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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1948/2023

ATA/57/2024 du 19.01.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.02.2024, 2C_117/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1948/2023-EXPLOI ATA/57/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION intimée
représentée par Me Gabriel AUBERT, avocat

_________



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce de Genève, où elle a son siège, a pour but statutaire notamment l’exploitation d’établissement publics dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie (discothèques, restaurants, bars, hôtels) et pour administrateur unique A_____. Elle exploite une discothèque au centre-ville de Genève.

b. Pour l’exercice 2020, les comptes de la société, établis le 10 septembre 2021, indiquent un bénéfice au bilan de CHF 2'656.34. Les comptes de pertes et profits font état d’un sponsoring de CHF 26'976.15, d’une aide extraordinaire de CHF 76'793.65, d’un loyer de CHF 137'506.05 et de charges financières de CHF 292.82.

B. a. Le 9 février 2021, la société a signé une « convention d’octroi de contribution à fonds perdu » avec le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) concernant l’octroi de l’aide ou de l’indemnité à fonds perdu prévue par le dispositif de soutien du tissu économique genevois dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19, aux termes de laquelle elle s’engageait à présenter une image fidèle et transparente de sa situation. Par la signature de la convention, le département était en outre autorisé à se procurer des données sur l’entreprise bénéficiaire auprès d’autres offices. Il était renvoyé à la législation applicable s’agissant des questions de restitution des aides.

b. Le 14 février 2021, la société a déposé auprès du département une demande pour « cas de rigueur », indiquant pour 2020 un chiffre d’affaires (ci-après : CA) de CHF 190'998.-, des coûts totaux (ci-après : CT) de CHF 529'360.- et des coûts fixes (ci-après : CF) de CHF 349'126.80.

c. Sur cette base, par décision du 11 mars 2021, le département a accordé à la société une aide financière complémentaires de CHF 135'311.30, déduction faite du montant de CHF 43'043.- précédemment octroyé dans le cadre du dispositif « cas de rigueur ». Il était rappelé que des contrôles a posteriori pouvaient être effectués afin de vérifier l’exactitude des informations fournies et, dans l’hypothèse où il devait s’avérer qu’une aide avait été perçue à tort, cette dernière devrait être restituée.

d. Par courriel du 10 octobre 2022, réitéré le 19 octobre suivant, le département a requis de la société la production de plusieurs documents dans le cadre d’un tel contrôle a posteriori.

e. Par courriel du 19 octobre 2022, la société a répondu au département que sa fiduciaire préparerait les documents requis au plus vite.

f. Par décision datée du 25 janvier 2023 et intitulée « aide financière "cas de rigueur" – décision de restitution suite à contrôle a posteriori », le département a ordonné la restitution du montant de CHF 179'841.50 (correspondant à la différence entre l’aide octroyée en sa faveur, de CHF 358'708.60, et le montant auquel elle pouvait prétendre après le contrôle a posteriori effectué, de CHF 176'867.10) alloué par décisions des 11 mars 2021, 24 janvier et 24 mars 2022.

Les vérifications complémentaires effectuées par ses services démontraient, sur la base de ses états financiers 2020 définitifs remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) que son CA 2020 était de CHF 236'221.95, ses CT de CHF 222'274.86 et ses CF de CHF 185'861.15 (dont CHF 137'506.05 à titre de loyer et de charges locatives, CHF 0.- à titre d’amortissements et CHF 292.82 à titre de charges financières). Elle ne pouvait ainsi pas prétendre à une aide financière pour « perte économique » pour 2020, au vu du bénéfice enregistré durant cet exercice en raison des CT inférieurs au CA. Elle pouvait toutefois obtenir une aide pour « cas de rigueur » en raison de la fermeture de son établissement du 1er janvier au 10 mai 2021, de CHF 66'197.10, ainsi que d’une aide pour « perte économique » pour le premier semestre 2021, de CHF 176'867.10. Compte tenu du fait que l’aide à laquelle elle pouvait prétendre pour « perte économique » pour le premier semestre 2021 était supérieure à celle à laquelle elle avait droit pour les jours de fermeture imposés par les autorités, c’était le second montant qui devait être retenu, à savoir CHF 176'867.10. Il en découlait que le solde qu’elle avait perçu, soit CHF 179'841.50, devait être restitué.

Ce courrier indiquait en outre les voie et délai de recours. Il a été envoyé à l’adresse de la société en courrier « A plus » et a été distribué le 26 janvier 2023.

g. Le 23 mars 2023, la société a formé réclamation contre cette décision, concluant à son annulation.

Elle n’avait reçu le courrier du 25 janvier 2023 qu’en date du 24 février 2023, de sorte que sa réclamation avait été formée dans le délai légal.

Les CF retenus ne tenaient pas compte du loyer pour l’année 2020, de CHF 291'604.20, ni des amortissements, de CHF 10'686.- et des charges financières, de CHF 5'295.41. L’aide financière exceptionnelle, de CHF 76'793.65 et CHF 26'976.15, devait également être déduite des recettes. Il en résultait une perte de CHF 188'127.80 pour l’année 2020, et non pas un bénéfice de CHF 2'656.34 comme l’avait retenu à tort le département, de sorte qu’aucun remboursement ne pouvait lui être demandé. En outre, étant donné qu’il s’agissait d’une aide financière à fonds perdus, il n’était pas concevable qu’a posteriori un remboursement partiel de cette aide puisse lui être réclamé.

Elle a produit :

- une attestation sur l’honneur signée par A_____ le 27 février 2023, selon laquelle il avait relevé le courrier du département dans la boîte aux lettres de la société le 24 février 2023, le facteur s’étant probablement trompé étant donné le grand nombre de locataires à la même adresse. « Concentré et choqué » par la lecture dudit courrier, il n’avait pas prêté attention à la date d’expédition, ce d’autant moins qu’il venait de relever la boite aux lettres. Il avait alors contacté C_____ (ci-après : C_____) et obtenu un rendez-vous avec son comptable le 27 février 2023, lors duquel, à la suite de la lecture attentive du courrier, la date d’envoi avait été relevée. Le comptable avait immédiatement contacté le département, qui lui avait confirmé que ledit courrier avait été réceptionné avec une signature, ce que n’avait toutefois pas confirmé la poste, où il s’était rendu après la séance. Il n’avait vu le courrier du département que le 24 février 2023 ;

- un courriel d’A_____ au département du 2 mars 2023 selon lequel l’enveloppe contenant le courrier du 25 janvier 2023 avait été perdue ;

- une attestation sur l’honneur signée par D_____, employée de la société, le 10 mars 2023, selon laquelle elle avait personnellement relevé le courrier le 24 février 2023 et avait ouvert la lettre du département, qu’elle avait lue. Concentrée sur son contenu, elle n’avait pas prêté attention à la date indiquée. Elle en avait avisé A_____ téléphoniquement et lui avait laissé une photocopie sur son bureau. L’administrateur avait alors immédiatement pris rendez-vous avec son comptable et c’était lors de la réunion avec ce dernier du 27 février 2023 qu’il avait constaté que le courrier était daté du 25 janvier 2023. A_____ avait pris contact par téléphone avec le département pour lui indiquer que le courrier avait été reçu le 24 février 2023 seulement ;

- une attestation de l’administrateur de C_____, du 9 mars 2023, selon laquelle il avait reçu un appel d’A_____ le 24 février 2023 au sujet d’une lettre de l’administration, une réunion ayant eu lieu avec ce dernier le 27 février 2023 pour en discuter. Lors de cette séance, il avait été constaté que le courrier était daté du 25 janvier 2023 et que le délai de « réponse » était échu. Après avoir été contacté, le département avait confirmé que le délai était échu et les avait encouragés à lui envoyer une lettre d’explication ;

- une attestation de C_____ du 14 mars 2023 concernant le bilan de l’exercice 2020 de la société, selon laquelle les provisions relatives aux loyers impayés de 2020, d’un montant de CHF 154'098.15, n’avaient pas été reportées sur le bilan au 31 décembre 2020, de sorte que le poste « loyer » était de CHF 291'604.20. De plus, il avait été décidé de ne pas procéder aux amortissements en 2020 pour un montant de CHF 10'686.- afin de limiter les pertes. L’aide octroyée par un fournisseur, de CHF 26'976.15, comptabilisée dans les recettes, devait être remboursée. Si le bilan pour l’exercice 2020 tel que présenté comportait un bénéfice de CHF 2'656.34, il n’en demeurait pas moins que toutes les charges n’avaient pas été déduites, de sorte que les pertes réelles étaient de CHF 188'127.80 ;

- un tableau établi par C_____ comportant les corrections du bilan de la société pour l’exercice 2020.

h. Par décision du 11 mai 2023, le département a déclaré irrecevable la réclamation formée par la société.

La réclamation était tardive. Selon le suivi du courrier, celui-ci avait été notifié le 26 janvier 2023, de sorte que le délai de réclamation était arrivé à échéance le 27 février 2023. Les problèmes de distribution postale et de notification allégués n’étaient pas établis, les attestations sur l’honneur produites ne permettant pas de les démontrer. La société n’ignorait pas qu’elle se verrait notifier une décision, de sorte qu’il était attendu de sa part qu’elle relève régulièrement son courrier.

La réclamation aurait de toute manière dû être rejetée. Les prétendues corrections des charges pour l’exercice 2020 n’apparaissaient pas dans les états financiers définitifs de la société ni dans les documents et pièces comptables, tels que transmis à l’AFC-GE, aucune démarche n’ayant été entreprise auprès de cette dernière pour les modifier.

C. a. Par acte du 12 juin 2023, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à l’audition de son administrateur, de son employée et de l’administrateur de C_____ et, principalement, à l’annulation de la décision entreprise, à ce qu’il soit dit que la réclamation du 23 mars 2023 avait été déposée en temps utiles, que la demande de restitution du montant de CHF 179'841.50 était infondée et qu’elle ne devait aucun montant au département.

La réclamation n’était pas tardive, au vu des documents produits, de sorte que le dies a quo était le 24 février 2023 au plus tôt.

Les CT retenus par le département étaient erronés et ne tenaient pas compte du loyer total de CHF 291'604.20, conformément aux comptes établis par C_____, laquelle avait aussi confirmé que des amortissements de CHF 10'686.- et des charges financières de CHF 5'295.41 devaient être ajoutés auxdits comptes. Devaient en outre être déduites des recettes l’aide financière exceptionnelle de CHF 76'793.65 et une autre aide de CHF 26'976.15. Il en résultait, pour 2020, une perte de CHF 188'127.80, qui ne permettait aucun remboursement. En tout état de cause, l’aide octroyée consistait en une aide financière à fonds perdus, de sorte qu’un remboursement a posteriori n’était pas concevable.

Elle a produit :

- une attestation d’un employé de C_____ du 6 septembre 2023, selon laquelle, lors de la réunion du 27 février 2023, il avait été discuté d’un courrier du département concernant la société. Lors de ladite séance, l’administrateur de C_____ avait appelé le département en vue d’obtenir des informations en relation avec ce courrier. Le département lui avait alors indiqué que le délai de réclamation était forclos et que la société ne disposait d’aucune marge de négociation ;

- une attestation de l’administrateur de C_____ du 6 septembre 2023, selon laquelle le montant de CHF 58'390.65 était compris dans le montant total des loyers payés par la société, de CHF 137'506.05 ;

- un courrier de E______ adressé à la société le 28 décembre 2020 selon lequel celle-ci lui devait un montant de CHF 155'398.15 à titre de loyer.

b. Le 11 août 2023, le département, soit pour lui la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation (ci-après : DG‑DERI), a conclu au rejet du recours.

Le délai de réclamation n’avait pas été respecté, de sorte que la décision d’irrecevabilité devait être confirmée, les diverses allégations de la société n’étant ni prouvées ni rendues vraisemblables. Les déclarations sur l’honneur produites comportaient au demeurant un certain nombre de contradictions, qui les rendaient d’autant moins crédibles qu’il n’était pas concevable que l’administrateur et son employée ne se soient pas rendus compte de la nature de la décision ni du délai de recours, étant précisé que la société n’avait pas sollicité une quelconque restitution du délai.

La société se limitait à formuler des corrections à ses comptes, sans pour autant produire son compte de pertes et profits et son bilan 2020. Il ressortait pourtant de ses comptes officiels pour l’année 2020 qu’elle avait enregistré un résultat avant impôts de CHF 13'946.94, le bénéfice avant impôts étant de CHF 2'656.34, de sorte qu’il ne pouvait être question d’une perte de CHF 188'127.80 comme elle l’alléguait. Elle n’apportait pas davantage de preuves au sujet des loyers dont elle se prévalait ni des amortissements et charges financières, dont aucune trace ne ressortait de ses comptes. Elle ne prouvait pas non plus que le montant de CHF 76'793,65 serait une aide financière ou encore que celui de CHF 26'976,15 reçu à titre de « sponsoring » devrait être remboursé.

Par ailleurs, le principe du remboursement de l’aide versée indûment résultait de la loi elle-même.

c. La société a répliqué, persistant dans son recours.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut préalablement à l’audition de son administrateur, ainsi que de son employée et de l’administrateur de C_____.

2.1 Garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_148/2023 du 18 octobre 2023 consid. 4.2). Le juge peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Le droit d’être entendu découlant de l’art. 29 Cst. ne garantit pas, de façon générale, le droit d’être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_67/2023 du 20 septembre 2023 consid. 3.1) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_521/2022 du 26 avril 2023 consid. 4.2).

2.2 En l’espèce, la recourante a eu l’occasion d’exposer ses arguments et de produire les pièces qu’elle jugeait nécessaires pour appuyer son recours, en particulier concernant la question de la recevabilité de la réclamation, pour laquelle elle a versé au dossier des attestations sur l’honneur de son administrateur, de son employée et de l’administrateur de C_____. Il n’y a dès lors pas lieu d’entendre ces personnes, la recourante n’indiquant au demeurant pas en quoi les auditions sollicitées seraient de nature à apporter des éléments supplémentaires utiles à l’issue du litige. Il ne sera par conséquent pas donné suite à la demande de la recourante.

3) Le litige a trait à la recevabilité de la réclamation formée par la recourante à l’encontre de la décision de l’intimée du 25 janvier 2023, que cette dernière a niée en raison de sa tardiveté.

3.1 Selon l’art. 51 al. 4 LPA, la réclamation doit être formée dans les 30 jours dès la notification de la décision. L’art. 19 al. 1 de la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 du 30 avril 2021 (LAFE 2021) reprend ce principe général et prévoit que les décisions prises en application de ladite loi peuvent faire l’objet d’une réclamation écrite auprès du département dans les 30 jours dès la notification de la décision. L’art. 62 al. 3 LPA, applicable à la réclamation par le renvoi de l’art. 51 al. 4 LPA, précise que le délai court dès le lendemain de la notification de la décision.

Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

3.2 Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public et ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1, 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/795/2022 du 9 août 2022 consid. 3b et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2).

Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1, 2e phrase, LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1362/2023 du 19 décembre 2023 consid. 2.4).

3.3 En l’absence de disposition légale contraire, les autorités sont en principe libres de choisir le mode d’envoi de leurs décisions (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Selon la jurisprudence, un envoi est considéré comme notifié non pas au moment où le destinataire en prend effectivement connaissance, mais déjà lorsque cet envoi se trouve dans la sphère d’influence de son destinataire (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Il en va également ainsi d’un envoi en courrier « A Plus », qui est réputé notifié dès son dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale de son destinataire, moment qui constitue le point de départ pour le calcul du délai de recours (arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2022 du 21 décembre 2022 consid. 5.2 et les références citées).

Si la survenance d’une erreur dans la notification par voie postale ne peut pas être totalement exclue, une notification incorrecte ne doit pas être présumée, mais simplement supposée si, en raison des circonstances, elle semble plausible. Dans ce cadre, il convient de tenir compte des explications du destinataire, qui prétend qu’une notification postale incorrecte a eu lieu, si sa description est compréhensible et correspond à une certaine probabilité, sa bonne foi étant présumée (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Des considérations purement hypothétiques et la possibilité, jamais exclue, d’erreurs de notification ne suffisent pas à elles seules à renverser la présomption. Il faut être en présence d’indices concrets d’une erreur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2022 précité consid. 5.2).

3.4 En l’espèce, le délai de 30 jours pour former réclamation est un délai légal, puisque prévu par la loi, lequel ne peut être prolongé qu’en cas de force majeure. La recourante n’a toutefois jamais requis de prolongation de délai et n’invoque aucun cas de force majeure. L’existence d’un cas de force majeure ne ressort pas non plus du dossier.

La recourante soutient qu’elle n’aurait reçu le courrier du département du 25 janvier 2023 dans sa boîte aux lettres que le 24 février 2023, de sorte que le délai pour faire réclamation n’aurait commencé à courir qu’à compter de cette date et qu’elle serait par conséquent recevable, puisque formée dans le délai de 30 jours.

Il ressort toutefois du relevé de suivi postal que la décision du 25 janvier 2023, envoyée en courrier « A Plus », comme l’autorise la réglementation applicable à défaut de disposition spécifique, a été distribuée dans la boite aux lettres de la recourante le lendemain, soit le 26 janvier 2023. C’est à ce moment qu’elle est entrée dans la sphère de pouvoir de l’intéressée, conformément à la jurisprudence susmentionnée. La recourante n’apporte aucun élément permettant de mettre en évidence un éventuel incident ou une erreur postale, se contentant d’évoquer une inadvertance du facteur, qui aurait glissé le courrier du département dans une autre boîte aux lettres étant donné le grand nombre de sociétés domiciliées à la même adresse. Rien ne démontre toutefois l’hypothèse d’une telle erreur, ce d’autant moins que la recourante apparaît avoir reçu tous les autres courriers que le département lui a envoyés à la même adresse dans le cadre des aides financières « covid », étant précisé qu’elle n’a pas non plus produit l’enveloppe ayant contenu la décision litigieuse puisqu’elle a été « perdue ». La simple hypothèse d'une distribution postale irrégulière ne permet ainsi pas de renverser la présomption d’une notification correcte, la recourante n’invoquant aucun motif ou indice concret qui permettrait de retenir avec une probabilité suffisante qu’une erreur de distribution aurait pu être commise.

La recourante se prévaut en outre de différentes attestations sur l’honneur, en particulier celles de son employée et de son administrateur, pour soutenir que la décision du 25 janvier 2023 n’aurait été portée à la connaissance de ce dernier que le 24 février 2023. Outre le fait que lesdits documents contiennent un certain nombre de contradictions, notamment s’agissant du déroulement de la prise de connaissance du contenu du courrier litigieux, il convient de rappeler que le fait de prétendre n’avoir reçu la décision litigieuse à une certaine date même au moyen d’une déclaration sur l’honneur est d’autant plus insuffisant lorsque le relevé du suivi postal correspondant indique une autre date de remise dans la boîte aux lettres du destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2022 précité consid. 5.4), en l’occurrence le 26 janvier 2023. Même à suivre les arguments de la recourante, il paraît peu probable qu’aucune des personnes ayant lu le courrier du département du 25 janvier 2023, lequel indiquait expressément qu’il s’agissait d’une décision et mentionnait les voie et délai de recours, n’ait remarqué la date mentionnée et que tel n’ait été le cas que le 27 février 2023, étant précisé qu’à cette date le délai de réclamation n’était pas encore échu, de sorte que le dépôt d’un tel acte avant minuit était encore possible. Rien ne permet par ailleurs d’étayer les affirmations selon lesquelles le département aurait indiqué le 27 février 2023 que le délai était échu ou que la décision aurait été notifiée avec signature, comme la recourante semble le prétendre au moyen de ses différentes attestations.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que l’intimée a considéré que la réclamation de la recourante du 23 mars 2023 formée à l’encontre de la décision du 25 janvier 2023 était tardive et qu’elle l’a par conséquent déclarée irrecevable.

3.5 Sur le fond et pour le surplus, c’est également à juste titre que l’intimée a constaté que les corrections effectuées a posteriori par la recourante à ses comptes 2020 pour aboutir à une perte de CHF 188'127.80 n’étaient fondées sur aucun élément probant et que les comptes, tels que transmis à l’AFC-GE, étaient seuls déterminants. Par ailleurs, comme l’a également rappelé l’intimée, la convention signée par la recourante le 9 février 2021, qui renvoyait au demeurant à la législation applicable, de même que la décision d’octroi de l’aide du 11 mars 2021, indiquaient la possibilité d’une restitution de l’aide perçue indûment. La recourante ne pouvait ainsi ignorer que des vérifications pouvaient être entreprises et qu’un remboursement de l’aide indûment versée pouvait être exigé.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimée disposant de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ;

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2023 par A______ contre la décision de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation du 11 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat de la recourante, ainsi qu’à Me Gabriel AUBERT, avocat de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. HUGI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :