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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3161/2021

ATAS/801/2022 du 14.09.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3161/2021 ATAS/801/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 septembre 2022

8ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée ______, à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Florence AEBI

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITé DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

1.             Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), ressortissante brésilienne, née en 1972 et mariée, s'est établie en Suisse en 2004. Depuis 2011, elle a travaillé dans la carrosserie de son époux, une raison individuelle au nom de « B______», sans être déclarée. Elle s'y était occupée de l'accueil physique et téléphonique des clients, de la facturation et de l'encaissement, du paiement des fournisseurs et d'activités de secrétariat.

2.             Le 28 mars 2014, l’assurée a subi un accident de voiture, lors duquel elle a subi un polytraumatisme. Un scanner thoraco-abdominal réalisé le jour même a mis en évidence un pneumothorax abondant gauche non compressif, de multiples fractures costales bilatérales, des fractures de processus transverses gauches et une fracture transverse de l'acétabulum gauche.

3.             L'assurée a repris le travail dans l'entreprise de son mari à 50 % en date du 15 octobre 2015.

4.             En mars 2016, l'assurée a requis les prestations de l'assurance-invalidité. Dans sa demande, elle déclare avoir travaillé à 100 % comme secrétaire indépendante pour un revenu brut de CHF 5'000.-.

5.             Dans un rapport du 19 juillet 2016, la doctoresse C______, praticienne FMH et médecin traitante, a diagnostiqué, avec effets sur la capacité de travail, des cervicalgies chroniques et des douleurs de la cheville droite. Les cervicalgies entraînaient une fatigabilité. L’incapacité de travail avait été totale du 28 mars 2014 au 14 octobre 2015, et elle était de 50 % dès le lendemain. L’assurée ne devait pas porter de charges et le travail en position assise était limité à quatre heures par jour.

6.             Le 1er août 2016, la Dresse C______ a indiqué que l’état de l’assurée était stationnaire. Il n’y avait pas de changement de diagnostics. Les douleurs chroniques l’empêchaient d’être penchée en avant ou en position assise. Sa capacité de travail était de 50 % en tant qu’assistante administrative, mais elle pourrait progressivement augmenter le taux de travail en fonction de l’effet du traitement, l’évolution étant bonne.

7.             Le 1er août 2017, la Dresse C______ a attesté que la capacité de travail était de 60 % depuis juillet 2017.

8.             Le 4 avril 2018, l’entreprise de l’époux de l’assurée a été radiée en raison de la cessation de l’exploitation.

9.             Le 23 avril 2018, l’assurée est devenue associée gérante avec signature individuelle de la société à responsabilité limitée D______, active dans la peinture, la protection et le nettoyage de véhicules.

10.         Dans un avis du 16 juillet 2018, la doctoresse E______, médecin au service médical régional de l’assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : le SMR), a retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pas de position en hyperextension ou hyperflexion prolongée du rachis cervical, pas d’activités impliquant les mouvements cervicaux de rotation répétés, pas d’activités impliquant la position des membres supérieurs au-dessus de l'horizontale, pas de port de charges ni de marche en terrain irrégulier, pas d’activités en position accroupie, à genoux, ou en montant ou descendant sur des escabeaux et des échafaudages. En tenant compte des pièces versées au dossier, le SMR a considéré que l'assurée était en mesure de reprendre une activité dans un poste adapté au moins dès octobre 2015.

11.         Selon une enquête pour activité professionnelle indépendante réalisée le 4 décembre 2018 par l’office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI), l’assurée avait arrêté ses études à 14 ans. À son arrivée en Suisse, elle avait travaillé pour des particuliers en tant que femme de ménage ou baby-sitter, sans être déclarée. Elle s’était mariée en 2005. Elle avait réalisé des missions dans le domaine du nettoyage mais elle aurait souhaité travailler à plein temps. Selon ses comptes individuels, elle était sans emploi depuis 2011. Son mari considérait que déclarer son salaire lui coûterait trop cher, qu'il cotisait sous son nom et que le bénéfice de la société était un revenu de couple. L'assurée disait avoir travaillé à plein temps au sein de la carrosserie, réalisant du travail administratif : accueil physique et téléphonique, facturation et encaissement, paiement des fournisseurs, activités de secrétariat (tenue de planning, prise de rendez-vous, classement, suivi des données, relance, recherches de clients, démarchage, contact avec les assurances). Lorsqu'il n'y avait pas encore d'employé, l’assurée nettoyait l'intérieur des voitures et allait chercher des pièces ou des véhicules. Les horaires étaient aléatoires en fonction du volume de travail. La société employait un ouvrier à fin décembre 2016. La comptabilité était tenue par une fiduciaire. L’assurée avait repris le travail à 50 % en octobre 2015 jusqu’à la vente de la carrosserie, décidée car elle n’était pas rentable. Elle s’occupait partiellement avec son mari de son petit-fils, né en 2014, son fils étant toujours étudiant et séparé de la mère de l'enfant. Depuis avril 2018, elle était associée gérante de la société D______ Sàrl. Ce faisant, elle disait avoir réalisé son rêve d'être directrice d'une société et être fière de son cursus professionnel. Le couple avait suivi diverses formations avec la société F______ qui finançait partiellement leur entreprise. Elle s’était aménagé un bureau à domicile, ce qui lui permettait d'être avec son petit-fils et de gérer ses activités en fonction de ses douleurs. Elle effectuait le travail administratif, le contrôle du stock et tenait la boutique. Elle était en charge du marketing et du démarchage. Son époux se chargeait des travaux sur les véhicules. La société n’avait pas d’employé et le couple ne percevait pas encore de salaire. L’assurée disait être incapable de travailler à plus de 50 % dans toute activité. Ses douleurs étaient soulagées uniquement par la morphine. Elle rencontrait des difficultés pour faire son ménage.

12.         Par décision du 25 mars 2019, l'OAI a refusé ses prestations à l'assurée, considérant que celle-ci était totalement capable de travailler et qu'elle ne présentait pas de perte de gain, ayant repris une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles à 100 % en avril 2018.

13.         Sur recours, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a annulé cette décision et renvoyé la cause à l'intimé pour instruction complémentaire sous forme d'une expertise médicale et nouvelle décision.

14.         Le 23 juin 2020, l'assurée a été soumise à une expertise par le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Dans son rapport du 3 juillet 2020, l'expert a émis les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail: cervicalgies persistantes sans brachialgies sur status après fracture de l'apophyse transverse de C7 et après probable fracture du processus articulaire supérieur gauche de C4, ainsi qu'avec une discopathie débutante C3-C4 avec débord discal circonférentiel sans rétrécissement canalaire ou foraminal; status après fracture du processus latéral du talus droit avec avulsion du rétinaculum des péroniers, traitée par ostéosynthèse; douleurs persistantes à la hanche gauche sur status après fracture de l'acétabulum gauche, traitée par ostéosynthèse. Les diagnostics suivants étaient sans répercussion sur la capacité de travail: status après polytraumatisme avec traumatisme thoracique et après fracture des apophyses transverses gauches de C7, D1, D2, D4 et D5; macro adénome hypophysaire non fonctionnel découvert en 2008. L'assurée se plaignait de crises douloureuses aux cervicales survenant deux à trois fois par mois, d'une durée de trois à quatre jours. Elle les traitait par antalgiques. De l'avis de l'expert, les douleurs cervicales de la nuque étaient susceptibles de s'améliorer avec un traitement de physiothérapie qui avait été interrompu en 2017, ainsi que des infiltrations, mais des douleurs chroniques étaient à craindre. Par ailleurs, la fracture de l'acétabulum intra-articulaire risquait de provoquer des troubles dégénératifs à moyen ou à long terme. Il en allait de même de la fracture intra-articulaire du talus. Aucun signe de non organicité ou d'exagération des symptômes ou autre phénomène similaire n'avait été mis en évidence. L'assurée était apte à exercer une activité sédentaire ou semi-sédentaire avec possibilité d'alterner les positions à sa guise. Le métier exercé depuis 2011 était a priori bien adapté. Il y avait des limitations fonctionnelles pour les mouvements de rotation de la nuque à répétition, le port de charges supérieures à 10kg et la marche en terrain irrégulier. En ce que la Dresse C______ a évalué la capacité de travail à 60 %, l'expert a considéré que l'assurée sous-estimait sa capacité de travail et que l'incapacité de travail était essentiellement due à son appréciation subjective de la symptomatologie douloureuse. À son avis, la capacité de travail était complète avec une diminution de rendement de 20 % en raison des douleurs. Il ressort enfin de l'expertise que trois fois par semaine le petit-fils de l'assurée venait prendre le repas de midi chez elle.

15.         Dans son avis du 8 juillet 2020, le docteur H______ du SMR s'est rallié aux conclusions de l'expertise.

16.         Par courrier du 8 octobre 2020, l'assurée a informé l'OAI qu'avant son accident, elle avait travaillé à 100 %, tout en se rendant disponible pour sa famille durant les heures d'ouverture de l'entreprise. Suite à la radiation de l'entreprise de carrosserie en 2018, elle avait envisagé de travailler à 50 %, dès lors que les séquelles de l'accident étaient graves et l'ont empêchée d'augmenter sa capacité de travail, malgré toute sa bonne volonté.

17.         Le 17 mai 2021, l'OAI a évalué la perte de gain de l'assurée à 12,25 %.

18.         Le 31 mai 2021, l'OAI a fait parvenir à l'assurée un projet de décision de refus de rente, un taux d'invalidité de 12,25 % étant insuffisant pour ouvrir le droit à cette prestation.

19.         Par courrier du 1er juillet 2021, l'assurée s'est opposée à ce projet de décision, en contestant être capable de travailler à 100 %. Actuellement, elle travaillait quand elle le pouvait en fonction de sa santé. Cela pouvait être quelques heures de suite ou rien du tout pendant deux jours de suite. Elle a également contesté le calcul de sa perte de gain.

20.         Par décision du 12 août 2021, l'OAI a confirmé son projet de décision.

21.         Par acte du 14 septembre 2021, l'assurée a recouru contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une demi-rente à partir de mars 2016, sous suite de dépens. Elle a exposé souffrir de crises douloureuses aux cervicales de 9,5 à 10 sur l'échelle des douleurs, accompagnées de nausées et de vomissements. Ces crises duraient trois à quatre jours, deux à trois fois par mois, et la rendaient totalement incapable de travailler. Elle se soignait alors avec des antalgiques. En dehors de ces crises, elle souffrait de douleurs cervicales dans les positions statiques prolongées de la nuque. Partant, il y a lieu de se fonder sur les appréciations de sa médecin traitante. L'intimé aurait aussi dû examiner si un changement de calcul de l'invalidité était adéquat, pour admettre un statut mixte. En effet, elle aurait voulu s'occuper de son petit-fils quelques heures par semaine, si son accident ne s'était pas produit. Elle avait en outre besoin du soutien quotidien de son mari pour effectuer les tâches domestiques, ne pouvant plus porter les courses, passer l'aspirateur, repasser ou nettoyer en position penchée en avant ou à genoux.

22.         Dans sa réponse du 2 novembre 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours, en se fondant sur l'expertise et en maintenant son calcul de la perte de gain. Il n'était par ailleurs pas vraisemblable que la recourante aurait diminué son temps de travail pour s'occuper de son petit-fils, dès lors qu'elle avait déclaré qu'elle ne s'en occupait que deux à trois fois par semaine, même en ne travaillant que partiellement.

23.         Dans sa réplique du 21 février 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions, tout en concluant à titre subsidiaire implicitement à l'octroi d'une demi-rente d'octobre 2015 à juin 2020. Elle a maintenu que le calcul de sa perte de gain était erroné. Quant à l'expertise, elle était contradictoire dans la mesure où elle admettait qu'elle était en incapacité de travail pendant les crises douloureuses deux à trois fois par mois, durant trois à quatre jours, tout en admettant une capacité de travail à 80 %. Il ne pouvait pas non plus être extrapolé de l'expertise réalisée en 2020 qu'elle avait une capacité de travail de 80 % en 2015, dans la mesure où sa médecin traitante avait retenu seulement une capacité de travail de 50 % à l'époque. Partant, une invalidité de 50 % devrait au moins lui être reconnue entre octobre 2015 et juin 2020. Par ailleurs, si elle ne s'occupait pas de son petit-fils, cela tenait au fait que son état de santé ne lui permettait pas de le garder dans une plus ample mesure. Elle avait en outre travaillé avant son accident entre 80 et 100 %, afin de garder le temps nécessaire pour le ménage de trois personnes, étant précisé que son fils vivait avec elle. Par conséquent, un statut mixte aurait dû être retenu et une enquête sur le ménage effectuée, au regard également du procès civil en cours.

24.         Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

1.      Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.      Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.      Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]), le recours est recevable.

4.      L'objet du litige est la question de savoir si la recourante peut prétendre à une rente d'invalidité.

5.      Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.      En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Aux termes de l'art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.      Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.      Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.      En l'occurrence, la recourante conteste en premier lieu de disposer d'une capacité de travail à 100 % avec une diminution de rendement de 20 %.

Ce faisant, elle se fonde sur les rapports de la Dresse C______ des 19 juillet et 1er août 2016, selon lesquels sa capacité de travail est de 50 % dès le 15 octobre 2015, ainsi que sur le rapport du 1er août 2017 de cette médecin attestant une capacité de travail de 60 % dès juillet 2017.

S'écartant des rapports de la médecin traitante, le SMR considère toutefois, dans son avis médical du 16 juillet 2018, que la capacité de travail est entière depuis octobre 2015 dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

Dans son rapport du 3 juillet 2020, l'expert émet les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail: cervicalgies persistantes sans brachialgies sur status après fracture de l'apophyse transverse de C7 et après probable fracture du processus articulaire supérieur gauche de C4 et avec une discopathie débutante C3-C4 avec débord discal circonférentiel sans rétrécissement canalaire ou foraminal; status après fracture du processus latéral du talus droit avec avulsion du rétinaculum des péroniers, traitée par ostéosynthèse; douleurs persistantes à la hanche gauche sur status après fracture de l'acétabulum gauche, traitée par ostéosynthèse. L'assurée se plaint de crises douloureuses aux cervicales survenant deux à trois fois par mois, d'une durée de trois à quatre jours. Elle les traite par antalgiques. De l'avis de l'expert, les douleurs cervicales de la nuque sont susceptibles de s'améliorer avec un traitement de physiothérapie qui avait été interrompu en 2017, ainsi que des infiltrations, mais des douleurs chroniques sont à craindre. Par ailleurs, la fracture de l'acétabulum intra-articulaire risque de provoquer des troubles dégénératifs à moyen ou à long terme. Il en va de même de la fracture intra-articulaire du talus. Aucun signe de non organicité ou d'exagération des symptômes ou autre phénomène similaire n'a été mis en évidence. L'assurée est apte à exercer une activité sédentaire ou semi-sédentaire avec possibilité d'alterner les positions à sa guise. Le métier exercé depuis 2011 est a priori bien adapté. Il y a des limitations fonctionnelles pour les mouvements de rotation de la nuque à répétition, le port de charges supérieures à 10 kg et la marche en terrain irrégulier. En ce que la Dresse C______ a évalué la capacité de travail à 60 %, l'expert considère que l'assurée sous-estime sa capacité de travail et que l'incapacité de travail est essentiellement due à son appréciation subjective de la symptomatologie douloureuse. À son avis, la capacité de travail est complète avec une diminution de rendement de 20 % en raison des douleurs.

10.   

10.1   L'expertise du Dr G______ remplit a priori tous les réquisits jurisprudentiels pour lui reconnaître une pleine valeur probante. Elle a en effet été réalisée en pleine connaissance du dossier médical, prend en considération les plaintes de la recourante, repose sur des investigations approfondies et aboutit à des conclusions motivées et convaincantes.

10.2   La recourante met en doute la valeur probante de l'expertise en considérant qu'elle est contradictoire dans la mesure où elle admet qu'elle est en incapacité de travail pendant les crises douloureuses deux à trois fois par mois, durant trois à quatre jours, tout en concluant à une capacité de travail à 80 %.

Toutefois, l'expert fait uniquement état des crises douloureuses rapportées par la recourante, sans pour autant admettre leurs existence et importance ni une incapacité de travail totale durant leur survenance. Il estime par ailleurs que la recourante sous-estime sa capacité de travail, comme relevé ci-dessus. Ces crises peuvent en outre tomber partiellement sur le week-end. Dans le cadre de son activité actuelle, la recourante s'est de surcroît aménagé un bureau à domicile, afin de pouvoir travailler en fonction de ses douleurs, et est très indépendante dans son horaire de travail. Partant, il doit être admis qu'elle pourrait rattraper le retard pris lors de ses crises, en travaillant plus les autres jours, compte tenu de ses activités très variées consistant en travail administratif, contrôle des stocks, tenue de la boutique, marketing et démarchage, selon l'enquête pour l'activité professionnelle indépendante du 4 décembre 2018. Même en se fondant sur les dires de la recourante, selon lesquels elle est en incapacité de travail totale deux à trois fois par mois durant 3 à 4 jours, une diminution de seulement 20 % de la capacité de travail de ce fait paraît convaincante, compte tenu de ces éléments.

La recourante conteste également que l'expert puisse se prononcer rétroactivement sur sa capacité de travail. Toutefois, une telle appréciation n'est pas seulement fondée sur un examen clinique, mais également sur les examens radiologiques réalisés depuis l'accident, lesquels permettent objectiver l'état de santé physique au niveau orthopédique. Au demeurant, les médecins du SMR ont déjà en 2018 considéré que la capacité de travail était totale dès octobre 2015. Enfin, la recourante ne fait pas état d'éléments qui auraient été ignorés par l'expert.

Il sied également de relever que la recourante avait suivi avec son mari diverses formations avant de fonder en avril 2018 D______ Sàrl, tout en travaillant à 50 % dans la précédente entreprise de carrosserie de son mari, comme cela résulte de l'enquête du 4 décembre 2014. Cela implique qu'elle travaillait à plus de 50 %. Elle est en outre l'associée gérante de la nouvelle société et dit avoir réalisé ce faisant son rêve, selon cette même enquête, ce qui montre qu'elle est très investie et motivée. De ce fait, on peut douter qu'elle travaille seulement à 50 %, à l'instar de l'enquêteur qui a ajouté un point d'interrogation après l'allégation dans ce sens de la recourante (p. 4 de l'enquête).

Cela étant, l'expertise emporte la conviction de la chambre de céans.

11.  La recourante conteste également son statut, en alléguant qu'elle aurait voulu s'occuper de son petit-fils quelques heures par semaine, sans pour autant préciser le pourcentage. Dans ses dernières écritures, elle conteste aussi avoir travaillé à 100 % avant son accident.

11.1   Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

11.2   En l'espèce, l'allégation de la recourante selon laquelle elle n'a pas travaillé à 100 % dans la carrosserie de son mari avant son accident est en contradiction avec ses déclarations dans le cadre de l'enquête pour l'activité professionnelle indépendante du 4 décembre 2018, où elle affirme y avoir travaillé à plein temps. C'est également ce qu'elle a indiqué dans sa demande. Or, il convient en général d’accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, faites alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être – consciemment ou non – le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; ATF 115 V 143 consid. 8c). Partant, la chambre de céans se tiendra aux explications de la recourante dans sa demande et dans le cadre de l'enquête susmentionnée.

Il n'est pas non plus établi par des éléments concrets que la recourante aurait changé du statut d'active à 100 % pour s'occuper de son petit-fils, si elle avait été en bonne santé. Il s'agit d'une allégation très vague, sans autre précision sur la diminution de son taux d'occupation prévue dans la carrosserie de son mari. Par ailleurs, dans la mesure où cela aurait impliqué d'engager un employé à temps partiel pour la remplacer, cela ne paraît pas vraisemblable. En effet, la recourante a déclaré dans le cadre de l'enquête pour l'activité professionnelle indépendante que le couple avait vendu la carrosserie parce qu'elle n'était pas rentable. La volonté de s'occuper de son petit-fils, en lieu et place de travailler dans l'entreprise du couple, ne peut donc être déduite d'indices extérieurs, de sorte que ce fait n'est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

12.  Reste à examiner la perte de gain de la recourante suite à la diminution de sa capacité de travail.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 al. 1 LPGA et art. 28a al. 1 LAI). Tel est également le cas lorsque l'assuré travaille sans être rémunéré dans l'entreprise de son conjoint (art. 16 al. 2 LPGA).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références).

13.  En l'occurrence, la recourante collaborait de façon non rémunérée à 100 % dans la carrosserie de son époux au moment de son accident. Avec invalidité, elle dispose encore d'une capacité de travail de 80 % dans la même activité, même si celle-ci est aujourd'hui exercée dans le cadre de la nouvelle société fondée. L'expert a par ailleurs estimé que l'activité exercée depuis 2011 par la recourante est bien adaptée à ses limitations fonctionnelles. Dans la mesure où il n'y a pas de changement fondamental de profession, il y a lieu d'admettre que la diminution de rendement de 20 % correspond à la perte de gain, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une comparaison des revenus avec et sans invalidité.

13.1 La recourante semble soutenir qu'elle doit être considérée comme indépendante au moment de son accident déjà, avant qu'elle fonde une nouvelle société, de sorte qu'il y a lieu de se fonder sur la moitié des bénéfices de l'entreprise de carrosserie en 2013, de CHF 178'216.-, pour établir ses revenus avant l'accident. Toutefois, s'agissant d'une raison individuelle au nom de son conjoint, cela ne paraît pas vraisemblable. Au demeurant, la recourante s'est attribuée un salaire de responsable administratif de CHF 5'000.- dans sa demande et n'a pas fait référence au bénéfice de l'entreprise de carrosserie. Il est aussi à relever que, pour la détermination du statut de dépendant ou d'indépendant en assurances sociales, ce sont les circonstances économiques qui sont déterminantes, comme par exemple la fonction de dirigeant de l'entreprise, la détention plus ou moins importante des participations et, le rôle prépondérant sur la politique et la marche de l'entreprise (arrêt 9C_453/2014 du Tribunal fédéral du 17 février 2015, consid. 4.1 et 4.2). Or, la recourante n'allègue pas avoir détenu une fonction dirigeante de l'entreprise de son mari.

13.2 Le taux d'invalidité n'étant ainsi que de 20 %, la recourante ne remplit pas les conditions pour le droit à une rente.

14.  Le recours sera par conséquent rejeté.

15.  La procédure n'étant pas gratuite, la recourante sera condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le