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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3201/2021

ATAS/803/2022 du 07.09.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3201/2021 ATAS/803/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 septembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Monsieur B______, ______, à CHÂTELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael ANDERS

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1985, originaire du Kosovo et domicilié en Suisse depuis le 6 avril 2018, où il s’est marié le ______ de la même année. Il a travaillé pour C______ Sàrl (ci-après : l’employeuse) dès le 1er octobre 2018.

B. a. Le 29 avril 2019, l’employeuse a informé la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA) que l’assuré avait eu un accident le 16 avril 2019. Un meuble lui était tombé sur les genoux lors d’un transport dans un escalier.

b. Le 2 mai 2019, la SUVA a informé l’assuré qu’elle lui allouait les prestations d’assurance légales pour les suites de son accident professionnel du 16 avril 2019.

c. Dans un rapport du 11 juillet 2019, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, a indiqué que les premiers soins avaient été donnés à l’assuré le 18 avril 2019. L’accident était intervenu pendant que l’assuré montait des escaliers au travail. Son genou droit avait lâché suite à une torsion de ce genou et l’assuré était tombé sur le genou et la hanche gauches. Depuis, il souffrait de gonalgies droites (entorse) et de douleurs à la hanche gauche. Il était totalement incapable de travailler depuis le 16 avril 2019.

d. Le 4 septembre 2019, l’assuré a demandé des prestations de l’assurance-invalidité en raison d’une incapacité de travail à 100% dès le 6 avril 2018, précisant que sa langue maternelle était l’albanais, qu’il avait suivi les écoles obligatoires au Kosovo et qu’il travaillait comme déménageur à 100% pour l’employeuse. Il avait des douleurs au genou droit et à la hanche gauche. L’accident du 16 avril 2019 avait réactivé une ancienne douleur à la hanche gauche.

e. Dans un rapport du 12 septembre 2019, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a, après avoir examiné l’assuré, posé le diagnostic de status après entorse du genou droit datant du mois d’avril 2019 et précisé qu’une coxarthrose avancée de la hanche gauche (séquelle de pathologie de l’enfance) constituait une comorbidité. La situation était actuellement totalement stabilisée, sans séquelle en ce qui concernait le genou droit. La coxarthrose de la hanche gauche de l’assuré n’avait pas été déstabilisée par l’événement annoncé à la SUVA.

La reprise du travail dans l’ancienne activité de déménageur pouvait être compromise, mais uniquement par rapport à la situation ancienne qui ne concernait pas la SUVA. Pour les seules suites de l’événement accidentel déclaré et touchant les deux genoux, il n’y avait aucune conséquence susceptible de modifier l’activité professionnelle ultérieure de l’assuré et la reprise totale de l’activité professionnelle était accordée à partir de ce jour. Il était donc proposé de clôturer le dossier. En raison de la coxarthrose annoncée, les activités physiques étaient à éviter.

f. Dans un rapport du 14 septembre 2019, la doctoresse F______, médecin généraliste, a indiqué suivre l’assuré depuis le 18 avril 2019 et qu’il était totalement incapable de travailler en tant que déménageur dès le 16 avril 2019, et pour une durée indéterminée. Originaire de Macédoine et âgé de 34 ans, il souffrait depuis 2000 d’une luxation de la hanche gauche qui avait évolué vers une arthrose sévère. Le 16 avril 2019, pendant son travail de déménageur, alors qu’il montait des escaliers, son genou droit avait lâché et suite à la torsion de ce dernier, l’assuré était tombé sur le genou et la hanche gauches. Depuis, il souffrait de gonalgies droites et d’une recrudescence de douleurs à la hanche gauche. Il était traité avec AINS et séances de physiothérapie, qui avaient permis une amélioration des gonalgies, mais pas de la douleur à la hanche gauche. Les diagnostics avec incidence sur la capacité de travail étaient une entorse du genou droit et une luxation de la hanche gauche. Le pronostic était favorable dans une activité adaptée. L’assuré ne pouvait pas stationner longtemps debout, marcher pour des longs trajets, s’accroupir, monter et descendre les escaliers, soulever et porter des charges (plus de 10 kg). On pouvait raisonnablement attendre de lui une activité de huit heures par jour pour autant que celle-ci tienne compte de son atteinte à la santé. Le pronostic sur le potentiel de réadaptation était très favorable.

g. Le 9 octobre 2019, la SUVA a considéré que compte tenu du cours de la guérison de son genou droit, la situation de l’assuré était actuellement stabilisée sans séquelle. En ce qui concernait ses troubles de la hanche gauche, il n’existait pas de lien de causalité avéré ou pour le moins probable avec l’événement du 16 avril 2019. La SUVA devait ainsi clore le cas avec effet au 28 octobre 2019.

h. Le 14 février 2020, le Dr D______ a indiqué que le genou avait récupéré la dernière fois qu’il avait vu l’assuré le 17 octobre 2019, mais que sa hanche gauche resterait impotente à vie, suite à sa luxation traumatique en 1990 pendant la guerre. Tous les mouvements du membre inférieur gauche étaient altérés par la coxarthrose. L’assuré ne pouvait plus exercer son métier de déménageur et pouvait être astreint à un travail sédentaire avec quelques déplacements, à 50% au maximum. La capacité de travail en tant que déménageur était de 0%.

i. Selon un rapport d’expertise établi le 30 juin 2020 par le docteur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique FMH, sur demande de la Mobilière Suisse, Société d’assurances SA (ci-après : la Mobilière), l’expert avait vu l’assuré le 30 juin 2020 et posé le diagnostic de coxarthrose gauche post-luxation réduite chirurgicalement. Les douleurs correspondaient à ce que l’on pouvait attendre en fonction de l’anamnèse et de la coxarthrose gauche. On pouvait seulement s’étonner qu’elles n’aient commencé, d’après l’assuré, qu’après la chute du 19 avril 2019, alors qu’il n’y avait pas d’évolution. La coxarthrose devait être identique avant la chute et le jour du rapport et il n’y avait pas eu de lésion traumatique mise en évidence à ce niveau. L’activité de déménageur ne pourrait jamais être reprise. Dans une activité adaptée, excluant le port de charges, la marche en terrain inégal, les échelles et les échafaudages, en travaillant avec une chaise « assis-debout », le travail sédentaire pouvait être effectué immédiatement et probablement depuis plusieurs mois. Au Kosovo, l’assuré faisait un travail de bureau dans le domaine des assurances. Cette activité, comme n’importe quelle autre activité correspondant au profil de charges, pouvait être effectuée. La mise en place d’une prothèse totale de la hanche gauche, même si l’âge de l’assuré n’était pas habituel pour ce type d’intervention, lui permettrait de ne plus avoir de douleurs et d’avoir une activité professionnelle sans douleurs, pour autant qu’elle corresponde aux limitations fonctionnelles, pour ne pas surcharger la prothèse.

j. Le 17 juillet 2020, la Mobilière a informé l’assuré qu’il ressortait de l’expertise du Dr G______ que les troubles diagnostiqués nécessitant une incapacité de travail étaient dus à des lésions traumatiques, qui ne relevait pas de l’assurance perte de gain maladie.

k. Dans un rapport du 30 janvier 2021, le Dr D______ a indiqué que l’état était stationnaire. L’assuré continuait à se plaindre d’une douleur fémoro-rotulienne vive à la contraction contrariée du quadriceps, mais sans lésion cartilagineuse de la rotule sur l’IRM. Il s’agissait donc d’un syndrome fémoro-rotulien post-traumatique. Tous les mouvements du membre inférieur gauche étaient altérés par la coxarthrose. L’assuré ne pouvait plus exercer son métier de déménageur, mais pouvait être astreint à un travail adapté à 50% au maximum.

l. Selon un rapport du service médical régional (ci-après : SMR) de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) du 7 juin 2021, au vu de l’atteinte, il n’y avait aucune raison médicale pour s’écarter de l’évaluation du Dr G______. Dans une activité respectant strictement les limitations fonctionnelles d’épargne de la hanche gauche, la capacité de travail était pleine avec une baisse de rendement de 10% (pause de cinq minutes toutes les heures), depuis au moins le 9 septembre 2019, date de l’examen du Dr E______.

m. Par projet de décision du 10 juin 2021, l’OAI a informé l’assuré que son degré d’invalidité était nul et que des mesures professionnelles ne se justifiaient pas.

n. Le 20 juin 2021, l’assuré a formé opposition au projet de décision de l’OAI. Il demandait une réévaluation de son handicap post-traumatique grave et une formation professionnelle dans une profession adaptée à son handicap, avec une impotence fonctionnelle et douloureuse définitive de sa hanche gauche.

o. Par décision du 19 août 2021, l’OAI a rejeté la demande de l’assuré. Celui-ci avait un statut d’actif. À l’issue de l’instruction médicale, l’OAI lui reconnaissait une incapacité de travail de 100% dans son activité habituelle dès le 14 avril 2019 (début du délai d’attente d’un an) et considérait que dans une activité adaptée à son état de santé, sa capacité de travail était de 100% dès le 9 septembre 2019. Il ressortait de la comparaison des gains que son invalidité était de 0% en prenant en compte un revenu sans invalidité de CHF 55'200.- et un revenu avec invalidité de CHF 61'503.-. L’appréciation de l’OAI était fondée en partie sur les rapports médicaux des médecins de l’assuré. Sur la base d’une appréciation globale de la situation, il avait été estimé que la capacité de travail de l’assuré était définitivement nulle dans son activité habituelle de déménageur. En revanche, son état de santé lui permettait une activité professionnelle dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Dans le cadre de l’intervention précoce, l’OAI avait proposé à l’assuré de mettre en place des mesures, qu’il avait refusées. Quant aux mesures de reclassement professionnel, la condition d’une perte de gain de 20% n’était pas remplie. En conséquence, les éléments produits par l’assuré dans le cadre de son audition ne permettaient pas à l’OAI de modifier sa précédente appréciation.

C. a. Le 20 septembre 2021, l’assuré a formé recours contre la décision précitée par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à l’annulation de la décision querellée, à ce qu’une expertise bidisciplinaire, orthopédique et psychiatrique, soit ordonnée et au versement d’une rente entière d’invalidité, avec suite de frais et dépens.

À l’appui de son recours, il a produit un rapport établi le 1er décembre 2021 par la doctoresse H______, psychiatre et psychothérapeute FMH, et médecin expert certifié de la capacité de travail ACT. Celle-ci indiquait suivre l’assuré depuis le 3 juillet 2021 et qu’il souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, et d’un syndrome douloureux chronique. Du point de vue psychiatrique, sa capacité de travail actuelle était de 0%, de manière probablement durable.

b. Par réponse du 19 octobre 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le 13 décembre 2021, le recourant a versé à la procédure un certificat établi le 1er décembre 2021 par la Dresse H______, dont il demandait l’audition, faisant valoir que vu le diagnostic posé par cette dernière et la probable incapacité de travail durable, l’instruction médicale de l’OAI apparaissait incomplète.

d. Le 11 janvier 2022, l’intimé a persisté dans ses conclusions, sur la base d’un avis du SMR du 23 décembre 2021.

e. Le 11 février 2022, le recourant a versé à la procédure un certificat complémentaire établi par la Dresse H______.

f. Le recourant a été entendu par la chambre de céans le 4 mai 2022.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente entière d’invalidité.

5.             Troubles somatiques

5.1  

5.1.1 Le recourant a fait valoir qu’il semblait que le rapport du médecin-conseil de la SUVA, le Dr E______, du 12 septembre 2019, avait constitué l’unique référence médicale de la décision et qu’il indiquait par erreur que son atteinte à la hanche gauche était une séquelle d’une malformation congénitale. Or, sa hanche gauche ne devait pas son état invalidant à une malformation congénitale, mais à un accident en temps de guerre. De plus, la fracture-luxation de cet organe avait nécessité plusieurs interventions, de sorte qu’il ne pouvait être question d’absence d’antécédents « en dehors d’une chirurgie pour la hanche gauche, séquelle d’une malformation congénitale », comme l’avait mentionné ce médecin. Il estimait, sur la base d’un rapport du Dr D______ du 6 septembre 2021, qu’il n’était capable de travailler qu’à 50% dans une activité adaptée et face à une instruction médicale imprécise en matière de LAA et d’une probable pathologie psychiatrique, une expertise somatique et psychiatrique devait être ordonnée.

5.1.2 L’intimé a répondu que le SMR avait estimé qu’il n’y avait aucun motif pour s’écarter de l’évaluation de la SUVA et de l’expertise du Dr G______ et qu’il avait correctement retenu que le recourant présentait une capacité de travail de 100%, avec une baisse de rendement de 10%, dans une activité respectant strictement les limitations fonctionnelles d’épargne de la hanche gauche depuis au moins le 9 septembre 2019, date de l’examen du Dr E______.

Aucun élément médical objectivement vérifiable, de nature clinique ou diagnostique, qui aurait été ignoré dans le cadre de l’instruction et qui serait suffisamment pertinent pour remettre en cause le bien-fondé des conclusions du SMR ainsi que de l’intimé n’avait été apporté par le recourant.

L’instruction menée par l’OAI permettait de statuer en pleine connaissance de cause sur l’état de santé et la capacité de travail du recourant, de sorte que la mise en œuvre de mesures d’investigation complémentaires s’avérait inutile.

Le rapport du Dr D______ n’apportait aucun élément supplémentaire ou d’aggravation à ceux déjà connus, étant rappelé que le recourant était entré en Suisse avec l’atteinte de son membre inférieur gauche qui ne l’avait pas empêché de travailler dans son pays d’origine.

5.2  

5.2.1 En l’espèce, il faut constater que le recourant ne conteste la décision de l’intimé, sur le plan somatique, qu’en ce qui concerne son atteinte à la hanche gauche. Contrairement à ce qu’il allègue, le rapport du Dr E______ du 9 septembre 2019 n’a pas constitué l’unique référence médicale de la décision, puisque le rapport du SMR du 7 juin 2021, ayant fondé la décision de l’intimé, prenait également en compte l’expertise du Dr G______ ainsi que les rapports médicaux des Drs D______ et F______. Le SMR a estimé que les conclusions du Dr G______ étaient convaincantes en tant qu’elles retenaient une pleine capacité de travail du recourant dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles d’épargne de la hanche gauche avec une baisse de rendement de 10% (pause de cinq minutes toute les heures).

5.2.2 S’agissant du rapport du Dr E______, il faut admettre qu’il contenait une erreur, puisqu’il retenait que l’atteinte de la hanche gauche du recourant était due à une malformation congénitale, alors que cette atteinte est intervenue en raison d’une fracture-luxation en 1990, selon le rapport d’expertise du Dr G______, version qui a ensuite été confirmée par le recourant à la chambre de céans.

Cela étant, la question de savoir si le rapport du Dr E______ doit se voir reconnaître une pleine valeur probante peut toutefois rester ouverte, dès lors que ce rapport portait essentiellement sur l’atteinte au genou droit du recourant et que ses conclusions à ce sujet ne sont pas contestées.

Le Dr E______ a considéré que la coxarthrose de la hanche gauche de l’assuré n’avait pas été déstabilisée par l’événement annoncé à la SUVA et que cette atteinte n’était pas en rapport de causalité avec l’évènement accidentel à la charge de celle-ci.

5.2.3 L’atteinte à la hanche du recourant a fait l’objet d’une expertise spécifique par le Dr G______, laquelle remplit les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante et n’est pas critiquée par les parties. Cette expertise tient en particulier correctement compte du fait que la coxarthrose est due à une post-luxation subie pendant la guerre du Kosovo.

5.2.4 S’agissant du début de l’exigibilité d’une activité adaptée, le SMR s’est référé à tort à l’examen de l’assuré par le Dr E______ du 9 septembre 2019, car ce dernier n’a pas pris en compte l’atteinte à la hanche du recourant dans son appréciation du cas, puisqu’il considérait qu’elle n’était pas en lien de causalité avec l’accident.

L’on peut toutefois confirmer l’exigibilité dès septembre 2019 prise en compte par l’intimé, sur la base du rapport de la Dresse F______ du 14 septembre 2019, qui retenait, en tenant compte de l’atteinte à la hanche du recourant, qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui une activité de huit heures par jour pour autant que celle-ci tienne compte de son atteinte à la santé. En effet, cette appréciation est compatible avec celle du Dr G______, qui concluait le 30 juin 2020 qu’une activité adaptée était exigible immédiatement et probablement depuis plusieurs mois.

5.2.5 Le Dr D______ a retenu pour le recourant une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée dès son rapport du 14 février 2020. Dans son rapport du 6 septembre 2021, il retenait comme limitations fonctionnelles tout effort de marche au-delà de 500 m, tout effort physique et tout port de charges de plus de 1 kg.

Il faut constater que ces limitations sont proches de celles retenues par le Dr G______, qui estimait que le recourant pouvait exercer une activité sédentaire excluant le port de charges, la marche en terrain inégal, les échelles et les échafaudages, en travaillant avec une chaise « assis-debout ». La conclusion peu motivée du Dr D______ quant au taux de capacité de travail du recourant apparaît ainsi comme une appréciation différente du cas, qui ne suffit pas à remettre sérieusement en cause les conclusions convaincantes de l’expertise du Dr G______.

5.2.6 En conclusion, la décision de l’intimé doit être confirmée.

6.             Atteinte psychique

6.1  

6.1.1 Le recourant a fait valoir que ses idées suicidaires étaient un signe de trouble psychiatrique invalidant qui s’ajoutait aux limitations somatiques et qu’une expertise psychiatrique devait être ordonnée.

6.1.2 Le 11 janvier 2022, l’intimé a persisté dans ses conclusions, sur la base d’un avis du SMR du 23 décembre 2021, qui estimait que les constats de la Dresse H______ faisaient retenir tout au plus un épisode dépressif léger, qui par définition interférait de manière mineure avec le fonctionnement social et professionnel. Un syndrome douloureux chronique ne pouvait en outre être posé, car le recourant avait des atteintes somatiques qui expliquaient pleinement ses douleurs. Le tableau clinique était dominé par une problématique de nature essentiellement physique. Aucun élément médical objectif au dossier ne faisait état de l’existence de troubles psychiques de nature à influencer la capacité de travail du recourant. Par conséquent, une expertise psychiatrique n’était pas justifiée.

6.1.3 Le principe de l'unicité de la survenance de l'invalidité cesse en effet d'être applicable lorsque l'invalidité subit des interruptions notables ou que l'évolution de l'état de santé ne permet plus d'admettre l'existence d'un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveau de survenance de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.1 et 5.2 et les références).  

La survenance d'une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du refus de la première demande de prestations et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40% au moins en moyenne sur une année a, compte tenu de l'absence de connexité matérielle avec la situation de fait prévalant au moment du refus de la première demande de prestations, pour effet de créer un nouveau cas d'assurance (ATF 136 V 369 consid. 3.1 p. 373 et les références ; arrêt 9C_294/2013 du 20 août 2013 consid. 4.1 et les références, in SVR 2013 IV n° 45 p. 138 ; voir également MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3ème éd. 2014, n. 138 ad art. 4 LAI). 

Dans un arrêt 9C_697/2015 du 9 mai 2016, le Tribunal fédéral, s’agissant d’un l'assuré qui avait été incapable de travailler d'abord en raison de troubles somatiques (lésions subies à l'épaule à la suite de l'accident survenu en juillet 2009), puis en raison de troubles psychiatriques (schizophrénie paranoïde et trouble dépressif sévère) dès janvier 2012, a confirmé les conclusions des premiers juges, qui avaient considéré que les atteintes somatiques de juillet 2009 étaient distinctes de celles psychiatriques apparues en janvier 2012 et que les secondes ne pouvaient être rattachées par un lien temporel à l'accident de juillet 2009. L'autorité cantonale avait considéré qu'un nouveau cas d'assurance était survenu en janvier 2012, entraînant le départ d'un nouveau délai de carence échéant une année plus tard. En effet, par son argumentation, l'administration n’était pas parvenue, selon elle, à démontrer qu'un lien de fait et de temps existait entre la première et la seconde atteinte à la santé. Elle se limitait à faire part de sa propre appréciation des faits, sans discuter les considérations des premiers juges. Ces derniers avaient expliqué qu'en plus du fait que la cause d'invalidité survenue en janvier 2012 (troubles psychiatriques) était, par nature, différente de celle survenue en 2009 (troubles somatiques), l'hypothèse évoquée dans le rapport de l'Unité de Psychiatrie Ambulatoire C. du 7 juillet 2014 d'une décompensation des troubles psychiques en raison de l'accident n'aurait pas permis, si elle devait être considérée comme vraisemblable, de retenir que les troubles somatiques et psychiques étaient une seule et même invalidité ; l'atteinte psychiatrique n'était devenue incapacitante qu'en janvier 2012. L'intervalle temporel entre le moment où était survenue l'incapacité de travail due à l'atteinte physique et celui où l'atteinte psychique avait entraîné une incapacité de travail comportait trente mois. On ne pouvait dès lors parler d'une évolution en parallèle des deux atteintes en cause. En outre, le fait qu'il n'y avait pas eu d'interruption de l'incapacité de travail depuis l'accident de 2009 et que les deux atteintes avaient, à un moment donné, coexisté, ne suffisait pas en l'espèce à retenir un unique délai de carence. La jurisprudence avait admis qu'un nouveau cas d'assurance pouvait survenir même si une première atteinte à la santé était toujours présente et causait une incapacité de travail lorsqu'une nouvelle atteinte à la santé totalement distincte apparaissait (arrêt du Tribunal fédéral 9C_294/2013 du 20 août 2013 consid. 3.1 et 4.2).

6.1.4 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Les conditions de cette révision s’appliquent également par analogie dans le cas où la personne assurée présente une nouvelle demande de prestations après qu’une première demande a été rejetée (DUPONT-MOSER-SZELESS, Commentaire de la LPGA, 2018, p. 250).

Selon l’art. 87 al. 1 let. b RAI, la révision a lieu d’office lorsque des organes de l’assurance ont connaissance de faits ou ordonnent des mesures qui peuvent entraîner une modification importante du taux d’invalidité, du degré d’impotence ou encore du besoin de soins ou du besoin d’aide découlant de l’invalidité.

6.2 À l’appui de son recours, le recourant a produit un rapport établi le 1er décembre 2021 par la Dresse H______, qui indiquait qu’il souffrait d’un trouble dépressif récurrent épisode actuel sévère et d’un syndrome douloureux chronique et qu’elle le suivait depuis le 3 juillet 2021. Elle a notamment constaté que le recourant avait un appétit normal, pas de perte d’espoir, ni idées de culpabilité par rapport au fait qu’il n’aidait pas suffisamment sa femme et des idées de mort passives (à cause des douleurs, car il disait que c’était long) et pas de symptômes psychotiques.

Il avait des troubles du sommeil, ayant des cauchemars bizarres avec des animaux et des gens qui étaient en train de le tuer (affects inadéquats quand il abordait le sujet, car il rigolait), dans le rêve il essayait de se sauver et n’y arrivait pas. Ensuite, il se réveillait et avait du mal à se rendormir. Sa femme lui disait qu’il s’agitait dans le sommeil et parfois elle le réveillait en plein cauchemar.

Le recourant avait de fortes et persistantes douleurs et son état thymique était fortement influencé par ses douleurs, avec péjoration thymique lorsque celles-ci étaient plus intenses. Le pronostic semblait réservé, vu le caractère chronique des douleurs qui influençaient fortement la thymie et le peu d’évolution, malgré le traitement.

Du point de vue psychiatrique, la capacité de travail actuelle du patient était de 0% de manière probablement durable avec les limitations suivantes : fatigue, perte de motivation, irritabilité avec difficultés interpersonnelles et tendance à s’isoler, difficulté à se concentrer, à être attentif à des consignes, baisse de la mémoire et faible tolérance au stress.

La psychiatre ne rentrait pas dans le détail sur le syndrome douloureux somatoforme persistant, mais précisait que les arguments présentés par le médecin généraliste du SMR ne contredisaient pas ce diagnostic et que de toute façon, le trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, à lui seul justifiait une incapacité de travail à 100%.

Ces rapports de la Dresse H______ rendent vraisemblable que le recourant souffre d’une atteinte psychiatrique invalidante. Faute d’autres rapports médicaux attestant d’une telle atteinte et d’une incapacité de travail avant le début du suivi avec cette psychiatre, il convient de retenir qu’une incapacité de travail sur le plan psychiatrique n’est attestée que dès le début de ce suivi, le 3 juillet 2021, soit juste avant la décision querellée, qui date du 19 août 2021. Même si l’atteinte psychiatrique semble être au moins partiellement due à la persistance des douleurs liées à l’atteinte somatique du recourant, il s’agit d’une nouvelle atteinte, qui ne peut être mise en lien avec l’accident du 16 avril 2019, vu le temps écoulé (soit un peu plus de vingt-six mois) entre l’accident et la première consultation du recourant chez un psychiatre et le fait qu’aucun des rapports médicaux figurant au dossier précédemment n’évoque une éventuelle atteinte psychiatrique du recourant. On ne peut dès lors parler d'une évolution en parallèle des deux atteintes en cause, selon la jurisprudence précitée. Le délai de carence d’un an n’étant pas atteint pour l’atteinte psychiatrique le jour de la décision querellée, le 19 août 2021, l’atteinte psychique du recourant ne pouvait pas lui ouvrir un droit à une rente à cette date.

Au vu de cette conclusion, il n’y a pas lieu de donner suite à la demande d’audition de la Dresse H______, qui apparaît inutile à ce stade, ni d’ordonner une expertise.

La cause sera transmise à l’intimé pour qu’il diligente une procédure de révision, dont il convient d’admettre qu’elle est ouverte au 20 septembre 2021, date du recours qui mentionnait pour la première fois l’atteinte à la santé psychiatrique du recourant (art. 87 al. 1 let. b RAI).

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le recourant condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al.1bis LAI).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renvoie la cause à l’intimé au sens des considérant.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le