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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2664/2021

ATAS/340/2022 du 13.04.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 19.05.2022, rendu le 20.01.2023, ADMIS, 8C_293/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2664/2021 ATAS/340/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 avril 2022

4ème Chambre

 

En la cause

A______Sàrl, sise B______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. A______Sàrl (ci-après : la société ou la recourante) exploite un bar à jus.

b. Le 6 avril 2020, elle a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) signé le 1er avril 2020, pour la période débutant le 17 mars 2020. La société précisait que les associés et gérants de la société étaient Messieurs C______ et D______ et qu’elle avait encore trois autres employés.

c. Le 7 avril 2020, l’OCE a fait partiellement opposition au préavis et octroyé la RHT à la société pour la période du 6 avril au 5 octobre 2020.

d. Le 26 janvier 2021, la société a adressé un courrier à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la CCGC) indiquant qu’elle lui transmettait le décompte des salaires de travail pour le mois de janvier (dès le 18 janvier) ainsi que les heures réduites en raison de la Covid-19, suite à la décision du Conseil cantonal concernant la fermeture des magasins non essentiels.

e. Par courriel du 9 février 2021, les deux associés de la société ont informé l’OCE avoir acheté celle-ci en février 2020 et avoir dû fermer le magasin en plusieurs étapes, à savoir de mi-mars à mi-mai, en novembre 2020 et dès mi-janvier 2021 jusqu’à nouvel ordre. Pendant ce temps, la société avait perdu son chiffre d’affaires, diminué ses clients et licencié trois collaborateurs. Elle avait eu la RHT pour les mois de mars, avril et mai. Actuellement, ils étaient trois travailleurs, deux associés et une employée. Leurs demandes avaient été refusées pour le paiement des salaires de novembre, janvier et février. Ils avaient compris que l’OCE devait approuver la RHT. Ils demandaient le soutien de l’OCE et le versement de leurs salaires pour sauver l’entreprise.

f. Par courriel du 10 février 2021, la task force RHT a informé la société qu’elle devait déposer une nouvelle demande et qu’elle trouverait toutes les informations utiles sur son site internet.

g. Dans un courriel du 11 février 2021, la société a remercié la task force RHT pour sa réponse et lui a indiqué avoir envoyé la demande, selon les instructions, mais qu’elle n’avait pas pu changer la date. Elle avait déjà envoyé la demande pour les mois de novembre et janvier par mail et l’office attendait l’approbation du juge. Comment pouvait-elle récupérer ces deux mois perdus ? Elle demandait un entretien téléphonique, car elle avait vraiment besoin de soutien.

h. La société a transmis à l’OCE un préavis de RHT du 11 février 2021 pour trois personnes dès le même jour, suite à la décision du Conseil fédéral du 13 janvier 2021 fermant les bars, restaurants et magasins non essentiels.

i. Par décision du 12 février 2021, l’OCE a octroyé la RHT à la société pour la période du 21 février au 20 mai 2021.

j. Par courriel du 25 février 2021, la société a transmis à l’OCE un préavis signé le 21 février 2021 concernant deux personnes pour la période du 1er au 28 février 2021. Elle précisait avoir aussi demandé l’indemnité pour les mois de novembre et janvier, mais n’avoir malheureusement rien reçu. Elle demandait de l’aide pour trouver une solution.

k. Le 1er mars 2021, l’OCE a refusé la demande de RHT du 25 février 2021, au motif que la demande avait été déposée après la période pour laquelle la RHT était demandée, alors que l’employeur devait respecter un délai de préavis de dix jours et qu’une demande de RHT avait déjà été acceptée pour la période du 21 février au 20 mai 2021.

l. Le 9 mai 2021, la société a transmis à l’OCE un préavis pour trois personnes dès le 1er janvier 2021.

m. Par décision du 10 mai 2021, l’OCE a accepté la demande précitée pour la période du 21 mai au 20 novembre 2021.

B. a. La société a transmis à l’OCE un préavis de RHT le 3 juin 2021 pour toute l’entreprise, soit pour trois travailleurs, dès le 1er décembre 2020, en raison de la fermeture décidée par le Conseil fédéral.

b. Par décision du 4 juin 2021, l’OCE a refusé la demande de RHT de la société, considérant que l’employeur était au bénéfice de deux décisions lui reconnaissant le droit à l’indemnité RHT du 21 février au 20 mai et du 21 mai au 20 novembre 2021. La demande avait été déposée après la fin de la période pour laquelle la RHT était demandée, soit dès le 1er décembre 2020, de sorte que la perte de travail ne pouvait pas être prise en considération, en raison de la tardiveté de la demande.

c. Le 7 juin 2021, la société a contesté la décision du 4 juin 2021. Elle avait été fermée durant les mois de novembre 2020 et janvier 2021 (partiellement) et février 2021, sur décision du Conseil fédéral en raison de la pandémie. Sa démarche avait commencé au début du mois de novembre. Après avoir eu quelques correspondances « avec le RHT », on lui avait conseillé de faire une demande en ligne sur le site internet. Malheureusement, le système ne permettait pas de choisir la date souhaitée (date antérieure) et il ne fonctionnait qu’à partir de la date du jour à laquelle on remplissait le formulaire. Finalement, les autres mois avaient également été refusés et l’OCE l’avait informée qu’il fallait qu’elle contacte son assurance perte de gain pour compenser les horaires perdus. Son assurance avait toutefois refusé tout paiement. Pendant ce temps-là, la société avait fait des recherches sur internet et trouvé « le APG », qui s’était occupé du cas de son associé, mais pas de celui de son employé. La société avait envoyé plusieurs courriels au « RHT » pour expliquer la situation, mais n’avait malheureusement jamais reçu de réponse. Les dates qu’elle avait mentionnées dans les formulaires envoyés à l’OCE n’étaient pas les bonnes, car le système ne fonctionnait pas. Elle demandait de l’aide pour résoudre ce problème.

d. Par décision sur opposition du 14 juillet 2021, l’OCE a relevé que la société n’avait pas déposé de demande de modification de la décision d’octroi de la RHT du 12 février 2021 dans le délai au 30 avril 2021, alors que cela lui aurait permis d’obtenir une modification de la décision à la date de la fermeture des établissements le 23 décembre 2020.

Dans son opposition dirigée contre la décision du 4 juin 2021, la société n’apportait pas d’éléments permettant de revoir la décision litigieuse afin de lui reconnaître le droit à l’indemnité en cas de RHT dès décembre 2020.

En effet, la RHT ne pouvait pas être accordée de manière rétroactive, soit en l’espèce avant le 3 juin 2021, par rapport à la date de dépôt du dernier préavis déposé par la société et pour cette période, elle était déjà au bénéfice d’une décision d’octroi de RHT.

Par ailleurs, la société n’avait pas démontré avoir déposé une demande de RHT pour le mois de décembre 2020 en temps utile.

L’indemnité RHT n’aurait, quoi qu’il en soit, pas pu être accordée pour Messieurs D______ et C______, qui étaient tous deux inscrits au registre du commerce en qualité, respectivement d’associé gérant président et d’associé gérant, avec signature individuelle. En conséquence l’opposition du 7 juin 2021 était rejetée.

C. a. Le 16 août 2021, Monsieur C______, agissant pour la société, a formé recours contre la décision sur opposition du 7 juin 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Malgré ses efforts et ses tentatives de communication avec l’intimé, il n’avait pas réussi à suivre les instructions et les formulaires qui avaient changé plusieurs fois. De ce fait, il demandait l’octroi de l’indemnité en cas de RHT pour son employé pour les mois de novembre, janvier et février, suite à ses nombreuses démarches.

b. Par réponse du 12 octobre 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le 14 février 2022, la chambre de céans a demandé à la CCGC une copie du dossier de la recourante pour la période courant d’octobre 2020 à fin février 2021, précisant que les demandes d’indemnités déposées par la recourante auprès d’elle pourraient valoir demandes de préavis à l’OCE.

d. Le 17 février 2022, la CCGC a transmis à la chambre de céans, notamment :

-          un décompte pour le mois d’octobre 2020 daté du 15 novembre 2020 et réceptionné par la CCGC le 23 novembre 2020 ;

-          un décompte pour le mois de novembre 2020 daté du 15 décembre 2020 et réceptionné par la CCGC le 4 janvier 2021 ;

-          une demande de RHT du 22 janvier 2021, visant à obtenir l’indemnité RHT pour le mois de novembre 2020 ;

-          et son décompte pour le mois de janvier 2021 daté du 27 janvier 2021 et réceptionné par la CCGC le 29 janvier 2021 ainsi que son courrier d’accompagnement du 26 janvier 2021, déjà résumé ci-dessus.

e. Le 11 mars 2022, l’intimé a constaté qu’il ressortait du dossier de la CCGC que la recourante avait envoyé un décompte d’indemnité en cas de RHT à cette dernière, qui avait été réceptionné le 23 novembre 2020, de sorte qu’il était possible de lui reconnaître le droit à ladite indemnité dès cette date concernant un collaborateur à 100%. Toutefois, s’agissant de l’indemnité RHT pour le mois d’octobre 2020, aucune demande n’avait été transmise par la recourante à l’intimé ou à la CCGC, de sorte qu’il n’était pas possible de lui reconnaître le droit à l’indemnité RHT pour ce mois.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé de donner suite à la demande de RHT de la recourante du 1er décembre 2020 au 21 février 2021.

3.              

3.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. L’indemnité s’élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI).

3.2 Selon l’art. 36 al. 1 LACI, lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

Compte tenu de l'art. 58 al. 4 OACI, il doit être considéré que le respect des délais de préavis est une condition formelle du droit. Il s'agit d'un délai de déchéance (ATF 110 V 335 ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Le délai de préavis ne peut être ni prolongé ni suspendu mais il peut être restitué en présence d'une raison valable (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). L'inobservation du délai n'entraîne toutefois pas la péremption générale du droit mais uniquement son extinction pour la période donnée, le début du droit étant reporté de la durée du retard (ATF 110 V 335 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C_20/98 du 15 septembre 2000 consid. 1c ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Dans l'hypothèse d'un préavis tardif, il appartient à l'autorité cantonale de s'opposer partiellement au versement de l'indemnité (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

Si une demande ne respecte pas les exigences de forme ou si elle est remise à un organe incompétent, la date à laquelle elle a été remise à la poste ou déposée auprès de cet organe est déterminante quant à l’observation des délais et aux effets juridiques de la demande (art. 29 al. 3 LPGA).

3.3 Le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance chômage - RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoyait, à son art. 8b al. 1 que l’employeur n’était pas tenu de respecter un délai de préavis, lorsqu'il avait l'intention de requérir l'indemnité en cas de RHT en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 3569). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la RHT durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 3569).

3.4 Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RO 2021 153). D’après son al. 2, pour les entreprises concernées par une RHT en raison des mesures ordonnées par les autorités depuis le 18 décembre 2020, le début de RHT est autorisé, à leur demande, avec effet rétroactif à la date de l’entrée en vigueur de la mesure correspondante, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI. La demande doit être déposée le 30 avril 2021 au plus tard auprès de l’autorité cantonale.

Selon l’art. 21 al. 1 de la loi COVID-19, celle-ci entre en vigueur le 26 septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Selon l’art. 21 al. 4 de la même loi, les art. 1 et 17, let. a à c, ont effet jusqu’au 31 décembre 2022.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l’art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n’a pas besoin d’être mise en œuvre dans l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. À la suite des mesures décidées par le Conseil fédéral depuis le 18 décembre 2020, un grand nombre d’entreprises sont obligées de recourir à la RHT. Le délai de préavis a parfois pour conséquence que le droit aux RHT prend naissance non pas au début des mesures ordonnées par les autorités, mais seulement après l’expiration du délai de préavis. L’al. 2 doit permettre de fixer le début de la RHT – à titre exceptionnel et indépendamment de la date du préavis – avec effet rétroactif à partir de la date d’entrée en vigueur des mesures des autorités. La modification rétroactive a uniquement lieu à la demande de l’entreprise et se limite aux mesures prises par les autorités entre le 18 décembre 2020 et l’entrée en vigueur de cette disposition. Par conséquent, les autorités cantonales ne doivent pas réviser toutes les autorisations de RHT (ce qui entraînerait un net surcroît de travail puisque ce processus ne peut pas être automatisé), mais peuvent réagir à la demande des entreprises. Cette demande doit être déposée par l’entreprise auprès de l’autorité cantonale le 30 avril 2021 au plus tard. Elle peut être transmise par écrit ou par voie électronique (services en ligne). Le délai du 30 avril 2021 est un délai de péremption. Le non-respect de ce délai entraîne pour l’entreprise la perte de son droit à la modification rétroactive du début de la RHT. L’entreprise doit faire valoir le nouveau droit aux RHT découlant de l’al. 2 auprès de la caisse de chômage compétente. Or, l’art. 38, al. 1, LACI prévoit un délai de péremption de trois mois pour faire valoir le droit aux RHT. Cela signifie que l’entreprise doit faire valoir ce droit auprès de la caisse de chômage dans un délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte. Pour la période de décompte de décembre 2020, il faudrait donc faire valoir les droits aux RHT le 31 mars 2021 au plus tard. C’est pourquoi l’al. 3 introduit une dérogation au délai de péremption fixé à l’art. 38, al. 1, LACI. Selon cet alinéa, l’entreprise doit faire valoir le nouveau droit à l’indemnité découlant de l’al. 2 le 30 avril 2021 au plus tard auprès de la caisse de chômage compétente. Il s’agit, là aussi, d’un délai de péremption, ce qui veut dire que le nouveau droit aux RHT visé à l’al. 2 s’éteint si l’entreprise ne le fait pas valoir dans le délai fixé. Il n’est pas possible de faire valoir rétroactivement un droit à l’indemnité pour des employés qui ont déjà été licenciés (FF 2021 285, p. 29 s.).

L’art. 17b al. 2 de la loi COVID-19 institue ainsi une rétroactivité au sens propre en ce sens que les faits juridiquement déterminants se sont produits avant l’adoption du nouveau droit. Dès lors qu’elle est prévue par une loi fédérale (art. 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] et qu’elle vise à conférer de nouveaux avantages aux administrés (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., n. 421), il convient de l’appliquer à la situation de la recourante.

3.5 Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Le 19 juin 2020, à la suite d’une diminution du nombre de nouveaux cas, le Conseil fédéral a requalifié la situation extraordinaire en situation particulière et restructuré ses mesures notamment en édictant l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (Ordonnance COVID-19 situation particulière – RS 818.101.26). Il a en particulier levé l’obligation de rester assis dans les restaurants et la limitation des horaires d’ouverture de ceux-ci.

Le 12 décembre 2020 est entrée en vigueur une modification de l’ordonnance COVID-19 situation particulière prévoyant que les établissements de restauration devaient demeurer fermés entre 19h00 et 6h00 (art. 5a de l’ordonnance COVID-19 situation particulière). Tout canton pouvait toutefois prévoir d’étendre ces heures d’ouverture si les capacités hospitalières étaient garanties, que le taux de reproduction effectif du virus était inférieur à 1 durant au moins sept jours consécutifs et que le nombre de nouvelles infections par 100'000 personnes était inférieur à la moyenne suisse au cours des sept derniers jours également ; le cas échéant, il pouvait décider que les établissements de restaurations restaient ouverts au plus tard jusqu’à 23h00 (art. 7 al. 2 et 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière).

Le 18 décembre 2020, le Conseil fédéral a procédé à une modification de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, entrée en vigueur le 22 décembre 2020, et a notamment interdit l’exploitation des établissements de restauration (art. 5a al. 1 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière), sous réserve des allègements pouvant être ordonnés par les cantons au sens de l’art. 7 al. 2 et 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière (RO 2020 5813).

Le 9 janvier 2021, le Conseil fédéral a abrogé l’art. 7 al. 2 et 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière sur les exceptions cantonales concernant notamment l’ouverture des établissements de restauration (RO 2021 2).

Sur le plan cantonal, le Conseil d’État a adopté, le 1er novembre 2020, l’arrêté d’application de l’ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l’arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : RAO) du 2 novembre 2020, qui, à son art. 11 al. 1 let. d, a ordonné la fermeture des installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public. Selon l’al. 2 de cette disposition, font exception à l’obligation de fermeture résultant de l’al. 1 les magasins d’alimentation et autres points de vente et étals de marchés qui vendent des denrées alimentaires ou des biens de consommation courante. Cet arrêté est entré en vigueur le 2 novembre 2020.

Le 7 décembre 2020, publié dans la FAO du même jour, le Conseil d’État a abrogé l’art. 11 al. 1 let. d de l’arrêté COVID-19 avec effet au 10 décembre 2020 à 00h01 (art. 2 al. 2 de l’arrêté du Conseil d’État du 7 décembre 2020).

À compter du 18 janvier 2021, les manifestations privées ont été limitées à cinq personnes (art. 6 al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 18 janvier 2021), et les magasins et les marchés à l’extérieur ont été fermés au public, seul le retrait sur place de la marchandise étant autorisé (art. 5e al. 1 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 18 janvier 2021) ; des exceptions ont été prévues pour les magasins d’alimentation, pharmacies, drogueries, magasins de bricolages et divers autres secteurs (art. 5e al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 18 janvier 2021).

Les magasins et les marchés à l’extérieur ont pu rouvrir dès le 1er mars 2021 (ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 1er mars 2021). À compter du 22 mars 2021, les manifestations publiques ont continué à être interdites à certaines exceptions, mais les manifestations privées ont été élargies à dix personnes à l’intérieur et quinze personnes à l’extérieur (art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 22 mars 2021).

Aux termes de l'art. 29 LPGA, celui qui fait valoir son droit à des prestations doit s'annoncer à l'assureur compétent, dans la forme prescrite pour l'assurance sociale concernée (al. 1). Les assureurs sociaux remettent gratuitement les formules destinées à faire valoir et à établir le droit aux prestations ; ces formules doivent être transmises à l'assureur compétent, remplies de façon complète et exacte par le requérant ou son employeur et, le cas échéant, par le médecin traitant (al. 2). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme ou si elle est remise à un organe incompétent, la date à laquelle elle a été remise à la poste ou déposée auprès de cet organe est déterminante quant à l'observation des délais et aux effets juridiques de la demande (al. 3). Selon l'art. 30 LPGA, tous les organes de mise en œuvre des assurances sociales ont l'obligation d'accepter les demandes, requêtes ou autres documents qui leur parviennent par erreur. Ils en enregistrent la date de réception et les transmettent à l'organe compétent.

La date de réception de l'annonce joue un rôle en relation avec le respect de l'observation du délai. C'est pourquoi l'assureur et tout autre organe de mise en œuvre de l'assurance sociale - même si l'assuré s'est adressé à lui par erreur - doit enregistrer la date de réception de la demande de prestations et, le cas échéant, transmettre celle-ci à l'assureur compétent (art. 29 al. 3 LPGA; art. 30 LPGA). De manière générale, selon la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 3 LPGA, la date déterminante quant à l'observation des délais et aux effets juridiques d'une demande est celle à laquelle la requête a été remise à la poste ou déposée auprès de l'organe (compétent ou incompétent). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme, l'assureur compétent pourra demander, dans un certain délai, de compléter l'annonce (ATAS/157/2021 du 2 mars 2021 consid. 18 ; Guy LONGCHAMP, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 40 ad art. 29 LPGA).

Par ailleurs, en vertu de l'art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu'une partie s'adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé.

Un décompte pour l’indemnité RHT adressé à la CCGC peut être en conséquence assimilée à un préavis de RHT comportant une demande d’indemnités pour ses employés (ATAS/735/2021 du 29 juin 2021).

3.6 L'art. 41 LPGA permet de restituer un délai en cas d'empêchement non fautif, le recourant ne peut se prévaloir de circonstances particulières telles qu'elles l'auraient empêché de déposer son préavis pour la période précitée. En effet, les conditions restrictives permettant d'admettre un empêchement non fautif au sens de cette disposition ne sont en l'espèce pas remplies, le recourant invoquant un simple oubli.

3.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; ATF 128 III 411 consid. 3.2). Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3). En matière d'indemnités de chômage, l'assuré supporte les conséquences de l'absence de preuve en ce qui concerne la remise des pièces nécessaires pour faire valoir le droit à l'indemnité (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 294/99 du 14 décembre 1999 consid. 2a, in DTA 2000 no 25 p. 122 ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 8C_427/2010 du 25 août 2010 consid. 5.1 ; 8C_591/2012 du 29 juillet 2013).

4.              

4.1 En l’espèce, il ressort des pièces de la procédure que la recourante n’a pas transmis à l’OCE un préavis de RHT pour la période courant dès le 1er décembre 2020, avant le 3 juin 2021, ni de demande et décompte d’indemnité en cas de RHT à la CCGC pour cette période, qui aurait pu valoir préavis. Elle ne peut dès lors se prévaloir d’un effet rétroactif à sa demande pour le mois décembre 2020, en application de l’art. 17b al. 2 de la loi COVID-19, faute de l’avoir déposée avant le 30 avril 2021.

La recourante a manifestement eu de la difficulté à faire face à la gestion administrative liée à la situation de pandémie, mais cela ne suffit pas à lui accorder le droit à la RHT pour le mois de décembre 2020, la demande étant tardive. En effet, selon la jurisprudence, nul n'est censé ignorer la loi et ne peut tirer des avantages de son ignorance du droit (ATF 124 V 215 consid. 2b/aa p. 220 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3).

Enfin, la recourante ne se prévaut pas de circonstances particulières qui l'auraient empêchée de déposer son préavis pour la période précitée, ses difficultés administratives ne pouvant être considérées comme telles. Il n’y a donc pas lieu à restitution de délai pour demander la RHT.

4.2 S’agissant du mois de janvier 2021, la recourante a transmis à la CCGC un décompte, qui a été réceptionné par la CCGC le 29 janvier 2021, lequel ne concernait, à teneur de son courrier d’accompagnement du 26 janvier 2021, que la période du 18 au 31 janvier 2021. En application de la jurisprudence et de l’art. 17b al. 2 précités, ce décompte peut être considéré comme une demande de préavis ayant un effet rétroactif au 18 janvier 2021, pour une personne, selon les conclusions de la recourante.

4.3 Celle-ci doit également se voir reconnaître le droit à la RHT pour la période du 1er au 20 février 2021 pour une personne, selon son préavis du 21 février 2021 transmis à l’OCE le 25 suivant, en application de l’art. 17b al. 2 de la loi COVID-19, dès lors qu’elle a formé cette demande avant le 30 avril 2021 et qu’elle faisait encore l’objet des mesures du Conseil fédéral, étant rappelé qu’elle a déjà obtenu la RHT dès le 21 février 2021, par décision du 12 février 2021 et qu’elle a conclu dans son recours à l’octroi de la RHT pour une personne.

4.4 La recourante ne peut se voir octroyer la RHT pour le mois de novembre 2020 dans le cadre de la présente cause, car l’objet du litige porte seulement sur son droit à la RHT dès le 1er décembre 2020, selon le préavis de RHT du 3 juin 2021 et la décision du 4 janvier 2021, de sorte que le litige ne peut pas porter sur la période antérieure au 1er décembre 2020, mais seulement sur les six mois courant dès cette date, en application de l’al. 1 phr. 2 de l’art. 17b de la loi COVID-19.

5.             Le recours doit en conséquence être partiellement admis. La décision sur opposition du 14 juillet 2021 sera annulée et il sera dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT pour une personne du 18 au 31 janvier 2021 et du 1er au 20 février 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à la recourante, qui n'est pas assistée d'un conseil et qui n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 14 juillet 2021.

4.        Dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT du 18 au 31 janvier 2021 et du 1er au 20 février 2021, pour une personne, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le