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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3958/2020

ATAS/1277/2021 du 14.12.2021 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3958/2020 ATAS/1277/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 décembre 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, représentée par APAS-Assoc. permanence défense des patients et assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______, née le ______ 1963, d’origine syrienne, séparée, mère d’un enfant né en 1993, est en Suisse depuis juillet 1992.

Elle est titulaire d’une licence en lettres de la Faculté des lettres de Damas en Syrie depuis 1984, et, d’un diplôme de l’école d’interprète en Suisse depuis 1987. Elle a travaillé comme interprète pour des organisations telles que l’ONU ou le HCR, et depuis 2007, en freelance dans l’interprétation et la traduction.

b. Le 27 octobre 2013, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), déclarant qu’elle souffrait de dépression chronique depuis plus de trois ans suite à la perte de son emploi.

Le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué le 21 mars 2013 que sa patiente présentait un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptôme psychotique et un trouble de la personnalité mixte. Il a estimé que l’incapacité de travail était totale depuis le 4 décembre 2021, précisant que l’assurée avait fait un premier épisode dépressif durant sa grossesse, un deuxième en 2000 et un troisième débutant fin 2012. Des antidépresseurs lui ont été prescrit et elle suit un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré. Ses limitations fonctionnelles dans l’exercice d’une activité sont les suivantes : fatigue, troubles de la concentration et de la mémoire, perte de la motivation, ralentissement psychomoteur, hyper fatigabilité, incapacité à gérer les tâches.

c. Le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie, mandaté par l’OAI afin de préciser les limitations fonctionnelles de l’assurée et le caractère incapacitant ou non de son atteinte psychique, a établi un rapport d’expertise le 5 octobre 2015.

Il a retenu les diagnostics, ayant une répercussion sur la capacité de travail, de personnalité émotionnellement labile type borderline depuis l’adolescence et d’un épisode sévère avec symptômes psychotiques au moins depuis le 4 décembre 2012.

Il a ajouté qu’elle souffrait d’un trouble de l’attention et de la concentration, de troubles de mémoire lacunaires, d’une angoisse persécutoire, des difficultés à s’adapter dans un environnement professionnel et présentait un retrait social total Avec une prise en charge thérapeutique visant la stabilisation de l’état psychique et ensuite la reprise d’une activité professionnelle, il a considéré que le pronostic était favorable. Il a estimé la capacité résiduelle de travail à 0% depuis le 4 décembre 2012 quelle que soit l’activité envisagée, et indiqué que le cas était à réévaluer dans deux ans.

d. L’assurée a séjourné au Centre de thérapies brèves (CTB) du 4 décembre 2012 au 22 janvier 2013.

Par décision du 11 août 2016, l’OAI a reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité à compter du 1er juin 2014.

B. a. L’assurée a déposé le 19 décembre 2018, une nouvelle demande AI visant à l’octroi d’une allocation pour impotent. Elle explique qu’elle a besoin « d’assistance dans le suivi administratif et la paperasse que j’ai dû lâcher en raison de ma maladie ce qui a mené à des problèmes insurmontables de dettes et de poursuites ».

Le Dr B______ a rappelé, dans un rapport du 21 février 2019 rédigé à l’appui de la demande d’allocation pour impotent, les diagnostics de trouble dépressif récurrent épisode actuel moyen et de traits de personnalité paranoïaque élevée et borderline. Il a souligné que l’allocation pour impotence se justifiait pour cette patiente qui a une grande difficulté à communiquer avec les autres, qui vit dans un isolement social important et a de la peine à accepter de l’aide. Elle accepte uniquement des aides ponctuelles, elle se sent vite « intrusée » dans sa vie privée et repousse les personnes tierces. Le médecin dit lui avoir proposé d’instaurer une curatelle volontaire, ce qu’elle a refusé pour le moment.

Par courrier du 18 mars 2019, Pro Infirmis a informé l’OAI que l’assurée était venue trois fois depuis 2014 demander du soutien et un accompagnement administratif. Il s’était toutefois avéré que l’ampleur de son besoin dépassait en temps et en fréquence le mandat que pouvait lui offrir Pro Infirmis sur le long terme.

b. L’OAI a transmis à l’assurée le 11 juillet 2019 un projet de décision lui refusant l’allocation pour impotent, au motif qu’elle n’avait pas besoin d’aide régulière et importante d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie.

L’assurée ayant contesté ce projet de décision, une enquête a été menée à son domicile le 14 septembre 2020 afin de déterminer si les conditions d’octroi d’une allocation pour impotent faible avec accompagnement étaient ou non remplies.

Il résulte du rapport établi le 29 septembre 2020 que l’assurée a besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie dès 2013 (cf. ch. 4.2 du questionnaire). L’enquêtrice a ainsi été suggéré l’octroi d’une impotence de degré faible.

c. Par décision du 26 octobre 2020, l’OAI a reconnu le droit de l’assurée à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 1er juin 2014, avec un versement dès le 1er décembre 2017 toutefois, en raison de la demande tardive.

C. a. L’assurée a interjeté recours le 23 octobre 2020 contre ladite décision. Elle fait valoir que

« le fait que je n’aie pas sollicité une demande pour une allocation pour impotence dès que j’en avais droit (dès juin 2014) malgré mon handicap est dû tout simplement au fait que, durant cette période, je n’avais pas encore la rente AI qui m’a été accordée vers la fin 2016, et surtout pour le simple fait qu’avant la période du dépôt de ma demande en décembre 2018, j’ignorais que j’avais droit à une allocation pour impotent. Autrement dit, j’aurais fait la demande bien avant cette date, pour pouvoir m’alléger des difficultés inhérentes à ma maladie qui me ralentissent et m’encombrent au quotidien ».

b. Dans sa réponse du 15 décembre 2020, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Par courrier du 27 janvier 2021, l’Association pour la permanence de défense des patients et des assurés - APAS s’est constituée avec élection de domicile pour la défense des intérêts de l’assurée.

d. Le 30 avril 2021, l’assurée, soit pour elle sa mandataire, a complété le recours. Elle conteste la date à compter de laquelle le versement de l’allocation d’impotence lui a été accordé et conclut à ce qu’elle soit fixée au 1er juin 2013 déjà (recte 1er juin 2014).

e. Dans ses écritures du 25 mai 2021, l’OAI a confirmé ses conclusions en rejet du recours.

f. Dans sa réplique du 7 juin 2021, l’assurée a affirmé qu’elle ne disposait pas des ressources personnelles pour identifier elle-même son besoin d’aide et agir en conséquence et que son besoin d’accompagnement ressortait déjà bel et bien du dossier dès sa première demande de prestations. Elle produit un courrier daté du 14 mai 2021 du Dr B______ qu’elle a consulté de février 2013 à octobre 2019.

g. Dans sa duplique du 22 juin 2021, l’OAI a renvoyé à ses précédentes déterminations des 15 décembre 2020 et 25 mai 2021.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable au cas d'espèce.

Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 18 décembre au 2 janvier inclusivement, le recours est recevable (art. 38 al. 4 et 60 ss LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur la question de savoir si c’est à bon droit que l’OAI a versé à l’assurée une allocation pour impotent avec effet au 1er décembre 2017 seulement, alors que le droit à cette allocation est reconnu depuis le 1er juin 2014.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 48 al. 1 LAI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012, si l'assuré ayant droit à une allocation pour impotent présente sa demande plus de douze mois après la naissance du droit, la prestation, en dérogation à l'art. 24 al. l LPGA, n’est allouée que pour les douze mois précédant le dépôt de la demande.

Selon l’art. 48 al. 2 LAI, les prestations arriérées sont allouées pour une période plus longue si l'assuré ne pouvait pas connaître les faits ouvrant droit aux prestations et s’il a fait valoir son droit dans les douze mois dès le moment où il en a eu connaissance.

Selon la jurisprudence, l'art. 48 al. 2 LAI s'applique lorsque l'assuré ne savait pas et ne pouvait pas savoir qu'il était atteint, en raison d'une atteinte à la santé physique ou mentale, d'une diminution de la capacité de gain dans une mesure propre à lui ouvrir le droit à des prestations. Cette disposition ne concerne en revanche pas les cas où l'assuré connaissait ces faits, mais ignorait qu'ils donnent droit à une rente de l'assurance-invalidité (ATF 102 V 113 consid. 1a). Autrement dit, les faits ouvrant droit à des prestations que l'assuré ne pouvait pas connaître, au sens de l'art. 48 al. 2 phr. 2 LAI, sont ceux qui n'étaient objectivement pas reconnaissables, mais non ceux dont l'assuré ne pouvait subjectivement pas saisir la portée (ATF 100 V 119 sv. consid. 2c ; RCC, 1984, p. 420 sv. consid. 1 ; Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI]. Commentaire thématique, 2011, n°3233 ss).

4.2 En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport d'enquête, il est essentiel qu'il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s'agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie et sur les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et finalement correspondre aux indications relevées sur place. Le seul fait que la personne désignée pour procéder à l'enquête se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de l'office AI ne permet pas de conclure à son manque d'objectivité et à son parti pris. Il est nécessaire qu'il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l'impartialité de l'évaluation (ATF 130 V 61 consid. 6.2; ATF 125 V 351 consid. 3b/ee; arrêt du Tribunal fédéral 9C_406/2008 du 22 juillet 2008 consid. 4.2). Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision, le juge ne saurait remettre en cause l’appréciation de l’auteur de l’enquête que s’il est évident qu’elle repose sur des erreurs manifestes (ATF 128 V 93). Cette jurisprudence est également applicable s'agissant de déterminer l'impotence sous l'angle de l'accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_782/2010 du 10 mars 2011 consid. 2.3).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

4.3 À teneur de l'art. 29 al. 1 LPGA, celui qui fait valoir un droit à des prestations doit s'annoncer à l'assureur compétent, dans la forme prescrite par l'assurance sociale concernée. Selon l'art. 65 al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), l'assuré doit présenter sa demande sur formule officielle.

Selon la jurisprudence, en s'annonçant à l'assurance-invalidité, l'assuré sauvegarde en règle générale tous ses droits à des prestations d'assurance, même s'il n'en précise pas la nature exacte, l'annonce comprenant toutes les prétentions qui, de bonne foi, sont liées à la survenance du risque annoncé. Cette règle ne vaut cependant pas pour les prestations qui n'ont aucun rapport avec les indications fournies par le requérant et à propos desquelles il n'existe au dossier aucun indice permettant de croire qu'elles pourraient entrer en considération. L'obligation de l'administration d'examiner le cas s'étend seulement aux prestations qui, sur le vu des faits et des pièces du dossier, peuvent entrer normalement en ligne de compte. (ATF 121 V 195 consid. 2 et les arrêts cités ; voir aussi arrêts du Tribunal fédéral 9C_532/2011 du 7 mai 2012 et 9C_92/2008 du 24 novembre 2008).

L’art. 27 LPGA stipule que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l'égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2). Si un assureur constate qu'un assuré ou ses proches ont droit à des prestations d'autres assurances sociales, il les en informe sans retard (al. 3).

Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3). Il s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR, 2007, KV, n° 14, p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration. Aucun devoir de renseignement ou de conseil n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_557/2010 consid. 4.1).

5.              

5.1 L’assurée a, préalablement, sollicité la comparution personnelle des parties.

5.2 Comme l’administration, le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les pièces du dossier et autres preuves recueillies permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Il lui est loisible, sur la base d’une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, de refuser l’administration d’une preuve supplémentaire au motif qu’il la tient pour impropre à modifier sa conviction (ATF 131 III 222 consid. 4.3; ATF 129 III 18 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 3.1).

5.3 La chambre de céans considère en l’occurrence que le litige peut être tranché sans qu’il soit nécessaire de procéder à une instruction complémentaire, et en particulier d’entendre l’assurée.

6.              

6.1 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’assurée a droit à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 1er juin 2014. L’OAI n’a toutefois alloué cette allocation qu’à partir du 1er décembre 2017, soit douze mois avant la demande que l’assurée a déposée le 19 décembre 2018, ce conformément à l’art. 48 al. 1 LAI.

6.2 L’assurée considère toutefois que l’exception de l’art. 48 al. 2 LAI lui est applicable. Elle fait valoir que ce n’est qu’après avoir compris qu’une rente d’invalidité lui avait été accordée qu’elle avait « finalement pris conscience de son besoin d’assistance, pu l’identifier et agir en conséquence, en sollicitant une aide plus régulière ». Elle allègue avoir été dans le déni jusque-là s’agissant de son besoin d’aide, en raison même de ses troubles psychiques.

7.              

7.1 Il s’agit de déterminer si l’assurée ignorait les faits ouvrant droit à des prestations d’invalidité, autrement dit de son atteinte à la santé. Le fait de ne pas savoir que les faits en question lui donnaient droit à d’éventuelles prestations ne suffit pas pour qu’elle puisse prétendre à une restitution de délai sur la base de l’art. 48 al. 2 LAI. Lorsque l’assuré connaît parfaitement son état et ses besoins d’aide donnant droit à une allocation pour impotent, les conditions de l’art. 48 al. 2 LAI ne sont pas remplies (ATAS/413/2021).

La chambre de céans a déjà eu l’occasion de confirmer, dans un arrêt rendu le 27 février 2019 (ATAS/165/2019), que même en présence d’une atteinte psychique, « les conditions permettant l'allocation de prestations arriérées pour des périodes plus longues de l'art. 48 al. 2 LAI ne sont pas remplies, dès lors que la recourante n'ignorait pas qu'elle avait besoin, en raison de son atteinte à la santé psychique, d'un accompagnement durable dans une mesure propre à lui ouvrir le droit à des prestations, mais ne savait pas que cela lui donnait droit à une allocation d'impotent de l'assurance-invalidité, à teneur de son recours ».

7.2 En l'occurrence, on ne saurait raisonnablement admettre que l'assurée n'était pas consciente du fait qu'elle avait besoin d'une assistance pour effectuer les tâches quotidiennes. Le Dr B______ a à cet égard indiqué le 21 septembre 2019, qu'"au fur et à mesure du suivi, elle s’ouvre progressivement et exprime ses difficultés à effectuer les activités quotidiennes, à s’occuper de son fils ». Elle est par ailleurs venue trois fois depuis 2014 demander à Pro Infirmis du soutien et un accompagnement administratif, soit principalement une aide pour trier, ranger, organiser les papiers administratifs, ce qui a été fait en partie » (courrier Pro Infirmis du 18 mars 2019).

7.3 Il apparait toutefois qu’elle se méfie d’une façon générale de l’aide que pourraient lui apporter des tiers.

Le Dr B______ a en effet confirmé le 21 septembre 2019 que sa patiente n'acceptait que des aides ponctuelles, se sentait vite « intrusée » dans sa vie privée et repoussait les personnes tierces.

Le service d’ergothérapie ambulatoire de santé mentale, qui la suit depuis mai 2013, a souligné que de manière générale, elle avait beaucoup de difficulté à demander de l’aide et à établir des liens de confiance lui permettant d’accepter des personnes à son domicile.

7.4 Cette difficulté à accepter de l'aide vient également de ce que l’assurée ne veut pas que ça se sache. L’expert a à cet égard relevé que « l’assurée est très angoissée (persécutée) à l’idée qu’une personne apprenne son histoire familiale, ses troubles psychiques, ses hospitalisations. Cette persécution est la raison principale pour laquelle elle n’a pas voulu mettre le nom des médecins psychiatres, médecins traitants, institutions psychiatriques où elle a été hospitalisée, sur le document de l’AI. Lors de la deuxième consultation, elle a tout d’abord refusé de signer l’autorisation pour que je demande des informations auprès de l’établissement psychiatrique où elle a été hospitalisée. En la rassurant, j’ai pu obtenir qu’elle accepte de signer le document ».

Cette difficulté a aussi été mise en évidence par les médecins du CTB selon lesquels « la patiente relate un bon lien avec ses parents, mais évite de les appeler, car elle ne va pas bien et elle ne veut pas leur parler de son état actuel. Au début du suivi, la patiente se montre très réticente à parler, ce qu’elle considère comme un signe de faiblesse » (lettre de sortie du CTB du 20 mars 2013).

Le service d’ergothérapie a confirmé qu’« au niveau social, elle ne voit pratiquement personne, car elle ne travaille plus depuis plusieurs années et ne s’autorise pas à se montrer avec ses difficultés et encore moins comme bénéficiaire d’une rente AI ».

7.5 Il y a enfin lieu de constater que selon l'enquête du 14 septembre 2020, l’assurée « est complètement submergée par les démarches administratives. Elle procrastine, accomplit certaines démarches, mais ne les termine pas, prépare des lettres, mais ne les envoie pas, elle cumule les retards de paiements, dettes et poursuites », c'est précisément en raison des troubles dont elle souffre qu’elle a agi aussi tardivement pour déposer sa demande d'allocation pour impotent.

Du reste, le service d’ergothérapie a attesté dans son courrier du 28 septembre 2020, que « lorsqu’elle va moins bien, elle a tendance à se replier sur elle-même et à s’isoler, ce qui a pour conséquence l’annulation de rendez-vous, de ne plus donner de nouvelles et de rompre le rythme du traitement. ( ) Ainsi, de nombreux travaux seraient actuellement urgents dans son appartement, mais elle ne peut se résoudre à faire le nécessaire auprès de la régie, puis des artisans ».

Dans son rapport d'expertise du 5 octobre 2015, le Dr C______ a décrit l'état dans lequel se trouvait l'assurée en disant d'elle qu'elle « est happée par les idées qui tournent ». Il explique ainsi que « quand elle est angoissée, elle perd le fil de ses idées. Des fois, elle veut faire quelque chose et elle se retrouve à faire autre chose. Elle ne sait pas comment, car elle a été happée par ses idées ».

Le Dr B______ a indiqué le 21 septembre 2019 lui avoir proposé de demander une curatelle volontaire, ce qu’elle a refusé « pour le moment ». Il s'avère que plus d'une année après en avoir parlé avec le médecin, elle n'a encore entrepris aucune démarche pour mettre en place une telle mesure (cf. courrier du service d’ergothérapie du 28 septembre 2020).

7.6 Il résulte de ce qui précède que même s’il est vraisemblable que l’assurée n’ignore pas qu’elle a besoin d’aide dans l’accomplissement des tâches administratives plus particulièrement, sa réticence à parler de ses troubles, sa méfiance envers les tiers et son impossibilité à accomplir la moindre des démarches relevée tant par le Dr C______ que par l’enquêtrice sont liées à son état de santé et démontrent, au degré de vraisemblance requis par la jurisprudence, que c'est précisément en raison des troubles dont elle souffre qu’elle a agi aussi tardivement pour déposer sa demande d'allocation pour impotent.

8.             Par surabondance de droit, on pourrait se demander si l'OAI ne devait pas entreprendre d'office des mesures d'instruction pour déterminer, au-delà de la demande de prestations du 27 octobre 2013, si l'assurée réunissait en plus les conditions d'octroi d'une allocation d'impotence.

Il est vrai qu'un assuré invalide à 100%, soit un assuré totalement incapable de travailler et de réaliser un gain dans un circuit économique normal, n’est pas nécessairement impotent, l'inverse étant également vrai. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les définitions de l'invalidité et de l’impotence. L’invalidité est, au sens du droit des assurances sociales, une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer. L'impotence est l'état d’une personne qui, en raison d'une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et/ou un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie. Les conditions pour bénéficier de ces prestations ne sont ainsi pas les mêmes en matière de rente d’invalidité et d’allocation pour impotent et l'octroi de l’une des prestations n'implique pas forcément l'octroi de l'autre (voir ATAS/254/2017 du 3 avril 2017 consid. 8a).

Il s'agit ainsi d'examiner si le dossier constitué antérieurement à la demande d’allocation pour impotent comportait des indications médicales permettant de constater que l'assurée avait besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie.

Il y a à cet égard lieu de constater que dans son rapport adressé le 21 mars 2014 à l’OAI, le Dr B______ a indiqué « patiente incapable à gérer son quotidien, se laisse aller dans les tâches administratives et les activités de la vie quotidienne ». Dans son rapport d'expertise du 5 octobre 2015, le Dr C______ a confirmé qu'« actuellement, l'assurée n’est pas en mesure de s’occuper de ses finances et des tâches administratives. C’est donc un thérapeute délégué par le Dr B______ qui se déplace à son domicile pour l’aider ».

L'OAI relève, dans ses écritures du 25 mai 2021, que le psychiatre, l’Hospice général, ainsi que l’ergothérapeute qui suivait l’assurée, savaient qu’elle avait besoin d’un accompagnement, mais conclut du fait qu’à aucun moment une demande d’allocation pour impotent n’a été déposée, que ce besoin n’était pas suffisamment important pour justifier l’octroi d’une allocation pour impotent. Or, il n’est pas contesté que les conditions donnant droit à une telle allocation sont remplies depuis le 1er juin 2014. Il ne s’agit ainsi pas d’examiner si l’on peut reprocher aux personnes proches de l’assurée de n’avoir pas agi d’une façon ou d’une autre, comme semble le faire l’OAI, mais de savoir si celui-ci pouvait, à la lecture du dossier, envisager que l'assurée présentât une certaine impotence rendant nécessaire un examen des conditions d'une allocation, ce même si aucune demande n'avait encore été déposée dans ce sens. On ne peut que conclure, au vu de ce qui précède, que tel était bien le cas. Il était du devoir de l'OAI, dans de telles circonstances, d'examiner spontanément la question de l'impotence.

9.             Aussi le recours est-il admis.

* * * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision du 26 octobre 2020.

3.        Dit que l’assurée a droit à une allocation pour impotent de degré faible depuis le 1er juin 2014.

4.        Condamne l’OAI à verser à l'assurée une indemnité de CHF 2’000.- à titre de dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’OAI.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le