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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2124/2019

ATAS/400/2022 du 04.05.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2124/2019 ATAS/400/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 mai 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VEYRIER, représentée par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1970, divorcée et mère d’une fille née le ______ 1992.

b. Elle a demandé des prestations de l’assurance-invalidité le 23 août 2016 auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), indiquant travailler comme commise administrative pour les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) à 80% depuis le 1er janvier 2015. Elle avait précédemment travaillé entre le 1er février 2001 et décembre 2014 à 100% pour le même employeur. Elle était en incapacité de travail depuis le 1erdécembre 2015 et travaillait à « 60% au lieu de 80% », en raison d’une atteinte psychique.

c. Selon un rapport établi le 11 avril 2016 par le docteur B______, du service des spécialités psychiatriques des HUG, l’assurée présentait des symptômes évocateurs d’un trouble déficitaire de l’attention (ci-après : TDAH) évoluant depuis l’enfance. Ces troubles étaient certainement décompensés ou avaient eu un retentissement plus important lorsque des troubles anxieux leur avaient été associés en 2011.

d. Selon un rapport établi par la doctoresse C______, FMH en psychiatrie et psychothérapie, de la clinique de Belmont, reçu par l’OAI le 3 mars 2017, les diagnostics avec effet sur la capacité de travail étaient un trouble d’anxiété généralisé, un trouble dépressif récurrent et un TDAH. Compte tenu de la sévérité des troubles psychiques, il était peu probable que la patiente puisse travailler à plus de 50% d’une activité à temps plein. Elle était limitée dans sa capacité de concentration, d’adaptation et de résistance.

e. Le 29 septembre 2017, le docteur D______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a préconisé un arrêt de travail définitif pour l’assurée dans le contexte actuel, l’octroi d’une rente d’invalidité à 50% et la mise en place d’un programme de réinsertion professionnelle à 50%.

f. Le 15 juin 2018, le Dr D______ a attesté que l’assurée était totalement incapable de travailler jusqu’au 30 septembre 2018 et qu’elle devrait pouvoir intégrer un programme de réinsertion professionnel à 50% à partir du 1er octobre 2018.

g. L’OAI a confié une expertise de l’assurée à la doctoresse E______, FMH en psychiatrie et psychothérapie.

h. Dans son rapport du 1er février 2018, la Dresse E______ a retenu le diagnostic d’anxiété généralisée et celui de TDAH. La capacité de travail de l’expertisée dans l’activité exercée était nulle, mais de 50% dans une activité correspondant à ses aptitudes. Il était important avant tout de résoudre l’état d’anxiété généralisé en optimisant la médication psychotrope et par des séances plus rapprochées avec le psychiatre. La capacité de travail devrait être atteinte dans un délai de 3 à 6 mois, mais pas au-delà.

i. Le 9 janvier 2019, la conseillère en réadaptation de l’assurée a indiqué à la gestionnaire du dossier que du point de vue de la réadaptation, elle concluait que l’activité habituelle était une activité adaptée.

j. Par projet d’acceptation de rente du 18 janvier 2019, l’OAI a informé l’assurée qu’elle avait droit à une demi-rente sur la base d’un degré d’invalidité de 50% dès le 1er décembre 2016. Son statut était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle. Il ressortait de l’instruction médicale que son incapacité de travail était de 50% dans toute activité dès le 1er décembre 2015 (début du délai d’attente d’un an). À l’échéance du délai d’attente, à savoir le 1er décembre 2016, la capacité de travail se confondait avec la perte de gain. Par conséquent, le droit à une demi-rente était ouvert dès cette date. D’autres mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires dans sa situation.

k. Le 7 février 2019, le Dr D______ a estimé que l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité en relevant que les tentatives de réinsertion professionnelles avaient échoué.

l. Le 17 mai 2019, l’OAI a confirmé son projet de décision.

B. a. Le 27 mai 2019, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle faisait valoir que celle-ci n’était pas motivée et n’expliquait pas pourquoi une capacité de travail de 50% était retenue, alors que le Dr D______ retenait une capacité résiduelle nulle. Elle concluait à octroi d’une rente d’assurance-invalidité entière dès le 1er décembre 2016 à 100% et à l’audition des Drs D______ et E______, au besoin en confrontation, et à ce que la chambre de céans ordonne une expertise judiciaire. Elle demandait un délai pour compléter son recours.

b. Par réponse du 1er juillet 2019, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a produit un rapport établi le 2 août 2019 par le Dr D______, selon lequel le status clinique de celle-ci restait inchangé depuis son dernier rapport. La capacité de travail de la recourante restait nulle définitivement. Le programme de réinsertion professionnelle mis en place avait échoué. Cela allait à l’encontre des conclusions du SMR et de l’expertise de la Dresse E______, qui retenaient une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée. Le diagnostic différentiel entre le trouble de l’anxiété généralisée et le syndrome de déficit de l’attention pouvait être fait au vu de l’anamnèse infantile et juvénile de la patiente. La symptomatologie du déficit de l’attention avec les comorbidités anxieuses et dépressives que l’on trouvait très souvent chez ces patients était soutenue dans le temps et n’obéissait pas à une symptomatologie anxieuse dans un moment contextuel donné. Dans la littérature, on trouvait également des experts internationaux qui convergeaient sur le fait que le diagnostic TDAH devait être fait sur une évaluation clinique, une évaluation neuropsychologique apportant passablement de faux négatifs. Le TDAH faisait partie des syndromes cliniques primaires sur lesquels pouvaient se surajouter d’autres comorbidités de type anxieux ou dépressif, comme c’était souvent le cas. Les patients ayant un TDAH pouvaient avoir des traits de personnalité de type phobique, obsessionnel ou autres.

d. Le 24 septembre 2019, l’intimé a maintenu ses conclusions en se fondant sur un rapport du SMR du 24 septembre 2019, estimant que le rapport médical établi par le Dr D______ le 2 août 2019 n’apportait aucun élément nouveau ou démontrant une aggravation de l’état de santé de la recourante.

e. Par ordonnance d’expertise du 30 juillet 2020 (ATAS/627/2020) la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique de l’assurée qu’elle a confiée au docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Elle a émis plusieurs critiques sur l’expertise de la Dresse E______ du 1er février 2018. Elle a également relevé que le Dr D______ avait attesté le 13 juin 2018 d’une incapacité totale de travailler de la recourante, ce qui rendait plausible une aggravation de son état de santé, de sorte que l’intimé aurait dû compléter l’instruction.

f. À teneur de son rapport du 23 août 2021, le Dr F______ a fondé son expertise sur le dossier, six consultations avec l’expertisée, des rapports neurologiques des 11 février et 15 mars 2021 et un rapport neuropsychologique du 30 décembre 2020. Il a diagnostiqué un TDAH, associé à des difficultés exécutives très importantes dans les activités quotidiennes et un trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission, et des traits de la personnalité anxieuse (ou traits de la personnalité évitante). L’expert estimait que l’expertisée avait présenté une atteinte à la santé depuis 2012, qui s’était progressivement aggravée avec une capacité de travail exigible diminuée de 100% pour une activité de 80% à partir du 1er décembre 2015 jusqu’au 31 décembre 2016, qui persistait à ce jour, en raison d’une atteinte à la santé liée à un TDAH et une anxiété généralisée avec une capacité de travail de 50% pour une activité à 80% dans une activité adaptée, avec une aptitude à la réadaptation débutant le 1er décembre 2015 jusqu’au 31 décembre 2016, comportant les limitations suivantes : manque de confiance, labilité émotionnelle, angoisse, capacité limitée à gérer des stress, trouble de l’attention et difficulté exécutive (par exemple planification, organisation, exécution, restitution, mener des tâches jusqu’à leur terme), puis une aptitude à la réadaptation de 25% du 1er janvier au 31 mars 2017 pour les mêmes limitations, puis une aptitude à la réadaptation de 0% depuis le 1er avril 2017 jusqu’à ce jour.

g. L’intimé a fait valoir que l’expertise judiciaire ne remplissait pas les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante, en se fondant sur un avis du SMR du 16 novembre 2021.

h. La recourante a estimé que les conclusions du Dr F______ pouvaient pleinement être suivies.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2016.

6.              

6.1  

6.1.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

6.1.2 Dans le domaine de l’assurance-invalidité, le point de départ d’une modification du droit aux prestations est fixé avec précision. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si la modification paraît durable et par conséquent stable (première phrase de l'art. 88a al. 1 RAI); on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l'atteinte à la santé, notamment la possibilité d'une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (phr. 2 de la disposition; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 666/81 du 30 mars 1983 consid. 3, in RCC 1984 p. 137 s.). En règle générale, pour examiner s'il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l'amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_32/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1).

6.1.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs développés par le Tribunal fédéral.

6.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

7.              

7.1  

7.1.1 L’intimé fait valoir que l’expertise judiciaire ne remplissait pas les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante, en se fondant sur un avis du SMR du 16 novembre 2021.

Ce dernier relevait qu’il ne connaissait pas l’estimation de l’incapacité de travail en lien avec l’examen neuropsychologique de Madame G______, notamment selon la table 1 de l’ASNP. Par ailleurs, il n’était pas précisé si des tests de validation des symptômes avaient été réalisés, de sorte qu’il était difficile de juger de la validité de l’examen. En effet, les troubles attentionnels et exécutifs étaient qualifiés de modérés de sorte qu’il était difficile de s’aligner sur les conclusions de Mme G______.

Concernant l’expertise neurologique réalisée par la doctoresse H______, celle-ci ne se prononçait pas sur l’incapacité de travail liée au syndrome des jambes sans repos, ni sur les limitations fonctionnelles en lien avec cette atteinte. Par ailleurs, une prise de sang permettant de substituer les causes réversibles de cette atteinte n’avait pas été réalisée et la Dresse H______ estimait qu’il était probable que celui-ci soit en lien avec le traitement d’Escitalopram qu’il suffirait de modifier par un antidépresseur non-responsable d’une impatience. En conclusion, le SMR maintenait ses conclusions précédentes.

7.1.2 La recourante considérait que le SMR ne remettait pas sérieusement en doute la validité de l’examen neuropsychologique. Son auteur était psychologue spécialiste en psychothérapie FSP ainsi que neuropsychologue ANSP. Elle maîtrisait donc la réalisation de tests neuropsychologiques. L’on pouvait constater à la lecture de son rapport, qu’elle avait réalisé les tests usuels.

Le fait que le rapport en question ne mentionnait pas la passation de tests de validation ne permettait pas d’infirmer, pour ce seul motif, les conclusions du bilan neuropsychologique, qui étaient corroborées par l’examen clinique de l’expert et les éléments anamnestiques.

Compte tenu des conclusions du Dr F______ sous l’angle psychique, il n’était à son avis pas déterminant d’examiner également quelles étaient les limitations fonctionnelles induites par le trouble neurologique ainsi qu’inutile de demander un complément d’expertise à la Dresse H______.

7.2

7.2.1 En l’espèce, la chambre de céans constate que l’expertise du Dr F______ répond aux réquisits permettant en principe de lui reconnaître une pleine valeur probante.

7.2.2 Le SMR n’amène aucun élément remettant sérieusement en cause ses conclusions. Le fait que bilan neuropsychologique pris en compte par l’expert ne se prononce pas sur la capacité de travail de la recourante n’est pas déterminant. En effet, il revenait à l’expert de se prononcer sur ce point, en tenant compte, notamment, des conclusions de ce bilan. L’expert a procédé à l’estimation de la capacité de travail sur base de ses propres constatations, qui étaient déterminantes, ce qui est confirmé par le rapport établi le 2 août 2019 par le Dr D______, qui indiquait que le diagnostic TDAH devait être fait sur une évaluation clinique, car une évaluation neuropsychologique apportait passablement de faux négatifs, ce qui ressortait de la littérature spécialisée.

Par ailleurs, s’agissant d’un diagnostic psychiatrique, la capacité de travail doit principalement être établie sur la base des indicateurs développés par le Tribunal fédéral.

Les critiques formulées par l’intimé contre l’expertise doivent ainsi être écartées.

7.2.3 Par ailleurs, au vu des conclusions de l’expert selon lesquelles la recourante est totalement incapable de travailler en lien avec les diagnostics psychiatriques posés, il n’y a pas lieu d’instruire plus avant la question de la capacité de travail en lien avec le syndrome de jambes sans repos, qui n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur la capacité de travail globale de la recourante.

7.2.4 En application des conclusions de l’expertise, il convient de retenir que la recourante est totalement incapable de travailler dès le 1er décembre 2015 dans son activité habituelle. Dans une activité adaptée, elle a une capacité de travail de 50% avec une aptitude à la réadaptation débutant le 1er décembre 2015 jusqu’au 31 décembre 2016, puis une aptitude à la réadaptation de 25% du 1er janvier au 31 mars 2017, puis de 0% depuis le 1er avril 2017. Il en résulte qu’il y a lieu de confirmer la demi-rente retenue par l’intimé sur la base d’un degré d’invalidité de 50% dès le 1er décembre 2016.

Dès janvier 2017, l’aptitude à la réadaptation de la recourante était de 25% dans une activité adaptée, ce qui correspond à une capacité de travail de 25%. Il y a dès lors lieu de fixer le taux d’invalidité en comparant les revenus avec et sans invalidité. Le revenu avec invalidité doit être fixé sur la base des ESS 2016 (TA1_tirage_skill_level, total, niveau de compétence 1 pour une femme), soit un revenu mensuel de CHF 4'363.-, correspondant à CHF 52'356.- par an et à CHF 54'581,13 en tenant compte de l’horaire normal de travail de 41,7 heures, puis à CHF 13'645 à 25%. Comparé au salaire effectivement touché par la recourante dans son activité habituelle en 2016 pris en compte à 100%, soit CHF 87'033.12, le taux d’invalidité de la recourante à retenir est de 84%, sans qu’il se justifie de procéder à l’indexation à 2017 des deux montants pris en compte pour 2016. La recourante a ainsi droit, en application des art. 28 al. 2 LAI et 88a al. 1 RAI, à une rente entière dès le 1er avril 2017 sur la base d’un taux d’invalidité de 84%, puis d’un taux d’invalidité de 100% dès le 1er juillet 2017, l’expert ayant retenu une aptitude à la réadaptation de 0% dès avril 2017.

7.3 Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, puisque la recourante concluait à une rente entière dès 1er décembre 2016.

7.4 La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à la charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

7.5 Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire peuvent être mis à la charge de l’OAI (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), si ce dernier a procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire sert à pallier des manquements commis dans la phase d'instruction administrative (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

En l’occurrence, une expertise judiciaire a été ordonnée, notamment en raison de lacunes de l’expertise administrative et d’un manque d’instruction de l’intimé, de sorte qu’il se justifie de mettre les frais de l’expertise judiciaire à la charge de l’intimé.

7.6 Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision rendue par l’intimé le 17 mai 2019, dans le sens que la recourante a droit à une demi-rente d’invalidité depuis le 1er décembre 2016, puis à une rente entière dès le 1er avril 2017.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la charge de l’intimé.

5.      Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 7'289.05 (321.60 + 1'431.- + 197.30 + 162.30 + 205.40 + 71.45 + 4'900.-) à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le