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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1316/2021

ATAS/800/2022 du 09.09.2022 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1316/2021 ATAS/800/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 septembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à Cernex (France), comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Olivier FAIVRE

 

recourante

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA, Division sinistres, Litigation, Hagenholzstrasse 60, ZURICH

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur B______(ci-après : l’assuré), né en ______1970 et marié avec Madame A______, travaillait, depuis le 1er décembre 2018, en tant que cuisinier pour la C______. À ce titre, il était assuré contre les accidents – professionnels ou non – auprès de la ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance).

b. Le 22 février 2019, l’assuré a perdu la maîtrise de sa moto et a été victime d’une embardée, ayant entraîné les atteintes suivantes : traumatisme crânien avec pétéchie fronto-polaire droite isolée, traumatisme thoracique avec contusion, hémothorax et fractures costales et sternales, traumatisme vertébral avec fracture des vertèbres T10 et T11, fracture du bassin (sacrum et aileron sacré), fracture multi-fragmentaire de la métaphyse fémorale droite, fracture ouverte déplacée multi-fragmentaire de l’extrémité inférieure du fémur gauche, plusieurs fractures des pieds, faux anévrisme par plaie sur une branche distale de l’artère fémoral profonde (sans augmentation sur le temps veineux ni fuite active) et brûlures de la fesse droite et gauche, de la face dorsale du bras droit, ainsi qu’au zygomatique gauche, d’une surface estimée à 10%.

c. L’assurance a pris en charge les suites de l’accident du 22 février 2019.

d. L’assuré a séjourné au Centre hospitalier Annecy Genevois (CHANGE) à Annecy (France), du 22 février au 4 mars 2019, au service des Grands Brûlés de l’Hôpital Edouard Herriot à Lyon (France), du 4 mars au 8 avril 2019, à nouveau au CHANGE, du 8 au 15 avril 2019, puis à la Clinique de soins de suite et de réadaptation (SSR) Korian Le Mont-Veyrier à Argonay (France), du 15 avril au 24 mai 2019, date à laquelle il est décédé.

e. Le 24 mai 2019, l’assuré a présenté un premier malaise, avec douleurs abdominales, saturométrie dans la norme, fréquence cardiaque à 70 pulsations/minute, sans trouble du rythme, ni signe électrique. Une demi-heure plus tard, il a souffert d'un second malaise, avec arrêt cardiaque. Malgré les premiers soins prodigués immédiatement par les employés de la clinique et l’arrivée rapide du SAMU, l’assuré n’a pas repris de rythme cardiaque autonome et son décès a été prononcé à 17h30.

Pour le docteur D______, médecin réanimateur du SAMU, le décès était consécutif à une probable embolie pulmonaire (cf. certificat de décès et fiche de secours héliporté, datés du 24 mai 2019).

De son côté, le docteur E______, médecin auprès de la Clinique KORIAN, a dans un premier temps considéré que l’électrocardiogramme n’était en faveur ni d’un infarctus massif, ni d’une embolie pulmonaire. En revanche, les signes digestifs massifs évoquaient un infarctus mésentérique (c'est-à-dire un infarctus intestinal), étant encore précisé que le bilan biologique réalisé après le premier malaise objectivait notamment des D-dimères très positifs à 200000 (cf. rapport d’hospitalisation du 27 mai 2019). Il s’est finalement rallié à l’avis du Dr D______ après discussion avec celui-ci (cf. certificat médical du 25 novembre 2019).

f. L’assurance a été informée du décès de l'assuré le 27 mai 2019.

g. Le 3 juin 2019, la veuve de l’assuré a transmis à l’assurance l’acte de décès de son époux et le 25 juillet 2019, elle l’a informée qu’elle souhaitait entreprendre les démarches nécessaires à l'obtention d'une rente de veuve.

h. L’assurance a alors soumis le cas à son médecin-conseil, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne, lequel a considéré, principalement sur la base du rapport d’hospitalisation établi le 27 mai 2019 par le Dr E______, que les D-Dimères très augmentées parlaient plutôt en faveur d’une embolie pulmonaire (obstruction artérielle par un caillot sanguin), laquelle pouvait être liée à une longue durée d’immobilisation, d’où la nécessité d’un traitement anticoagulant, pour prévention d’embolie. Une embolie pulmonaire était susceptible d’être en lien de causalité avec l’accident assuré. Le diagnostic d’infarctus mésentérique, évoqué lors du décès en raison des symptômes digestifs, était seulement possible et probablement pas en lien de causalité naturelle avec l’accident assuré. Cependant, dans la mesure où aucune autopsie n’avait été effectuée, aucun diagnostic précis ne pouvait être établi, les deux diagnostics évoqués précédemment étant seulement possibles.

B. a. Dans une communication du 16 août 2019, l’assurance a considéré, qu’en l’absence d’autopsie, aucune cause précise du décès n’avait pu être établie, de sorte qu’elle se trouvait « en présence de diagnostics qui ne revêtent pas la vraisemblance prépondérante d’un lien de causalité naturelle entre l’accident du 22 février 2019 et le décès survenu 3 mois plus tard, soit le 25 mai 2019, tel que l’exige la Loi » (sic). L’assurance a estimé par ailleurs peu probable qu’un infarctus mésentérique soit en lien de causalité avec l’accident assuré, ce dernier n’ayant causé aucune lésion au niveau abdominal susceptible d’entraîner, trois mois après, un tel infarctus. Par conséquent, le droit de la veuve de l'assuré à des prestations de survivant était nié.

b. Par décision formelle du 8 novembre 2019, l’assurance a refusé d’accorder à l’épouse de feu l'assuré des prestations de survivant.

c. Le 4 décembre 2019, se fondant sur les rapports des Drs E______ et D______ datés des 25 novembre, respectivement 29 novembre 2019, ainsi que sur la fiche d’intervention établie le jour du décès par le Dr D______, la veuve de l’assuré s’est opposée à cette décision.

d. Suite à l’opposition précitée, l’assurance a soumis le cas au docteur G______, spécialiste FMH en médecine interne, lequel s’est prononcé en date du 11 août 2020. Pour ce médecin, une embolie pulmonaire massive, bien que possible, apparaissait peu vraisemblable. Un infarctus mésentérique était également improbable au vu de la clinique. Pour le Dr G______, la mort était très probablement d’origine coronarienne, dans le cadre d’une mort subite de l’adulte et, par conséquent, sans rapport autre que possible avec l’événement assuré. Enfin, d’autres causes potentielles, mais anecdotiques, ne pouvaient être exclues en l’absence d’une autopsie.

e. Les conclusions du Dr G______ ont été soumises à la veuve de l’assuré, qui les a contestées par courrier du 25 septembre 2020, complété les 29 octobre et 26 novembre 2020, en se référant à un rapport du 22 novembre 2020 du Dr D______, dans lequel ce médecin expliquait les motifs pour lesquels il contestait les conclusions du Dr G______ et privilégiait le diagnostic d’embolie pulmonaire.

f. Le rapport du Dr D______ a été soumis au Dr G______, qui a persisté dans ses conclusions.

g. Par décision du 12 mars 2021, l’assurance a rejeté l'opposition en reprenant en substance ses précédents arguments, tout en les précisant.

C. a. Le 15 avril 2021, la veuve de l’assuré a interjeté recours, en concluant, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision sur opposition et, cela fait, à l’admission de l'existence d'un lien de causalité adéquate (recte : naturelle) entre le décès de son époux et l’accident du 22 février 2019, enfin, à l'octroi d'une rente de veuve après mise sur pied, cas échéant, d’une expertise.

La recourante reproche en substance à l’intimée de s’être fondée sur le rapport du Dr G______, lequel s’écarte des conclusions des médecins ayant examiné feu son époux.

Elle fait remarquer par ailleurs que l’intimée aurait dû solliciter une autopsie si elle l’estimait indispensable.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée, dans sa réponse du 11 juin 2021, a conclu au rejet du recours.

L’assurance fait grief à la recourante de ne pas avoir sauvegardé ses droits de veuve en demandant l’établissement d’un rapport d’autopsie.

Pour le surplus, elle reprend les arguments évoqués dans la décision litigieuse et considère que le rapport du Dr G______ doit se voir reconnaître une pleine valeur probante, au contraire des avis des médecins traitants de l'assuré, qu'elle qualifie de vagues, contradictoires et partiellement corrigés suite à l’intervention de la recourante.

c. Dans ses observations du 5 août 2021, la recourante a fait remarquer que jamais l'intimée n'avait sollicité d’autopsie, mais uniquement les rapports des réanimateurs et le constat de décès.

Elle soutient que l'avis émis par le Dr G______ comporte plusieurs incohérences et imprécisions et qu’il ne saurait revêtir une force probante, au contraire des rapports des Drs D______, F______ et E______, lesquels conduisent à retenir l’embolie pulmonaire comme cause du décès.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de survivant, singulièrement sur l’existence d’un lien de causalité naturelle entre le décès de son époux, le 24 mai 2019, et l’accident du 22 février 2019.

5.              

5.1. Aux termes de l'art. 6 al. 1er LAA, et sous réserve de dispositions spéciales de la loi, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Lorsque l’assuré décède des suites de l’accident, le conjoint survivant et les enfants ont droit à des rentes de survivant (art. 28 LAA). Le conjoint survivant a, en particulier, droit à une rente ou à une indemnité en capital (art. 29 al. 1 LAA). Le conjoint survivant a droit à une rente lorsque, au décès de son conjoint, il a des enfants ayant droit à une rente ou vit en ménage commun avec d’autres enfants auxquels ce décès donne droit à une rente ou lorsqu’il est invalide aux deux tiers au moins ou le devient dans les deux ans qui suivent le décès du conjoint. La veuve a en outre droit à une rente, lorsqu’au décès de son mari, elle a des enfants qui n’ont plus droit à une rente ou si elle a accompli sa 45e année ; elle a droit à une indemnité en capital lorsqu’elle ne remplit pas les conditions d’octroi d’une rente (art. 29 al. 3 LAA). Le droit à la rente prend naissance le mois qui suit le décès de l’assuré ou lorsque le conjoint survivant devient invalide aux deux tiers au moins. Il s’éteint par le remariage ou le décès de l’ayant droit ou par le rachat de la rente. Les art. 31 et 32 LAA portent sur le montant de la rente respectivement sur le montant de l’indemnité en capital.

5.2. En relation avec les art. 28 ss LAA qui traitent du droit à des prestations de survivant, l'art. 6 al. 1er LAA implique, pour l'ouverture du droit aux prestations, l'existence d'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'accident ou la maladie professionnelle et le décès (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2008 du 11 mars 2009, consid. 2.1).

5.2.1. La condition de la causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

5.2.2. Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

6.              

Comme indiqué précédemment, l’administration ou le juge examine la question de l’existence d’un lien de causalité naturelle en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical.

6.1. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable, en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

6.2. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

6.3. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

6.3.1. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3.2. Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4). 

6.3.3. Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

6.3.4. En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). À noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

6.3.5. Selon une jurisprudence constante, la qualification du médecin joue un rôle déterminant dans l'appréciation de documents médicaux. L'administration et le juge appelés à se déterminer en matière d'assurances sociales doivent pouvoir se fonder sur les connaissances spéciales de l'auteur d'un certificat médical servant de base à leurs réflexions. Il s'ensuit que le médecin rapporteur ou pour le moins le médecin signant le rapport médical doit en principe disposer d'une spécialisation dans la discipline médicale concernée ; à défaut, la valeur probante d'un tel document est moindre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_826/2009 du 20 juillet 2010 consid. 4.2 portant sur les rapports des services médicaux régionaux au sens de l'art. 49 al. 2 RAI).

7.              

7.1 À teneur de l’art. 44 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

La communication du nom de l'expert doit notamment permettre à l'assuré de reconnaître s'il s'agit d'une personne à l'encontre de laquelle il pourrait disposer d'un motif de récusation (ATF 146 V 9 consid. 4.2). Lorsque l'assureur social et l'assuré ne s'entendent pas sur le choix de l'expert, l'administration doit rendre une décision directement soumise à recours (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6; 138 V 318 consid. 6.1). Il s’agit là d’une décision incidente au sens de l’art. 5 al. 2 PA et plus particulièrement d’une décision d’ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l’opposition n’est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/03 du 25 novembre 2004) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances, respectivement auprès du Tribunal administratif fédéral (ATF  138 V 318 consid. 6.1 ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.4.1).

L’art. 44 LPGA a été modifié avec effet au 1er janvier 2022. En substance, il intègre désormais la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, notamment l’obligation de rendre une décision incidente en cas de désaccord sur le choix de l’expert (al. 4). Les art. 7j ss de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précisent, quant à eux l’art. 44 LPGA dans sa nouvelle teneur. Ces dispositions intègrent la recherche d’un consensus (art. 7j OPGA) et prévoient certaines exigences concernant les experts (art. 7m OPGA)

7.2. Lorsque l'assureur ordonne une expertise avant de rendre une décision au sens de l'art. 49 LPGA, il doit respecter le droit de l'assuré d'être entendu à ce stade déjà.

La violation du droit d'être entendu, de caractère formel, doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_120/2009 du 3 février 2010 consid. 2.2.1). Pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, cette violation est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la réparation d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_181/2013 du 20 août 2013 consid. 3.3).

Le fait pour une assurance de ne pas permettre à un assuré d'exercer les prérogatives résultant de son droit d'être entendu, soit en particulier celui de se prononcer sur la nomination de l'expert, sur les questions à poser, ainsi que sur le résultat de l'expertise, relève d'une grave violation de ce droit (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 22/03 du 10 juillet 2003 consid. 4). Ce vice ne peut être réparé lorsque l'expertise constitue l'élément central et prépondérant de l'instruction (RAMA 2000 n° U 369 p. 104 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 265/04 du 23 septembre 2005 consid. 2.3).

Le juge des assurances peut examiner l'éventuelle violation du droit d'être entendu aussi bien sur contestation d'une partie que d'office (ATF 120 V 362 consid. 2a ; cf. aussi ZIMMERLI, Zum rechtlichen Gehör im sozialversicherungs-rechtlichen Verfahren, in Festschrift 75 Jahre EVG, Berne 1992, p. 326 ; ATAS/884/2019 consid. 4 ; ATAS/174/2018 consid. 14).

8.              

8.1.1. La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire prévu à l’art. 43 al. 1 LPGA, dans sa teneur en vigueur lors du décès de l’époux de la recourante. Selon cette disposition, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin.

Selon le principe inquisitoire, il appartient à l’assureur d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants et d’administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires. L’assureur n’est lié ni par les faits allégués, ni par les faits admis, ni par les moyens de preuve invoqués par la personne assurée; il ordonne d’office l’administration de tous les moyens de preuve propres et nécessaires à établir les faits pertinents. Sous réserve des mesures d’instruction complémentaires induites par la procédure d’opposition, l’assureur doit établir l’état de fait déterminant avant de rendre sa décision ou son préavis et ne peut pas renvoyer cette tâche à la procédure subséquente. Sont considérés comme nécessaires tous les moyens de preuve qui permettent d’établir les faits pertinents pour l’application du droit. Lorsque la mise en œuvre d’un moyen de preuve appelle un certain comportement (actif ou passif) de la part de la personne assurée, il convient par ailleurs d’examiner, conformément au principe de proportionnalité, si ce comportement peut être raisonnablement exigé. L’examen du caractère raisonnablement exigible d’une mesure d’instruction requiert que soit pris en considération l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas particulier. L’assureur n’a pas à épuiser toutes les possibilités d’investigations, s’il estime, par une appréciation anticipée des preuves fournies par les investigations auxquelles il a déjà procédé, que certains faits présentent le degré de preuve requis par les circonstances et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation. À l’inverse, l’assureur ne peut renoncer à mettre en œuvre des mesures d’instruction complémentaires, lorsqu’il apparaît, sur la base du dossier ou des allégations de la personne assurée, que les faits pertinents n’ont pas été établis de manière correcte et complète ou qu’il existe des contradictions insurmontables (Jacques Olivier PIGUET, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n° 9 à 12 ad Art. 43 LPGA).

8.1.2. Le principe inquisitoire s’applique également à l’instruction de demandes qui présentent des éléments d’extranéité. Dans la mesure du possible et du nécessaire, l’assureur doit alors agir en collaboration avec les autorités étrangères compétentes. Les instruments à disposition des autorités suisses leur permettant de recueillir des moyens de preuve situés à l’étranger étant néanmoins limités, il y a lieu de poser des exigences élevées quant à l’obligation de collaborer de la personne assurée (cf. Jacques Olivier PIGUET, op. cit., n° 59 ad Art. 43 LPGA).

L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP – RS 0.142.112.681), entré en vigueur le 1er juin 2002, prévoit à son art. 8 que les parties règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment l’égalité de traitement (let. a), la détermination de la législation applicable (let. b), ou encore le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes (let. d).

L’ALCP est notamment applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne – et notamment aux ressortissants français – et de la Suisse.

Selon l'art. 1 par. 1 de l'annexe II de l'ALCP – intitulée « Coordination des systèmes de sécurité sociale », fondée sur l'art. 8 ALCP précité et faisant partie intégrante de celui-ci (art. 15 ALCP) – en relation avec la section A de cette annexe, les parties contractantes appliquent entre elles en particulier le règlement (CEE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004.

Ainsi, selon l’art. 82 du Règlement (CE) no 883/2004, les expertises médicales prévues par la législation d’un État membre peuvent être effectuées, à la requête de l’institution compétente, dans un autre État membre, par l’institution du lieu de résidence ou de séjour du demandeur ou du bénéficiaire de prestations, dans les conditions prévues par le règlement d’application ou convenues entre les autorités compétentes des États membres concernés. À teneur de l’art. 87 al. 1 du Règlement (CE) no 987/2009, nonobstant d’autres dispositions, lorsqu’un bénéficiaire ou un demandeur de prestations, ou un membre de sa famille, séjourne ou réside sur le territoire d’un Etat membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice, le contrôle médical est effectué, à la demande de cette institution, par l’institution du lieu de séjour ou de résidence du bénéficiaire conformément aux procédures prévues par la législation que cette institution applique. L’institution débitrice communique à l’institution du lieu de séjour ou de résidence toute exigence particulière à respecter, au besoin, ainsi que les points sur lesquels doit porter le contrôle médical. L’alinéa 2 de cette même disposition prévoit également que l’institution du lieu de séjour ou de résidence transmet un rapport à l’institution débitrice qui a demandé le contrôle médical. Cette institution est liée par les constatations faites par l’institution du lieu de séjour ou de résidence.

8.2. Le principe inquisitoire n'est pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

8.3.1. À teneur de l’art. 47 LAA, le Conseil fédéral détermine les conditions auxquelles l’assureur peut ordonner, en cas de décès de l’assuré, une autopsie ou une mesure analogue. L’autopsie ne peut être ordonnée si les proches parents s’y opposent ou si elle est contraire à une déclaration du défunt.

Se fondant sur cette délégation, le Conseil fédéral a édicté l’art. 60 OLAA de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202). Selon l’alinéa 1er de cette disposition, l’assureur peut ordonner qu’une autopsie ou une mesure analogue soit pratiquée sur une personne victime d’un accident mortel ou décédée par suite d’une maladie professionnelle, lorsqu’il y a des raisons de penser que de telles mesures permettront de mieux établir les faits déterminant le droit aux prestations. Est notamment réputé mesure analogue le prélèvement musculaire destiné à déterminer le taux d’alcoolémie.

8.3.2. Lorsqu’il existe des indices permettant de considérer qu’une autopsie pourrait révéler des éléments importants pour se prononcer sur le droit aux prestations, l'assurance-accidents doit, dans le cadre de son obligation d’instruire la cause d’office, ordonner une autopsie en tant qu'examen nécessaire. Si elle s'en abstient, si les proches du défunt font usage de leur droit de veto ou s'ils annoncent leur intention de le faire, l’assurance doit, en vertu de son obligation de conseil de l’art. 27 LPGA, informer les proches du défunt sur les raisons qui plaident en faveur d'une autopsie et sur les risques liés à l'absence de preuve de la cause du décès. Si l’assurance omet d'ordonner l'autopsie nécessaire et/ou l'information, cette omission (qui constitue une violation du devoir d’instruire) ne saurait porter préjudice aux survivants. Cette omission entraîne alors le renversement du fardeau de la preuve concernant la causalité entre l'accident/la maladie professionnelle et le décès de l'assuré. Ce n'est ainsi que si l'assureur peut prouver, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'il n'y a pas de lien de causalité, qu’il n'est pas tenu de verser ses prestations. Si la preuve n'est pas apportée, l'assureur supporte le risque de l'absence de preuve et est tenu de prester (Ueli KieseR / Kaspar Gehring / Susanne Bollinger, KVG/UVG Kommentar, 2018, n° 2 ad Art. 47 LAA).

9.              

9.1. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 135 V 39 cons. 6.1). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.2. Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a, ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.          

10.1. En l'espèce, feu l’époux de la recourante a été victime d’un accident de moto le 22 février 2019, suite auquel il a souffert de multiples traumatismes (fractures diverses et brûlures sur 10% du corps notamment) ayant nécessité une hospitalisation continue jusqu’au 24 mai 2019, date de son décès. L’intimée a pris en charge les frais consécutifs à cet accident sur la base des rapports des médecins ayant suivi le blessé. Lorsque la recourante a sollicité des prestations de survivants, l’intimée a, tout d’abord, soumis le cas à son médecin-conseil, le Dr F______, puis elle a saisi le Dr G______, en lui demandant de se prononcer sur le lien de causalité entre le décès et l’accident du 22 mai 2019. Le Dr G______ a rendu son avis en date du 11 août 2020 et nié l’existence d’un tel lien de causalité. Se fondant sur ce rapport, l’intimée a refusé toute prestation de survivant.

10.2. À titre liminaire, il y a lieu de déterminer les principes procéduraux applicables dans le cas d’espèce au vu de l’absence d’autopsie. En effet, de l’avis de l’intimée, il appartenait à la recourante de sauvegarder ses droits, en sollicitant la réalisation d’une autopsie. Ne l’ayant pas fait, c'est elle qui supportait le fardeau de la preuve.

L’intimée se méprend sur ses obligations et celles de la recourante. En effet, conformément à l’art. 43 al. 1 LPGA, dans sa teneur en vigueur lors du décès de l’époux de la recourante, l’intimée se devait d’instruire d’office les faits de la cause en se procurant, dans un premier temps, tous les rapports médicaux en lien avec le décès et cela fait, en ordonnant, si besoin, une autopsie. Ces obligations lui incombaient même en présence d’un élément d’extranéité, comme c’est le cas en l’espèce avec un décès en France. La seule nuance dans une situation internationale est le fait que la collaboration de la recourante peut cas échéant s’avérer indispensable, malgré la collaboration prévue par les art. 82 du Règlement (CE) no 883/2004 et 87 al. 1 du Règlement (CE) no 987/2009.

Or, force est de constater que l’intimée a été informée du décès de son assuré le 27 mai 2019, à 9h19, soit le premier jour ouvrable suivant le décès, qui a eu lieu le vendredi 24 mai 2019 en fin de journée (décès prononcé à 17h30). Elle n’a toutefois rien entrepris suite à cette information. Elle ne s’est, en particulier, pas procuré le certificat de décès ou encore les rapports des médecins ayant tenté de secourir son assuré lors de ses malaises. Si l’intimée avait immédiatement fait le nécessaire, son dossier aurait pu comporter, dans les jours suivant le décès, le certificat de décès, sur lequel il est indiqué que la cause du décès était une probable embolie pulmonaire et qu’il s’agissait d’une complication de soins médicaux ou chirurgicaux ou encore le compte-rendu d’hospitalisation établi le 27 mai 2019 par le Dr E______, dans lequel ce médecin a mentionné un possible infarctus mésentérique. Si l’intimée avait instruit le dossier selon le principe inquisitoire, elle aurait également pu obtenir la fiche de secours établie par le Dr D______ le jour-même du décès, sur laquelle celui-ci a retenu le diagnostic d’arrêt cardio-respiratoire (ACR) avec possible embolie pulmonaire (EP). Ces trois documents, établis les 24 et 27 mai 2019, étaient immédiatement disponibles et auraient pu être soumis au Dr F______ dans les jours suivant le décès. Ce médecin aurait vraisemblablement pris les mêmes conclusions que dans son rapport du 22 août 2019, dans lequel il a considéré, sur la base du seul rapport du Dr E______, qu’en l’absence d’une autopsie, aucun diagnostic précis ne pouvait être établi concernant les causes du décès, les diagnostics d’embolie pulmonaire ou d’infarctus mésentérique n’étant que « possibles ». L’intimée aurait alors dû ordonner une autopsie si elle voulait éviter un renversement du fardeau de la preuve.

En réalité, entre le 27 mai et le 7 juin 2019, soit pendant près de deux semaines, l’assurance intimée n’a procédé à aucun des actes d’instruction nécessaires pour établir le droit aux prestations de la recourante et n’a, en particulier, ni requis directement une autopsie, ni invité la recourante à demander une autopsie compte tenu de son devoir de collaboration et du caractère international du cas. Ce n’est finalement que le 7 juin 2019, que l’intimée a entrepris plusieurs actes d’instruction, en adressant :

-          un courriel au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lyon concernant uniquement des questions de prise en charge des frais engendrés par l’hospitalisation à Lyon (cf. pièce 54, intimée);

-          un courriel à la gendarmerie française, tendant à obtenir une copie du rapport de police établi consécutivement à l’accident du 22 février 2019 (cf. pièce 58, intimée);

-          un courrier à la Clinique Korian Le Mont Veyrier concernant également là une question de frais et de prise en charge (cf. pièce 55, intimée);

-          un autre courrier adressé à cette même clinique lui demandant d’établir un certificat médical, en y joignant les rapports des réanimateurs et le constat du décès, tout en précisant les causes (cf. pièce 57, intimée).

Force est de constater qu’à aucun moment, il n’a été question d’une demande d’autopsie ou de copie du rapport d’autopsie, contrairement à ce qu’affirme l’intimée.

En n’entreprenant pas les actes d’instruction nécessités par les circonstances et, plus particulièrement, en n’ordonnant pas d’autopsie, l’assurance intimée a violé son devoir d’instruire la cause d’office. Dès lors, suite au renversement du fardeau de la preuve, il lui appartient de prouver l’absence de lien de causalité pour refuser de prester.

C’est dans ce contexte que le rapport du Dr G______ doit être examiné.

En d’autres termes, la question qui se pose est celle de savoir si les conclusions de ce médecin sont suffisamment probantes pour que l’on puisse considérer que l’intimée a rendu vraisemblable l’absence de lien de causalité.

10.3. Force est tout d’abord de constater que le rapport du Dr G______ ne saurait être considéré comme une expertise au sens de l’art. 44 LPGA. En effet, l’intimée a mandaté le médecin précité sans respecter les exigences procédurales prévues par la disposition en question et la jurisprudence y relative. En particulier, l’assurance n’a soumis à la recourante ni le nom du Dr G______, ni les questions qu’elle envisageait poser à ce dernier, restreignant par là le droit de la veuve de l'assuré de participer à la désignation de l’expert et supprimant la possibilité d’invoquer d’éventuels motifs de récusation à l’encontre du Dr G______ avant que celui-ci ne procède à son examen de la situation.

Une telle manière de procéder relève incontestablement d'une violation du droit d'être entendue de la recourante. Or, conformément à la jurisprudence en la matière, ce vice ne saurait être réparé dans la présente procédure, dès lors que le rapport du Dr G______ constitue l'élément central et prépondérant de l'instruction, sur lequel l’intimée s’est fondée pour nier le doit de la recourante aux prestations de survivant.

Partant, l’appréciation du médecin précité doit être écartée, dans la mesure où elle a été obtenue en violation des droits de participation de la recourante.

10.3.1 Le résultat serait le même si, au lieu d’écarter le rapport du Dr G______, on devait le qualifier d’appréciation d’un médecin interne à l’assurance. Dans un tel cas, il convient d’examiner la valeur probante dudit rapport conformément aux réquisits jurisprudentiels en la matière.

À cet égard, il y a lieu de relever préalablement que le fait qu’il s’agisse d’un rapport sur dossier ne constitue pas un motif pour lui nier toute valeur probante, dans la mesure où le dossier comporte suffisamment de pièces médicales établies suite à un examen du défunt assuré.

Cela étant, force est de constater, en premier lieu, que le Dr G______ a considéré que le décès de feu l’époux de la recourante était très vraisemblablement d’origine coronarienne, dans le cadre d’une mort subite de l’adulte. Il s’agit là d’un diagnostic relevant de la cardiologie, spécialisation qui n’est pas celle du médecin consulté par l’assurance. Or, selon la jurisprudence fédérale, la valeur probante d’un document établi par un médecin ne disposant pas d'une spécialisation dans la discipline médicale concernée est moindre (cf. consid. 6.3.5 ci-dessus).

Sur le fond, le Dr G______ a tout d’abord décrit la théorie en matière de mort subite de l’adulte. Il a ainsi expliqué qu’il s’agit d’une mort naturelle, consécutive généralement à une cause cardiaque, se manifestant par une brusque perte de connaissance dans l’heure qui suit l’apparition des symptômes, chez une personne cliniquement stable. L’arrêt cardio-respiratoire (ACR) se traduit par une cessation de l’activité mécanique cardiaque, confirmée électrocardiographiquement par une dissociation électromécanique, comme dans le cas d’espèce. Les morts subites sont la plupart du temps consécutives à une maladie coronarienne, méconnue ou non, entraînant une fibrillation ventriculaire avec arrêt circulatoire, puis perte de connaissance brutale. Le Dr G______ a également rappelé les statistiques, à savoir que l’incidence annuelle d’une mort subite de l’adulte à 50 ans est de 100 cas pour 100'000 personnes, avec comme étiologie une maladie coronarienne dans 75% des cas. Moins de 20% des étiologies sont d’origine non cardiaque, telles que hémorragies non traumatiques, accidents vasculaires cérébraux ou embolies. Selon une étude réalisée à Lyon, sur 1000 morts subites, il y a eu 15 embolies pulmonaires massives, 11 dissections aortiques, 10 séquelles fibreuses de contusion myocardique ventriculaire gauche et 8 myocardites.

Pour le Dr G______, statistiquement, la mort subite d’origine cardiaque était à privilégier dans le cas de la mort subite. S’y ajoutaient des éléments propres au cas présent, comme l’apparition d’un trouble de la conduction après le premier malaise le 24 mai 2019, laissant supposer une pathologie de la microcirculation coronarienne. Le médecin consulté par l’intimée est également d’avis que si une embolie pulmonaire n’est pas exclue vu les antécédents de polytraumatisme, elle est plutôt rare et survient dans les trois premières semaines dans deux tiers des cas. Cela étant, les scores diagnostics calculés dans le présent plaidaient pour un risque d’embolie pulmonaire bas. En effet, il n’y avait pas d’anamnèse de dyspnée, d’hémoptysie, de signe clinique en faveur d’une thrombose veineuse profonde (TVP) des membres inférieurs, un rythme cardiaque de 70/mn et de l’absence de notion d’antécédent de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire antérieure. L’ECG ne montrait pas de signe suggestif d’une embolie pulmonaire et l’échocardiographie pratiquée n’avait pas décelé de dilatation ventriculaire droite. Cela étant, l’élévation des D-dimères ne permettait pas d’exclure une embolie pulmonaire. Enfin, l’absence d’élévation des troponines n’était pas un argument permettant d’exclure un infarctus du myocarde.

Le rapport du Dr G______ a été soumis au Dr D______, médecin réanimateur étant intervenu le 24 mai 2019, qui a contredit les conclusions du Dr G______ sur plusieurs points. Le médecin réanimateur a tout d’abord considéré que le décès de l’assuré n’était pas dû à une mort subite de l’adulte, en raison du contexte post-traumatique, de son âge, de l’absence de signes ECG et de malformations sur les données échographiques. Le Dr D______ a également estimé qu’on ne se remettait pas spontanément d’une fibrillation ventriculaire. Il a aussi rappelé que le décès de l’époux de la recourante était intervenu dans le contexte d’un polytraumatisme sévère ayant notamment affecté les membres, ce qui favorisait des éléments thrombo-embolitiques, même à distance. Il a expliqué que le premier lever était une phrase très délicate, car à très haut risque de départ d’un caillot de sang même sous anticoagulants durant toute la période d’alitement. Le Dr D______ a ajouté que les signes digestifs avaient, selon lui, été pris à tort pour une ischémie mésentérique, mais qu’ils pouvaient surtout être le témoin d’un bas débit mésentérique (pas suffisamment de pression pour pousser le sang vers le tube digestif, de sorte que celui-ci avait manqué d’oxygène, d’où les signes digestifs). Le second malaise avec arrêt cardiaque s’était produit soit par complément d’un deuxième caillot, soit du fait du premier caillot, avec le ventricule droit qui ne pouvait plus pomper en raison d’un obstacle à l’écoulement du sang dans les artères pulmonaires. Le fait que feu l’époux de la recourante ait été en dissociation électromécanique indiquait en outre que le cœur envoyait un signal électrique pour se contracter, sans pouvoir le faire. Par ailleurs, la désaturation, l’essoufflement ou encore l’hémoptysie (crachat de sang) mentionnés par le Dr G______ étaient certes des signes classiques d’une embolie pulmonaire, mais ils étaient très rares, voire inexistants, dans un cas comme celui-ci, car l’embolie ne leur permettait pas de se mettre en place compte tenu de la brutalité du problème. En réalité, l’hémoptysie se retrouvait dans moins de 30% au stade tardif de nécrose pulmonaire le plus souvent, deux à trois semaines après. Par ailleurs, en échographie pendant la réanimation, on ne pouvait pas voir le cœur se dilater sous l’effet de l’obstacle, car il fallait quelques heures avant que cela ne se produise. Cela prenait d’autant plus de temps que le cœur était sain, car il compensait au début avant de se faire dépasser par les événements. Enfin, le Dr D______ excluait des atteintes alternatives à l’embolie, telles que pneumothorax, dissection aortique, infarctus, AVC et iatrogénie (médicaments ou action des soignants).

Après confrontation des rapports des Drs D______ et G______, force est de constater que le Dr G______ a retenu un diagnostic cardiaque, qui va au-delà de son domaine de spécialisation, principalement sur la base de statistiques et de considérations théoriques générales, sans prendre en considération l’ensemble des éléments du cas particulier alors que, pour sa part, le Dr D______ a expliqué, point par point, pour quelles raisons il retenait le diagnostic d’embolie pulmonaire. Ces critiques ont été soumises au Dr G______ qui ne s’est pas prononcé en particulier sur les signes digestifs, que le Dr D______ a mis en lien avec un bas débit mésentérique. Il ne s’est pas non plus expliqué sur les affirmations du médecin réanimateur relatives à l’absence de désaturation, d’essoufflement et d’hémoptysie ou encore le fait de ne pas voir le cœur se dilater sous l’effet de l’obstacle.

En somme, les conclusions du Dr G______ sortent de son domaine de spécialisation et se fondent sur des considérations d’ordre général, lesquelles ne prennent pas en considération l’ensemble des éléments du cas particulier, occultant plusieurs constatations en faveur d’une embolie pulmonaire.

Il est donc légitime de nourrir de sérieux doutes quant à la fiabilité et la pertinence de l’appréciation du médecin consulté par l’assurance. Dès lors, la cause ne pouvait être tranchée en se fondant sur son rapport.

10.4. En définitive, le dossier soumis à la Cour de céans ne comporte aucun rapport circonstancié et probant permettant de retenir l’absence de lien de causalité naturelle entre le décès de l’époux de la recourante et l’accident assuré du 22 février 2019. L’intimée doit donc supporter le risque de l’absence de preuve et prester.

Dans la mesure où le Dr G______ n’a pas été nommé selon les règles procédurales en matière d’expertise et que, dans tous les cas, il n’est pas spécialisé dans les domaines litigieux, son audition s’avère inutile. Par ailleurs, dans la mesure où le fardeau de la preuve repose sur l’intimée et non plus sur la recourante, l’audition du Dr D______ s’avère également inutile. Dans ces conditions, la Cour de céans renoncera à l’audition des médecins précités par appréciation anticipée des preuves (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_206/2007 du 29 octobre 2007 consid. 5.2 non publié aux ATF 133 III 675).

La décision querellée doit être annulée et le lien de causalité entre l’accident assuré et le décès de l’époux de la recourante admis. La cause sera toutefois renvoyée à l’intimée pour examen des prestations auxquelles la recourante peut prétendre et de leurs conditions.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision sur opposition du 12 mars 2021 annulée.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 12 mars 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour examen des autres conditions d'octroi des prestations pour survivant et décision.

5.        Condamne l’intimée à verser CHF 3'500.- à la recourante à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le