité dans le temps sont réduites. Les circonstances locales peuvent également jouer un rôle à cet égard. Dans certaines régions en effet, les possibilités d'être engagé durant une brève période sont assez nombreuses, spécialement en période de haute saison (Boris RUBIN, Assurance-chômage : Droit fédéral, survol des mesures cantonales, procédure, no 3.9.8.9.2, p. 232). Le Tribunal fédéral a ainsi nié l'aptitude au placement d'un assuré qui postulait comme gérant d'établissements publics, mais disposait d'une durée de disponibilité aléatoire avant l'ouverture de son propre établissement, cette incertitude étant de nature à dissuader un employeur potentiel de l’engager dans l’intervalle entre la fin de son dernier emploi et le début de son activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_130/2010 du 20 septembre 2010).

6.             Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

6.1 En droit des assurances sociales, on applique de manière générale la règle dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure », selon laquelle, en présence de deux versions différentes et contradictoires d'un fait, la préférence doit être accordée à celle que l'assurée a donnée alors qu'elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a ; ATF 115 V 133 consid. 8c ; notamment ATAS/327/2023 du 12 mai 2023 consid. 7.3).

7.             En l’espèce, la recourante a indiqué le 23 janvier 2023 à l’ORP qu’elle avait l’intention de se mettre à son compte en tant que podologue indépendante, à son domicile dès février 2023, puis dans les locaux d’une clinique dès mai 2023.

À teneur de ses premières déclarations écrites du 2 avril 2023 à l’attention de l’intimé, elle a expressément indiqué être désormais « à la recherche de patients et non pas de poste en tant qu’employée ». Bien qu’elle soit revenue sur cette affirmation au stade de l’opposition, il convient d’accorder davantage de crédibilité aux déclarations initiales, conformément à la jurisprudence topique.

C’est d’autant plus le cas que, dès janvier 2023, ses preuves de recherches d’emploi ont exclusivement porté sur des EMS, des IEPA ou encore, concernant le mois de mai, des résidences-médico-sociales.

Ces recherches ont d’ailleurs essentiellement consisté en l’envoi par courriel, le plus souvent à l’adresse générale des institutions ciblées, d’un simple flyer proposant ses services de podologie à domicile, avec renvoi au site internet de son entreprise individuelle, « E______ », inscrite au registre du commerce depuis le 13 février 2023.

La chambre de céans constate que de telles démarches ne sauraient constituer des preuves de recherches d’un emploi salarié mais bien des offres de service de la part d’une indépendante. Cela semble encore confirmé, en tant que de besoin, par l’affirmation de l’intéressée au stade du recours, selon laquelle, les EMS représentaient difficilement des employeurs potentiels puisqu’ils pouvaient offrir « au maximum quelques heures par semaine et que les soins sont payés par les résidents. Les EMS font ainsi appel à des prestataires externes agissant en qualité d’indépendants ».

Enfin, dans la mesure où l’intéressée a indiqué qu’il n’y avait pas d’offres d’emploi dans son domaine d’activité (cf. opposition du 2 mai 2023), il convenait qu’elle étende ses recherches à d’autres secteurs, ce qu’elle n’a jamais fait au-delà de décembre 2022.

Au vu de l’ensemble de ces circonstances, c’est à juste titre que l’intimé a retenu que la volonté de la recourante de trouver un emploi salarié faisait défaut à tout le moins depuis l’annonce de son projet à l’ORP et qu’elle l’a donc déclarée inapte au placement dès le 13 février 2023.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le