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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/368/2021

ATAS/441/2022 du 18.05.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/368/2021 ATAS/441/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 mai 2022

4ème Chambre

 

En la cause

PERMANENCE MÉDICO-CHIRURGICALE A______ SA, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Joël CHEVALLAZ

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. La Permanence médico-chirurgicale A______ SA (ci-après : la permanence ou la recourante) a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 24 mars 2020 un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour quinze personnes du 23 mars au 31 mai 2020 avec un pourcentage prévisible de perte de travail de 100%. Elle précisait avoir pour principale mission l’exploitation d’une permanence médico-chirurgicale, d’assurer tous services dans les domaines médicaux et paramédicaux ainsi que tous soins ambulatoires. La RHT s’appliquait à tous les professionnels de santé, soit les infirmières, les physiothérapeutes et les psychothérapeutes. La majeure partie des activités de la permanence ne pouvait pas être exécutée (prestations de service médical avec ou sans rendez-vous) et 100% des employés étaient au chômage technique. Tant que les consultations médicales ne seraient pas autorisées par la Confédération, l’activité de l’entreprise ne pourrait pas reprendre à 100%. Dès que l’interdiction de réaliser des examens, des traitements et des thérapies (interventions) non urgents serait levée, l’activité de la permanence pourrait reprendre son cours. Faute d’obtenir des indemnités RHT, la permanence serait contrainte de licencier 100% de son personnel.

À teneur de l’organigramme produit par la permanence, travaillaient pour celle-ci un administrateur, dix médecins, trois infirmières, trois personnes pour la radiologie, un physiothérapeute, trois personnes au secrétariat et à la réception et une personne pour l’entretien.

b. Par décision du 30 mars 2020, l’OCE a considéré que la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pouvait octroyer à la permanence l’indemnité en cas de RHT du 25 mars au 24 juin 2020.

c. La permanence a déposé un nouveau préavis de RHT le 8 juin 2020 pour quinze travailleurs du 24 juin au 30 septembre 2020 avec un pourcentage prévisible de perte de travail de 100%.

d. Par décision du 9 juin 2020, l’OCE a admis que la caisse pouvait octroyer l’indemnité en cas de RHT à la permanence du 25 juin au 24 septembre 2020.

B. a. La permanence a transmis à l’OCE un préavis de RHT daté du 3 septembre 2020, pour quatorze personnes pour la période du 25 septembre au 31 décembre 2020.

b. Par décision du 7 septembre 2020, l’OCE a refusé de donner suite à cette demande, au motif qu’une perte de travail n’était pas avérée. De plus, si elle avait été octroyée, la RHT n’aurait pu l’être que pour une période de trois mois au maximum.

c. Le 7 octobre 2020, la permanence a formé opposition à la décision précitée, en produisant plusieurs pièces.

d. Par décision sur opposition du 21 décembre 2020, l'OCE a rejeté l’opposition, considérant que la permanence n’avait pas été contrainte d'arrêter son activité, ni directement touchée par une mesure administrative.

C. a. La permanence a formé recours contre la décision sur opposition du 21 décembre 2020 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 3 février 2021, concluant à l’octroi de l’indemnité en cas de RHT du 1er septembre au 31 décembre 2020 et à l’octroi d’une indemnité pour ses dépens.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             La décision litigieuse porte sur le droit de la recourante à une indemnité RHT pour ses employés pour la période du 25 septembre au 31 décembre 2020, étant précisé que la RHT a déjà été accordée à la permanence jusqu’au 24 septembre 2020.

4.              

4.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la RHT est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). La perte de travail est prise en considération lorsque elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise (art. 32 al. 1 let. a et b LACI).L’indemnité s’élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

4.2 Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

4.3 Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a).

L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit, n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

Les pertes de travail liées aux risques économiques ordinaires, tel que le risque commercial, le risque de baisse de compétitivité par rapport à la concurrence, ou le risque de ne pas se voir attribuer un marché public, ne sont pas indemnisables. Dans le domaine de la construction, des délais d’exécution reportés à la demande du maître de l’ouvrage et des annulations de travaux en raison de l’insolvabilité de ce dernier ou à cause d’une procédure d’opposition ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De telles circonstances constituent dès lors des risques normaux d’exploitation. Pour une entreprise qui traite essentiellement avec un seul client important, la perte de ce client ou la perspective certaine d’une réduction des mandats constitue également une circonstance inhérente aux risques normaux d’exploitation (cf. RUBIN, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment DTA 1998 consid. 1 p. 292).

4.4 Selon la directive du SECO 2020/15 du 30 octobre 2020, sur l’actualisation « des règles spéciales dues à la pandémie », du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n’est pas un risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur, au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur. Les pertes de travail résultant d’un recul de la demande de biens et de services pour ce motif peuvent dès lors être pris en considération en application de l’art. 32 al. 1 let. a LACI. Toutefois, l’employeur doit démontrer de manière crédible que les interruptions de travail attendues dans son entreprise sont attribuables à l’apparition de la pandémie. Il ne suffit pas simplement de mentionner la pandémie comme justification (ch. 2.2).

Selon le ch. 2.3, les mesures prises par les autorités en raison de la pandémie sont à considérer comme des circonstances extraordinaires, de sorte que les pertes de travail occasionnées par de telles mesures entrent dans le cadre de la réglementation spéciales des art. 32 al. 3 LACI et 51 OAI. Cela s’applique également aux mesures qui ne concernent que certaines branches ou secteurs économiques, ainsi qu’aux mesures ordonnées par les autorités cantonales ou communales. Les pertes de travail non imputables à l’employeur telles que par exemple celles qui sont dues à l’impossibilité pour les travailleurs de se rendre sur le lieu de travail peuvent être prises en considérations. Les pertes de travail qui résultent du comportement fautif de l’employeur ne sont en revanche pas prises en considération (art. 51 al. 3 OACI).

Selon le ch. 2.5, dans le cadre du déconfinement progressif, la plupart du temps, la justification en raison des mesures prises par les autorités devient caduque. L’activité doit reprendre normalement dès que cela est possible. Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage.

Lorsque l’entreprise ne peut remettre au travail qu’une partie de ses employés, en raisons des mesures sanitaires qui persistent, elle a droit à l’indemnité en cas de RHT pour la perte de travail des travailleurs partiellement ou totalement inoccupés si les autres conditions du droit sont réalisées. Dans ce cas, la perte de travail à prendre en considération reste consécutive aux mesures prises par les autorités et l’art. 32 al. 3 LACI en relation avec l’art. 51 OACI s’applique.

4.5  

4.5.1 En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RS 818.101.24 ; RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24 ; RO 2020 773).

Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en interdisant toutes les manifestations publiques ou privées et en ordonnant la fermeture des magasins, des marchés, des restaurants, des bars, des discothèques, des boîtes de nuit et des salons érotiques (art. 6 al. 1 et 2). Le Conseil fédéral a encore ordonné, à l’art. 10a, que les cantons pouvaient obliger les hôpitaux et cliniques privées à mettre leurs capacités à disposition pour accueillir des patients (al. 1) et que les établissements de santé tels que les hôpitaux, les cliniques et les cabinets médicaux devaient renoncer à tous les traitements et interventions médicaux non urgents (al. 2). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783). Dès le 27 avril 2020, l’al. 1 de l’art. 10a a été abrogé et il a été prévu à l’al. 2 que les cantons s’assurent que le domaine stationnaire des hôpitaux et des cliniques dispose de capacités suffisantes (notamment en lits et en personnel) pour les patients atteints du COVID-19 ainsi que pour d’autres examens et traitements urgents, en particulier dans les unités de soins intensifs et de médecine interne générale. Selon l’al. 3 de la même disposition, ils pouvaient à cette fin, obliger les hôpitaux et cliniques à mettre à disposition leurs capacités dans le domaine stationnaire ou à les libérer sur demande (let. a) et à limiter ou suspendre les examens et traitements non urgents (let. b) (RO 220 1333).

Le 19 juin 2020, à la suite d’une diminution du nombre de nouveaux cas, le Conseil fédéral a requalifié la « situation extraordinaire » en « situation particulière » et restructuré ses mesures notamment en édictant l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26). Selon cette ordonnance, chaque personne était tenue de respecter les recommandations de l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : l’OFSP) en matière d'hygiène et de conduite face à l'épidémie de COVID-19 (art. 3). Ces recommandations comprenaient notamment le maintien des distances, le port du masque et le respect du nombre maximum de personnes. Si possible, les personnes devaient se rencontrer à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur.

Selon l’art. 10 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, dans son état au 15 août 2020, l’employeur garantissait que les employés puissent respecter les recommandations de l’OFSP en matière d’hygiène et de distance. À cette fin, les mesures correspondantes devaient être prévues et mises en œuvre (al. 1). Si la distance recommandée ne pouvait pas être respectée, des mesures devaient être prises pour appliquer le principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel) et notamment recourir au télétravail, à la séparation physique, à la séparation des équipes ou au port de masques faciaux (al. 2).

Selon l’art. 25 al. 1 de l’ordonnance 3 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 19 juin 2020 (ordonnance 3 COVID-19 - RS 818.101.24). Les cantons devaient s’assurer que le domaine stationnaire des hôpitaux et des cliniques dispose de capacités suffisantes (notamment en lits et en personnel) pour les patients atteints du COVID-19 ainsi que pour d’autres examens et traitements urgents, en particulier dans les unités de soins intensifs et de médecine interne générale. Selon l’al. 2, à cette fin, ils pouvaient obliger les hôpitaux et cliniques: a. à mettre à disposition leurs capacités dans le domaine stationnaire ou à les libérer sur demande (a) et à limiter ou suspendre les examens et traitements non urgents (b).

Après un certain assouplissement des mesures durant l’été 2020, la situation sanitaire s’est à nouveau dégradée durant l’automne 2020, contraignant les autorités à prendre de nouvelles mesures (al. 2).

Ainsi, et notamment, les rassemblements spontanés de plus de quinze personnes ont été interdits dans l’espace public, en particulier sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs, à compter du 19 octobre 2020 (art. 3c de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, dans son état le 19 octobre 2020). À la même date, les manifestations privées comportant entre seize et cent personnes ont été soumises à certaines restrictions, notamment l’obligation de consommer assis, de collecter des données de contact et de porter le masque hormis en cas de consommation assise à sa place (art. 6a al. 2). La recommandation selon laquelle les employés devaient si possible faire du télétravail a à nouveau été émise à cette même date (art. 10 al. 3).

À compter du 29 octobre 2020, il a notamment été interdit d’organiser des manifestations publiques de plus de cinquante personnes, et des manifestations privées de plus de dix personnes (art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 29 octobre 2020).

Dès le 12 décembre 2020, les manifestations publiques ont été interdites, à certaines exceptions, notamment les manifestations religieuses jusqu’à cinquante personnes et les funérailles dans le cercle familial et amical restreint (art. 6 al. 1 let. c et d de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020), les manifestations privées de maximum dix personnes restant autorisées (art. 6 al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020).

4.5.2 Sur le plan cantonal, le Conseil d’État a adopté, le 1er novembre 2020, l’arrêté d’application de l’ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l’arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après FAO) du 2 novembre 2020, qui, à son art. 11 al. 1 let. d, ordonnait la fermeture des installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public. Selon l’al. 2 de cette disposition, faisaient exception à l’obligation de fermeture résultant de l’al. 1 les magasins d’alimentation et autres points de vente et étals de marchés qui vendaient des denrées alimentaires ou des biens de consommation courante. Cet arrêté est entré en vigueur le 2 novembre 2020.

Dès le 18 novembre 2020, les établissements de remise en forme et de bien-être ont été fermés (art. 11 al. 1 de l’arrêté du 18 novembre 2020 du Conseil d’État modifiant l’arrêté précité) et les personnes exerçant un service impliquant un contact physique avec la clientèle ont dû mettre en œuvre les mesures de protection (art. 14 de la version consolidée, état au 21 novembre 2020, de l’arrêté d’application de l’ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protections de la population), soit recevoir les clients ou les patients uniquement sur rendez-vous, éviter un contact entre ceux-ci et prévoir une distance d’au moins 1 m 50 entre eux (selon l’annexe 1).

Le 7 décembre 2020, publié dans la FAO du même jour, le Conseil d’État a abrogé l’art. 11 al. 1 let. d de l’arrêté COVID-19 avec effet au 10 décembre 2020 (art. 2 al. 2 de l’arrêté du Conseil d’État du 7 décembre 2020).

4.6 S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance chômage - RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoyait, à son art. 8b al. 1 que l’employeur n’était pas tenu de respecter un délai de préavis, lorsqu'il avait l'intention de requérir l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 3569). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la RHT durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 3569).

Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 – RS 818.102). D’après son al. 1, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l’art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n’a pas besoin d’être mise en œuvre dans l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L’al. 1, 1ère phr. supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la RHT pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité soient remplies. Par ailleurs, selon l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis doit être renouvelé et la RHT autorisée de nouveau si celle-ci dure plus de trois mois. L’al. 1, 2e phr. de l’art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l’autorisation de RHT émise par l’autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l’entreprise ne devra renouveler le préavis que si la RHT dure plus de six mois. Cette réglementation allégera la charge administrative des entreprises et des organes d’exécution (FF 2021 285, p. 29 s.).

5.              

5.1  

5.1.1 Dans la décision entreprise, l’intimé a nié le droit de la recourante aux indemnités en cas de RHT, au motif que la perte de travail n’était pas avérée depuis le 25 septembre 2020.

5.1.2 La recourante a fait valoir que la fréquentation de la permanence avait diminué avec la pandémie et que c’était encore le cas de septembre à décembre 2020 et qu’elle avait subi une perte d’activité de plus de 10%.

5.2  

5.2.1 Il convient en premier lieu d’examiner si la recourante a subi une perte de travail.

La recourante a produit :

-          un tableau récapitulant le nombre de consultations urgentes par médecin dont il ressort notamment que pour les trois médecins de permanence, il y en avait eu :

·         465 en octobre 2019 et 445 en octobre 2020 ;

·         509 en novembre 2019 et 383 en novembre 2020 ;

·         527 en décembre 2019 et 355 en décembre 2020.

Ce tableau a été établi sur la base du planning des urgences pour la période courant du 1er octobre 2019 au 31 décembre 2020, qui a également été produit.

-          des tableaux dont il ressort que le total des heures effectivement travaillées par rapport aux heures à effectuer normalement avait été de :

·         1633,8 sur 2272 en octobre 2020 ;

·         1647.3 sur 2272 en novembre 2020 ;

·         1615 sur 2272 en décembre 2020.

Ce tableau était fondé sur des plannings attestant des heures effectuées par chaque personne en 2020, qui étaient également produits.

Ces pièces démontrent au degré de la vraisemblance prépondérante que les employés de la recourante ont eu une perte de travail d’au moins 10% pendant la période en cause.

5.2.2 L’intimé a fait valoir que les centres médicaux avaient repris leur activité normalement, depuis le printemps, en respectant les distances et en imposant le port du masque et qu’ils offraient des services dont la population ne pouvait se passer. Les sociétés exploitant des centres médicaux étaient, selon lui à tout le moins tout aussi actives depuis la levée des limitations d'exercer à plusieurs professions médicales suite au Covid-19 qu'avant le début de la pandémie, étant donné entre autres qu’elles devaient faire face à une demande qui n'avait pu être satisfaite durant le printemps, période durant laquelle les activités médicales étaient interdites, ce qui avait provoqué notamment une augmentation des demandes de consultations.

L’intimé n’a produit aucune pièce à l’appui de cette argumentation, qui apparaît théorique et de l’ordre de la supposition.

5.2.3 Par ailleurs, le fait qu’un certain nombre de collaborateurs de la permanence devait de toute façon être présent ne permet pas de considérer qu’il n’y a pas eu de pertes de travail, la recourante ayant précisé qu’en raison de la baisse de travail liée à la pandémie, les employés n’étaient pas présents en même temps, alors qu’hors pandémie, plusieurs médecins, infirmières et assistantes étaient présents simultanément.

5.2.4 S’agissant de la personne en charge de l’entretien, il apparaît vraisemblable que, comme le soutient la recourante, elle avait moins de travail, en raison de l’absence de travail des équipes médicales qui avait engendré une diminution de la nécessité de procéder à des nettoyages.

5.2.5 L’intimé a relevé que le préavis du 3 septembre 2020 faisait état d’une perte de travail de 100%, ce qui était contredit par les pièces produites. Cette objection n’est pas déterminante en l’occurrence, car il incombera à la caisse de fixer la hauteur des indemnités dues, une fois le préavis octroyé (art. 38 al. 3 let. a LACI). S’agissant du préavis RHT, le recourant doit démontrer une perte de travail d’au moins 10% (art. 32 al. 1 let. b LACI).

5.2.6 La recourante a également démontré que la baisse de ses activités s’est traduite par une baisse de son chiffre d’affaires, par la production d’un tableau comparant les chiffres d’affaires et attestant d’une perte moyenne de 42% pour les mois d’avril à août entre 2019 et 2020 et de 40% pour les mois de septembre à décembre entre 2019 et 2020.

5.3 Il convient ensuite d’examiner si la perte de travail de la recourante peut être prise en considération, selon l’art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI.

Tel est le cas, la perte de travail subie résultant d’une perte de clientèle manifestement due à la pandémie et n’étant pas imputable à la recourante, au sens des art. 32 al. 3 LACI. La recourante a en effet fait valoir que les pertes de travail étaient attribuables à la pandémie (craintes du coronavirus, respect des mesures, par la limitation des déplacements et l’encouragement au télétravail, notamment). S’il est exact que l’on se trouvait au moment de la demande de préavis dans une période de déconfinement progressif et que les activités de la permanence n’étaient plus interdites, le nombre de consultations était encore plus bas qu’à l’ordinaire en raison des effets de la pandémie. Il y avait encore des mesures en cours et des craintes de nouvelle vague de la pandémie à l’automne.

Il n’est pas contestable que la pandémie a eu un effet négatif sur la fréquentation des établissements médicaux par le public. Cela est attesté par l’article publié par Le Temps le 17 avril 2020 produit par la recourante, qui indique que dans tout le pays, depuis l’arrivée du coronavirus, les patients ne se rendaient plus chez leur généraliste de peur de le déranger ou d’attraper le coronavirus. Dans tous les cantons romands, la fréquentation des cabinets médicaux avait chuté de 50 à 70%. Le nombre de patients qui contactait leur médecin réaugmentait, mais à peine. Certes cet article a été publié quelques mois avant la période en cause. Cela étant, il est vraisemblable que c’était encore le cas, bien que de manière moins prononcée, en septembre 2020, malgré le déconfinement progressif. Les mesures en vigueur lors du dépôt du préavis du 3 septembre 2020 étaient de nature à inquiéter une partie de la population et à la décourager de consulter la permanence pour des motifs non urgents.

5.4 S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté, ni contestable, que la pandémie de coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle dépassant le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur (cf. directive SECO 2020/15 du 30 octobre 2020).

5.5 Reste à examiner si la recourante aurait pu éviter les pertes de travail par des mesures appropriées et économiquement supportables.

L’on ne voit pas quelle mesure la recourante pouvait prendre pour limiter la perte de travail, vu la baisse importante de sa fréquentation liée à la pandémie.

5.6 Il en résulte que la recourante a droit à la RHT. En application de l’art. 17b al. 1 de la loi COVID-19, entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, l’indemnité en cas de RHT doit être accordée dès le 25 septembre 2020 et pour une durée de 6 mois, étant rappelé que la recourante a déjà obtenu la RHT jusqu’au 24 septembre 2020.

6.             Bien fondé, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT dès le 25 septembre 2020 et pour six mois, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'500.- et mis à la charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 21 décembre 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à une indemnité en cas de RHT, pour une durée de six mois à partir du 25 septembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

5.        Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le