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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/515/2023

ATA/1149/2023 du 19.10.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/515/2023-EXPLOI ATA/1149/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 octobre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Michel CABAJ, avocat

 

contre

 

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 30 janvier 2015 et a notamment pour but l’exploitation d’un établissement public, le cas échéant d'un établissement de saunas, bains, culture physique, massages, relaxation et soins corporels, ainsi que tout service y relatif. B______ dispose de la signature individuelle.

b. La société exploite un établissement à l’enseigne « C______ » (ci‑après : le club) à ______, déployant une activité de salon de massage érotique.

B. a. Le 26 août 2022, les services de police ont procédé à un contrôle de l’établissement précité et ont notamment constaté, à teneur des rapports établis les 14 et 20 septembre 2022, que la société exploitait une buvette permanente accessoire au club sans autorisation préalable, en infraction à l’art. 8 al. 1 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22).

b. Le 3 octobre 2022, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a informé la société qu’il entendait prononcer notamment une sommation de fermeture de la buvette et l’a invitée à faire usage de son droit d’être entendue à ce sujet.

c. Le 7 octobre 2022, la société, en tant que propriétaire de l’établissement et B______, en sa qualité d’exploitant désigné, ont déposé une requête en autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au salon de massage, sur laquelle le PCTN n’est pas entré en matière au motif qu’elle était incomplète.

d. Le 17 octobre 2022, la société s’est déterminée sur le courrier du 3 octobre 2022, contestant exploiter une buvette accessoire. Depuis son ouverture en 2015, l’établissement appliquait un tarif d’entrée de CHF 50.-, qui permettait de « trier la clientèle », ainsi qu’aux clients d’accéder aux locaux, de profiter des installations, et de passer du temps avec les hôtesses dans une salle de présentation avant de faire leur choix, temps pendant lequel ils se voyaient offrir un verre. Si cette salle comportait des tables, des chaises et un bar, aucune boisson n’était vendue. Cette pratique n’avait jamais fait l’objet de critique des services de police ayant procédé, au cours des sept dernières années, à de nombreux contrôles. La police des mœurs ayant suggéré à B______ de clarifier la situation auprès des autorités, la société avait décidé, bien que n’exploitant pas de buvette permanente, de déposer une demande d’autorisation.

e. Par sommation du 19 octobre 2023, le PCTN a intimé à la société l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation de la buvette accessoire au club, laquelle devait en conséquence rester fermée jusqu’à l’obtention d’une autorisation de l’exploiter. Une amende administrative serait notifiée par décision séparée.

f. Le 20 octobre 2022, la société et B______ ont déposé une nouvelle requête en autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire à l’établissement, sur laquelle le PCTN n’est pas entré en matière au motif qu’elle était incomplète.

g. Le 9 novembre 2022, la société et B______ ont à nouveau déposé une requête en autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au club.

h. Le 14 novembre 2022, le PCTN a demandé au département du territoire (ci‑après : DT) si l’affectation des locaux de l’établissement était validée pour le salon de massage et sa buvette.

i. L’inspection de la construction et des chantiers (ci-après : ICC) a répondu au PCTN que le projet DD 1______, soumis à examen, n’avait pas été autorisé par le département, ni s’agissant des affectations annoncées, ni s’agissant des diverses transformations effectuées. Seule la précédente affectation de « restaurant » avait été autorisée, sans les aménagements et agrandissements récemment réalisés sans droit. Une procédure d’infraction dans ce contexte faisait actuellement l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

j. Le même jour, la société a demandé au PCTN, dans l’hypothèse où il persistait dans son interprétation visant à interdire toute forme de consommation de boissons au sein de l’établissement, de rendre une décision sujette à recours.

k. Le 23 novembre 2022, le PCTN a indiqué qu’une décision concernant l’assujettissement de la buvette du club à la LRDBHD serait prochainement rendue.

l. Le même jour, le PCTN a informé la société et B______ de ce qu’il entendait rejeter la requête du 9 novembre 2022, au motif que l’attestation de conformité requise par les art. 11 let. a et b LRDBHD cum 20 al. 4 let. b du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01) n’était pas produite et ne pouvait l’être en l’état, compte tenu de la situation exposée par l’ICC. Les intéressés étaient invités à exercer leur droit d’être entendus.

m. Le 12 décembre 2022, la société a sollicité préalablement du PCTN l’audition de B______. Elle a conclu principalement à l’octroi d’une autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au club, subsidiairement à ce qu’il soit confirmé que des boissons pouvaient être servies à titre gratuit aux clients du club, très subsidiairement à ce qu’il soit confirmé que des boissons pouvaient être livrées sur commande par les hôtesses du club et encore plus subsidiairement à ce qu’une décision sujette à recours soit rendue en cas de refus des conclusions précédentes.

n. B______ n’a pas fait usage de son droit d’être entendu.

o. Le 23 décembre 2022, la société a demandé qu’il soit donné suite à ses conclusions subsidiaires et très subsidiaires par voie de mesures superprovisionnelles et a mis en demeure le PCTN de statuer sans délai.

p. Par décision du 12 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a rejeté la requête du 10 (recte 9) novembre 2022 visant l’octroi d’une autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au club, dit que le service de boissons, même à titre gratuit, au sein de la buvette précitée, de même que le service de boissons livrées par un autre établissement, étaient soumis à l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter, et refusé par conséquent d’autoriser, par voie de mesures provisionnelles, le service au sein de la buvette de boissons à titre gratuit ou livrées par un autre établissement.

Aucune attestation de conformité valable n’ayant été produite, les conditions de la délivrance d’une autorisation d’exploiter au sens des art. 11 let. a et b LRDBHD cum 20 al. 4 let. b RRDBHD n’étaient pas remplies. Le document intitulé « Certification de conformité pour une buvette permanente » daté du 7 novembre 2022 et signé par D______, architecte, ne faisait référence à aucune autorisation de construire et en particulier pas à une autorisation validant le changement d’affectation des lieux en salon de massage et buvette. L’attestation de conformité ne pouvait en l’état se fonder sur la DD 1______, laquelle était toujours en cours d’instruction.

Il n’était pas démontré que l’entier de la surface du salon de massage et de la buvette était au bénéfice d’une autorisation en tant qu’affectation « restaurant ». En tout état, une autorisation d’exploiter ne pouvait pas être délivrée en l’absence d’une attestation de conformité valable et il était inconcevable d’autoriser une buvette accessoire alors même que l’activité principale à laquelle elle était rattachée, soit un salon de massage, n’était pas autorisée. Le fait que la partie des locaux dans laquelle se trouvait la buvette ne serait, selon la société, pas concernée par le litige devant le TAPI ne remettait pas en cause les éléments précités.

L’établissement disposait d’une salle faisant office de buvette, comprenant un bar, des chaises, des tables et un billard. Il n’était pas question d’une simple boisson offerte en guise d’accueil ou dans le cadre d’une vente, mais bien d’un service de boissons. Lors du contrôle du 26 août 2022, la police avait constaté que des clients étaient attablés avec des travailleuses du sexe et consommaient des boissons alcoolisées. Une animation musicale non autorisée avait été organisée, avec un volume de musique élevé, ce qui avait donné aux agents l’impression qu’il s’agissait davantage d’un dancing que d’un salon de massage. Les activités de salon de massage et de service de boissons étaient liées, ce dernier permettant notamment le rapprochement entre les travailleuses du sexe et les clients. Ainsi, dans l’hypothèse où des boissons étaient servies au sein de l’établissement, même à titre gratuit et sans tarif d’entrée, elles le seraient toujours à titre professionnel, de sorte que cette activité était soumise à autorisation. Pour les mêmes motifs, un service de boissons livrées par un autre établissement, dès lors qu’elles seraient consommées sur place et seraient servies à titre onéreux, ou à tout le moins à titre professionnel si elles étaient servies gratuitement, serait également soumis à autorisation. Dans ces circonstances, le service de boissons à titre gratuit ou livrées par un autre établissement ne pouvait pas être autorisé à titre provisionnel.

B______ n’ayant pas donné suite à l’invitation d’exercer son droit d’être entendu et la société, pour laquelle le précité bénéficiait d’un pouvoir de signature individuelle, s’étant déterminée par écrit, il n’y avait pas lieu de l’auditionner.

C. a. Le 13 février 2023, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à ce qu’elle soit réformée et l’autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au club délivrée, et au renvoi de la cause au PCTN pour nouvelle décision. Sur mesures provisionnelles, l’effet suspensif devait être accordé au recours, à savoir que le service des boissons par l’établissement aux clients devait être autorisé à titre gratuit jusqu’à droit jugé voire, subsidiairement, que les boissons commandées et servies par les hôtesses indépendantes aux clients à titre gratuit soient autorisées jusqu’à droit jugé. Elle sollicitait préalablement l’audition de B______.

L’établissement se situait en périphérie de la ville et comportait une surface d’accueil et de rencontre d’environ 170 m2, avec une surface de buvette d’environ 83 m2 dont un bar d’environ 15 m2. Les lieux étaient appréciés tant des hôtesses qui exerçaient un métier difficile que des clients enclins à parcourir cette distance. L’activité du club conservait son attractivité pour autant qu’un service de boissons puisse s’y exercer sous quelque forme que ce soit. Suite à la cessation du service de boissons prononcée par le PCTN, le chiffre d’affaires du club avait diminué de près de 70%, mettant en péril la continuation de l’exploitation.

La procédure pendante par-devant le TAPI en lien avec l’interdiction d’exploiter le salon de massage prononcée par le DT avait été suspendue et l’effet suspensif au recours restitué. L’obligation de rétablir une situation conforme au droit pour des aménagements effectués plus de 30 ans auparavant disparaîtrait ainsi sous peu, étant relevé que ces aménagements ne concernaient pas la partie des locaux pour laquelle était sollicitée l’autorisation d’exploiter une buvette accessoire.

Le club était exploité depuis plusieurs années avec un service de boissons à titre gratuit, ce que le PCTN n’avait jamais remis en cause malgré une centaine de contrôles réguliers. Ce dernier tolérait que certains établissements genevois offrent des boissons à leur clientèle dans le cadre d’une vente ou simplement en guise d’accueil, à l’instar de certaines boutiques de luxe, de concessionnaires automobiles ou autres commerces. Il était par ailleurs d’usage de servir des boissons gratuites aux clients des salons de massage genevois. Au vu de cette pratique répandue, il était surprenant, sous l’angle de l’égalité de traitement, qu’une autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au club soit refusée.

Il était par ailleurs choquant d’interdire à l’établissement l’exploitation d’une buvette accessoire, dès lors que le local exploitant le club connaissait l’affectation de « restaurant » sur l’entier de sa surface et pouvait vendre et servir des boissons.

Toutes les conditions de la délivrance d’une autorisation d’exploiter une buvette accessoire étaient remplies, l’attestation de conformité du 7 novembre 2022 répondant en tous points aux normes applicables.

b. Le 27 février 2023, le PCTN a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, respectivement d’octroi de mesures provisionnelles.

c. Le 27 mars 2023, la recourante a répliqué sur mesures provisionnelles.

d. Le 14 avril 2023, le PCTN s’est déterminé sur le fond du recours, concluant à son rejet.

Il sollicitait préalablement l’appel en cause du DT, soit pour lui l’ICC, dont la situation juridique serait susceptible d’être affectée par l’issue de la présente procédure. En effet, celui-ci n’avait pas autorisé le changement d’affectation en salon de massage et en buvette et une procédure était en cours au TAPI.

Bien que la recourante alléguait sans le démontrer que le club aurait fait l’objet de nombreux contrôles, le PCTN n’avait reçu que trois rapports suite à des contrôles effectués au sein de l’établissement, dont un en 2019 qui avait été annulé en raison de l’apparence de partialité de l’inspecteur ayant procédé au contrôle, puis les deux rapports des services de police des 14 et 20 septembre 2022 qui avaient notamment donné lieu à la sommation de fermeture de la buvette prononcée le 19 octobre 2022.

Les allégués de la recourante en lien avec la procédure l’opposant au DT n’étaient pas pertinents. À l’heure actuelle, ni la recourante ni B______ n’étaient en mesure de fournir l’attestation de conformité requise pour la délivrance de l’autorisation d’exploiter une buvette, ce qui était le seul élément relevant dans le cadre de la présente procédure. Concernant l’attestation de l’architecte du 7 novembre 2022, il ne s’agissait pas d’un simple problème de forme, comme le soutenait la recourante, mais d’un vrai problème de fond, dès lors qu’aucune autorisation de construire validant le changement d’affectation en salon de massage et buvette n’avait été accordée. Il n’était en outre pas possible de prédire si la condition des art. 11 let. a et b LRDBHD cum 20 al. 4 let. b RRDBHD serait remplie dans le futur, ni quand, de sorte qu’un délai pour le dépôt d’une nouvelle requête en autorisation d’exploiter ne serait pas pertinent.

Contrairement à l’interprétation de la recourante des dispositions légales applicables, l’activité de service de boissons au sein de la buvette, y compris à titre gratuit, était soumise à la LRDBHD. En l’occurrence, cette activité était bien exercée dans un but commercial, dès lors que la recourante alléguait une diminution de son chiffre d’affaires dans le cas où elle ne pouvait plus servir de boissons.

L’activité de la recourante n’était pas comparable à celle d’un magasin offrant une boisson gratuite à ses clients dans le cadre d’une vente ou en guise d’accueil. Il ne faisait aucun doute que les CHF 50.- du tarif d’entrée au club comprenaient notamment une boisson. Le service de boisson, même à titre gratuit et même s’il était effectué par des hôtesses ayant elles-mêmes commandé les boissons, serait toujours effectué à titre professionnel, en ce sens que la salle en question était dédiée uniquement au service de boissons et devait être considérée comme un établissement voué au débit de boissons à consommer sur place au sens de l’art. 1 al. 1 LRDBHD. Tant la surface des lieux que les 50 places dont ils disposaient et la présence d’un billard étaient révélateurs, tout comme les constats opérés par les services de police lors du contrôle du 26 août 2022. La recourante ne démontrait par ailleurs pas qu’il était d’usage de servir des boissons gratuites aux clients dans les salons de massage genevois et, le cas échéant, ignorait si ceux-ci disposaient d’une buvette au bénéfice d’une autorisation d’exploiter. La décision attaquée respectait ainsi l’égalité de traitement.

En tout état, l’ensemble des conditions de délivrance de l’autorisation d’exploiter sollicitée n’étaient pas réalisées, de sorte qu’il avait à bon droit rejeté la requête du 10 (recte 9) novembre 2022.

e. Par décision du 19 avril 2023, la présidence de la chambre administrative a refusé d’octroyer les mesures provisionnelles.

La recourante, qui ne contestait pas ne pas être au bénéfice d’une autorisation d’exploiter une buvette, se prévalait d’une pratique ancienne de sept ans qu’aucune pièce n’établissait. La gratuité des boissons étant contestée par l’autorité intimée, elle devait faire l’objet d’un examen au fond. L’autorisation en lien avec le restaurant était au nom d’une autre société et n’était pas pertinente. Alors que seule se posait la question des mesures provisionnelles, et non de la restitution d’un effet suspensif, les mesures sollicitées ne devaient pas anticiper le jugement définitif. En l’occurrence, l’espace de 83 m², comprenant des chaises et des tables ainsi qu’un bar, à rigueur du plan déposé, pouvait être appréhendé prima facie comme un débit de boissons, de sorte qu’octroyer des mesures provisionnelles revenait à autoriser son exploitation et à anticiper l’issue du litige.

f. Le 31 juillet 2023, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Compte tenu de l’actuelle affectation de « restaurant » de l’établissement, il n’y avait pas matière à l’intervention du DT, lequel n’avait aucun intérêt digne de protection à son appel en cause.

Le PCTN contestait qu’une centaine de contrôles avait eu lieu au sein de l’établissement au cours des sept dernières années, se limitant à mentionner les trois rapports qu’il avait reçus. Or, un contrôle n’entraînant pas systématiquement l’établissement d’un rapport, ce nombre ne reflétait pas la fréquence ni le nombre de contrôles qui avaient été effectués au sein du club par différents agents et services. Le fait que les nombreux contrôles n’avaient donné lieu qu’à trois rapports, dont l’un avait été annulé, démontrait l’irréprochabilité des activités du club. L’intimé, qui n’avait pas pu ignorer l’existence d’un service de boissons à titre gratuit, n’avait auparavant jamais émis de réserve à ce sujet. Il était ainsi contraire au principe de la bonne foi de ne pas autoriser l’exploitation d’une buvette permanente accessoire dans un établissement bénéficiant à ce jour d’une affectation « restaurant ».

Dans la mesure où la loi ne définissait pas ce qu’était une activité exercée « contre rémunération » ou « à titre professionnel », il y avait lieu de l’interpréter. En l’occurrence, le club ne se vouait pas à la commercialisation de boissons, il s’agissait seulement d’offrir un ou deux verres aux clients afin de favoriser l’échange. Les consommations offertes n’étaient pas comprises dans le prix d’entrée. Il n’apparaissait pas que l’établissement tenait à la disposition des clients un accès au bar moyennant paiement. Dans leurs rapports, les inspecteurs n’avaient pas fait mention, à juste titre, de carte des boissons ni de prix affichés pour les consommations.

Il était notoire que les établissements genevois et salons de massage servaient des boissons gratuites à leurs clients. B______, dont l’audition était toujours sollicitée, avait eu un entretien téléphonique avec l’association ASPASIE, qui lui avait confirmé cet usage. L’activité du club était en outre comparable à celle de certains commerces qui offraient des boissons gratuites sans contreprestation évidente. Même à considérer que les boissons seraient incluses dans le prix d’entrée, leur part serait marginale. Le PCTN devait considérer que servir jusqu’à trois verres avec prix d’entrée, subsidiairement sans prix d’entrée, vu la pratique genevoise, ne relevait pas d’un service commercial ou à titre professionnel.

Enfin, le PCTN ne pouvait pas supposer que l’absence de prévisibilité quant à l’issue de la procédure avec le DT ne rendait pas pertinent l’octroi d’un délai pour le dépôt d’une nouvelle requête, que la recourante pouvait au demeurant déposer en tout temps.

g. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le PCTN sollicite l’appel en cause du DT, soit pour lui l’ICC.

2.1 L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable. L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 LPA).

2.2 En l’espèce, la situation du DT n’est pas susceptible, en tant que telle, d’être influencée par l’issue du présent litige, vu ce qui suit et étant relevé qu’il est partie à la procédure l’opposant à la recourante par-devant le TAPI. Il ne sera dès lors pas donné suite à la demande d’appel en cause.

3.             La recourante sollicite préalablement l’audition de B______.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, B______, exploitant désigné de l’établissement, dispose du pouvoir de signature individuelle pour représenter la recourante. S’il n’a pas fait usage de son droit d’être entendu avant que ne soit rendue la décision attaquée, la recourante a eu l’occasion de faire valoir son point de vue à plusieurs reprises, tant auprès du PCTN que dans le cadre de la présente procédure. La chambre de céans dispose par ailleurs d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite à la mesure d’instruction sollicitée.

4.             Le présent litige porte sur le refus de l’autorité intimée de délivrer à la recourante une autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire à l’établissement concerné.

5.             La recourante estime que les conditions de délivrance d’une autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire au salon de massage seraient réalisées.

5.1 La LRDBHD a pour but de régler les conditions d’exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD). Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l’ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2 LRDBHD). Elle a également pour but d'offrir aux propriétaires et exploitants d'établissements des conditions commerciales loyales, une sensibilisation aux produits du terroir genevois et à leurs modes d'approvisionnement et d'assurer une protection optimale des consommateurs et des travailleurs, notamment par la formation des exploitants (art. 1 al. 3 LRDBHD). Enfin, les dispositions en matière de construction, de sécurité, de protection de l’environnement, de tranquillité publique, d’utilisation du domaine public, de protection du public contre les niveaux sonores élevés et les rayons laser, de prostitution, de protection contre la fumée et l’alcool, d’âge d’admission pour des spectacles ou divertissements (protection des mineurs), de denrées alimentaires et d’objets usuels, d’hygiène, de santé, ainsi que de sécurité et/ou de conditions de travail prévues par d’autres lois ou règlements sont réservées. Leur application ressortit aux autorités compétentes (art. 1 al. 4 LRDBHD).

5.2 Aux termes de l’art. 3 let. a LRDBHD, constitue une entreprise toute forme d'exploitation d'une activité vouée à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public, exercée contre rémunération ou à titre professionnel.

L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter (art. 8 al. 1 LRDBHD). Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al. 2 LRDBHD).

L’art. 2 al. 1 RRDBHD précise que toute forme d’exploitation d’une entreprise vouée à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public, exercée contre rémunération ou à titre professionnel, est soumise à autorisation ainsi qu’aux droits et obligations prévus par la loi et le présent règlement, sous réserve d’avoir fait l’objet de la décision visée à l’art. 2 al. 3 de la loi.

 

5.3 Selon l’art. 11 LRDBHD, l’autorisation d’exploiter est délivrée à condition, notamment, que les locaux de l’entreprise ne soient pas susceptibles de troubler l’ordre public, la sécurité, l'environnement et la tranquillité publique, du fait notamment de leur construction, de leur aménagement et de leur implantation manifestement inappropriés, à teneur des préavis des autorités compétentes dans les domaines visés à l'art. 1 al. 4 (let. a) et qu’ils soient conformes à la vocation de la catégorie à laquelle l’entreprise appartient et contiennent uniquement l'équipement autorisé, tel que défini par le règlement d'exécution (let. b).

L’art. 20 al. 4 let. b RRDBHD précise que, dans le cadre de l’instruction d’une requête, doivent être joints, selon les cas, lorsque l’examen des conditions relatives à l’entreprise est nécessaire, un certain nombre de documents, dont une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié ou permis d'occuper au sens de l’art. 7 al. 1 à 3, respectivement 4, de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

5.4 À teneur de l’art. 31 RRDBHD, le service s’assure que les conditions d’octroi de l’autorisation sollicitée sont remplies, au vu des pièces produites par le requérant et des informations figurant sur le formulaire (al. 1). Il rend une décision de rejet de la requête si les conditions prévues par la loi ne sont pas réalisées ou si des intérêts publics prépondérants l’exigent (al. 13).

5.5 En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante exploite un établissement déployant une activité de salon de massage, dans des locaux comprenant notamment une surface d’accueil et de rencontre d’environ 170 m2, avec un espace dédié au service de boissons d’environ 83 m2, dont un bar d’environ 15 m2, des tables et une cinquantaine de chaises, ainsi qu’un billard. Selon les explications fournies par la recourante, cet espace permet aux clients de consommer une ou plusieurs boissons, alcoolisées ou non, éventuellement de jouer au billard, tout en échangeant avec les travailleuses du sexe présentes avant, le cas échéant, de porter leur choix sur l’une d’elles et de s’isoler pour une prestation en lien avec le salon de massage. Il appert ainsi que les activités de salon de massage et de service de boissons sont étroitement liées.

Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le PCTN considère que la buvette est accessoire au club et doit être qualifiée d’entreprise vouée au débit de boissons à consommer sur place, soumise à la LRDBHD et au RRDBHD, dont l’exploitation requiert une autorisation. Contrairement à ce qu’allègue la recourante, le texte des art. 3 let. a LRDBH et 2 al. 1 RRDBHD est clair et ne nécessite pas d’interprétation. En effet, que le service de boissons aux clients du club soit effectué avec ou sans l’application d’un tarif d’entrée de CHF 50.-, à titre gratuit ou non, il l’est en l’occurrence à tout le moins à titre professionnel au sens des dispositions précitées.

Le refus de l’autorité intimée de délivrer à la recourante l’autorisation d’exploiter une buvette accessoire au salon de massage est motivé, à juste titre, par le fait que celle-ci n’est, en l’état, pas en mesure de produire à l’appui de sa requête une attestation de conformité à la vocation de la catégorie à laquelle l’entreprise appartient, établie par un mandataire professionnellement qualifié, au sens des art. 11 let. a et b LRDBHD cum 20 al. 4 let. b RRDBHD. En effet, au vu du litige opposant la recourante au DT dans le cadre de la DD 1______, la question de l’autorisation d’un changement d’affectation des locaux de « restaurant » en « salon de massage » ou « buvette » n’est, en l’état, pas tranchée, l’activité du club étant actuellement autorisée à titre provisoire, suite à la restitution de l’effet suspensif par le TAPI et la suspension de la procédure dans l’attente que le DT et la recourante parviennent à un accord. Dès lors, l’attestation d’architecte du 7 novembre 2022 ne peut tout simplement pas valablement indiquer que l’affectation des locaux est conforme à la vocation d’un salon de massage, le cas échant d’une buvette, le changement d’affectation n’ayant pas encore été autorisé.

Ainsi, le PCTN était fondé à retenir qu’à défaut d’une attestation de conformité valable, la requête du 9 novembre 2022 ne réalisait pas les conditions de la délivrance de l’autorisation d’exploiter une buvette et devait, par conséquent, être rejetée.

6.             Selon la recourante, la décision attaquée contreviendrait aux principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

6.1 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 142 I 195 consid. 6.1).

6.2 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49
consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4).

6.3 En l’espèce, la recourante reproche à l’autorité intimée de lui refuser l’autorisation d’exploiter une buvette accessoire au club alors que celle-ci n’ignorait pas qu’elle offrait un service de boissons à ses clients depuis plusieurs années et n’avait jamais émis de réserve à ce sujet, que cette pratique serait d’usage dans les salons de massage genevois et que plusieurs boutiques de luxe, commerces, concessionnaires automobiles et autres magasins offraient également des boissons gratuites à leur clientèle.

Le point de vue de la recourante ne saurait toutefois être suivi. Si le PCTN ne lui avait pas interdit auparavant l’exploitation d’une buvette permanente accessoire au salon de massage, il ne l’avait pas non plus autorisée. De plus, il n’est pas contesté que, même à considérer que plusieurs contrôles auraient été effectués au cours des sept dernières années, seul le contrôle de police du 26 août 2022 a donné lieu à l’établissement de deux rapports transmis au PCTN. La recourante ne peut ainsi pas affirmer avoir été autorisée durant plusieurs années à se trouver en infraction à la LRDBHD. Par ailleurs, elle ne démontre pas que l’autorité intimée s’écarterait d’une pratique bien établie en conditionnant l’exploitation de sa buvette à l’obtention d’une autorisation. En effet, aucun élément au dossier ne permet de retenir que les établissements mentionnés ne seraient pas eux-mêmes au bénéfice d’une telle autorisation. Dans l’hypothèse où tel ne serait pas le cas, le fait que certaines enseignes se trouveraient en infraction ne permet pas à la recourante d’en déduire un droit à l’être également. Il y a enfin lieu de relever, en tout état, que dans les boutiques et commerces cités à titre d’exemples, qu’il s’agisse d’un concessionnaire automobile, d’un magasin de meubles, d’une boutique de luxe ou d’une galerie d’art, le service d’une coupe de champagne ou d’une boisson non alcoolisée dans un espace restreint pouvant éventuellement disposer de quelques tables ou chaises est sans commune mesure avec celui proposé par la recourante accessoirement au salon de massage, dans un espace de plus de 80 m2 spécialement dédié à cette activité, comprenant une cinquantaine de places et des installations spécifiques telles qu’un bar de 15 m2 ou un billard.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 février 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel CABAJ, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN et Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. HUGI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :