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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1433/2022

ATAS/744/2022 du 25.08.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1433/2022 ATAS/744/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 août 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VEYRIER

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Par courriel du 1er mars 2022, l’office régional de placement (ci-après : ORP) a convoqué Madame A______ (ci-après : l’assurée) à son premier entretien « en présentiel » prévu le 3 mars 2022 à 10h30. Ce courriel précisait que la présence à l’entretien était obligatoire et qu’en cas d’empêchement, l'assurée devait impérativement prévenir l’ORP au moins 24h à l’avance, faute de quoi elle risquait une suspension de son droit à l’indemnité de chômage, voire l’annulation de son inscription.

b. Par courriel du 1er mars 2022, l’assurée a répondu à l’ORP que, malheureusement, ce jour-là, elle avait un empêchement d’ordre professionnel. Elle proposait à l’ORP de lui suggérer une date alternative.

c. L’ORP lui a répondu que le rendez-vous pouvait être déplacé avec un justificatif si elle avait un entretien professionnel ou un rendez-vous médical.

d. Par courriel du 2 mars 2022, l’assurée a « regretté ce conflit d’agenda » et expliqué qu’elle s’était engagée en tant que bénévole à présider des jurys à B______ les 3 et 9 mars 2022, de 9h à 16h en ligne. Le 4 mars 2022, elle avait en outre un rendez-vous médical prévu de longue date au centre Pôle autisme pour sa fille, dont elle pouvait transmettre les justificatifs.

B. a. Par décision du 17 mars 2022, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a prononcé la suspension de l’exercice du droit à l’indemnité de l’assurée pour une durée de 5 jours, motif pris que son absence à l’entretien de conseil prévu le 3 mars 2022 est injustifiée. Inscrite au chômage à 100%, l'assurée se devait en effet d’être disponible à plein temps.

b. Le 25 mars 2022, l’assurée s’est opposée à cette décision en faisant valoir que les raisons avancées pour son absence du 3 mars 2022 étaient des motifs valables.

Elle expliquait avoir pu établir avec sa conseillère un plan d’action en date du 7 mars 2022, intégrant pleinement l’activation de son réseau. Cette mission bénévole en tant que Présidente de jury à B______, au même titre que son implication en tant que membre du « board » de la Fondation C______, s’ancraient selon elle pleinement dans les actions à entreprendre. Sanctionner un chômeur actif dans ses démarches, y compris de réseautage, était en totale contradiction avec les missions et les valeurs que l’ORP était censé promouvoir.

c. Par décision du 25 avril 2022, l’OCE a rejeté l’opposition en rappelant l’obligation du chômeur de participer aux entretiens de conseil, qu’ils se fassent en présentiel, par téléphone ou par visioconférence; c'était un devoir important, car permettant à l’autorité d’exercer un suivi et un contrôle du chômage, par la vérification, notamment, de la perte de travail et de l’aptitude au placement.

L'assurée, inscrite au chômage à 100%, se devait d’être disponible à plein temps. Ayant bénéficié de l’indemnité de chômage en mars 2022, il lui appartenait de se conformer à ses obligations durant ce mois-là et notamment de se présenter à l’entretien de conseil qui lui avait été fixé. Une activité bénévole n’était pas un motif valable permettant de justifier une absence à un entretien de conseil.

C. a. Par écriture du 3 mai 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

Elle soutient que l'activité bénévole fait partie intégrante de ses recherches d'emploi et démontre sa réelle motivation à retrouver un poste.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 2 juin 2022, a conclu au rejet du recours.

Il fait remarquer que dans son formulaire d’inscription au chômage, l’assurée a répondu par l’affirmative à la question de savoir si elle était immédiatement disponible pour des entretiens auprès de l’ORP, alors que ce n’était manifestement pas le cas, vu son indisponibilité, le 3 mars 2022. Il lui aurait appartenu de répondre par la négative, en ce cas, aux questions lui demandant si elle avait pris des vacances ou avait été absente pour d’autres raisons dans son formulaire "indications de la personne assurée" (IPA) de mars 2022.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 30 juin 2022.

La recourante a affirmé s'être montrée très active dès son licenciement pour retrouver un emploi. Elle a allégué que, dans son domaine, celui de la philanthropie, le réseautage compte beaucoup. Sa conseillère en a d'ailleurs convenu. Ses efforts ont porté leurs fruits, puisqu'elle a retrouvé un emploi dès le 1er avril 2022 et a été confirmée à l'issue de sa période d'essai en tant que chargée de programmes au sein de la Fondation D______. Elle a postulé en répondant à une annonce mais en contactant également une personne de sa connaissance.

La recourante a également souligné avoir réagi dès réception, le 1er mars 2022, du courriel la convoquant le 3 mars 2022 à 10h30.

Elle a ajouté qu'elle ne pouvait se désengager dans un délai aussi court.

L'intimé a quant à lui relevé que la conseillère de l'assurée lui avait immédiatement répondu, en date du 2 mars 2022, que les raisons invoquées n'étaient pas compatibles avec l'assurance-chômage. Il a également souligné l'importance de ce premier entretien, qui a pour objectif de s'assurer de l'identité de l'assurée, de sa disponibilité également. Enfin, il a rappelé que toute activité bénévole est soumise à autorisation et que l'assurée n'avait pas mentionné cette activité dans son formulaire IPA.

d. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 5 jours du droit à l’indemnité de la recourante, pour absence non justifiée à un premier entretien de conseil.

4.              

4.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle (art. 8 al. 1 let. g LACI). Il est notamment tenu de participer aux entretiens de conseil lorsque l'autorité compétente le lui enjoint (art. 17 al. 3 let. b LACI).

4.2 Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi qu'il n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente (cf. art. 30 al. 1 let. d LACI). Cette disposition s'applique notamment lorsque l'assuré manque un entretien de conseil et de contrôle (voir l'arrêt 8C_697/2012 du 18 février 2013 consid. 2, publié in DTA 2013 p. 185 et les références citées).

4.3 Selon la jurisprudence, l’assuré qui ne se rend pas à un entretien de conseil doit en principe être sanctionné si l’on peut déduire de son comportement une légèreté, de l’indifférence ou un manque d’intérêt par rapport à ses obligations de chômeur ou de bénéficiaire de prestations. En application du principe de proportionnalité, l’assuré qui a manqué un rendez-vous consécutivement à une erreur ou à une inattention de sa part et qui s’en excuse spontanément ne peut toutefois être suspendu dans l’exercice de son droit à l’indemnité si l’on peut par ailleurs déduire de son comportement général qu’il prend ses obligations très au sérieux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales C 145/01 du 4 octobre 2001, consid. 2. b ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n.50 ad art. 30 et références citées). Tel est le cas, notamment, s'il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli (arrêts 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3; 8C_447/2008 du 16 octobre 2008 consid. 5.1, in DTA 2009 p. 271 et la référence). Il suffit que l'assuré ait déjà commis une faute, de quelque nature qu'elle soit, sanctionnée ou non, pour qu'une sanction se justifie en cas d'absence injustifiée (DTA 2013 p. 185).  

Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé injustifié de sanctionner une assurée qui ne s’était pas présentée à un entretien parce qu’elle avait confondu la date de son rendez-vous avec une autre, ou un assuré qui était resté endormi mais avait immédiatement appelé l’autorité, à son réveil, pour s’excuser de son absence, tous deux s'étant toujours montrés ponctuels auparavant (arrêt C 145/01 du 4 octobre 2001); de même, il a estimé qu'une sanction ne s'imposait pas s'agissant d'un assuré s'étant trompé de date (arrêt 8C_157/2009 du 3 juillet 2009), ou encore, s'agissant d'une assurée ayant cru à tort que l'entretien était reporté, estimant que, dans un tel contexte, on ne pouvait lui reprocher de n'avoir pas présenté spontanément des excuses, puisqu'elle ne pouvait se rendre compte par elle-même de son manquement (arrêt 8C_928/2014 du 5 mai 2015).

Cependant, pour tirer parti de cette jurisprudence, encore faut-il que l'assuré ait agi spontanément et immédiatement (8C_675/2014 consid. 4.3).

La situation de l'assuré qui arrive en retard à son rendez-vous et en informe le conseiller en personnel est comparable à celle d'un assuré qui a oublié de se rendre à un entretien (arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2010 du 9 février 2011, consid. 2.3). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a annulé la sanction infligée à une assurée qui avait téléphoné pour prévenir de son retard à son entretien, en raison d’un autre rendez-vous ayant pris du retard. Ce retard résultait d’une mauvaise planification de ses activités, mais une telle situation ne devait pas être appréciée de manière plus sévère que celle d'un assuré qui oubliait de se rendre à un entretien de conseil et s'en excusait spontanément.

Dans un arrêt de la Cour de céans (ATAS/235/2017 du 22 mars 2017), la suspension de l’indemnité de chômage a été confirmée pour un assuré arrivé avec quinze minutes de retard à son entretien en raison du trafic, tout en ayant préalablement informé l’ORP. Ce retard ne pouvait être qualifié d’inadmissible, mais, dans la mesure où l’assuré n’en était pas à son premier manquement, une sanction s’imposait.

À Neuchâtel, le juge cantonal a annulé la sanction d’une assurée arrivée en retard à son entretien de conseil, parce qu’elle avait confondu son heure de rendez-vous. En effet, son retard provenait d’une erreur et ne pouvait être interprété comme un manque de ponctualité chronique ou le signe qu’elle n’aurait pas pris ses obligations au sérieux (arrêt de la Cour de droit public de Neuchâtel du 24 juillet 2015, X. c/ Office régional de placement, publié au RJN 2015 p. 472).

5.             En l'espèce, il n'est question ni d'absence non excusée, ni même de retard à un rendez-vous, puisque la recourante a pris les devants et informé sa conseillère de son indisponibilité le jour même de la réception de la convocation.

Certes, il n'était question ni de maladie, ni d'entretien pour un poste de travail, et la recourante n'avait pas non plus informé l'autorité de cet engagement bénévole.

Aux yeux de la Cour, il serait toutefois particulièrement choquant, au vu de l'ensemble des circonstances, de traiter la recourante plus sévèrement qu'une personne ayant fait preuve d'inattention et ayant purement et simplement oublié de se rendre à un entretien et s'en excusant spontanément. En effet, on ne saurait déduire, au vu de l'ensemble des circonstances, que l'intéressée a fait preuve de légèreté, d’indifférence ou d'un manque d’intérêt par rapport à ses obligations de chômeur ou de bénéficiaire de prestations.

Au contraire, comme déjà relevé, la recourante a immédiatement réagi et sollicité un autre rendez-vous. Il était difficilement exigible d'elle qu'elle se désengage auprès de la Fondation dans un délai de 48 heures et l'ensemble de son comportement a démontré par ailleurs qu'elle prenait ses obligations et la recherche d'un emploi très au sérieux, preuve en est le fait qu'elle a retrouvé un poste au 1er avril 2022 déjà, soit après un mois de chômage seulement.

On rappellera que la Cour de céans n'est saisie que de la question du bien-fondé de la sanction infligée à la recourante du fait de son absence non justifiée - aux yeux de l'intimé - à un entretien-conseil, non de celle de son aptitude au placement du fait qu'elle s'était engagée à siéger deux jours dans le jury d'une fondation.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision litigieuse annulée.

 

 

 

 

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision du 25 avril 2022.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le