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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1371/2021

ATAS/642/2022 du 07.07.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1371/2021 ATAS/642/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 7 juillet 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Florian BAIER

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1969, originaire de Bulgarie, est arrivée en Suisse en 2007. Elle a été hébergée par un cousin, puis dans des logements mis à disposition par l'Hospice général.

b. Elle a eu deux filles d'un premier mariage, lesquelles ont 34 et 32 ans et ont fondé leurs propres familles en Bulgarie, et deux garçons âgés de 25 et 27 ans d'un second mariage. Ces derniers vivent en Bulgarie à l'instar de leur père dont l'assurée est séparée depuis son arrivée en Suisse en 2007.

c. L'assurée a géré un établissement public (bar-restaurant) dès son arrivée en Suisse jusqu'en 2011, année au cours de laquelle elle a fait faillite.

d. Sans emploi depuis 2011, l’assurée est aidée par l’Hospice général.

B. a. Le 19 septembre 2019, l’assurée a fait parvenir à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) une demande de prestations, dans laquelle elle exposait suivre, depuis avril 2013, un traitement psychiatrique et souffrir d’un syndrome post traumatique consécutif à des violences conjugales, d'un trouble anxieux-dépressif, d'un trouble spécifique de la personnalité et d’un cancer de l’utérus depuis 2018.

b. Par lettre du 8 novembre 2019, la docteure B______, médecin adjointe du service de gynécologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a indiqué à l’OAI qu’en mars 2018, un carcinome épidermoïde du col utérin avait été diagnostiqué chez l’assurée. Elle avait reçu un traitement sous forme d’hystéroscopie radicale, de radiothérapie et de chimiothérapie en raison de ganglions positifs. Il n’y avait pas de répercussion sur la capacité de travail qui était désormais entière.

c. Dans des rapports des 17 janvier 2019 et 31 janvier 2020, la docteure C______, psychiatre de l’assurée depuis 2014, a attesté que sa patiente souffrait d’un syndrome post traumatique (F43.1) et de troubles dépressifs récurrents, épisode actif moyen (F33.1). Son état s’était amélioré jusqu’au diagnostic de son cancer en 2018. La Dre C______ a indiqué qu’avec un bon encadrement, sa patiente pouvait tenter une reprise de travail à 50% maximum.

d. L’OAI a ordonné une expertise psychiatrique qu’il a confiée au docteur D______. Ce dernier a retenu le diagnostic de trouble dépressif récurrent, en rémission (F33.4), une très légère dysthymie pouvait tout au plus être évoquée (F34.1), d’un éventuel état de stress post-traumatique (non cliniquement significatif) et une personnalité avec d’éventuels traits dépendants non décompensés (Z73.1). Aucun de ces diagnostics n’avait de répercussion sur la capacité de travail. L’assurée consultait sa psychiatre une fois par mois et n’était pas sous traitement médicamenteux. L’expert concluait à une pleine capacité de travail sans baisse de rendement, adaptée à ses compétences et sa motivation depuis 2016 (rapport du 10 décembre 2020).

e. L’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision de refus de prestations le 14 janvier 2021, en se fondant sur les conclusions de l'expertise. La capacité de travail avait été nulle du mois de mars 2018 au mois de juillet 2019 en raison du cancer de l'utérus, puis entière dès le mois d'août 2019. Sur le plan psychiatrique, conformément à l'expertise, la capacité était entière, faute d'atteinte durablement incapacitante.

f. Le 9 février 2021, l’assurée s’est opposée à ce projet avec l’aide d’un avocat et a sollicité l’assistance juridique.

C. a. Par décision du 23 février 2021, l’assistance juridique lui a été refusée, au motif que le dossier ne présentait pas de complexité, la question litigieuse étant essentiellement médicale. L’assurée pouvait solliciter l’aide des services sociaux pour l’aider.

b. Contre cette décision, l’assurée a déposé un recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), le 17 mars 2021.

c. Par arrêt du 9 novembre 2021, le recours a été rejeté.

d. Le 23 mars 2021, l’OAI a confirmé son projet de décision.

D. a. Par acte du 21 avril 2021 complété le 10 août 2021, la recourante a fait recours contre cette décision devant la CJCAS, en concluant préalablement à la mise en œuvre d'une expertise, ou subsidiairement à l'audition de ses médecins traitants, principalement à l'annulation de la décision du 21 avril 2021 [recte 23 mars 2021], sous suite de frais et dépens. Elle avait consulté deux médecins au sein de l'unité des troubles de l'humeur des HUG (les 21.06.21, 08.07.2021, 16.07.2021 et 19.07.21) qui avaient retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, trouble panique (anxiété épisodique paroxystique), état de stress post-traumatique, troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance (pièces produites le 10 août 2021).

L'assurée a encore produit un avis de sa médecin psychiatre du 15 août 2021 pour contester les conclusions de l'expert à la teneur suivante :

« Complément d'anamnèse :

Patiente d'origine bulgare en Suisse depuis 2007, venue pour échapper à la violence subie à répétition des années durant de la part de son second mari et père de ses deux fils actuellement adultes. À préciser qu'elle fait partie de la communauté rom, des gens de voyage, dans laquelle la violence fait partie du quotidien. Enfant, la patiente fut abusée sexuellement de son beau-père, ses deux filles n'échappent pas non plus car son second mari en a abusé aussi. Après plusieurs tentatives de fuite, elle retournait toujours, car ses deux fils mineurs ont ét[é] pris en otage par leur père. Vont s'en suivre des tentatives de suicide, une défenestration avec fractures multiples. Suite à une dernière agression d’une violence inouïe, elle va subir une intervention chirurgicale pour reconstitution maxillo-faciale. Cette fois, elle sera hébergée par un cousin en Suisse qui va lui offrir un refuge pour un moment. Toutefois, la séparation et l'inquiétude pour ses enfants ainsi que les traumatismes vécus ont été la cause de nouvelles tentatives de suicide et d'une prise en charge de crise au CTB Jonction. J'ai été chargée de poursuivre la prise en charge après le départ de son médecin la Dre E______. Il nous a fallu plusieurs années avant qu'elle n'arrive à gérer ses débordements émotionnels et ses pulsions suicidaires. Une thérapie EMDR a été débutée, mais vite interrompue suite à une dissociation et le besoin de stabilisation avant de l'accompagner à « revisiter » les traumas vécus. Avec le temps et grâce à l'application et la bonne compliance de la part de la patiente, associés au traitement médicamenteux, nous avons été témoin d’une évolution favorable avec projet d'intégration sociale par la suite. À noter que le fait qu'elle a pu établir un contact régulier avec ses enfants a contribué à son équilibre certes fragile mais sans passages à l'acte ni hospitalisations. Madame A______ a commencé avec beaucoup d'enthousiasme des cours de français, faisait du sport et commençait peu à peu à se projeter dans l'avenir. À ce stade-là, nous avons pu imagine[r] une reprise du travail avec toutefois une capacité réduite à 50% ».

b. Par acte du 14 septembre 2021, l'OAI a conclu au rejet du recours et a transmis à la chambre de céans un avis du SMR, selon lequel :

« Assurée de 52 ans, ayant travaillé comme gérante de bar indépendante de 2009 à 2014, première demande.

Le SMR, dans son rapport du 06.01.2021, avait conclu en une CT nulle de mars 2018 à juillet 2018, puis entière dès août 2019 dans son AH. L'assurée avait présenté un cancer du col de l'utérus en mars 2018, traité par hystérectomie, radiothérapie et chimiothérapie, avec rémission complète. Sur le plan psychiatrique, l'assurée avait été expertisée par le Dr D______ le 10.12.2020 (date du rapport, avec un entretien effectué le 17.07.2020), qui n'avait retenu aucune atteinte durablement incapacitante ; les diagnostics retenus comme non incapacitants étaient un trouble dépressif récurrent en rémission, un éventuel état de stress post-traumatique non cliniquement significatif, et des traits de personnalité dépendante non décompensés. Décision du 23.03.2021 de refus de toutes prestations.

Dans le cadre du recours, de nouvelles pièces médicales nous sont menées pour appréciation :

Rapport des consultations (du 21.06, 08.07, 16.07, 19.07.2021) à l'unité des troubles de l'humeur aux HUG, par les Dr F______ et Dr G______, psychiatres. Les diagnostics suivants sont retenus : trouble dépressif récurrent épisode actuel moyen, trouble panique (anxiété épisodique paroxystique), état de stress post-traumatique, troubles mentaux et du comportement lié à l'utilisation de dérivés du cannabis syndrome de dépendance.

L'anamnèse effectuée par les psychiatres ne diffère pas de celle effectuée par le Dr D______, hormis que l'assurée décrit actuellement demeurer la plupart du temps couchée, et la description d'un abus médicamenteux fin juin 2021 dans un contexte impulsif. Au status, il n'y a pas de différences notables avec celui effectué par le Dr D______, hormis que l'assurée rapporte des troubles mnésiques et de la concentration, des troubles du sommeil, ainsi que des sentiments quotidiens de tension interne, d'hypervigilance et d'angoisse ; les psychiatres décrivent cette symptomatologie comme rapportée par l'assurée, mais ne l'objectivent pas. Le test MADRS donne un résultat plus élevé qu'il y a 1 an, mais il s'agit d'une auto-évaluation, et non de faits objectifs. L'assurée ne prend pas de traitement antidépresseur, et les psychiatres proposent d'introduire de la venlafaxine. Les psychiatres ne précisent pas comment ils ont retenu que le trouble dépressif était d'intensité moyenne ; il n'est notamment pas décrit les critères diagnostics de la CIM. Rappelons que le Dr D______ avait retenu le diagnostic de trouble dépressif en rémission, en l'absence de critères objectifs lors de son évaluation pour un trouble dépressif. Lors de l'analyse actuelle effectuée par les psychiatres des HUG, on peut retenir objectivement une baisse de l'humeur, une diminution de l'intérêt, mais pas de mise en évidence de fatigabilité (pas de ralentissement psychomoteur décrit). Des idées de culpabilité sont présentes, ainsi que des idées suicidaires, une baisse de l'appétit et du sommeil, mais il n'est pas retenu de manière objective de troubles de l'attention et de la concentration et il n'est pas décrit de pessimisme ; ces éléments ne se sont pas décrits comme de nature sévère, et ainsi le trouble dépressif semble d'intensité plutôt légère que moyenne.

Concernant le diagnostic de trouble panique, aucune manifestation neurovégétative n'est décrite par l'assurée ni par les psychiatres, nous permettant de mettre en doute ce diagnostic, en se basant sur les critères de la CIM10. Concernant le diagnostic de PTSD, le Dr D______ l'avait reconnu, mais évalué comme non significatif en 2020.

Rappelons que l'évaluation de la CT doit être effectuée à l'aide de l'analyse des indicateurs standards de gravité, ce qu'a fait le Dr D______. Il n'avait pas retenu de diagnostic psychiatrique d'intensité même légère, ni de trouble de la personnalité. L'assurée ne prenait pas de traitement antidépresseur de longue date. Il a évalué que l'assurée présentait de bonnes ressources internes (immigration, gestion d'un bar, aptitude à demander un permis de séjour et à faire recours), et externes (ami, cousin), et que ses activités quotidiennes n'étaient pas limitées (indépendante pour le ménage, les courses, les repas, les déplacements, regardait la TV, allait quotidiennement à la piscine). Par ailleurs, il avait relevé des incohérences chez l'assurée entre le nombre de tentatives de suicide et d'hospitalisations annoncées par l'assurée, et les faits objectivés.

Un complément de rapport médical du 15.08.2021 du Dre C______, psychiatre traitante. La psychiatre reprend l'anamnèse et les antécédents psychiatriques connus de l'assurée. Elle précise que l'état de santé de l'assurée s'était progressivement amélioré, l'assurée avait « commencé avec enthousiasme des cours de français », juste avant le diagnostic de cancer. Après une aggravation durant la prise en charge du cancer, l'état de santé de l'assurée s'était à nouveau amélioré, avec la reprise des cours de français. La psychiatre décrit qu'avec l'arrivée de la pandémie, l'état de santé de l'assurée s'est à nouveau aggravé, l'assurée s'est retrouvé isolée, avec peur de la mort, et des difficultés à se projeter dans l'avenir. La psychiatre traitante estime, qu'en tenant compte de la fragilité psychique, une occupation partielle à 50% au maximum pourrait être envisagée progressivement, idéalement dans un cadre protégé.

Rappelons que l'assurée avait été expertisée par le Dr D______ en 06.2020, à la fin de la première vague de la pandémie. L'assurée n'avait alors pas montré d'inquiétude manifeste envers la pandémie, ni de symptomatologie anxieuse.

Au vu de ce qui précède, le SMR estime que ces rapports médicaux ne mettent pas en évidence d'élément objectif nouveau permettant de remettre en question les conclusions de l'expertise du Dr D______, ni de ses conclusions de 01.2021. Si une aggravation sur le plan dépressif est survenue, comme décrit dans le rapport de consultation spécialisée psychiatrique des HUG, elle est d'intensité légère, et postérieure à la décision. En tout état de cause, rappelons que les psychiatres des HUG se basent sur des éléments subjectifs uniquement ».

c. La recourante a répliqué par acte du 8 octobre 2021 en s'appuyant sur un avis complémentaire de sa psychiatre traitante à la teneur suivante :

« La divergence dans les diagnostics retenus provienne du fait que Mme A______ présente un trouble dépressif devenu récurrent avec aggravation épisodique faute d'étayage contenant et rassurant (chez une personnalité de type BDL-dépendante, abandonnique) qui présente également des angoisses massives avec par périodes des crises de panique très handicapantes.

À la base, ces troubles sont la conséquence des traumatismes graves, physiques et psychiques, subis des années durant avec des séquelles toujours présentes sous forme d'un état de stress post-traumatique avec présence des cauchemars et un important trouble du sommeil. La dépendance au cannabis en est une des conséquences également.

Il suffit d'une accumulation de stress pour que les symptômes déjà évoqués s'aggravent et deviennent de plus en plus handicapants.

Donc, c'est dans l'intensité des symptômes selon la période d'évaluation que la réponse à votre question se cache.

En voyant Mme A______ lors d'une unique séance, l'expert n'a pas pu évaluer la variabilité dans le tableau clinique chez cette patiente.

D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous avons entamé une évaluation plus poussée auprès de la Consultation universitaire des troubles d'humeur. Deux médecins psychiatres et un psychologue ont rencontré la patiente à 4 reprises pour effectuer une évaluation complète (avec une batterie de tests et des chiffres à l'appui) ce qui a permis de mettre en évidence et de mesurer la sévérité des symptômes dépressifs. Chez Madame A______ l'épisode dépressif retenu au moment de l'évaluation est celui d'une intensité moyenne (non loin de sévère selon les chiffres), ainsi que les crises de panique caractéristi[qu]es des périodes de crises.

La question de la dépression saisonnière s'est déjà posée dans le passé puisque j'avais prescrit (en novembre 2017) à Mme A______ une lampe de 10 000 LX pour une luminothérapie et la dose du traitement antidépresseur a été augmentée toujours au même moment de l'année. Durant plusieurs années consécutives à la même période (début novembre), les symptômes anxieux et dépressifs s'aggravaient chez cette patiente. Toutefois, il n'y a pas que l'impact saisonnier qui module les variations thymiques chez cette patiente, mais aussi et surtout sa grande fragilité psychique avec une organisation de la personnalité pathologique (État limite - BDL/ dépend) avec des séquelles d'un état de stress post traumatique qui font basculer Mme A______ dans des crises qui peuvent être transitoires ou durer plusieurs mois et d'une intensité parfois très handicapante.

Une nouvelle expertise doit être demandée à mon avis pour tenir compte de l'évaluation complète et du rapport détaillé de la Consultation spécialisée des troubles d'humeur des HUG (qui diverge de l'évaluation du Dr D______, l'expert mandaté par l'AI), mais aussi des éléments plus anciens qui indiquent la présence des variations notables dans le tableau clinique chez cette patiente et qui n'ont malheureusement pas été pris en considération par l'expert psychiatre. Toutefois, après tant d'années de suivi, je reste persuadée que Mme A______ n'a pas la capacité d'exercer une activité lucrative au-delà de 40-50% et encore, je reste très sceptique quant à la possibilité d'honorer un contrat de travail dans la durée malgré la bonne volonté de la patiente ».

E. a. Lors de l'audience de comparution personnelle et d'enquête, la recourante a indiqué être arrivée en Suisse en 2007, car elle avait dû quitter son deuxième époux qui la violentait en Bulgarie. En Suisse, son cousin l’avait hébergée et l’avait soutenue à son arrivée. Elle avait par la suite été logée dans un appartement grâce à l'Hospice général et avait vécu dans deux autres endroits avant de vivre dans son actuel appartement où elle vivait seule. Elle avait un compagnon depuis son arrivée en Suisse, mais ne vivait pas avec lui. Elle le voyait entre deux et trois fois par semaine, quand elle était en état de communiquer. Elle s'occupait seule de son appartement et donnait également de l'aide à son compagnon lorsqu’elle se sentait bien. Elle aimait beaucoup l'ordre et le ménage. Elle avait pour habitude d'aller à la piscine tous les jours, mais avait arrêté durant la pandémie. Elle n’avait plus d'activité sportive. Elle ne retournait plus en Bulgarie, car elle avait peur. Elle y était allée pour la dernière fois en 2012. Ses deux filles et ses deux fils vivaient en Bulgarie. Elle entretenait des contacts avec eux et leurs familles respectives en Bulgarie par téléphone ou WhatsApp. Ses filles venaient la voir une fois par an. Mis à part son compagnon et son cousin, elle n’avait pas d'amis ni de famille en Suisse. Son cousin l’avait aidée après son arrivée en Suisse à louer un bar-restaurant. Elle avait géré cet établissement jusqu'en 2011 ou 2012. Lorsque la banque avait voulu récupérer le local, elle avait fait faillite. En tant qu'indépendante, elle s’était vue refuser son inscription au chômage et avait été aidée par l'Hospice général. Elle avait recherché un emploi en tant que serveuse, mais n’avait pas trouvé, en raison d’un problème de langue, mais également parce qu’elle ressentait un stress en présence des hommes, résultat de ce qu’elle avait vécu en Bulgarie avec son ex-deuxième époux. Elle n’avait pas pu bénéficier d'un traitement en Bulgarie, à l'exception d'une hospitalisation en urgence à la suite de tentatives de suicide par ingestion de médicaments et défénestration à trois ou quatre reprises. En Suisse, elle avait également fait une tentative de suicide en avalant des médicaments, ce qui l’avait amenée à voir un premier médecin, avec lequel elle avait eu des problèmes de communication. Elle avait rencontré en 2014 la Dre C______, laquelle la suivait encore. Entre 2014 et 2018, année où on lui avait diagnostiqué un cancer, elle avait été suivie par la Dre C______ à raison de deux fois par mois et aussi par téléphone. Elle prenait alors beaucoup de médicaments sur ordonnance de son médecin. En 2018, à la suite du diagnostic, elle avait suivi une chimiothérapie et une radiothérapie et n’avait plus pu prendre son traitement, car elle vomissait beaucoup. Elle avait fait sa première demande de prestations d’invalidité en 2019. La Dre C______, qui avait pu constater que sa patiente perdait régulièrement pied et pensait au suicide, lui avait dit qu’elle devait essayer de demander de l'aide à l'AI. C'était une voie à suivre pour avoir un objectif et continuer à vivre.

b. La psychiatre traitante a en substance confirmé ses rapports écrits. Elle a ajouté que sa patiente avait fait plusieurs tentatives de suicide, la dernière en 2021. Elle avait pris contact le 4 août 2021 avec l’Unité d'accueil, d'observation et de crise (AOC), pour l’hospitalisation de sa patiente, mais cette dernière avait préféré rester à la maison parce qu'elle avait des problèmes avec ses enfants, parce qu’elle était stressée à cause de l'expertise et en raison du fait que tout le monde avait le COVID à cette époque-là. Pour elle, l’état de stress post-traumatique ne faisait aucun doute. Sa patiente avait beaucoup de ressources, elle était très intelligente, subtile. C'était une chanteuse. Elle avait introduit la Venlafaxine dans le traitement de la patiente à la lecture d’un rapport des HUG qui tenait compte d’une dépression moyenne. Sa patiente n'avait pas bien réagi à ce traitement, avait perdu beaucoup de poids et avait eu des nausées. Elle avait réduit le traitement et délégué le suivi d’une thérapie comportementale de sa patiente à une psychologue, mais cette thérapie n’avait pas pu être immédiatement mise en œuvre en raison du COVID. Elle l’avait été par la suite et était bénéfique. Malgré le traitement, la psychiatre indiquait avoir constaté une aggravation des symptômes et une augmentation des angoisses chez la patiente. Elle avait envisagé un sevrage CBD, préalablement introduit pour calmer l'anxiété et pour lequel la patiente avait développé une dépendance. Elle ne partageait enfin pas l’avis du Dr D______ dans la mesure où celui-ci avait retenu un trouble dépressif en rémission et une dysthymie et évoqué un choc post-traumatique, alors que pour elle, l’état de stress post-traumatique était évident. Elle contestait également le diagnostic d'éventuels traits dépendants non décompensés. La psychiatre traitante a ajouté spontanément ne pas connaître personnellement le Dr D______, mais penser que c'était un bon médecin très cadrant, de sorte que lorsqu'il a reçu sa patiente, son attitude et le cadre qu'il a posé ont fait que sa patiente a montré un côté névrotique et rassurant davantage que désorganisé. D'ailleurs, après l’expertise, sa patiente lui avait dit que tout s'était bien passé et que le Dr D______ avait été adorable avec elle.

F. a. Par courrier du 9 juin 2022, la chambre de céans a informé les parties de sa décision de confier une mission d’expertise au docteur H______, ainsi que les questions qu'elle avait l'intention de lui poser. Elle a imparti aux parties un délai pour qu’elles se prononcent sur une éventuelle récusation de l’expert et sur les questions libellées dans la mission d’expertise.

b. Respectivement les 20 et 28 juin 2022, la recourante et l’intimé ont indiqué ne pas avoir de motif de récusation à l’encontre du Dr H______. L’intimé a en revanche sollicité que des questions supplémentaires soient intégrées dans la mission d’expertise. Celle-ci a dès lors été complétée en ce sens.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours déposé le 22 avril 2021 devant la chambre de céans est soumis au nouveau droit.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité.

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

5.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

5.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

5.4 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.5 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

5.6 En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs développés par le Tribunal fédéral.

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1), mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Etant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.7 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Les coûts de l'expertise peuvent être mis à la charge de l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

6.             En l’espèce, la chambre de céans constate que l’expertise contestée par la recourante et sa psychiatre traitante ne retient pas les mêmes diagnostics que cette dernière et les médecins vus par la recourante à la consultation des HUG. La gravité du trouble dépressif diverge tantôt moyen selon les médecins consultés par la recourante, tantôt en rémission selon l’expert, alors que la recourante aurait fait une nouvelle tentative de suicide en 2021.

L’anamnèse diffère également, celle dressée par la psychiatre traitante étant plus développée que celle de l’expert qui n’a pas pu confirmer certaines tentatives de suicides dans les antécédents médicaux de la recourante. Il en va de même des plaintes de la recourante.

Dans la mesure où l’avis de la psychiatre traitante semble en partie confirmé par les observations faites aux HUG quant à la gravité du trouble dépressif et à l’état de stress post-traumatique que l’expert a jugé non invalidant, et vu que les médecins consultés font état d'éléments objectivement vérifiables et suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert, il convient d’ordonner une expertise psychiatrique, laquelle sera confiée au docteur H______.

***

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

 

A.           Ordonne une expertise psychiatrique, l’expert ayant pour mission d’examiner et d’entendre Mme A______, après s’être entouré de tous les éléments utiles et après avoir pris connaissance du dossier de l’intimé, ainsi que du dossier de la présente procédure en s’entourant d’avis de tiers au besoin.

B.            Charge l’expert de répondre aux questions suivantes :

1.        Anamnèse.

2.        Données subjectives de la personne.

3.        Constatations objectives.

4.        Diagnostic(s).

5.        S'agissant du/des diagnostic/s posé/s :

a) Depuis quand la recourante en souffre-t-elle ?

b) Quel est le degré de gravité de chacun de ceux-ci, le cas échéant (faible, moyen, grave) ?

c) Ces troubles psychiques ont-ils valeur de maladie en tant que telle selon le DSM IV ou la CIM-10 ?

d) Quelles sont les limitations fonctionnelles dues à chaque diagnostic?

e) Les troubles psychiques constatés nécessiteraient-ils une prise en charge spécialisée ?

6.        Mentionner, pour chaque diagnostic posé, ses conséquences sur la capacité de travail de la recourante, en pourcent.

7.        Mentionner globalement les conséquences des divers diagnostics retenus sur la capacité de travail de la recourante, en pourcent.

8.        Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, le cas échéant.

9.        Indiquer l'évolution du taux d'incapacité de travail, en pourcent.

10.    Évaluer l'exigibilité, en pourcent, d'une activité lucrative adaptée et indiquer le domaine d'activité adapté.

11.    Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

12.    Évaluer les chances de succès d’une réadaptation professionnelle.

13.    Évaluer la possibilité d'améliorer la capacité de travail par des mesures médicales.

14.    Commenter et discuter les avis médicaux de la Dre C______, de la Dre F______ et de la Dre G______, et de l’expert D______.

15.    Formuler un pronostic global.

16.    Description d’une journée-type de l’assurée.

17.    Évaluer les indicateurs standards jurisprudentiels de gravité.

18.    En cas de traitement par des psychotropes, prière d’effectuer un dosage sanguin afin d’évaluer la compliance de l’assurée.

19.    Évaluer l’exigibilité du traitement, et préciser lequel.

20.    Toute remarque utile et proposition de l’expert.

C.           Commet à ces fins le Dr H______.

D.           Invite l’expert à déposer un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans dans un délai de 3 mois ;

E.            Réserve le fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le