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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4040/2020

ATA/624/2021 du 15.06.2021 ( DIV ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : GARDERIE;ÉPIDÉMIE;VIRUS(MALADIE);LOI COVID-19;AIDE FINANCIÈRE;RECONSIDÉRATION
Normes : LPA.76; LPA.11.al2
Résumé : Le courrier de la crèche en réponse à un courrier de l'intimé ne peut se comprendre que comme une demande de reconsidération et non comme un recours adressé à la chambre administrative. Recours irrecevable et dossier retourné à l'intimé pour qu'il traite le courrier de la crèche comme une demande de reconsidération.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4040/2020-DIV ATA/624/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 juin 2021

 

dans la cause

 

A______ SÀRL

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - DIRECTION DU PÔLE DE COORDINATION DES PRESTATIONS DÉLÉGUÉES ET DE LA SURVEILLANCE



EN FAIT

1) A______ Sàrl (ci-après : la crèche) est inscrite depuis le ______ 2018 au registre du commerce du canton de Vaud et a son siège à B______, chemin du C______ ______ auprès de Mme D______, gérante. Elle a pour but social, depuis le 26 juin 2019, la gestion et l’exploitation d’une crèche privée, d’école primaire, d’école de sport, de fitness, de petits commerces et pop-up stores (magasins éphémères), l’organisation de tout type d’événement (anniversaires, conférences, etc.) ainsi que la prestation de tous conseils et services dans ces domaines. Elle a pour directrice Mme E______.

2) Mme E______ est au bénéfice, depuis le 25 novembre 2019, d’une autorisation de diriger la crèche, sise avenue F______ ______ au
G______, délivrée par le service d’autorisation et de surveillance de l’accueil de jour (ci-après : SASAJ) du département de l’instruction publique de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP). La crèche est autorisée à accueillir au maximum cinquante enfants, du lundi au vendredi de 07h00 à 19h00. Elle doit assurer un taux d’encadrement de 12.25 postes.

3) Le 15 juillet 2020, sous la signature de Mme E______, la crèche a formé une « demande d’aide financière pour les institutions d’accueil extra familial pour enfants », fondée sur l’ordonnance sur l’atténuation des conséquences économiques des mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) sur l’accueil extra familial institutionnel pour enfants adoptée le
20 mai 2020 par le Conseil fédéral (Ordonnance COVID-19 accueil extra-familial pour enfants - RS 862.1), qu’elle a adressée au DIP.

La crèche avait été ouverte avec une offre réduite de dix places du 17 mars au 15 mai 2020. Des parents avaient reçu des factures durant cette période et les montants reçus avaient été partiellement remboursés, après établissement de rabais sur factures à hauteur de CHF 65'000.-. Un tableau des rabais par famille sur les factures de mai et juin 2020 était annexé. Les pertes de recettes totalisaient CHF 84'624.- pour avril 2020 et CHF 92'988.- pour mai 2020. Aucun contrat d’accueil n’avait été suspendu.

Des recettes par CHF 177'612.- au total avaient été perdues durant la période du 17 mars au 17 juin 2020 à cause de la situation (point 3.3, « Données sur les contributions parentales »).

L’institution ne recevait pas de subventions du canton ni des communes. Les parents ne percevaient pas de subventions des pouvoirs publics. Une demande d’indemnité pour réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) avait été déposée, et CHF 101'248.80 avaient été perçus pour la période du 17 mars au 17 juin 2020. Aucune demande d’allocation pour perte de gain n’avait été déposée. Étaient annexés l’autorisation d’exploiter, les tarifs de l’institution, les preuves de la fermeture partielle et du remboursement des recettes parentales, ainsi que les décisions des indemnités pour réduction de l’horaire de travail.

4) La demande d’aide financière a été acheminée au DIP par courriel du 16 juillet 2020.

Devant maintenir un service d’accueil minimum et ne sachant pas combien d’enfants seraient réellement présents, la crèche avait été dans l’obligation de maintenir un roulement de collaborateurs constant, et s’était trouvée en sureffectif quotidien. Plusieurs familles avaient par ailleurs refusé de continuer à régler leurs cotisations faute de fréquentation, et n’étaient plus revenues dans les locaux depuis la crise. Ces échanges avaient eu lieu, par téléphone. La crèche avait voulu récompenser les familles qui étaient restées fidèles en leur octroyant un geste commercial, dans l’attente d’un soutien financier de l’État.

5) Le 23 juillet 2020, le DIP a réclamé à Mme E______ des éléments complémentaires.

Afin de vérifier l’exactitude des gestes commerciaux ou remboursements, il demandait une preuve de la refacturation partielle, comme un courrier aux parents, un journal de facturation, une facture émise, etc. Celle-ci devait être transmise avant le 31 juillet 2020. Passé ce délai, la demande pourrait être rejetée.

6) Le 27 juillet 2020, Mme E______ a transmis au DIP les factures relatives à chaque famille, envoyées le 20 avril 2020, ainsi que les lettres d’accompagnement expliquant aux parents les modalités de réouverture de la crèche. Les familles avaient été préalablement informées par téléphone de la situation et du calcul relatif à leurs rabais sur la facture de mai et/ou de juin 2020.

7) Le 7 septembre 2020, le DIP a réclamé à Mme E______ les journaux de facturation, extraits comptables, preuves de versements, contrats avec les parents et tout autre élément pertinent permettant de confirmer les données sur les contributions parentales pour les mois de mars (dès le 17), avril, mai et juin (jusqu’au 17 inclus) 2020 et prouvant le nombre d’enfants inscrits dans la crèche ; les journaux de facturation, extraits comptables, preuves de versements et tout autre élément pertinent permettant de vérifier le nombre d’enfants effectivement accueillis durant les mois de mars (dès le 17), avril, mai et juin (jusqu’au
17 inclus) 2020 ; les décisions cantonales pour le versement des RHT et les preuves du paiement de celle-ci.

Un délai était imparti au 21 septembre 2020, au-delà duquel aucune indemnité ne pourrait être versée.

8) Le 14 septembre 2020, la Conseillère d’État en charge du DIP a indiqué à Mme E______ que sa demande avait été préavisée favorablement et que le soutien financier en faveur de la crèche avait été estimé à CHF 76'363.-, montant qui tenait compte des RHT versées, par CHF 101'249.-. L’indemnité serait octroyée à la condition que les pièces justificatives réclamées le 7 septembre 2020 soient produites dans le délai au 21 septembre 2020.

9) Le 16 septembre 2020, Mme E______ a transmis au DIP les inscriptions des familles concernées par la période de fermeture partielle due à la pandémie.

Il ne lui était pas possible de faire parvenir un extrait comptable « correspondant exactement aux montants années » car les parents payaient les cotisations en avance lors de leur inscription. Les rentrées apparaissaient pour le mois en cours et non réellement pour le mois concerné. Les RHT avaient couvert une partie des salaires, compte tenu que les équipes avaient travaillé à 50 % mais avaient été payées à hauteur de 90 %, deux équipes devant être constituées pour assurer une ouverture continue notamment pour les familles de médecin, policiers.

10) Le 24 septembre 2020, le DIP a indiqué à Mme E______ que la direction des finances avait étudié les pièces remises et constaté un manque de clarté dans certaines des données fournies. Les contributions parentales selon les contrats, les recettes parentales pour l’accueil effectif et la perte sur recettes parentales n’avaient pu être réconciliées avec des pièces comptables externes justifiant les montants indiqués dans les formulaires. Les factures fournies ne concernaient que le mois d’avril 2020 et ne permettaient pas de vérifier les chiffres pour les mois de mars, mai et juin 2020. La facture de la famille n° 20 était manquante et la facture de la famille n° 49 était erronée.

Un document récapitulatif permettant de faire le lien avec les montants indiqués sur le formulaire et mentionnant les pièces comptables qui justifiaient les montants indiqués devaient être remis d’ici au 1er octobre 2020. Un exemple était annexé.

11) Le 5 octobre 2020, Mme E______ a transmis un tableau récapitulatif du geste commercial octroyé pour les familles durant la période, et indiquant la déduction des repas non consommés du 17 mars au 17 juin 2020 selon la présence des enfants, ainsi que l’enveloppe répartie sur cinquante-neuf familles inscrites.

12) Le 12 octobre 2020, le DIP a indiqué à Mme E______ qu’il devait pouvoir comprendre comment elle avait articulé les chiffres du point 3.3 du formulaire de demande. Sans documents justificatifs ou pièces comptables, une suite favorable ne pourrait être donnée. Un retour était attendu jusqu’au
14 octobre 2020 à 20h00.

13) Le 16 octobre 2020, Mme E______ a demandé au DIP de lui accorder un dernier délai au 27 octobre 2020, étant en vacances jusqu’au
23 octobre 2020, car il lui fallait se replonger intégralement dans le dossier et être au bureau pour avoir accès à tous les documents.

14) Le 20 octobre 2020, la Conseillère d’État en charge du DIP a rejeté la demande d’indemnisation de la crèche.

Les documents fournis en appui du formulaire, dans les délais supplémentaires accordés, ne permettaient pas de déterminer quelles étaient les pertes exactes dues au non-versement, par les parents, des frais des prestations d’accueil préscolaire.

La décision indiquait une voie de recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) et un délai de recours de trente jours. L’acte de recours devait être adressé par écrit et contenir sous peine d’irrecevabilité la désignation de la décision attaquée, les conclusions, l’exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve, et devait être accompagné des pièces dont le recourant disposait.

15) Le 1er novembre 2020, Mme E______ a adressé au DIP un tableau récapitulatif « démontrant les sommes inscrites au point 3.3, concernant les cotisations perçues par les familles durant la période du 17 mars au 17 juin 2020 ».

Le DIP était invité à lui confirmer si un recours par lettre recommandée était également nécessaire.

16) Le 3 novembre 2020, le DIP a indiqué à Mme E______ qu’il n’était plus en mesure d’entrer en matière quant à sa demande. Elle était invitée à déposer un recours par courrier recommandé, conformément aux voies de droit indiquées sur la décision.

17) Par courrier recommandé du 3 novembre 2020, la crèche a fait part au DIP « de ce recours » concernant sa décision de refus d’indemnisation des pertes financières.

Suite à plusieurs requêtes, elle avait dû fournir des preuves financières quant à sa comptabilité. Elle comprenait ces requêtes et y adhérait. Un complément demandé durant les vacances de Mme E______ l’avait conduite à « louper » les délais impartis pour envoyer les documents manquants.

Elle joignait donc un tableau montrant clairement les recettes reçues des familles durant la période du 17 mars au 17 juin 2020, tenant compte des réductions repas, ainsi que la perte sèche relative aux contrats non signés, en raison de la situation sanitaire du moment.

Elle espérait que cette pièce manquante permettrait au DIP de mieux comprendre les chiffres inscrits au point 3.3 de sa demande d’aide financière.

Elle priait le DIP de bien vouloir reconsidérer sa décision au vu des éléments joints.

18) Le 30 novembre 2020, le DIP a transmis à la chambre administrative le courrier de la crèche du 3 novembre 2020, pour donner la suite qu’il convenait à son recours.

19) Le 11 janvier 2021, le DIP a conclu au rejet du recours.

Les demandes d’information et de documentations complémentaires formées les 23 juillet, 7 septembre, 14 septembre, 24 septembre et
12 octobre 2020 n’avaient pas permis de déterminer l’exactitude des montants et de justifier les montants réclamés par la crèche, ce qui avait conduit au rejet de la demande.

20) La crèche ne s’est pas déterminée dans le délai qui lui a été imparti pour le faire.

21) Le 4 juin 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre administrative examine d'office la recevabilité d'un recours ou d'une demande portée devant elle (art. 76 et 11 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ; ATA/986/2018 du
25 septembre 2018 consid. 1 et les références citées).

2) Invitée à former un recours selon les indications assortissant la décision du 20 octobre 2020, la crèche s’est adressée le 3 novembre 2020 au DIP alors que l’autorité de recours indiquée était la chambre administrative.

Elle a certes mentionné un « recours » mais elle a conclu son courrier en priant explicitement le DIP de reconsidérer sa décision.

En substance, elle n’a pas critiqué la motivation de la décision. Elle a même souscrit aux requêtes de pièces et d’informations, mais a justifié l’envoi tardif de pièces par le fait qu’elle n’avait pu avoir accès à son bureau durant ses vacances.

Matériellement, le courrier de la crèche du 3 novembre 2020 ne peut dans ces circonstances se comprendre que comme une demande de reconsidération adressée au DIP, et non comme un recours adressé à la chambre de céans.

Il s’ensuit que la chambre administrative n’est pas compétente pour en connaître, à peine d’instruire des faits ou des pièces nouveaux à la place du DIP.

La demande de reconsidération formée le 3 novembre 2020 sera déclarée irrecevable, et la cause retournée au DIP afin qu’il y donne suite.

3) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable l’acte formé le 3 novembre 2020 par A______ Sàrl contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 20 octobre 2020 ;

retourne la procédure au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse afin qu’il traite l’acte du 3 novembre 2020 comme une demande de reconsidération ;

dit qu’il ne pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ Sàrl ainsi qu'à l’office de l’enfance et de la jeunesse - direction du pôle de coordination des prestations déléguées et de la surveillance.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber, Tombesi, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :