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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/979/2021

ATAS/1031/2021 du 06.10.2021 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/979/2021 ATAS/1031/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 octobre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Samir DJAZIRI

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1961, ressortissant portugais, a exercé depuis 1981 la profession de vidangeur.

b. En 2000, il a commencé à souffrir de lombalgies. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) effectuée en 2004 a mis en évidence un canal lombaire étroit congénital et une discopathie L3-L4. En 2006, il a présenté un épisode de blocage lombaire.

c. Le 30 mars 2007, l’assuré a déposé une demande de prestations à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

d. Par décision du 9 juillet 2012, l’OAI a octroyé à l’assuré une demi-rente d’invalidité dès le 1er décembre 2008. Il ressortait de l’instruction médicale que l’assuré présentait une capacité de travail nulle dans son activité habituelle, et une capacité de travail exigible de 70% dans une activité adaptée. En raison des nombreuses limitations fonctionnelles, un abattement de 10% était accordé sur le salaire avec invalidité, portant la perte de gain à 53,8%.

B.       a. En date du 17 janvier 2020, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI.

b. Par décision du 7 mai 2020, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur sa nouvelle demande, le droit aux prestations qu’il sollicitait ayant déjà fait l’objet d’une décision entrée en force. Un nouvel examen ne pouvait être envisagé que si l’assuré rendait plausible que l’état de fait s’était modifié après cette date et qu’il était désormais susceptible de changer son droit aux prestations, ce qu’il n’avait pas fait.

c. Le 22 juin 2020, l’assuré a une seconde fois déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI.

d. Le 10 août 2020, l’assuré a adressé à l’OAI divers documents médiaux :

- un rapport du 6 août 2020 de la doctoresse B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, laquelle retenait les diagnostics avec impact sur la capacité de travail de cervicobrachialgie avec radiculopathie C7 plus importante à gauche, dans le contexte d’une sténose neuroforaminale sévère au niveau C6-C7 à gauche et une dégénérescence segmentaire C6-C7, et de lombalgies. Les diagnostics sans incidence sur la capacité de travail étaient une rhinite chronique, un RGO, une agénésie de la carotide interne gauche, un HTA traité par IEC, une dyslipidémie et des troubles anxieux. Au vu de la péjoration des douleurs et de leur impact sur la capacité de travail de l’assuré, une augmentation de la rente de 50 à 100% lui paraissait justifiée.

- un rapport d’IRM de la colonne lombaire effectuée le 7 novembre 2018, concluant à l’absence de protrusion discale ou de signe de conflit disco-radiculaire, à l’absence d’argument en faveur d’un canal lombaire étroit, à un aspect proéminent des processus épineux de L3, L4 et L5 avec une bursite inter-épineuse inflammatoire évocatrice d’une maladie de Baastrup.

- un rapport d’IRM de la colonne cervicale gauche effectuée le 19 février 2019, concluant à une cervicarthrose sans myélopathie cervicarthrosique avec rétrécissements foraminaux sévères d’origine discale en C6-C7 des deux côtés et plutôt d’origine articulaire postérieure en C3-C4 et C4-C5 à gauche.

- un rapport du 27 février 2019 du docteur C______, spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, retenant le diagnostic de cervicalgie et radiculopathie douloureuse et sensitive C7 plus importante à gauche ; de dégénérescence segmentaire C6-C7 et de sténose neuroforaminale C6-C7 plus importante à gauche. Une infiltration péri-radiculaire C7 des deux côtés était prévue.

- un rapport du 4 juillet 2019 du Dr C______, retenant le diagnostic principal de probable décompensation de fibromyalgie et le diagnostic secondaire de radiculalgies C7. L’assuré était adressé à un rhumatologue pour des investigations complémentaires.

- un rapport sur consultation ambulatoire de la douleur du 19 novembre 2019 des doctoresses D______, spécialiste FMH en pharmacologie et toxicologie cliniques et en médecine interne, et E______, spécialisée en médecine interne, retenant le diagnostic de syndrome douloureux chronique diffus.

e. Dans un rapport du 8 décembre 2020, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin au service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR), a retenu, à la lecture des rapports joints à la demande de révision, que ceux-ci concernaient des maladies somatiques prises en compte dans l’instruction initiale. En l’absence d’une aggravation notable et durable de nature à réduire notablement la capacité de travail dans une activité adaptée, il convenait de conclure que l’exigibilité était inchangée depuis la dernière décision.

f. Dans un projet de décision du 16 décembre 2020, l’OAI a indiqué à l’assuré qu’il entendait refuser d’entrer en matière sur sa demande de prestations. Un délai de trente jours lui était imparti pour formuler d’éventuelles objections.

g. Par décision du 10 février 2021, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations de l’assuré, au motif que les conditions de fait ne s’étaient pas modifiées de manière essentielle depuis la dernière décision entrée en force le 17 octobre 2013.

h. Par courrier du 9 février 2021, reçu le 11 février 2021, la Dresse B______ a transmis à l’OAI :

- un rapport de physiothérapie établi par Madame G______, qui suivait l’assuré depuis le 17 octobre 2019 : ce dernier prenait quotidiennement des anti-inflammatoires et de la morphine. Tous les mouvements lui provoquaient des douleurs.

- un rapport établi le 3 février 2021 par le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, attestant une péjoration de l’état psychique, responsable d’une incapacité entière de travail, et ce de manière chronique. Il a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2). L’assuré présentait une psychopathologie sévèrement aggravée depuis environ trois ou quatre mois, avec péjoration sévère de son humeur dépressive, anhédonie, aboulie, troubles cognitifs, ralentissement psychomoteur, péjoration des troubles du sommeil, et des sentiments de désespoir avec des idées noires fluctuantes.

i. Par courrier du 12 février 2021, l’OAI a indiqué à l’assuré que son courrier lui était parvenu en dehors du délai de trente jours pour faire valoir son droit d’être entendu. L’assuré avait la possibilité de faire recours à l’encontre de la décision rendue le 10 février 2021.

C.       a. Le 15 mars 2021, l’assuré, représenté par un conseil, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours à l’encontre de la décision précitée, concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement à ce qu’une expertise pluridisciplinaire soit ordonnée, et principalement à son annulation, à ce qu’il soit constaté que son degré d’invalidité s’est notablement modifié, et à l’octroi d’une rente entière de l’assurance-invalidité dès le mois de juin 2020.

b. Dans sa réponse du 13 avril 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours, les documents médicaux produits ne permettant pas, selon l’avis du SMR du 8 décembre 2020, de conclure à l’existence d’une aggravation notable et durable de nature à réduire sa capacité de travail dans une activité adaptée.

c. Le 31 mai 2021, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions. Il présentait une péjoration de son état psychique, dans la mesure où il souffrait d’une psychopathologie dépressive sévère engendrant une incapacité de travail totale. Par ailleurs, il souffrait d’une fibromyalgie, soit une nouvelle pathologie postérieure à la décision du 9 juillet 2012.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l’ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

4.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.        Le litige porte sur la question de savoir si l’intimé était en droit de refuser d’entrer en matière sur la demande de révision déposée le 22 juin 2020 par le recourant. Plus précisément, il convient de déterminer si l’état de santé du recourant a connu une modification notable depuis la dernière décision de juillet 2012 lui octroyant une demi-rente d’invalidité, justifiant la révision de ladite décision.

6.        Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA). Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation (art. 7 al. 1 LPGA).

7.        En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI (dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2004), l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s’il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins (art. 28 al. 2 LAI).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

La notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

8.        L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modifications aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

9.        a. Dans le domaine de l’assurance-invalidité, l'art. 87 du règlement sur l'assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), dispose que lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies (al. 3).

Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision entrée en force d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans rendre plausible une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; ATF 117 V 198 consid. 4b et les références citées). À cet égard, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas encore de conclure à l'existence d'une aggravation (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_748/2013 du 10 février 2014 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 716/2003 du 9 août 2004 consid. 4.1). Les conditions d'entrée en matière prévues par l'art. 87 al. 2 et 3 RAI ont pour but de restreindre la possibilité de présenter de manière répétée des demandes de rente identiques (ATF 133 V 108 consid. 5.3.1).

b. Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. À cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation, que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2). Dans cette dernière hypothèse, l'administration doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ou à l'allocation pour impotent ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3 ; Ulrich MEYER/ Marco REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], in STAUFFER/CARDINAUX [éd.], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, 3ème éd., 2014, n. 139 ad art. 30-31 LAI).

c. Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 - actuellement 2 - RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_880/2017 du 22 juin 2018 consid. 5.1). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 2 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (art. 5 al. 3 ainsi que 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATF 124 II 265 consid. 4a).

Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués. Lorsque ces exigences concernant la fixation d'un délai et l'avertissement des conséquences juridiques de l'omission sont remplies, le juge doit se fonder sur les faits tels qu'ils se présentaient à l'administration au moment de la décision litigieuse (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_880/2017 précité consid. 5.1). L'examen du juge se limite donc au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative (telles que se présentant au moment où l'administration a statué) justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier. Il ne sera donc pas tenu compte des rapports produits postérieurement à la décision litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 précité consid. 4.1).

d. L'exigence relative au caractère plausible ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS, 2003, p. 396 ch. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 724/99 du 5 octobre 2001 consid. 1c/aa).

Lors de l'appréciation du caractère plausible d'une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations, on compare les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision administrative litigieuse et les circonstances prévalant à l'époque de la dernière décision d'octroi ou de refus des prestations (ATF 130 V 64 consid. 2 ; ATF 109 V 262 consid. 4a).

10.    Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d’une révision de la rente selon l’art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l’existence ou non d’une amélioration de l’état de santé de l’assuré en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

11.    En l’espèce, le recourant est bénéficiaire d’une demi-rente d’invalidité, accordée par l’intimé en juillet 2012 en se basant sur un degré d’invalidité de 53,8%. L’intimé a retenu que le recourant avait une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et de 70% dans une activité adaptée, et a appliqué un abattement de 10% en raison de ses nombreuses limitations fonctionnelles.

Il se pose donc principalement la question de savoir si le recourant, au moment de la décision litigieuse, soit le 10 février 2021, avait rendu plausible une aggravation de son état de santé, survenue depuis le mois de juillet 2012, date de la première décision lui octroyant une demi-rente d’invalidité.

Conformément aux dispositions citées supra, l'examen de la chambre de céans se fondera sur les renseignements et documents fournis par le recourant à l'intimé dans le cadre de la prise de décision de cette autorité. Les certificats médicaux transmis postérieurement au recours ne seront pas pris en compte.

La décision initiale était principalement basée sur une expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique effectuée en juin 2010 par le Bureau romand d’expertises médicales (ci-après : le BREM), laquelle a retenu les diagnostics d’épisode dépressif moyen sans syndrome somatique, présent depuis mi-2008, et un status post arthrodèse étendue du carpe droit post-traumatique avec une arthrose secondaire du coude droit et des métacapo-phalangiennes à droite, une spondylose lombaire prédominant à L4 avec cervicarthrose sans signe neurologique, des séquelles modérées de la maladie de Scheuermann, et une coxarthrose bilatérale débutante. Sur cette base, le SMR avait retenu que la capacité de travail du recourant était nulle dans l'activité habituelle dès février 2008, et que dans une activité adaptée, elle était entière depuis novembre 2006 et de 70% depuis le 31 décembre 2008. Les limitations fonctionnelles retenues était : les activités semi-sédentaires, avec changements de positions possibles ; éviter les charges supérieures à 5 kg de manière répétitive et 15 kg occasionnels ; éviter les porte-à-faux, les vibrations à faibles fréquences plus de 2 heures d'affilée et plus de 4 heures par jour, et éviter les positions à genoux.

À l’appui de sa demande de révision, le recourant a communiqué à l’OAI un rapport de la Dresse B______ du 6 août 2020, laquelle a indiqué le suivre depuis 2015 et avoir constaté que les douleurs du rachis cervical-dorsal motivant la demande initiale avaient nettement augmenté ces dernières années. Le recourant n’arrivait plus à faire des tâches ménagères à la maison comme quelques années auparavant. Il souffrait de douleurs cervicales avec irradiation dans les épaules, de douleurs lombaires avec irradiation dans la face externe des cuisses et de douleurs touchant l’entièreté du squelette axial. Au status, elle notait une raideur avec une perte de mobilité du rachis globalement et une crispation de la musculature dorsale. Au plan psychique, le recourant était fortement impacté par ses douleurs, avec un sentiment de culpabilité et des angoisses, en lien avec les conséquences de ses douleurs chroniques et sa mobilité réduite. Malgré différentes approches thérapeutiques (médicaments, infiltrations, acupuncture), les douleurs n’avaient pas diminué. Tenant compte de la péjoration des douleurs et leur impact sur la capacité de travail du recourant, une augmentation de la rente de 50% à 100% lui paraissait justifiée.

Le recourant a également adressé deux rapports d’IRM à l’OAI, le premier relatif à une IRM de la colonne lombaire effectuée le 7 novembre 2018, concluant à l’absence de protrusion discale ou de signe de conflit disco-radiculaire, à l’absence d’argument en faveur d’un canal lombaire étroit et à un aspect proéminent des processus épineux de L3, L4 et L5 avec une bursite inter-épineuse inflammatoire évocatrice d’une maladie de Baastrup. La seconde IRM, portant sur la colonne cervicale gauche, a été effectuée le 19 février 2019 et a conclu à une cervicarthrose sans myélopathie cervicarthrosique avec rétrécissements foraminaux sévères d’origine discale en C6-C7 des deux côtés et plutôt d’origine articulaire postérieure en C3-C4 et C4-C5 à gauche.

Le recourant a enfin joint deux rapports du Dr C______, relatifs à des consultations spécialisées de la colonne vertébrale des 27 février 2019 et 4 juillet 2019. Dans le premier, le Dr C______ a indiqué que le recourant présentait une cervico-brachialgie importante avec une radiculopathie douloureuse et sensitive C7 plus importante à gauche. À l'examen radiologique, on retrouvait une sténose neuroforaminale importante au niveau C6-C7. Il a relevé que le recourant a commencé à ressentir une exacerbation importante des douleurs, qui étaient devenues tellement handicapantes dans la vie quotidienne qu'il peinait à s'habiller. Il se plaignait également d'une limitation de la mobilité, surtout en rotation de la tête.

Dans le second rapport du 4 juillet 2019, le Dr C______ a posé le diagnostic de décompensation de fibromyalgie probable. Il a relevé que le recourant se plaignait de douleurs généralisées avec des douleurs plus handicapantes au niveau des épaules et du sterno-cléido-mastoïdien bilatéral, et également au niveau des hanches, des jambes et dans toute la colonne. Constatant que les douleurs au niveau des moignons de l’épaule dans le territoire de C5 étaient sans corrélation claire à l’IRM, et que les douleurs généralisées se présentaient probablement dans le contexte d’une décompensation fibromyalgique, le recourant était adressé chez un rhumatologue pour des investigations supplémentaires.

Le recourant a enfin produit le rapport sur consultation ambulatoire de la douleur du 19 novembre 2019 des Dresses D______ et E______, retenant le diagnostic de syndrome douloureux chronique diffus. Elles ont noté que le recourant présentait un fond douloureux avec une majoration des douleurs lors de l'activité physique, même modérée, et une amélioration uniquement par le repos et la position allongée. Le recourant rapportait peu de facteurs soulageant. Les douleurs étaient aggravées en position debout ou assise, en cas d'immobilité ainsi que par temps froid et humide. Il se décrivait comme très limité du point de vue de ses activités de la vie quotidienne, avec parfois l'impossibilité de faire le ménage et la cuisine. Il arrivait toutefois à marcher une petite distance de manière quotidienne (15 à 30 minutes par jour). Les scores de qualité de vie n'avaient pas pu être remplis entièrement par le patient au vu d'une maîtrise du français écrit limitée. Il décrivait son moral comme bas et pleurait à l'évocation de son état psychique. En conclusion, le recourant présentait un syndrome douloureux chronique diffus dont la prise en charge était typiquement multimodale. Une activité physique modérée régulière était nécessaire, et un changement du traitement médicamenteux proposé. En parallèle, compte tenu d'un trouble anxio-dépressif, il était proposé de prendre contact avec un psychiatre lusophone.

Dans son rapport du 8 décembre 2020, le Dr F______, du SMR, s'est contenté de relever, mais sans aucunement le discuter, le diagnostic de fibromyalgie décompensée ressortant du rapport du Dr C______. Il s'est ensuite référé aux consultations et avis spécialisés joints à la demande de révision, et a simplement retenu que ceux-ci concernaient des maladies somatiques prises en compte dans l'instruction initiale, et que le tableau clinique serait ainsi similaire à celui décrit dans l'expertise effectuée en 2010. Il a enfin relevé que si les troubles psychiques mentionnés semblaient être source d'empêchements de moindre ampleur qu'initialement, les lésions somatiques articulaires avaient évolué avec le temps sans pour cela modifier les limitations fonctionnelles prises en compte lors de la précédente décision.

Or, contrairement à ce que retient le Dr F______, le diagnostic de fibromyalgie n'a pas été retenu dans l'expertise de 2010. De même, le rapport d'IRM de la colonne lombaire de novembre 2018 fait état d'une suspicion d'une maladie de Baastrup, qui n'avait jamais été évoquée auparavant. Par ailleurs, il ressort des divers rapports produits par le recourant devant l'intimé que ses symptômes se sont péjorés, impactant sa capacité de travail d'après la Dresse B______, l'empêchant d'accomplir des tâches ménagères qu'il pouvait auparavant effectuer, telles que préparer les repas pour la famille, faire les courses (accompagné de son épouse) et dépoussiérer l'appartement. Enfin, le Dr F______ soutient que les troubles psychiques présents en 2010 sembleraient être aujourd'hui source d'empêchements de moindre ampleur. Or, le rapport de consultation ambulatoire de la douleur fait état d'un moral bas, d'une tendance à l'anhédonie et d'une importante composante anxieuse, et précise que l'auto-questionnaire de Beck n'avait pas pu être complété en raison d'une compréhension limitée du français. Les Dresses D______ et E______ ont ainsi suggéré, compte tenu d'un trouble anxio-dépressif, d'adresser le recourant à un psychiatre lusophone. On ne saurait ainsi suivre le Dr F______ lorsqu’il soutient que les troubles psychiques seraient une source d'empêchements de moindre ampleur qu'auparavant.

Au vu de ce qui précède, compte tenu du contenu des rapports médicaux produits par le recourant devant l'intimé, faisant état de nouveaux diagnostics et d'une péjoration de son état de santé, et de l'important laps de temps (de près de dix ans) s'étant écoulé entre la décision initiale et la demande de révision, l'intimé ne pouvait ainsi refuser d'entrer en matière sur la demande de révision déposée par le recourant et se devait d'instruire celle-ci, notamment en demandant des renseignements complémentaires au médecin traitant. La chambre de céans considère en effet comme plausible que de nouveaux troubles de la santé sont apparus et qu'il y a eu une aggravation des atteintes à la santé mentionnées dans l'expertise diligentée en 2010. Dans ces conditions, la chambre de céans n'a d'autre choix que de renvoyer le dossier à l'intimé afin qu'il instruise avec diligence la question de l'aggravation de la santé du recourant.

Dans ce cadre, l'intimé est invité à examiner également les documents produits après l'envoi de la décision querellée et qui n'ont dès lors pu être examinés par la chambre de céans, notamment le rapport du Dr H______ du 3 février 2021.

12.    En conséquence, le recours sera partiellement admis, la décision querellée annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la demande de prestations AI déposée le 22 juin 2020 par le recourant, reprenne l’instruction médicale du dossier, puis rende une nouvelle décision, dans le sens des considérants.

13.    Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l'intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement et annule la décision du 10 février 2021.

3.        Renvoie la cause à l'OAI pour instruction complémentaire au sens des considérants et pour nouvelle décision.

4.        Condamne l’OAI à verser à l’intéressée la somme de CHF 1’500.-, à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 400.- à la charge de l'OAI.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le