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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1550/2021

ATAS/508/2022 du 02.06.2022 ( LCA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1550/2021 ATAS/508/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 juin 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Maurizio LOCCIOLA

demandeur ;
défendeur reconventionnel

 

contre

GENERALI ASSURANCES GÉNÉRALES SA, sise avenue Perdtemps 23, NYON

défenderesse ; demanderesse reconventionnelle

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré, le demandeur ou le défendeur reconventionnel) est un citoyen suisse né en ______ 1968 à Elbistan en Turquie. À l’époque des faits, il exploitait un café à l’enseigne « A______ », sis au ______ à Genève, en tant qu’indépendant.

b. En 2018, le revenu annuel de l’assuré au sens de l’AVS s’est élevé à CHF 35'800.- ; en 2019, ce revenu annuel s’est élevé à CHF 36'400.-.

c. En date du 6 octobre 2012, l’assuré a conclu une assurance perte de gain avec la société Generali Assurances Générales SA (ci-après : l’assurance, la défenderesse ou la demanderesse reconventionnelle). Cette police d’assurance a été remplacée par une nouvelle police, établie en date du 13 novembre 2019, avec effet dès le 1er janvier 2020 (police d’assurance no 1______). La police prévoit notamment un renvoi aux conditions générales d’assurance (ci-après : CGA) dans leur version de 2012.

d. Dans le cadre de la pandémie COVID-19, le Conseil d’État genevois a, par l’arrêté du 1er novembre 2020, ordonné la fermeture des établissements de restauration situés sur le territoire genevois dès le 2 novembre 2020 à 19h00. L’assuré a fermé son établissement dès cette date.

e. Dès le 2 novembre 2020, l’assuré a perçu une indemnité perte de gain pour les indépendants fondée sur l’Ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) (ci-après : Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31) qui s’élevait à CHF 48.- par jour.

B. a. En date du 16 novembre 2020, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a établi un certificat médical qui précise que l’assuré était totalement incapable de travailler depuis cette date et jusqu’au 5 décembre 2020 inclus pour cause de maladie.

b. Par formulaire daté du 8 décembre 2020, l’assuré a annoncé sa maladie à l’assurance. Sur le formulaire, l’assuré a répondu « non » à la question suivante :

« L’assuré a-t-il droit à des indemnités journalières, ou à des rentes auprès de : caisse-maladie, SUVA ou autres assurances obligatoires contre les accidents, AI, AVS, AM, assurance-chômage, caisse de prévoyance professionnelle? ».

c. Dès le 16 décembre 2020, l’assurance a versé à l’assuré des indemnités journalières d’un montant de CHF 99.72, pour un total de CHF 7'479.-.

d. Le certificat médical mentionné supra a été prolongé par le Dr C______, puis une fois par le docteur D______, spécialiste FMH en neurochirurgie, puis à nouveau par le Dr C______, puis, à deux reprises par le docteur E______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, et ce jusqu’au 15 mars 2021 inclus.

e. Le 25 février 2021, le Dr E______ a établi un rapport médical intermédiaire, dans lequel il mentionnait que l’assuré présentait, depuis 2016, une lombalgie chronique qui s’était progressivement aggravée, au point de le gêner eu égard notamment à des actes de la vie quotidienne comme le ménage ou la position assise prolongée, ainsi que lors de marches d’une certaine durée.

f. Le 25 février 2021, l’assuré a reçu la visite d’un employé de l’assurance qui lui a demandé qui était son assurance-maladie, son institution de prévoyance professionnelle et s’il avait entrepris des démarches auprès de l’assurance-invalidité obligatoire.

g. Le 26 février 2021, le Dr E______ a prolongé l’arrêt de travail de l’assuré jusqu’au 14 avril de la même année, tout en précisant que celui-ci était capable de travailler à 50%, dès le 16 mars 2021.

C. a. Par courriel du 2 mars 2021, l’assurance a pris contact avec la caisse de compensation de l’assuré, à savoir GastroSocial Caisse de compensation, en la questionnant sur l’existence d’indemnités perte de gain en faveur dudit assuré. Par courriel du 3 mars 2021, cette caisse lui a répondu qu’elle versait effectivement de telles prestations à l’assuré et a transmis à l’assurance les décomptes y relatifs pour les mois de novembre et décembre 2020, et janvier 2021.

b. Par courrier du 16 mars 2021, l’assurance a annoncé à l’assuré qu’elle résolvait la police n° 1______ au 16 novembre 2020 en raison d’une tromperie commise par celui-ci en lien avec la perception d’indemnités perte de gain COVID. Elle a toutefois affirmé être prête à renoncer à réclamer le remboursement des prestations déjà versées, d’un montant total de CHF 7'479.-, au vu de la situation financière de l’assuré.

c. Par courrier du 29 mars 2021, l’assuré, désormais représenté par un avocat, a contesté la révocation et requis la poursuite du versement des allocations journalières.

d. Par courrier daté du 9 avril 2021, l’assurance a maintenu sa position et a transmis copie de son dossier concernant l’assuré à celui-ci.

D. a. Par mémoire du 4 mai 2021, l’assuré a déposé une demande à l’encontre de l’assurance auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Il a conclu principalement à ce que celle-ci soit condamnée à lui payer une somme correspondant à des indemnités journalières, tant pour une période antérieure à celle du dépôt de ladite demande, soit CHF 4'460.- avec intérêts moratoires dès la date moyenne, que pour la période postérieure, le tout sous suite de frais et dépens.

b. Par courrier du 6 mai 2021, le demandeur a pris des conclusions complémentaires à hauteur de CHF 2'383.50, et a apporté des allégués et des offres de preuves complémentaires à la procédure.

c. Par mémoire du 1er juillet 2021, l’assurance a répondu à la demande. Elle a conclu principalement, d’une part, au rejet des conclusions de la demande, et, d’autre part, à la condamnation du demandeur à lui verser un montant de CHF 7'479.- avec intérêts moratoires à 5% l’an, dès le 8 février 2021, le tout sous suite de frais et dépens.

d. Par mémoire du 7 septembre 2021, le demandeur a répliqué et a conclu, en sus de ses conclusions antérieures, au versement d’un montant de CHF 1'972.50 avec intérêts moratoires, pour la période allant du 16 avril au 14 mai 2021. Par mémoire du 23 septembre 2021, la défenderesse a dupliqué.

e. Par courrier du 21 décembre 2021, le demandeur a amené des allégués et offres de preuves complémentaires à la procédure. En effet, l’assurance avait, par courrier daté du 22 novembre 2021, transmis à l’assuré une facture pour le montant de sa prime d’assurance 2022 et l’assuré l’a payée au guichet postal le 14 décembre 2021.

f. La défenderesse s’est déterminée sur le courrier du demandeur du 21 décembre 2021 par courrier du 12 janvier 2022. En date du 27 janvier 2022, elle a de plus produit un ordre de virement en faveur de l’assuré, d’un montant identique à celui du versement réalisé par celui-ci en date du 14 décembre 2021.

g. Une audience de débats s’est tenue en date du 10 mars 2022. Les parties ont été interrogées sur les faits de la cause. Elles ont expressément renoncé à requérir d’autres mesures d’instruction à ce stade de la procédure.

La représentante de l’assurance a allégué, en substance, qu’il fallait se fonder sur l'art. 8.3 CGA, qui prévoit que l'on doit tenir compte de la situation de revenu effectif, celui-ci étant établi sur la base du revenu de l’année 2019.

L’assuré a allégué, en substance, que lorsqu’il avait conclu la police d’'assurance avec la défenderesse, il était parti du principe que, par rapport à son budget, il fallait qu’il puisse percevoir CHF 4'000.- par mois pour pouvoir vivre, notamment payer le loyer de l'établissement, qui s'élève à CHF 1'000.- par mois. Au moment où il avait conclu la police d’assurance, on ne lui avait pas fait remarquer que si son revenu était inférieur à CHF 4'000.- par mois, c'est ce revenu sur lequel se fonderait l'assurance pour l'indemniser. Il n’avait jamais fait le lien entre les indemnités qui lui avaient été versées du fait de la pandémie COVID-19 et qui représentent un très faible montant et des prestations d'assurances sociales ; il percevait CHF 48.- par jour pour les indemnités COVID-19.

h. Par ordonnance d’instruction du 23 mars 2022, la chambre de céans a annoncé aux parties qu’elle considérait que la phase d’instruction était close et qu’elle les invitait à plaider, ou à préciser si elles désiraient renoncer à le faire.

i. Par courrier du 30 mars 2022, la défenderesse a expressément renoncé à plaider. Par mémoire du 3 mai 2022, le demandeur a plaidé par écrit en concluant à la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de CHF 8'301.20 avec intérêts moratoires à 5% l’an, dès le 15 janvier 2021 (date moyenne), et la somme de CHF 3'945.- avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 15 avril 2021 (date moyenne). Il a également conclu au rejet de la demande reconventionnelle de la défenderesse et à la condamnation de la défenderesse au paiement des frais et d’un montant de CHF 4'723.85 à titre de dépens. Il a produit, à cette fin, une note détaillée de frais et honoraires à la procédure.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Bien que la police ne le précise pas expressément, il est manifeste que le contrat objet de la procédure d’assurance est un contrat d’assurance privé, soumis aux règles de la LCA (voir ainsi l’art. 25.2 des CGA).

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne morale, le for est celui de son siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 26 des CGA, prévoit que les tribunaux du domicile suisse de l’ayant droit sont compétents pour toute action liée à un contrat d’assurance auquel ces conditions générales se rapportent.

L’assuré ayant son domicile dans le canton de Genève, la chambre de céans est donc compétente à raison du lieu pour connaître de sa demande.

3.             Les litiges que les cantons ont décidé de soumettre à une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/306/2022 du 31 mars 2022 consid. 3 ; ATAS/199/2022 du 4 mars 2022 consid. 2), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

S’agissant de la conclusion constatatoire contenue dans la demande du 4 mai 2021, elle n’avait certes pas à être chiffrée dans l’immédiat s’agissant de prestations alléguées futures (cf. notamment ATAS/306/2022 du 31 mars 2022 consid. 4.1), en revanche l’art. 85 al. 2 CPC et le principe de la prévalence de l’action condamnatoire lorsque celle-ci est possible (ATF 135 III 378 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_51/2021 du 23 mars 2021 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2) imposent une conversion en conclusion condamnatoire dès que le demandeur est en capacité de le faire. C’est donc avec raison que le demandeur a précisé un montant dans sa réplique datée du 7 septembre 2021. Seules les conclusions condamnatoires chiffrées mentionnées par le demandeur dans sa demande du 4 mai 2021, dans son courrier rectificatif du 6 mai 2021 et dans sa réplique du 7 septembre 2021 sont ainsi déterminantes.

Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, elle est donc recevable dans son entièreté, sous réserve des conclusions soit de pure forme (conclusions 1, 2 et 5), soit qui n’ont plus d’objet depuis l’entrée en vigueur du CPC (conclusion 6).

4.             En ce qui concerne la demande reconventionnelle de la demanderesse, elle se rapporte à une prétention soumise à une assurance-complémentaire et se trouve en lien de connexité avec la demande principale, puisqu’elle est fondée sur le même contrat d’assurance. Elle respecte donc manifestement les conditions des art. 14 et 224 CPC.

Dès lors qu’elle respecte en outre les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, la demande reconventionnelle est également recevable.

5.             L’objet du présent litige est double. D’une part, les parties s’opposent sur la validité de la résolution du contrat pour fraude par la défenderesse et d’autre part, les parties s’opposent sur le montant des indemnités journalières auxquelles le recourant pouvait prétendre selon sa police d’assurance, si la résolution du contrat par la défenderesse était invalide.

5.1 Selon le demandeur, les conditions de l’art. 40 LCA ne sont pas remplies. En effet, selon cette norme, il est nécessaire qu’une communication inexacte ou une dissimulation de l’assuré ait pour conséquence que l’assureur preste en tout ou en partie à tort. Or, dans le cas d’espèce, le questionnaire sur lequel se fonde l’assurance pour retenir une fraude ne fait, d’une part, pas mention des indemnités perte de gain COVID-19 pour les indépendants et, d’autre part, l’art. 2 al. 4 de l’Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 prévoit que ces allocations sont versées subsidiairement aux prestations dues à l’assuré, sur la base de la LCA. En outre, la condition subjective de fraude volontaire nécessaire pour que l’assureur puisse procéder à une résolution sur la base de l’art. 40 LCA fait en l’espèce défaut.

S’agissant du montant de l’indemnité journalière, le demandeur est d’avis qu’il faut se fonder sur le montant forfaitaire de CHF 48'000.- mentionné sur le contrat comme « salaire annuel fixe » et le diviser par 365, conformément à ce qui est stipulé à l’art. 8.3 des CGA.

5.2 Selon la défenderesse, les conditions d’une résolution selon l’art. 40 LCA sont remplies car la dissimulation intentionnelle par l’assuré du fait qu’il percevait des indemnités perte de gain COVID pour les indépendants conduisait à contourner intentionnellement la règle relative à l’imputation de prestations de tiers prévue par l’art. 9 des CGA. S’agissant de l’art. 2 al. 4 de l’Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, il ne trouve pas à s’appliquer dès lors que le demandeur a reçu effectivement des indemnités de sa caisse de compensation, même si le fondement de celles-ci peut être discuté vu l’existence d’une incapacité de travail. Dans une telle situation, la défenderesse ne doit prester que subsidiairement à la caisse de compensation.

S’agissant du montant de l’indemnité journalière, l’art. 8.3 des CGA prévoit le principe de la prise en compte du revenu effectif du demandeur lorsque le revenu d’un assuré est effectivement inférieur au montant fixé dans sa police, faute de quoi il convient de réduire le montant assuré audit revenu effectif. En l’espèce, le revenu effectif du demandeur était de CHF 36'400.-. Son droit à une potentielle indemnité journalière doit donc, le cas échéant, être calculé sur cette base.

6.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC). En outre, la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC ; ATF 141 III 569 consid. 2.3.1).

6.1 Selon la maxime inquisitoire sociale, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige, le juge se contentant, le cas échéant, de poser des questions adéquates ; l'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1). Le devoir d’interpellation accru du juge est en outre nettement réduit lorsque les parties sont assistées de professionnels du droit, et notamment d’un avocat (ATF 141 III 569 consid. 2.3.2 ; ATAS/306/2022 du 31 mars 2022 consid. 5.1 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.1). Dans un tel cas, il ne revient notamment pas au juge d’élargir, de lui-même, le complexe de fait ou de rechercher les faits à l’aide de moyens de preuve allant au-delà de ceux proposés par la ou les partie(s) concernée(s) ; autrement dit, le juge doit uniquement aider les parties à amener à la procédure les allégués de fait et les offres de preuve pertinentes (« Prozessstoff »), et non pas procéder lui-même d'office (arrêt du Tribunal fédéral 4A_339/2021, du 21 septembre 2021 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_875/2015 du 22 avril 2016 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_298/2015 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.2).

6.2 Lorsque la maxime inquisitoire sociale trouve application, le juge n’est, en revanche, pas lié par les allégations et les offres de preuve des parties (ATF 142 III 402 consid. 2.1 ; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Des allégués et offres de preuve peuvent être produits par les parties jusqu’aux délibérations en application de l’art. 229 al. 3 CPC (ATF 142 III 402 consid. 2.1). Le juge peut se baser sur tous les faits prouvés au vu des preuves instruites en procédure, même si les parties n’ont pas allégué un fait spécifique (« faits exorbitants ») (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 4.1). En revanche, la maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.140/2006 du 14 août 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1 ; ATAS/1177/2021 du 15 novembre 2021 consid. 10.1.1).

7.             Il convient d’examiner, en premier lieu, la question de la validité de la résolution de la défenderesse, datée du 16 mars 2021.

7.1 Le droit formateur de résolution de l'assureur basé sur l'art. 40 LCA lui permet de se retirer du contrat d'assurance avec effet ex tunc, et s’il a déjà presté, les prestations en cause sont soumises aux règles de l'enrichissement illégitime (ATF 131 III 314 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.3 ; ATAS/763/2019 du 27 août 2019 consid. 12). La résolution permet à l’assureur de refuser d’exécuter toute prestation, même si la fraude se rapporte à une partie seulement du dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_613/2017, 4A_615/2017 du 28 septembre 2018 consid. 6.1.2).

7.2 La résolution prévue par l’art. 40 LCA est soumise à deux conditions :

d'un point de vue objectif, la déclaration inexacte ou la dissimulation doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l'obligation même de l'assureur, ou à influer sur son étendue ; en d'autres termes, il est nécessaire d’établir que, si l'assureur avait disposé des faits qui lui ont été dissimulés, il aurait versé à l’assuré une prestation moins importante, voire aucune prestation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_394/2021 du 11 janvier 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_378/2021 du 12 octobre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 17 janvier 2019 consid. 3.1).

L'ayant droit doit, en outre, avoir l'intention de tromper, en ce sens qu’il doit avoir agi avec la conscience et la volonté d'induire l'assureur en erreur, afin d'obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit ; peu importe qu'il soit parvenu à ses fins ou non (arrêt du Tribunal fédéral 4A_394/2021 du 11 janvier 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 5.1).

7.3 La condition de l’existence d’une déclaration inexacte ou d’une dissimulation de nature à avoir un impact sur les prestations reçues par l’ayant droit est, en principe, soumise au degré de la preuve stricte ; la condition d’intention de tromper est, quant à elle, soumise au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_394/2021 du 11 janvier 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.4.3).

Le fardeau de la preuve des faits permettant d’établir que les conditions d’une résolution fondée sur l’art. 40 LCA sont remplies pèse sur l’assureur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_394/2021 du 11 janvier 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2016 du 7 avril 2017 consid. 3.2).

8.             Selon l’art. 2 al. 4 de l’Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, l’allocation est octroyée subsidiairement aux prestations des assurances sociales et aux prestations des assurances régies par la loi du 2 avril 1908 sur le contrat d’assurance. Ce principe ne s’applique pas aux prestations octroyées en vertu de l’art. 12 de la loi COVID-19 du 25 septembre 2020 (Loi COVID-19 - RS 818.102), c’est-à-dire aux mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises, lesquelles ne font toutefois pas l’objet du cas d’espèce. L’Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 est exhaustive (ATF 147 V 423 consid. 4.3.4).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de se pencher sur une norme comparable, à savoir l’art. 28 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), lequel prévoit que « les indemnités journalières de l'assurance-maladie ou de l'assurance-accidents qui représentent une compensation de la perte de gain sont déduites de l'indemnité de chômage. ». Il a considéré qu’en ce qui concernait les assurances-complémentaires soumises à la LCA, elles devaient se voir appliquer cette règle de coordination, ce qui impliquait que les prestations de l’assurance-chômage sociale en cas de maladie étaient subsidiaires aux éventuelles prestations des assureurs privés (ATF 147 V 332 consid. 5.5 ; ATF 144 III 136 consid. 4.2). Or, le but de l’indemnité perte de gain COVID-19 pour les indépendants fondée sur l’art. 15 de la Loi COVID-19, à savoir la prise en charge de la perte de revenu issue d’une interruption ou d’une limitation significative de leur activité lucrative à cause de mesures prises pour surmonter la pandémie COVID-19, est analogue à celle de l’assurance-chômage concernant les salariés.

Comme il ressort de la lettre claire de l’art. 2 al. 4 de l’Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 et en cohérence avec le but de cette disposition, toutes les prestations dues sur la base d’un contrat d’assurance privé soumis à la LCA priment sur un éventuel droit à une telle allocation, lorsque ce contrat privé assure une perte de revenu/de gain.

9.             En l’espèce, il n’est pas débattu entre les parties que le contrat d’assurance qui les lie fonde un droit de l’assuré à des indemnités journalières visant, en cas de maladie ou d’accident, à compenser sa perte de gain à partir du 31ème jour suivant la survenance du sinistre (cf. notamment allégué 15 demandeur, admis par la défenderesse et pièce 1 défenderesse, p. 3).

Dans ces circonstances, la perception d’indemnités perte de gain COVID-19 pour les indépendants, par le demandeur, n’est que subsidiaire aux prestations dues par la défenderesse.

En conséquence, le fait que le demandeur n’ait pas mentionné qu’il percevait une telle indemnité sur le formulaire d’annonce de sinistre du 8 décembre 2021 n’était, d’emblée, pas susceptible de remettre en cause l'obligation de l'assureur envers l’assuré ou à influer sur son étendue. La condition d’influence objective nécessaire à une résolution sur la base de l’art. 40 LCA n’est donc pas remplie comme le souligne, à juste titre, le demandeur.

Il s’ensuit que la résolution du contrat par l’assurance le 16 mars 2021 est invalide.

Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner si la condition subjective d’intention de frauder est remplie dans le cas d’espèce.

S’agissant de l’argumentation de la défenderesse selon laquelle, il y a néanmoins lieu d’éviter une surindemnisation, elle est pertinente en ce sens qu’il ne revient pas à la caisse publique de compenser une perte de gain en contradiction avec la volonté claire du Conseil fédéral lorsqu’il a adopté l’art. 2 al. 4 Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. Dès lors que l’art. 1 de cette même ordonnance prévoit l’application de la LPGA, l’art. 25 al. 1 et 2 LPGA qui prévoit la restitution de trop-perçus est susceptible de trouver application. Sur ce point, la chambre de céans prend acte de la volonté du demandeur de rembourser ses allocations perçues éventuellement à tort (cf. plaidoiries demandeur du 3 mai 2022, p. 6). Cette question dépasse toutefois l’objet du présent litige et relève de la compétence de la caisse de compensation ayant versé les prestations en cause, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’examiner plus avant.

10.         Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner si, comme le prétend le demandeur, la défenderesse a renoncé à se départir du contrat en lui envoyant au 22 novembre 2021 une facture de prime pour l’année 2022.

11.         Dès lors qu’il a été retenu que la résiliation datée du 16 mars 2021 était nulle, il est nécessaire d’examiner le montant des prestations dues par la défenderesse à l’assuré, sur la base du contrat d’assurance.

11.1 En matière d'assurance privée, les parties peuvent convenir d'une assurance forfaitaire, aussi dénommé assurance de somme, ou d’une assurance contre les dommages, aussi dénommée assurance indemnitaire. La première lie la perception de la prestation de l’assurance à la survenance d’un sinistre, sans égard pour le dommage effectif subi par l’assuré, alors que s’agissant de la seconde, seul ce dernier doit être pris en charge par l’assurance (voir également : Vincent BRULHART, Droit des assurances privées, 2ème éd. 2017, n. 139 à 142, p. 77s.).

La distinction entre une assurance forfaitaire et une assurance indemnitaire doit être réalisée sur la base des conditions prévues par le contrat d'assurance à l’aune des principes généraux d’interprétation : si la condition d'une indemnisation est liée à la survenance d'un dommage patrimonial, l'assurance en question est une assurance de dommage, ce qui implique que la surindemnisation n'est pas possible, en cas d'assurance forfaitaire en revanche, une surindemnisation est possible (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 ; ATF 119 II 361 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2016 du 20 mars 2017 consid. 3.2). S’agissant d’une assurance perte de gain, le fait de rattacher le montant d’une indemnisation à un salaire au sens de l’AVS est un élément penchant vers la qualification d’assurance de dommage, alors que s’agissant des indépendants, la pratique suisse tend plutôt vers une indemnisation forfaitaire (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3).

Bien que l’imputation de prestations de tiers sur l’indemnité due par l’assurance soit typique d’une assurance de dommage, elle n’exclut pas automatiquement la qualification d’assurance forfaitaire (ATF 146 III 339 consid. 5.2.4 ; ATF 133 III 527 consid. 3.2.5). Il est en effet, en théorie, possible que l’assuré qui bénéficie d’une assurance forfaitaire réalise un gain net, malgré l’imputation de telles prestations, alors que l’exclusion d’un tel gain constitue l’essence même d’une assurance de dommage. En outre, une assurance mixte avec la couverture forfaitaire de certains postes de dommages et indemnitaires d’autres postes semble concevable, pour autant que le contrat d’assurance et les conditions générales permettent de les distinguer clairement. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs déjà eu l’occasion de préciser qu’un seul contrat formel d’assurance peut couvrir plusieurs risques et que chaque assurance, au sens matériel du terme, devait alors être analysée indépendamment, pour savoir si elle était de nature forfaitaire ou indemnitaire (ATF 119 II 361 consid. 4).

11.2 Selon l’art. 100 al. 1 LCA, le contrat d’assurance est régi par le droit des obligations lorsque la LCA ne contient pas de règle spéciale.

Selon l’art. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), un contrat est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.

Un contrat est le résultat de deux actes juridiques unilatéraux : l’offre et l’acceptation ; la première est une condition de la seconde, en ce sens que lorsque la volonté de l’acceptant concorde avec celle de l’offrant, s’agissant à tout le moins des points essentiels du contrat en cause, celle-ci produit les effets dudit contrat (primauté de l’interprétation subjective) ; pour déterminer cette volonté subjective, qui est un fait interne, un tribunal peut se baser sur tous les éléments disponibles (ATF 147 III 153 consid. 5.1 ; ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 et 5.2.2 ; ATF 131 III 467 consid. 1.1 ; ATF 127 III 444 consid. 1b). Lorsque la volonté de l’offrant ne concorde pas avec celle de l’acceptant, il est néanmoins possible que l’acceptation produise tout de même son effet, pour autant que, soit l’offre, soit l’acceptation, comprise de bonne foi par son récepteur, corresponde à la volonté de celui qui la reçoit (interprétation objective dite « principe de la confiance ») ; il en va de même lorsque la volonté subjective des parties ne peut pas être déterminée avec suffisamment de certitude (ATF 147 III 153 consid. 5.1 ; ATF 144 III 93 consid. 5.2.1 et 5.2.3 ; ATF 144 III 43 consid. 3.3 ; ATF 130 III 417 consid. 3.2 ; ATF 129 III 118 consid. 2.5). Dans le cadre de l’interprétation objective, la lettre d’une stipulation joue un rôle prépondérant ; elle n’est toutefois pas déterminante si des éléments permettent sérieusement de remettre en doute la compréhension littérale de celle-ci (ATF 138 III 659 consid. 4.2.1 ; ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 ; ATF 135 III 29 consid. 5.2 ; ATF 131 III 280 consid. 3.1).

Ces principes sont applicables à des CGA intégrées à un contrat (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; ATF 142 III 671 consid. 3.3 ; ATF 133 III 675 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.2.1). En matière de contrat d’assurance, le principe d’interprétation en défaveur du rédacteur (in dubio contra stipulatorem) trouve, en outre, application en tant que méthode d’interprétation subsidiaire lorsque, dans le cadre de l’interprétation objective, il subsiste un doute quant au résultat de celle-ci (ATF 148 III 57 consid. 2.2.2 ; ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 ; ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 ; ATF 124 III 155 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2018 du 4 juillet 2019 consid. 4.1).

11.3 En ce qui concerne l’incorporation de conditions générales dans un contrat, la jurisprudence a posé la règle dite des « clauses insolites », laquelle, tout comme les principes relatifs à l’interprétation objective d’une manifestation de volonté, est une concrétisation du principe de la confiance (ATF 148 III 57 consid. 2.1.3.1).

Une clause contractuelle est insolite si elle est contenue dans des conditions générales (1), que le cocontractant de l’assurance n'y a pas été rendu spécifiquement attentif (caractère subjectivement insolite) (2) et qu'elle implique un changement important du caractère ou du cadre du contrat en défaveur de ce cocontractant (caractère objectivement insolite) (3) ; plus une clause est déséquilibrée, plus on devra pencher vers la reconnaissance de l'existence d'une clause objectivement insolite (ATF 148 III 57 consid. 2.1.3.2 et 2.1.3.3 ; ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; ATF 135 III 225 consid. 1.3 ; ATF 135 III 1 consid. 2.1). Pour déterminer si une clause est objectivement insolite, les attentes légitimes du cocontractant s’agissant de sa couverture d’assurance doivent être prises en considération (ATF 148 III 57 consid. 2.1.3.3 ; ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_238/2019 du 2 décembre 2019 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_232/2019 du 18 novembre 2019 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_329/2016 du 20 septembre 2016 consid. 5.1.2).

La conséquence de l’existence d’une clause insolite incluse dans les conditions générales est que le proposant ne peut pas considérer que l’acceptant a accepté celle-ci, et que, partant, elle ne lie pas les parties (ATF 148 III 57 consid. 2.1.2 ; ATF 138 III 41 consid. 3.1 ; ATF 135 III 225 consid. 1.3 ; ATF 135 III 1 consid. 2.1).

11.4 S’agissant d’une prétention que prétend avoir l’assuré contre l’assurance, le fardeau de la preuve pèse sur le premier, à savoir le demandeur (ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_394/2021 du 11 janvier 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.3).

12.         Il convient d’examiner les dispositions contractuelles liant les parties au présent litige, afin de déterminer leur portée. Cela inclut les CGA dans leur version 2012 puisque le contrat d’assurance « principal » y renvoie.

12.1 S’agissant en premier lieu de l’interprétation subjective du contrat, les parties s’opposent sur l’interprétation, en particulier, de l’art. 8.3 des CGA, sans que l’instruction de la cause ait permis de déterminer que leurs volontés respectives, au moment de la conclusion du contrat, concordaient. Il y a donc lieu de procéder à une interprétation objective du contrat en cause.

12.2 Selon le contrat d’assurance principal, l’assuré entre dans la catégorie « Indépendant / Personnes avec salaire fixe déterminé à l’avance ». Les prestations de l’assurance consistent en une indemnité correspondant à 100% du salaire pendant 730 jours, après un délai d’attente de 30 jours. Est assuré un salaire fixe de CHF 48'000.-. La prime annuelle de l’assuré est directement reliée à celui-ci, car elle correspond à 51.21‰ de ce dernier (cf. pièce 1 défenderesse, p. 3).

Selon l’art. 5.1 des CGA intitulé « Droits aux prestations » :

« L’indemnité journalière est payée pour chaque jour d’incapacité de travail de 25% au moins, dûment constaté par un médecin. Elle se calcule selon le degré d’incapacité de travail. Le droit aux prestations subsiste aussi longtemps que la personne assurée se trouve sous traitement médical régulier et sous contrôle médical. { } »

Selon l’art. 8.1 des CGA, la police (d’assurance principale) mentionne si les prestations sont calculées sur la base du salaire AVS ou sur la base d’un salaire déterminé à l’avance. À teneur de l’art. 8.3 CGA :

« Pour les employeurs (art. 4.3) [ce qui inclut les indépendants ndr.] il est convenu à l’avance d’un salaire annuel fixe correspondant à la situation de revenu effective. L’indemnité journalière est calculée sur cette base, en divisant par 365 le montant annuel indiqué dans la police.

L’employeur s’engage à informer la Compagnie de tout changement notable de sa situation de revenu effective. En cas de surindemnisation, l’indemnité-journalière pourra être diminuée jusqu’à concurrence du revenu effectif provenant de l’activité lucrative ».

L’art. 9 des CGA prévoit que :

« Si l’assuré a également droit à des prestations d’assurances (suisses ou étrangères) ou d’un tiers responsable, la Compagnie complète ces prestations dans le cadre de ses propres obligations jusqu’à concurrence de l’indemnité journalière assurée.

Si l’assuré refuse d’annoncer son cas à une assurance sociale malgré les injonctions de la Compagnie, les prestations peuvent être réduites ou suspendues. ( ) ».

12.2.1 À la lecture de ces dispositions, il apparaît que l’assurance en cause prévoit la couverture d’un seul poste d’un éventuel préjudice causé par une incapacité de travail, à savoir la perte de gain de l’assuré (cf. art. 5 des CGA), et que celui-ci est entièrement forfaitisé. Il n’est donc pas possible de qualifier cette assurance d’assurance de dommage ou d’assurance mixte (forfaitaire ou de dommage, en fonction des différents postes du préjudice couverts). Le fait que cette assurance soit une assurance forfaitaire est par ailleurs conforme avec l’usage suisse en la matière, usage qui se justifie, en particulier, au vu de la difficulté à établir ou estimer précisément à l’avance le revenu futur d’un indépendant, et donc le risque supporté par l’assurance, en l’absence d’une fixation à l’avance.

Le fait qu’une imputation de prestations de tiers en réduction de la prestation de l’assurance soit prévue par l’art. 9 des CGA ne change rien à la nature forfaitaire du contrat car, comme mentionné plus haut, il est possible que l’assuré qui bénéficie d’une telle assurance réalise un gain net, malgré l’imputation de telle prestation, alors que l’exclusion d’un tel gain constitue l’essence même d’une assurance de dommage. Le cas d’espèce illustre d’ailleurs particulièrement bien ce qui précède puisque si l’assurance en cause n’était pas une assurance de somme, la défenderesse n’aurait jamais dû prester pour la période pendant laquelle l’établissement du demandeur a été fermé sur ordre des autorités. En effet, la perte de gain effective du demandeur causée par sa maladie pendant cette période était nulle, dès lors que son café était fermé. Or, il n’est pas contesté que la défenderesse a initialement versé des indemnités journalières malgré la fermeture des établissements genevois, qui est un fait notoire (en ce sens : ATF 147 II 49 consid. 5.3.1).

En outre, la police d’assurance lie expressément le montant de la prime annuelle du demandeur au montant du « salaire » annuel assuré, ce qui est typique d’une assurance forfaitaire, puisqu’elle associe la rémunération du risque supporté par l’assureur à l’étendue de ce risque déterminé précisément à l’avance (terme qui figure d’ailleurs en page trois du contrat principal).

Enfin, le demandeur est mentionné nommément sur le contrat d’assurance principal (cf. pièce 1 défenderesse, p. 3), élément qui penche également en faveur d’une assurance forfaitaire (comparer : ATF 146 III 339 consid. 5.2.4).

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans considère qu’il est établi que l’assurance objet du présent litige est donc une assurance forfaitaire/de somme qui a pour objet le versement par l’assureur d’un montant journalier de CHF 131.51 (48’000/365) au demandeur dès le 31ème jour d’un cas d’assurance et jusqu’à un maximum de 730 jours, en cas d’incapacité de travail d’un degré d’au moins 25%.

12.2.2 L’art. 8.3 second paragraphe CGA stipule que l’assuré doit informer l’assureur en cas de « changement notable » de sa situation de revenu effective. Cette notion n’est pas définie plus avant, mais on peut facilement concevoir l’intérêt de l’assureur (et médiatement de l’assuré) à être informé d’un changement important dans la situation économique de l’assuré, en particulier en cas d’augmentation notable du revenu de celui-ci, ceci afin de pouvoir proposer au preneur d’assurance une hausse du montant couvert, laquelle doit logiquement s’accompagner d’une hausse de la prime annuelle. Si l’on comprend cette clause en ce sens, l’absence d’une définition précise d’un « changement notable » ne pose pas de difficulté particulière.

En revanche, la logique de la dernière phrase de l’art. 8.3 CGA est difficile à appréhender. Cette phrase fait expressément référence au « revenu effectif » de l’assuré et proscrit la « surindeminsation ». Cette clause est ambiguë en ce qu’elle fait référence à un « revenu effectif » qui n’est défini nulle part dans le contrat principal ou dans les CGA, lesquelles à l’art. 8.1 (et également à l’art. 16.1) distinguent clairement les cas où le salaire assuré est basé sur le « salaire AVS », et celui où il est déterminé à l’avance, comme dans le cas du demandeur. La défenderesse se rapporte d’ailleurs à l’extrait de compte AVS du demandeur (cf. duplique du 23 septembre 2021, p. 4), alors même que celui-ci montre que le revenu annuel du demandeur était déjà inférieur à CHF 48'000.-, et donc inférieur au revenu effectif selon l’interprétation de la défenderesse, au jour où la police d’assurance, objet de la présente procédure, a été conclue (cf. pièce 12 défenderesse).

La dernière phrase de l’art. 8.3 ne peut donc être comprise que dans le sens que la prestation forfaitaire prévue par le contrat serait en réalité, non un montant de couverture fixe, mais un montant maximal, l’assureur étant autorisé à réduire ses prestations si le « revenu effectif », au calcul non expressément précisé, de l’assuré au cours d’une période elle aussi indéterminée, s’avérait inférieur audit montant.

Néanmoins, cette interprétation est contraire à l’économie du contrat pris dans sa globalité et en particulier aux éléments clairs figurant dans le contrat d’assurance « principal ». Une telle clause d’ajustement automatique du montant couvert au dommage effectif subi par un assuré n’est en effet possible que dans un contrat d’assurance de dommage. Cette contradiction doit être résolue en faisant primer tant les éléments contenus dans le contrat d’assurance principal, que les stipulations claires des art. 8.1 et 8.3 première et deuxième phrases des CGA.

En outre, cette stipulation n’a fait l’objet d’aucune mise en évidence, alors qu’elle va clairement au-delà de ce qu’un assuré peut légitimement attendre comme couverture d’assurance à la lecture attentive du contrat principal, vu en particulier que le montant de sa prime annuelle est directement calculé par rapport au montant défini comme « salaire fixe déterminé à l’avance », et n’est pas automatiquement réajusté en cas de réduction du gain assuré selon l’art. 8.3 (cf. not. l’art. 17 CGA), et que ce contrat principal mentionne qu’est couvert un « salaire fixe déterminé à l’avance », sans jamais mentionner un « revenu effectif ». Une telle clause équivoque, non mise en évidence et située en page quatre des CGA d’un contrat - conclu avec un entrepreneur individuel sans connaissances particulières en matière d’assurances - et qui a pour conséquence de modifier substantiellement la couverture d’assurance en défaveur de l’assuré est subjectivement et objectivement insolite. Ainsi, même si cette clause ne devait pas déjà être considérée comme non-écrite du fait de sa contradiction avec le reste du contrat d’assurance, il faudrait admettre qu’elle n’a pas été acceptée par le demandeur, et donc qu’elle ne le lie pas.

En ce qui concerne encore la jurisprudence ATAS/763/2019 du 27 août 2019 mentionnée par la défenderesse, il faut tenir compte du fait que le contenu du contrat principal d’assurance est déterminant pour la solution du présent cas d’espèce et que des conditions générales d’assurance identiques ou au contenu très proches peuvent mener à une situation juridique distincte, suivant ce que prévoit le contrat principal en cause. En outre, dans la mesure où l’interprétation réalisée dans l’arrêt susmentionné se fondait sur des jurisprudences du Tribunal fédéral antérieures aux arrêts de principe ATF 148 III 57 (du 5 janvier 2022) et ATF 146 III 339 (du 14 juillet 2020), il est probable qu’elle soit entretemps dépassée, bien que cette question puisse rester ouverte dans le cas d’espèce. Cela vaut d’autant plus que l’arrêt du Tribunal fédéral 5C.243/2006 du 19 avril 2007 consid. 3.2, auquel cette jurisprudence fait référence, se rapporte à des CGA au contenu substantiellement différent de celles du présent cas d’espèce puisque celles-ci faisaient expressément référence à une indemnisation limitée au revenu au sens de l’AVS, au contraire des CGA objets de la présente procédure.

12.2.3 Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si cette clause peut, en outre, être qualifiée d’abusive au sens de l’art. 8 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD - RS 241) dans sa teneur depuis le 1er janvier 2012.

12.3 Une interprétation d’ensemble du contrat fait ainsi apparaître que le montant de l’indemnité journalière due au demandeur par la défenderesse se monte à CHF 131.51 par jour d’incapacité de travail, de 25% au moins dès le 31ème jour d’un cas d’assurance et jusqu’à un maximum de 730 jours.

L’art. 5.1 des CGA prévoit en outre une réduction proportionnelle de l’indemnité journalière en cas de degré d’incapacité de travail situé en 25% et 99%.

13.         Le demandeur conclut au paiement de CHF 6’843.50 (4’460 + 2'383.50) avec intérêts moratoires de 5% dès la date moyenne, et au paiement de CHF 1'972.50 avec intérêts moratoires de 5% dès la date moyenne, pour la période du 16 avril au 14 mai 2021. Les conclusions divergentes prises dans les plaidoiries finales ne remplissent pas les conditions fixées par l’art. 230 al. 1, let. a et b CPC et ne doivent pas être prises en compte.

13.1 Le demandeur a été en incapacité de travail d’au moins 25% du 16 novembre 2020 au 14 avril 2021 (cf. pièce 9 demandeur). Dans sa réplique, le demandeur a allégué qu’il était incapable de travailler à 50% jusqu’au 14 mai 2021 avec comme offre de preuve « pièce à produire ». Il n’a toutefois, par la suite, pas prouvé qu’il était victime d’un telle incapacité pour la période postérieure au 14 avril 2021, alors que ce fait a été contesté par la défenderesse (duplique du 23 septembre 2021, p. 3). Dès lors qu’il supporte le fardeau de la preuve de l’existence de son incapacité de travail, l’existence d’une incapacité de travail pour la période postérieure au 14 avril 2021 doit être considérée comme non établie.

13.2 Pour la période du 16 décembre 2020 au 28 février 2021, le montant de l’indemnité due au demandeur par la défenderesse s’élève à :

131.51 x [15 jours {jours en novembre 2020} + 31 {jours en décembre 2020} + 31 {jours en janvier 2021} + 28 {jours en février 2021} – 30 {délai d’attente}] = 9’863.25

Selon le mémoire de réponse de la défenderesse (allégué 13), le demandeur a toutefois déjà reçu le montant de CHF 7'479.- pour la période allant jusqu’au 28 février 2021, montant admis par le demandeur, soit le calcul :

9’863.25 - 7'479 = 2’384.25

Cette somme est l’objet d’une obligation à terme au sens de l’art. 102 al. 2 CO, elle porte donc intérêts moratoires à 5% l’an, depuis sa date moyenne, conformément aux conclusions du demandeur, à savoir le 22 janvier 2021.

Pour la période du 1er mars 2021 au 15 mars 2021 inclus, le montant de l’indemnité due au demandeur par la défenderesse s’élève à :

131.51 x 15 {jours en mars 2021} = 1’972.65

Cette somme porte intérêts moratoires à 5% l’an, depuis sa date moyenne, conformément aux conclusion du demandeur, à savoir le 8 mars 2021.

Pour la période du 16 mars 2021 au 14 avril 2021 inclus, le montant de l’indemnité due au demandeur par la défenderesse s’élève à :

(131.51 x [16 {jours en mars 2021} + 14 {jours en avril 2021}]) / 2 {car capacité de travail de 50%} = 1’972.65

Cette somme porte intérêts moratoires à 5% l’an, depuis sa date moyenne, conformément aux conclusions du demandeur, à savoir le 31 mars 2021.

13.3 Il convient donc de condamner la défenderesse à verser au demandeur le montant de CHF 2’384.25 avec intérêts moratoires à 5% l’an depuis le 22 janvier 2021, le montant de CHF 1’972.65 avec intérêts moratoires à 5% l’an depuis le 8 mars 2021, et le montant de CHF 1’972.65 avec intérêts moratoires à 5% l’an depuis le 31 mars 2021.

14.         Le demandeur étant représenté par un conseil et obtenant gain de cause, la défenderesse doit être condamnée à lui verser une indemnité à titre de dépens (art. 106 al. 1 CPC ; art. 20 à 26 de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 [RTFMC - E 1 05.10]).

Selon l’art. 105 al. 2 CPC, les dépens sont en principe fixés selon le tarif cantonal, les parties peuvent toutefois produire une note de frais. Si une partie produit une note de frais de son avocat explicitant les activités réalisées par celui-ci, elle a alors droit à la couverture de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_171/2017, du 26 septembre 2017 consid. 4) dans la mesure où ces frais s’avéraient adéquats et nécessaires au vu notamment de la complexité de la cause (en ce sens pour les dépens avant litispendance : arrêt du Tribunal fédéral 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_264/2015 du 10 août 2015 consid. 4.2.2).

En l’espèce, le montant de CHF 4'723.85 que fait valoir le demandeur, montant qui n’inclut pas les plaidoiries finales, apparaît cohérent avec la complexité et le travail requis par la présente cause. L’art. 85 al. 1 RTFMC limite toutefois strictement le montant des dépens en fonction de la valeur litigieuse, soit en l’espèce un montant de CHF 8'816.- (6’843.50 + 1'972.50). Dans ces circonstances, il convient d’allouer au demandeur le montant maximal prévu par cet article en tenant compte du supplément de 10%, à savoir CHF 2’340.45.-.

Partant, il convient de condamner la défenderesse à verser au demandeur une indemnité d’un montant de CHF 2’340.45.- à titre de dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

2.        Déclare la demande reconventionnelle recevable.

Au fond :

3.        Condamne GENERALI Assurances Générales SA à verser à Monsieur A______ le montant de CHF 2’384.25 avec intérêts moratoires à 5% l’an depuis le 22 janvier 2021.

4.        Condamne GENERALI Assurances Générales SA à verser à Monsieur A______ le montant de CHF 1’972.65 avec intérêts moratoires à 5% l’an depuis le 8 mars 2021.

5.        Condamne GENERALI Assurances Générales SA à verser à Monsieur A______ le montant de CHF 1’972.65 avec intérêts moratoires à 5% l’an depuis le 31 mars 2021.

6.        Rejette la demande reconventionnelle de GENERALI Assurances Générales SA.

7.        Condamne GENERALI Assurances Générales SA à verser à Monsieur A______ le montant de CHF 2’340.45 à titre de dépens.

8.        Dit que la procédure est gratuite.

9.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le