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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1830/2021

ATA/656/2021 du 23.06.2021 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : SMARTEX SÀRL / DUCREST SÀRL, TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1830/2021-MARPU ATA/656/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 juin 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

SMARTEX SÀRL
représentée par Me Alexia Maulini, avocate

contre

DUCREST SÀRL

et

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS

représentés par Me Steve Alder, avocat



Attendu, en fait, que :

1) Le 5 mars 2021, les Transports publics genevois (ci-après : TPG), soit pour eux leur service achats, ont publié sur le site Internet simap un appel d'offres pour un marché de travaux de construction en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux. Le titre du marché était « CFC 281.7 Revêtements de sol en bois Rénovation des bâtiments de l'Horloge et du Courrier ».

Le délai de clôture pour le dépôt des offres était fixé au 14 avril 2021 à 12h00. Au sujet des critères d'adjudication, il était renvoyé aux documents d'appel d'offres, qui prévoyaient les critères suivants : qualité économique globale de l'offre (30 %), organisation du candidat mis en place pour l'exécution du marché (40 %), références nécessaires pour la réalisation du marché (20 %) et prescriptions/exigences et critères d'aptitude relatifs au développement durable (10 %).

2) Smartex Sàrl (ci-après : Smartex), société à responsabilité limitée, est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 6 avril 2010 et a pour but statutaire la pose, la réparation, l'entretien de parquet et le carrelage, tous travaux de peinture, de rénovation, de décoration et de nettoyage.

3) Le 13 avril 2021, Smartex a déposé une offre.

4) Par décision du 12 mai 2021, les TPG ont adjugé le marché à Ducrest Sàrl
(ci-après : Ducrest), société à responsabilité limitée, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 31 mai 2013 et ayant pour but statutaire la pose et l'entretien de parquet et de tout type de sol, l'entretien, le nettoyage et la rénovation, ainsi que l'acquisition des biens immobiliers, pour un montant de CHF 193'635.74 hors-taxes (ci-après : HT).

Smartex avait été classée au cinquième rang sur huit offres évaluées.

Selon la grille d'évaluation, Ducrest avait obtenu 68.16 points, le concurrent arrivé en deuxième position 65.37 points, celui arrivé en troisième position 63.11 points, celui arrivé en quatrième position 59.26 points et Smartex 57.70 points.

Ducrest avait obtenu 22.86 points au critère n° 1, 21 points au critère n° 2,
20 points au critère n° 3 et 4.30 points au critère n° 4. Smartex avait obtenu 30 points au critère n° 1, 15.40 points au critère n° 2, 8 points au critère n° 3 et 4.30 points au critère n° 4.

5) Par acte déposé au guichet le 27 mai 2021, Smartex a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, et à ce que le marché public lui soit attribué. Préalablement, l'effet suspensif devait être accordé au recours et il devait être ordonné aux TPG de verser à la procédure l'ensemble du dossier d'adjudication.

Son offre avait été écartée alors qu'elle était la plus basse en termes de prix, et qu'elle était par ailleurs complète et répondait à l'intégralité des autres critères d'adjudication. Elle présentait notamment toutes les qualités organisationnelles fondées sur son expérience de plus de dix ans et dont ses sérieuses références faisaient état. Le chef de projet n'était autre que l'associé gérant président de la société, qui bénéficiait d'une expérience de plus de dix ans. Elle avait expliqué son organisation interne, produits des références pour lesquelles elle avait obtenu une note particulièrement sévère et injustifiée. Un total de 20 points devait lui être attribué pour le critère n° 3 concernant les références, ce qui portait le total de ses points à 69.70 et la plaçait en première position. Les TPG avaient violé le principe d'utilisation parcimonieuse des deniers publics ainsi que les principes de la transparence, de non-discrimination, d'égalité de traitement et son droit d'être entendue.

Si le recours était admis et l'adjudication annulée, elle avait de grandes chances de se voir attribuer le marché dès lors qu'elle avait présenté l'offre économiquement la plus avantageuse et devait être placée en première position.

6) Le 27 mai 2021, la chambre administrative a fait défense aux TPG et à Ducrest de conclure le contrat jusqu'à droit jugé sur l'octroi de l'effet suspensif.

7) Le 7 juin 2021, les TPG ont conclu au rejet de la requête d'effet suspensif. Sur le fond le recours devait être déclaré irrecevable, subsidiairement rejeté.

Le critère n° 2 était subdivisé en neuf sous critères, le critère n° 3 analysé à l'aune des trois références fournies par les soumissionnaires et sur la base des critères et exigences ressortant de l'annexe Q8, et le critère n° 4 était subdivisé en quatre sous critères.

S'agissant du critère n° 2, la recourante n'avait pas remis d'organigramme et n'avait pas indiqué la ou les personnes pouvant engager la société par leur signature, elle avait oublié de fournir un planning intentionnel des travaux, omis de joindre le curriculum vitae du technicien en charge du chantier, n'avait pas fait parvenir la preuve des diplômes de celui-ci et n'avait pas démontré qu'il disposait de l'expérience nécessaire en lien avec l'exécution du marché, ne mentionnant
qu'elle-même comme référence, n'avait pas remis l'annexe R9, n'avait mentionné comme difficulté principale du chantier que la coordination avec les autres entreprises et n'avait guère proposé de méthode permettant d'améliorer l'exécution des travaux. Ces manquements et carences expliquaient les raisons pour lesquelles elle avait obtenu 15.40 points sur 40.

S'agissant du critère n° 3, la recourante n'avait pas pris la peine d'expliquer, même brièvement, le détail des travaux exécutés dans le cadre des références proposées, elle avait omis de démontrer l'adéquation de ceux-ci avec le projet et n'avait remis aucune photographie illustrant les travaux réalisés. Les travaux du bâtiment de l'hôtel de ville n'avaient pas encore débuté lorsqu'elle avait déposé son offre, rendant la référence inadéquate. La pertinence des travaux du bâtiment de la nouvelle comédie n'était pas évidente s'agissant d'un bâtiment neuf et le marché portant sur la réfection de parquets et de sols en bois ancien d'un bâtiment inscrit à l'inventaire des immeubles dignes de protection. Pour la troisième référence, elle avait omis de chiffrer le montant des travaux accomplis. Pour toutes ces raisons, elle avait obtenu 8 points sur 20.

La recourant était arrivé en 5ème position, ce qui faisait douter de ses chances d'emporter le marché et partant de sa qualité pour recourir.

Les griefs soulevés au fond étaient infondés et la recourante ne démontrait pas que les évaluations étaient insoutenables. Il s'en suivait que l'octroi de l'effet suspensif devait être refusé, étant observé que les TPG possédaient un intérêt public à conclure le contrat afin que le marché puisse être rapidement exécuté afin que d'autres travaux de rénovation des bâtiments puissent ensuite débuter.

Les offres complètes de l'adjudicataire et de la recourante, ainsi que la description du projet, l'arrêté ordonnant le classement d'un bâtiment, un rapport synthétique d'évaluation et le procès-verbal d'ouverture des offres, étaient annexés. Les exemplaires pour les autres parties ne contenaient pas les offres contenant les secrets d'affaires des autres parties à la procédure et étaient expurgés des références concernant les autres soumissionnaires ayant pris part au marché litigieux.

8) Le 7 juin 2021, Ducrest a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif. Le bien-fondé du recours semblait exclu.

9) Le 21 juin 2021, Smartex a répliqué sur effet suspensif, persistant dans ses conclusions.

Les travaux cités en référence devaient si possibles être achevés ou proches de leur fin. Ceux de l'Hôtel de Ville avaient pris du retard en raison de la situation sanitaire et étaient achevés pour moitié. La nouvelle comédie était un projet considérable comprenant des gradins, du parquet massif et des détails particulièrement techniques rendant la construction autrement plus complexe que le marché en cause. Le montant des travaux de la troisième référence ne figurait pas dans l'offre remise pour des raisons informatiques et il aurait suffi qu'elle soit interpellée s'agissant d'obtenir une précision et non de compléter l'offre. Elle ignorait par ailleurs si les références produites par l'attributaire étaient exemplaires et adéquates, concrètes et facilement vérifiables, faute pour l'offre de celle-ci de lui avoir été communiquée. Il semblait toutefois que Ducrest avait produit trois références pour la restauration de parquets anciens, ce qui ne présentait aucune complexité particulière s'agissant de la « restauration et du démontage partiel du parquet, la fourniture de parquet neuf et repose de l'ancien ainsi que le ponçage et vernis », soit des chantiers simples ne comportant aucune difficulté, et n'établissant pas qu'elle était à même de réaliser un plan imposé nécessitant certaines compétences techniques, de sorte que la note maximale lui avait été attribuée de manière injustifiée

10) Le 22 juin 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est prima facie recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

La question de la recevabilité du recours compte tenu du classement de la recourante en cinquième position pourra à ce stade demeurer indécise, au vu de ce qui suit.

2) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

L'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l'effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1170/2020 du 19 novembre 2020 consid. 3 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

L'octroi de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics (arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 5.2), et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1170/2020 précité consid. 3).

3) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord GATT/OMC ainsi que de l'accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1
al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3
let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1
al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 let. a et b AIMP).

b. Aux termes de l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

En vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation des offres dans les procédures visées aux art. 12 à 14 RMP est faite selon les critères prédéfinis conformément à
l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service
après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

c. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 141 II 353 consid. 3), Si elle substitue son pouvoir d'appréciation à celui de l'adjudicateur, l'autorité judiciaire juge en opportunité, ce qui est interdit tant par l'art. 16 al. 2 AIMP (ATF 141 II 14 consid. 2.3 in fine) que par l'art. 61 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (ATF 143 II 120 consid. 7.2).

4) Statuant sur effet suspensif, l'autorité judiciaire peut procéder à un examen sommaire du droit et se contenter d'une analyse juridique globale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2018 précité consid. 4.4.1).

5) En l'espèce, le grief principal articulé par la recourante a trait à la notation des critères nos 2, 3 et 4.

Les explications apportées par les TPG au stade de la discussion sur l'octroi de l'effet suspensif apparaissent prima facie convaincantes. La recourante ne conteste pas ne pas avoir fourni certains documents, annexes ou informations exigés. En particulier, elle ne conteste pas qu'elle n'a pas fourni le curriculum vitae et les diplômes du technicien, ni prouvé ses compétences, notamment par des références autres qu'elle-même, mais semble soutenir que la mention de sa position dans la société et de ses responsabilités dans l'organisation suffiraient. Elle discute la pertinence de la référence de la nouvelle comédie et le calendrier des travaux de l'hôtel de ville, alors que les travaux objet du marché portent sur la restauration de parquets anciens. Elle qualifie de précision la mention du prix des travaux de sa troisième référence, sans qu'il soit certain à ce stade que cette qualification puisse être retenue s'agissant d'un élément important faisant défaut. Elle ne remet pas en question que les trois références produites par l'adjudicataire portaient quant à elles sur des travaux de restauration de parquets anciens, ce dont l'offre de Ducrest, par ailleurs illustrée de photographies, atteste.

Ainsi, prima facie, la recourante ne rend pas vraisemblable que la note 20 devrait lui être attribuée pour le critère n° 3, et que la notation de l'adjudicataire était excessivement élevée.

Les chances de succès du recours apparaissent donc insuffisantes pour octroyer l'effet suspensif, étant rappelé que l'absence d'un tel effet au recours constitue la règle en matière de marchés publics. Point n'est besoin dès lors d'examiner s'il existe un intérêt public ou privé prépondérant à l'exécution immédiate du marché.

6) Le rejet de la demande lève l'interdiction de conclure le contrat d'exécution de l'offre prononcée par la chambre de céans le 27 mai 2021.

7) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'octroyer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Alexia Maulini, avocate de la recourante, à
Me Steve Alder, avocat des TPG, ainsi qu'à Ducrest Sàrl.

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :