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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2284/2023

ATA/1231/2023 du 14.11.2023 ( PROF ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2284/2023-PROF ATA/1231/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 novembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Antonia MOTTIRONI, avocate recourante

contre

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L’INTÉGRATION intimés



EN FAIT

A. a. A______ est la mère et la curatrice de B______, né le ______1998, lequel est atteint d’un trouble du spectre autistique associé à un déficit intellectuel et au bénéfice de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI).

b. En juillet 2016, C______ (ci-après : l’employée) a été engagée au domicile de A______ pour assister B______ dans ses besoins non médicaux et l’aider dans ses tâches quotidiennes.

c. En été 2018, B______ a été sorti de l’institution spécialisée de jour où il était suivi en raison de soupçons de mauvais traitements et d’abus et a été mis au bénéfice d’un accompagnement à domicile dispensé par l’équipe mobile des établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) dès janvier 2019. Les prestations des EPI ont été délivrées par leur collaboratrice socio-éducative, D______ (ci-après : la collaboratrice), qui se rendait deux fois par semaine au domicile de B______, pour une durée d’une à deux heures, ce qui a été le cas entre janvier 2019 et mars 2020, puis entre fin août et octobre 2020.

d. En fin d’année 2022, l’employée a assigné A______ devant le Tribunal des prud’homme (cause n° C/1______/2022) en paiement des montants de CHF 71'110.- à titre de salaire pour la période du 7 juillet 2016 au 30 septembre 2020, de CHF 8'000.- à titre de préavis de résiliation du contrat de travail, de CHF 17'000.- à titre de vacances et de CHF 1'000.- à titre de dépenses médicales.

Dans le cadre de cette cause, A______ a fait citer la collaboratrice en qualité de témoin.

B. a. Le 9 mai 2023, A______ a sollicité des EPI la levée du secret de fonction de la collaboratrice, en vue de son audition dans la cause n° C/1______/2022 précitée, portant sur des montants réclamés par l’employée dans le cadre de ses rapports de travail. L’audition de la collaboratrice ne visait pas à l’interroger sur la santé de son fils ni sur une expertise médicale, pas plus qu’il ne lui serait posé de questions sur des faits intervenus dans l’ancienne institution de jour.

La collaboratrice avait été le témoin direct de certains faits décrits dans la demande de l’employée lorsqu’elle se trouvait à son domicile dans le cadre de sa mission. Elle entendait donc lui demander de confirmer que son fils avait besoin de soins éducatifs spécifiques liés à son handicap, qui étaient prodigués par des professionnels de la santé, dont la collaboratrice, depuis janvier 2019, et que son fils présentait des signes de choc post-traumatique nécessitant une prise en charge importante au quotidien. Elle souhaitait également l’entendre sur le contexte dans lequel l’employée était venue davantage à son domicile après la sortie de son fils de l’institution de jour, que l’employée s’occupait des soins ordinaires de son fils et qu’elle ne l’accompagnait pas aux rendez-vous médicaux. Elle souhaitait enfin qu’elle confirme que son fils ne présentait pas d’hostilité à l’égard de ses parents et qu’un inconnu avait rendu visite à l’employée à son domicile.

b. Par courrier du 23 mai 2023, le président du conseil d’administration des EPI a refusé de lever le secret de fonction de la collaboratrice, dès lors que la demande de A______ s’inscrivait dans le cadre d’un litige pécuniaire relevant exclusivement du droit privé au sujet de ses relations contractuelles avec une personne qu’elle avait engagée.

Ce courrier ne comportait aucune autre indication ni de voie et délai de recours.

C. a. Par acte du 29 juin 2023, A______ a formé « réclamation » contre ce courrier auprès du département de la cohésion sociale (ci-après : le département), concluant, avec suite de « frais et dépens », à son annulation et à la levée du secret de fonction de la collaboratrice aux fins de pouvoir l’entendre en qualité de témoin dans la cause n° C/1______/2022.

Le témoignage de la collaboratrice s’inscrivait dans un cadre factuel délimité et connu de l’autorité. La décision rejetait en bloc sa requête, sans aucune demande complémentaire ni instruction de la cause en vue de délimiter les contours et l’étendue des informations confidentielles qui auraient justifié un éventuel refus, ce qui revenait à une appréciation arbitraire des faits.

Le refus des EPI consacrait une décision arbitraire et contraire au principe de la bonne foi. Le motif selon lequel le secret ne pouvait être levé dans le cadre d’une cause pécuniaire n’était pas prévu par la loi et était contraire à la systématique du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272). Ce refus lésait ses intérêts dignes de protection ainsi que ceux de son fils, puisque la collaboratrice était en mesure de corroborer ou d’infirmer certains faits exposés par l’employée qui lui réclamait pas moins de CHF 100'000.- pour des tâches de relève fournies à une personne nécessitant un besoin de protection accru du fait de son handicap et ne vivant que de ses rentes AI.

Aucun intérêt public n’était menacé par le témoignage de la collaboratrice, ce d’autant moins que les faits sur lesquels elle devait être entendue étaient connus des parties au litige civil et n’étaient ainsi pas confidentiels, étant rappelé que les juges étaient également soumis au secret de fonction et les avocats au secret professionnel.

Le refus consacrait également une violation du principe de la proportionnalité, puisque l’autorité n’avait pas procédé à un examen attentif pour définir les contours du contenu du secret de fonction de la collaboratrice et n’avait procédé à aucune pesée des intérêts en présence, privilégiant les seuls intérêts de l’État.

Enfin, les faits pour lesquels la collaboratrice devait témoigner n’étaient pas couverts par le secret de fonction, dès lors qu’il lui était demandé d’apporter son témoignage direct au sujet du comportement et des tâches effectuées par l’employée, faits sans lien matériel direct avec l’exercice de ses fonctions.

b. Le 6 juillet 2023, le département a transmis cette « réclamation » à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

c. Le 24 août 2023, les EPI ont conclu au rejet du recours, avec suite de « frais et dépens ».

L’intérêt public prépondérant au bon fonctionnement des EPI dans le cadre de leurs activités en faveur des usagers était encore plus marqué lorsque les prestations étaient délivrées à domicile, puisque l’indépendance et la neutralité des collaborateurs devaient être garanties pour une prise en charge optimale, sans interaction avec des affaires et d’éventuels litiges relevant du droit privé. De plus, la protection de la dignité et des intérêts de B______ justifiaient le maintien du secret de fonction, afin que sa prise en charge socio-éducative se fasse dans des conditions optimales et neutres à son domicile. L’intérêt de sa mère, dont on ignorait le bien-fondé et la justification face à la demande en paiement de l’employée, ne pouvait ainsi primer.

En tout état de cause, au vu de la fréquence et de la durée des interventions de la collaboratrice au domicile de B______, il n’apparaissait pas qu’elle ait pu avoir connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, de faits utiles et/ou importants pour la manifestation de la vérité dans le cadre de la procédure civile opposant A______ à l’employée.

d. Le 21 septembre 2023, A______ a persisté dans son recours.

La réponse des EPI consacrait une violation du droit d’être entendu qui devait être réparée par la chambre administrative par un arrêt réformatoire. Ils s’étaient contentés de considérations générales qui ne lui permettaient pas de comprendre en quoi les intérêts concrets de l’institution justifiaient de la priver de son droit à la preuve dans le procès civil, ni de comprendre le contenu et la délimitation exacte du secret de fonction s’appliquant au personnel des EPI.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante semble se plaindre d’un défaut de motivation de la décision entreprise.

2.1 Le droit d’être entendu garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) implique notamment le devoir pour l’autorité de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2021 du 21 février 2023 consid. 3.1).

2.2 En l’espèce, il ressort de la décision litigieuse que les intimés ont refusé de lever le secret de fonction de leur collaboratrice au motif que la demande de la recourante s’inscrivait dans le cadre d’un litige pécuniaire relevant exclusivement du droit privé au sujet de ses relations contractuelles avec une personne qu’elle avait engagée, précisant, devant la chambre de céans, que l’intérêt prépondérant à leur bon fonctionnement et la protection de la dignité et des intérêts du fils de la recourante l’emportaient sur l’intérêt de cette dernière. La recourante a ainsi été en mesure de comprendre les motifs pour lesquels les intimés ont refusé sa demande et de recourir à l’encontre de leur décision du 23 mai 2023 devant la chambre de céans en pleine connaissance de cause, au moyen d’une écriture circonstanciée, étant précisé qu’elle a également pu se déterminer sur la réponse des intimés. Par conséquent, puisque l’on discerne les motifs qui ont guidé la décision des EPI, le droit à une décision motivée a été respecté, la question de savoir si ladite motivation est erronée, comme le soutient la recourante, relevant du fond du litige. Le grief doit donc être écarté.

3) Le litige porte sur la conformité au droit du refus, par les intimés, de lever le secret de fonction de leur collaboratrice afin qu’elle puisse s’exprimer en tant que témoin dans le cadre de la procédure civile initiée devant la juridiction des Prud’hommes à l’encontre de la recourante par son ancienne employée. Bien que le courrier des intimés du 23 mai 2023 ne le mentionne pas expressément ni ne contienne de voie et délai de recours, le refus qu’il consacre constitue une décision, susceptible de recours (art. 46 al. 1 LPA ; ATA/982/2023 du 12 septembre 2023 consid. 2.3 et les références citées).

4) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

5) 5.1 L’art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) punit d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi (ch. 1 al. 1), étant précisé que la révélation n’est pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure (ch. 2).

L’art. 320 CP protège principalement l’intérêt de la collectivité à la discrétion des fonctionnaires et membres des autorités nécessaire à l’accomplissement sans entrave des tâches de l’État (ATF 142 IV 65 consid. 5.1). Le secret au sens de l’art. 320 CP est un fait qui n’est connu que d’un nombre restreint de personnes, que le détenteur du secret veut maintenir secret et pour lequel il existe un intérêt au maintien du secret. L’infraction implique une notion matérielle du secret. Il n’est dès lors pas nécessaire que l’autorité concernée ait déclaré secret le fait en question. Est en revanche déterminant que ce fait n’ait ni été rendu public ni ne soit accessible sans difficulté et que le maître du secret ait non seulement un intérêt légitime, mais également la volonté manifestée expressément ou par actes concluants que ce secret soit maintenu (ATF 142 IV 65 consid. 5.1). Pour que l’art. 320 CP s’applique, il faut en outre que le secret ait été confié à l’auteur en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire ou qu’il en ait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi. Ne sont dès lors pas couverts par le secret de fonction les faits touchant l’activité officielle de l’auteur, que celui-ci a appris ou aurait pu apprendre, comme tout autre citoyen, en dehors de son service, les faits qu’il aurait pu apprendre sans autre à titre privé ou encore ceux dont il aurait eu le droit d’être informé (ATF 115 IV 233 consid. 2c/aa-bb).

5.2 Selon l’art. 11 de la loi sur l’organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24), les membres des organes et les collaborateurs des institutions soumis à l’application de cette loi, dont font partie les intimés (art. 3 al. 1 let. i LOIDP), sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) ne permet pas de les communiquer à autrui. L’autorité supérieure autorisée à lever le secret de fonction au sens de l’art. 320 ch. 2 CP est le président du conseil pour les membres du conseil, les membres de la direction et les collaborateurs de l’institution (art. 11 al. 4 let. a LOIDP).

L’art. 44 al. 1 de la loi sur l’intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 (LIPH - K 1 36) applicable aux membres du conseil d’administration, à la direction et aux membres du personnel des EPI est rédigé de la même manière. L’art. 44 al. 2 LIPH précise que les membres du personnel qui sont cités à comparaître dans un procès civil, pénal ou administratif, pour y être entendus comme témoins sur des informations parvenues à leur connaissance dans l’exercice de leurs fonctions, doivent demander sans retard au conseil d’administration, par l’intermédiaire de leur direction, l’autorisation écrite de témoigner. Ils ne peuvent témoigner que dans le cadre de l’autorisation reçue.

5.3 Selon l’art. 163 al. 2 CPC, qui porte sur le refus de collaborer, les dépositaires d’autres secrets protégés par la loi peuvent refuser de collaborer s’ils rendent vraisemblable que l’intérêt à garder le secret l’emporte sur l’intérêt à la manifestation de la vérité. L’art. 166 CPC mentionne les cas de « droit de refus restreint », et précise à son al. 2 que les titulaires d’autres droits de garder le secret qui sont protégés par la loi peuvent refuser de collaborer s’ils rendent vraisemblable que l’intérêt à garder le secret l’emporte sur l’intérêt à la manifestation de la vérité.

Selon l’art. 170 al. 3 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), l’autorité ordonne à la personne concernée de témoigner si l’intérêt à la manifestation de la vérité l’emporte sur l’intérêt au maintien du secret. Ce droit de refuser de témoigner n’est dès lors pas absolu et il convient dans certains cas d’effectuer une balance entre les différents intérêts en présence. Lorsque, par le biais d’une mise en balance des intérêts, il apparaît que celui à la découverte de la vérité dans la procédure en cause prime sur celui que l’autorité et d’éventuels particuliers concernés peuvent avoir au maintien du secret, l’al. 3 oblige l’autorité supérieure à octroyer l’autorisation de témoigner. Cette dernière doit donc délier ses fonctionnaires du secret et ne peut refuser de le faire sauf si des intérêts prépondérants de l’État ou privés l’exigent. À cet égard, une révélation qui compliquerait légèrement la tâche de l’administration ne justifie pas un refus de lever le secret. En revanche, tel sera le cas de la divulgation d’une information confidentielle qui entraverait de manière importante l’administration dans l’accomplissement de ses activités (ATA/1622/2019 du 5 novembre 2019 consid. 7b et les références citées).

6) En l’espèce, la collaboratrice, fonctionnaire au sein des intimés, est astreinte au secret de fonction, selon les art. 11 LOIDP et 44 LIPH, secret que les EPI ont refusé de lever, ce que la recourante conteste car souhaitant faire témoigner l’intéressée dans le cadre d’un procès civil dirigé à son encontre par son ancienne employée.

Les intimés affirment que leur collaboratrice n’aurait pas eu connaissance des faits pour lesquels la recourante requiert son témoignage. Ils ne sauraient être suivis sur ce point. Il ressort en effet du dossier que la collaboratrice, socio-éducatrice de l’unité mobile des EPI, s’est rendue au domicile de la recourante et de son fils dans le cadre de son activité entre janvier 2019 et mars 2020, puis entre fin août et octobre 2020, à raison de deux jours par semaine pour une durée d’une à deux heures, période durant laquelle l’employée s’occupait de B______. En outre, contrairement à ce que soutient la recourante, c’est bien dans l’exercice de ses fonctions que la collaboratrice s’est rendue à son domicile, de sorte que les faits sur lesquels son témoignage est requis sont soumis au secret de fonction.

La recourante critique le fait que le secret ne pourrait être levé dans le cadre d’une cause pécuniaire comme celle dont elle fait l’objet. Comme l’a déjà relevé la chambre de céans, les décisions de levée du secret de fonction sont prises de manière quasi systématique par les autorités compétentes afin notamment de permettre aux tribunaux de procéder à l’audition de personnes astreinte audit secret et dont les témoignages sont utiles, voire indispensables, à la découverte de la vérité et à la résolution de procédures, qu’elles soient civiles, pénales ou administratives. Ainsi, de manière générale, l'intérêt public à permettre l’audition de fonctionnaires pouvant éclairer les tribunaux et autres autorités dans un but de découverte de la vérité est primordial (ATA/1622/2019 précité consid. 7c). La présente cause s’inscrit dans cette jurisprudence et l’on ne voit ainsi pas pourquoi le secret de fonction ne pourrait être levé à l’égard de la collaboratrice pour qu’elle apporte son témoignage dans la cause opposant la recourante à son ancienne employée, le fait que ladite cause civile ait ou non un caractère pécuniaire étant sans pertinence.

Les intimés font valoir un intérêt public à leur bon fonctionnement et à une prise en charge optimale des usagers par ses collaborateurs de l’unité mobile, dont l’intérêt du jeune adulte visant à ce que sa prise en charge socio-éducative se fasse dans de bonnes conditions, qui serait supérieur à l’intérêt privé de la recourante. Indépendamment du fait que l’on ne voit pas en quoi l’audition querellée porterait atteinte auxdits intérêts invoqués, étant précisé que rien n’indique que la collaboratrice œuvrerait encore au domicile de la recourante, ce qu’aucune des parties ne prétend, les intimés perdent de vue que c’est bien l’intérêt public à l’audition de témoins en général, et à celle de la collaboratrice dans le cas particulier, à la manifestation de la vérité qui l’emporte sur celui au maintien du secret.

Ainsi, les EPI, en l’occurrence le président de leur conseil d’administration (art. 11 al. 4 let. a LOIDP ; art. 44 al. 4 LIPH), ne pouvaient refuser de lever le secret de fonction de leur collaboratrice, aucun intérêt prépondérant de l’État ou privé n’exigeant ou ne justifiant un tel refus.

Le recours sera par conséquent admis et la décision entreprise annulée. Le dossier sera renvoyé aux intimés pour qu’ils rendent une nouvelle décision et lèvent le secret de fonction de leur collaboratrice en vue de son témoignage dans la cause n° C/1______/2022, conformément aux points sur lesquels la recourante entend l’interroger et qui sont mentionnés dans son courrier aux intimés du 9 mai 2023.

7) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA), à la charge des intimés.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juin 2023 par A______ contre la décision des Établissements publics pour l’intégration du 23 mai 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision entreprise ;

renvoie le dossier aux Établissements publics pour l’intégration pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à A______, à la charge des Établissements publics pour l’intégration ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antonia MOTTIRONI, avocate de la recourante, ainsi qu’aux établissements publics pour l’intégration.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :