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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3762/2023

ATA/51/2024 du 16.01.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3762/2023-TAXIS ATA/51/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Fateh BOUDIAF, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1977, est au bénéfice d’un permis de conduire depuis le 18 juin 2012.

b. Le 29 août 2017, il a obtenu une carte professionnelle de chauffeur de taxi. Il a, à des dates différentes, obtenu au total dix autorisations d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP), dont celle correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______, délivrée le 22 novembre 2017, valable six ans.

c. Par courriers des 5 janvier, 6 février et 2 mai 2023, faisant référence à l’échéance prochaine des différentes AUADP, le service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) l’a informé qu’une requête de renouvellement de ses AUADP devait lui parvenir, dans les dates qui y étaient précisées. Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes déposées en dehors du délai. À défaut de procéder dans ces délais, ses différentes AUADP prendraient fin à leur date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

Plus précisément, le courrier du 2 mai 2023 fait référence à l’AUADP délivrée le 22 novembre 2017 et précise que son renouvellement doit être demandé au plus tôt le 1er juillet 2023 et au plus tard le 31 juillet 2023.

d. Le 29 août 2023, A______ a requis le renouvellement de l’AUADP GE 1______.

e. Par décision du 12 octobre 2023, le PCTN lui a retourné cette requête de renouvellement. Comme expliqué par courrier du 2 mai 2023, il aurait dû la déposer entre le 1er et le 31 juillet 2023. Le PCTN refusait en conséquence d’entrer en matière et constatait que l’AUADP GE 1______ du 22 novembre 2017 serait caduque le 21 novembre 2023. L’intéressé devait déposer ses plaques d’immatriculation auprès de l’office cantonal des véhicules. S’il souhaitait requérir une nouvelle AUADP, il lui appartenait de s’inscrire sur la liste d’attente au moyen du formulaire de requête idoine.

B. a. Par acte du 13 novembre 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision. Il a conclu au renouvellement de son AUADP GE 1______.

Il s’était rendu dans les locaux du PCTN pour demander des explications au sujet du courrier du 2 mai 2023, qui ne mentionnait pas l’AUADP en question. L’employé qui l’avait reçu, B______, lui avait expliqué que les plaques dont le numéro était surligné en jaune devaient être renouvelées en avril, celles surlignées en vert en mars et les autres pouvaient être renouvelées ensemble ultérieurement. Il avait compris que l’AUADP GE 1______ arrivait à échéance le 29 novembre 2023, interprétant le « 1 » comme un « 9 » et avait ainsi déposé la demande de renouvellement le 29 août 2023. Il s’était fié à ces informations.

Le courrier du 2 mai 2023 n’indiquait pas qu’il se référait à l’AUADP GE 1______, ni d’ailleurs le bulletin de versement relatif à l’émolument de renouvellement. Ces incohérences et lacunes étaient contraires aux art. 13 al. 7 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et 21 al. 1 et 2 règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01).

Par ailleurs, le courrier du 2 mai 2023 comportait des dates erronées, puisque le renouvellement aurait dû être demandé au plus tôt le 21 mai 2023 et au plus tard le 21 août 2023. Ainsi, il pouvait d’autant plus se fier à l’information donnée par l’employé du PCTN, qui lui laissait penser qu’il pouvait requérir le renouvellement jusqu’au 29 août 2023.

Il a produit le tableau remis par l’employé du PCTN énumérant, en caractères d’impression, l’ensemble de ses AUADP ainsi que leur date de délivrance. Figurent, sous ce tableau, écrits à la main les dix numéros de plaques suivis de la mention « échéance au… ». À côté de l’AUADP GE 365 figure l’indication « échéance au 21.11.2023 ».

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours. Il a contesté les allégations du recourant relatives à la communication d’un renseignement erroné concernant la période de renouvellement, relevant que ladite affirmation était contredite par le tableau.

c. Dans sa réplique, le recourant a souligné qu’il appartenait au PCTN de l’informer correctement. Or, la communication n’informait pas de manière conforme à la loi des dies a quo et ad quem. Les carences du PCTN avaient créé dans son esprit « confusion sur confusion ». Il se justifiait donc d’enjoindre à ce service de respecter dans ses communications les délais et d’indiquer les numéros de plaques concernés.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite l’audition de B______, employé du PCTN.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, l’audition sollicitée vise à établir que l’employé du PCTN aurait rédigé à la main sur la liste des AUADP du recourant des annotations, dont certaines surlignées en jaune ou en vert, pour indiquer que leur renouvellement devait être demandé, soit en mars, soit en avril ou « plus tard ». Or, comme cela sera exposé ci-après (consid. 5), même si ces allégations étaient confirmées par le témoin, elles ne seraient pas susceptibles d’influer sur l’issue du litige.

Il ne sera donc pas procédé à l’audition sollicitée.

3.             Le recourant se plaint de la mauvaise indication du délai dans lequel il devait requérir le renouvellement de l’AUADP GE 1______.

3.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.

Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c. Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée trois mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

3.2 L’art. 21 RTVTC prévoit que le PCTN informe les titulaires six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt quatre mois avant sa date d'échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d'échéance (al. 2). Le PCTN n'entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3).

Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes doivent être déposées auprès du PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l'al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de deux mois (al. 5).

3.3 En l’espèce, le recourant était au bénéfice d’une AUADP à compter du 22 novembre 2017, échéant le 22 novembre 2023. Le PCTN a explicitement indiqué dans son courrier du 2 mai 2023 qu’il n’entrerait pas en matière sur les requêtes de renouvellement déposées en dehors du délai, fixé entre le 1er et le 31 juillet 2023, et qu’à défaut de procéder à temps, l’AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement. Le recourant ne soutient à juste titre pas qu’il aurait adressé sa demande de renouvellement dans le délai indiqué dans le courrier du 2 mai 2023.

Le délai fixé par l’autorité intimée dans ce pli n’était toutefois pas conforme à la LTVTC et à son règlement, qui veut que la requête soit formée au plus tôt quatre mois avant l’échéance de l’AUADP, mais au plus tard trois mois avant sa date d’échéance. In casu, le délai courait donc du 22 juillet 2023 au 22 août 2023, compte tenu de la date d’échéance au 22 novembre 2023 (art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC). Il n’est toutefois pas contesté que le recourant n’a pas déposé sa requête de renouvellement dans ce délai, ce qui implique que l’erreur de l’administration est demeurée sans conséquence.

Par ailleurs et contrairement aux allégations du recourant, les communications du PCTN, singulièrement celle du 2 mai 2023, permettaient de déterminer quelle AUADP était visée. En effet, même si le courrier de l’autorité intimée ne mentionnait pas le numéro de plaques de l’AUADP, la date de délivrance de celle‑ci, qui y figurait, permettait aisément au recourant de savoir de quelle AUADP il s’agissait. Le grief selon lequel le PCTN aurait introduit des confusions ou manqué à son devoir d’information tombe donc à faux.

4.             Le recourant se prévaut également du principe de la protection de la bonne foi, exposant qu’il avait « lu et cru » que la date inscrite par le fonctionnaire sur le tableau qu’il lui avait remis était le « 29 » novembre 2023 et qu’il « ne pouvait se douter que cette date était le 21 ou le 22 novembre 2023 ».

4.1 Découlant de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2). Ainsi, un renseignement erroné de l'administration peut obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi dans les limites de ses compétences, que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu, qu'il se soit fondé sur les assurances dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral précité consid. 5.1).

4.2 En l’espèce, le recourant soutient qu’il avait déduit de la liste manuscrite, établie par un employé du PCTN et qui figure après l’impression des différentes AUADP et de leur date de délivrance qu’il pouvait encore déposer la demande de renouvellement le 29 août 2023.

Or, quand bien même l’employé du PCTN viendrait confirmer qu’il avait rédigé les indications manuelles auxquelles se réfère le recourant, celles-ci ne permettent nullement de retenir qu’il en ressortirait que ce dernier pouvait déposer sa demande de renouvellement de l’AUADP litigieuse le 29 août 2023. Le recourant reconnaît, en effet, lui-même qu’il s’est mépris dans la lecture du document, ayant lu comme date d’échéance « 29.11.2023 » au lieu de « 21.11.2023 », d’une part. Son allégation selon laquelle il « ne pouvait se douter que la date était le 21 ou 22 novembre 2023 » n’est donc pas crédible, celle-ci résultant de l’aveu même de l’intéressé d’une mauvaise lecture du document. D’autre part, la simple lecture dudit document, qui met en parallèle les dates de délivrance et d’échéance des différentes AUADP, permettait aisément de comprendre que les dates d’échéance qui y sont indiquées sont toutes un jour avant la sixième année suivant la date de délivrance de l’AUADP en question.

En outre, il n’est pas allégué que l’employé aurait indiqué au recourant qu’il pouvait déposer sa demande de renouvellement litigieuse le 29 août 2023. Le recourant soutient qu’il lui avait indiqué que les numéros de plaques surlignées en vert devaient être renouvelées en mars, celles surlignées en jaune en avril et les deux autres – dont celle litigieuse – « ensemble plus tard ».

Au vu de ce qui précède, aucun élément ne permet ne serait-ce de rendre vraisemblable que des renseignements erronés auxquels le recourant se serait fié de bonne foi lui auraient été données. Partant, le grief de violation du principe de protection de la bonne foi sera également écarté.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fateh BOUDIAF, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :