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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1262/2020

ATA/1090/2020 du 03.11.2020 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE;DROIT DU TRAVAIL;CONTRAT DE TRAVAIL;DROIT PRIVÉ;DROIT PUBLIC;DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE
Normes : LPA.1.al2; LPA.6.al1.letc; LPA.11.al2; LOJ.132; LGEPA.3.al1; LGEPA.17; LOIDP.1; LOIDP.3.letj; LOIDP.4.al1.letb; LOIDP.5; LOIDP.29
Résumé : Le contrat de travail du recourant, engagé en tant qu'aide-soignant non qualifié, puis qualifié, par une maison de retraite, est un contrat de droit privé. La loi, applicable à la maison de retraite concernée, le prévoit clairement. En outre et par rapport au contrat de travail signé et à son avenant, il n'existe aucun élément qui ferait apparaître que son caractère de droit privé ne correspondait pas à la volonté des parties ou à la réalité du contenu de la relation (application du droit privé en tant que droit supplétif, pas de période probatoire ou de nomination, délais de résiliation et sanctions disciplinaires différentes par rapport au droit de la fonction publique). Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1262/2020-FPUBL ATA/1090/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 novembre 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Caroline Könemann, avocate

contre

MAISON DE RETRAITE E______
représentée par Me Vanessa Maraia-Rossel, avocate

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1970, a été engagé à 100 % dès le 15 octobre 2008 auprès de la Maison de retraite E______ (ci-après : E______) en tant qu'aide-soignant non qualifié pour un salaire mensuel brut de CHF 4'525.-.

Dès le 1er juin 2012 et à la suite d'une formation, M. A______ a exercé la fonction d'aide-soignant qualifié, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'987.40 versé treize fois l'an.

2) Le 4 août 2019, M. A______ a fait l'objet d'un entretien d'évaluation et de développement des compétences du personnel (ci-après : EEDC).

L'appréciation globale était bonne et un objectif lié au savoir-faire, à la maîtrise des procédures de travail a été fixé. M. A______ était encouragé à utiliser activement les outils informatiques et à remplir en détail « les cibles et Profil BPS ».

3) Le 24 septembre 2019, Monsieur B______, directeur des ressources humaines (ci-après : DRH) de la E______, a convoqué M. A______ à un entretien « sanction » fixé le 1er octobre 2019 à la suite d'un comportement inadmissible à l'égard d'une résidente.

Il ne ressort pas du dossier qu'un procès-verbal ait été tenu ou un compte rendu rédigé à la suite de cet entretien.

Selon le mémoire de recours, au mois d'août 2019, une résidente s'était plainte de ce que M. A______ l'aurait « tapée » et « touchée ». Cette personne avait dans le passé déclaré ne pas vouloir d'un aide-soignant « noir ».

4) Le 3 octobre 2019, M. A______ a été convoqué à un second entretien fixé le 7 octobre 2019 afin que les ressources humaines de la E______ lui communiquent les suites qu'elles voulaient donner.

De la même façon que pour le premier entretien, le dossier ne contient pas de procès-verbal ni de compte rendu.

5) Le 24 octobre 2019, M. A______ a remis sa démission pour des raisons médicales.

Il avait toujours été impliqué dans son travail et il regrettait infiniment cette décision.

Il demandait qu'un certificat intermédiaire lui soit communiqué.

6) Le 29 octobre 2019, la E______ a libéré M. A______ de son obligation de travailler jusqu'à la fin de son délai de congé fixé au 31 décembre 2019.

7) Le 4 décembre 2019, la E______ a remis à M. A______ son certificat de travail.

8) Le 5 décembre 2019, le syndicat SSP/VPOD (ci-après : le syndicat) a écrit au directeur général de la E______.

M. B______ s'était rendu auprès de l'ensemble du personnel dans les différents services de la E______ pour communiquer des informations personnelles et confidentielles sur plusieurs collaborateurs. Il avait dépassé les limites de l'acceptable en citant le nom de ceux ayant été licenciés ou ayant démissionné en donnant des détails, parfois mensongers voire diffamatoires, sur les raisons de la fin des rapports de service.

En se comportant comme tel, M. B______ avait violé les devoirs de confidentialité et de discrétion qui incombaient à un DRH. Le respect de la personnalité des collaborateurs concernés n'avait pas été garanti.

La direction de la E______ devait prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'une telle dérive ne se reproduise pas. Des excuses devaient être présentées aux employés lésés dans leurs droits.

9) Depuis le 1er janvier 2020, M. A______ travaille pour C______ SA à l'EMS D______ en qualité d'aide-soignant qualifié à 90 % pour un salaire mensuel brut de CHF 4'852.80 versé treize fois l'an.

10) Le 23 janvier 2020, sous la plume de son conseil. M. A______ a proposé une conciliation à la E______ avant le dépôt d'une demande en paiement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

M. B______ avait proféré de graves accusations mensongères à son encontre et les avait exposées à l'ensemble du personnel.

11) Aucune suite n'ayant été donnée à sa proposition, M. A______ a déposé, le 30 janvier 2020, auprès de la chambre administrative « une demande en paiement » concluant à ce qu'il soit constaté qu'il avait été victime d'une violation des devoirs de service commise par les membres de la E______, « soit par violation de sa personnalité et violation du secret de fonction », et que la E______ soit condamnée à lui verser les sommes de CHF 29'924.40 et de CHF 4'000.-.

Une cause portant le numéro A/377/2020 a été ouverte.

12) Par arrêt du 11 février 2020 (ATA/152/2020), la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande formée le 30 janvier 2020 par M. A______ contre la E______, faute d'être dirigée contre une décision que la E______ pourrait rendre.

13) Le 9 avril 2020, la E______ s'est déterminée sur le courrier de M. A______ du 23 janvier 2020.

À la forme, la chambre administrative n'était pas compétente à raison de la matière pour trancher un litige entre un collaborateur et la E______.

En effet, la E______ n'était pas un établissement public médical au sens de la loi et les rapports de travail entre elle et son personnel étaient régis par le droit privé, et non la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05). Les rapports de travail étaient régis par le droit privé.

Sur le fond, les allégations et prétentions de M. A______ étaient contestées. À ce stade, il n'était pas nécessaire d'entrer en matière sur celles-ci, ni de détailler la position de la E______. Ses arguments étaient réservés pour la procédure judiciaire à venir.

14) Par acte posté le 1er mai 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le courrier précité, concluant à ce qu'il soit constaté qu'il avait été victime d'une violation des devoirs de service commise par les membres de la E______. Cela fait, la E______ devait être condamnée à lui verser la somme brute de CHF 29'924.40, correspondant à six mois de salaire, « sous suite de frais » et une indemnité de procédure de CHF 4'000.-, valant participation aux honoraires d'avocat.

Le personnel de la E______ était soumis au statut de la fonction publique tel que défini par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et la chambre administrative était compétente pour traiter le recours.

Le courrier du 9 avril 2020 de la E______ qui refusait d'entrer en matière sur ses prétentions était une décision au sens de la loi.

En tenant des propos diffamatoires et en ne respectant pas son secret de fonction, M. B______ avait violé ses obligations légales. En outre, M. A______ avait été intimidé et menacé d'un licenciement par ses supérieurs lors de plusieurs entretiens. Les accusations de la résidente s'étaient révélées mensongères. Les pressions psychologiques régulières l'avaient poussé à la démission.

M. B______ s'était également adressé directement aux différents collaborateurs de la E______ pour déclarer que la démission de M. A______ faisait suite à des attouchements commis sur une résidente. Ce faisant et outre le fait que les propos en question étaient diffamatoires, ils étaient également constitutifs d'une violation des devoirs de fonction. Ils avaient porté une grave atteinte à la réputation personnelle et professionnelle de M. A______, laquelle devait être réparée.

Employé depuis plus de dix ans auprès de la E______, apprécié de ses collègues et proches des pensionnaires, M. A______ avait dû quitter son emploi qu'il appréciait beaucoup à cause du comportement de M. B______.

Le fait d'avoir été poussé à démissionner et d'avoir été dénigré de la sorte était de nature à provoquer une importante souffrance morale. Il avait d'ailleurs dû faire appel à un professionnel, chose qu'il n'avait jamais faite auparavant. Il prenait également des médicaments.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1262/2020, soit la présente procédure.

15) Le 27 mai 2020, la E______ a demandé au juge délégué de limiter la procédure à la question de la compétence de la chambre administrative.

16) Le 19 juin 2020, la E______ a conclu à l'irrecevabilité du recours et à la condamnation d'une indemnité de procédure valant participation à ses honoraires d'avocat.

L'art. 17 al. 1 de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées du 4 décembre 2009 (LGEPA - J 7 20) prévoyait que les rapports de travail entre les établissements médico-sociaux (ci-après : EMS) et leur personnel étaient régis par le droit privé. En outre et contrairement à ce que connaissaient d'autres entités de droit public, la loi concernant la Maison de retraite E______ du 17 septembre 1993 (PA 663.00) ne contenait pas de renvoi à la LPAC ou au statut de la fonction publique.

Les travaux législatifs concernant la LGEPA confirmaient la volonté du législateur de régir les rapports de travail entre les EMS et leur personnel par le droit privé, sauf en ce qui concernait la rémunération. Une exception avait été prévue pour le personnel de la Maison de F______ qui, pour des raisons historiques, devait rester soumis au statut de la fonction publique tel que défini par la LPAC.

En outre, les rapports de travail étaient régis par une convention collective de travail conclue entre la fédération genevoise des EMS (ci-après : CCT FEGEMS), dont la E______ était membre, et cinq syndicats. Cette CCT FEGEMS était annexée aux contrats de travail des employés de la E______. Le contrat de M. A______ du 27 août 2008 y renvoyait. Ni la fixation du salaire selon l'échelle de traitement du personnel de l'État de Genève, ni l'affiliation à la caisse de prévoyance de l'État n'étaient de nature à remettre en cause la nature - de droit privé - des rapports de travail liant la E______ à son personnel. Le caractère privé de ces relations était confirmé par le mémento d'accueil du nouveau collaborateur ou de la nouvelle collaboratrice de la E______ (ci-après : le mémento), lequel était remis à tout nouvel employé depuis 2018 et qui avait été remis au personnel en poste.

D'autres éléments confirmaient le caractère privé des rapports de travail. L'engagement se faisait sur la base d'un contrat individuel de travail et non d'une décision. Les employés de la E______ étaient soumis à un temps d'essai de trois mois. Il n'y avait aucune période probatoire ni de nomination en qualité de fonctionnaire. Les modifications des conditions de travail étaient discutées avec l'employé concerné et, son accord étant nécessaire, faisaient l'objet d'un avenant au contrat de travail. La procédure de résiliation du contrat de travail n'était soumise à aucune des conditions existantes dans le droit de la fonction publique (existence d'un motif fondé, procédure de reclassement et délais de résiliation). Enfin, en 2005, dans le cadre d'un litige opposant un employé et la E______, la chambre des prud'hommes de la Cour de justice (ci-après : CAPH) avait examiné d'office cette question et avait retenu que les parties étaient liées par un contrat de travail de droit privé.

Même s'il devait être constaté que les rapports de travail relevaient du droit public, le recours de M. A______ devait être déclaré irrecevable pour deux motifs.

Un recours fondé sur l'art. 31 LPAC ne pouvait être dirigé que contre une décision de résiliation des rapports de service. En outre, l'art. 31 LPAC ne pouvait s'appliquer qu'en cas de licenciement d'un membre du personnel par son employeur, pas lors d'une démission.

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, les conclusions prises par M. A______ étaient irrecevables, dans la mesure où elles avaient pour objet des prétentions en tort moral et en dommages-intérêts.

Enfin, sa première conclusion constatatoire était irrecevable, comme l'avait déjà retenu la chambre administrative dans son ATA/152/2020 précité.

17) Le 23 juillet 2020, M. A______ s'est rapporté à justice quant à la recevabilité de son recours.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative examine d'office sa compétence (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. c et art. 11 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Les compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales sont réservées (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05).

Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des articles 4, 4A, 5, 6, al. 1 let. a et e, et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art 132 al. 2 LOJ).

La chambre administrative connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision au sens de l'al. 2 et qui découlent d'un contrat de droit public. Les dispositions de la LPA en matière de recours s'appliquent par analogie à ces actions (art. 132 al. 3 LOJ).

Il résulte des al. 2 et 3 de l'art. 132 LOJ que la compétence de la chambre administrative dépend de la qualification juridique de l'acte porté devant elle. Ce dernier doit notamment avoir son fondement en droit public, sous réserve du cas particulier de l'art. 4A LPA (ATA/26/2020 du 14 janvier 2020 consid. 2).

3) En l'espèce, le recourant demande que la chambre administrative constate une violation des devoirs de service par les membres de la direction de l'intimée à son égard, cela fait que l'intimée soit condamnée à lui verser la somme brute de CHF 29'924.40 correspondant à six mois de salaire et CHF 4'000.- valant participation aux honoraires d'avocats.

Il s'agit ainsi de déterminer en premier lieu si les rapports de travail qui lient le recourant à l'intimée sont de droit public ou de droit privé.

4) a. Pour déterminer si un rapport juridique relève du droit privé ou du droit public, on ne peut pas se fonder sur la qualification juridique utilisée par les parties. Ce qui est décisif, c'est le contenu réel du rapport de droit. Si une autorité est partie audit rapport de droit, le droit public est présumé applicable (arrêts du Tribunal fédéral 2P.151/2005 du 9 février 2006 consid.5 ; 2P.136/2005 du 14 décembre 2005 consid. 3.1.1 ; ATA/1078/2019 du 25 juin 2019 consid. 10a). En outre, les conditions d'engagement dans le secteur public sont en principe fixées par des décisions soumises à acceptation (arrêts du Tribunal fédéral 2P.151/2005 précité consid. 5 ; 2P.136/2005 précité consid. 3.1.1 ; ATA/119/2016 du 9 février 2016 consid. 2a).

Si une tâche étatique est transférée à une personne morale de droit privé, celle-ci reste régie par le droit privé, indépendamment du fait qu'elle exerce des tâches publiques. Son personnel est donc régi par le droit privé et le seul exercice d'une tâche de droit public ne peut justifier une requalification de la relation de travail comme relevant du droit public. Il en va de même si une tâche étatique est transférée à une entité de droit privé créée dans ce but (Pierre MOOR/ François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, Vol. III : L'organisation des activités administratives - Les biens de l'État, 3e éd., 2018, p. 559 et les références citées).

b. Selon la jurisprudence et la doctrine, la distinction entre droit public et droit privé repose sur quatre critères (ATF 138 II 134 consid. 4.1 ; Valérie DEFAGO GAUDIN, Les obstacles à la privatisation de la fonction publique, in Le droit de la relation de travail à la croisée des chemins : convergences et divergences entre le droit privé du travail et le droit de la fonction public, 2016, p. 272) :

- le critère des intérêts, qui qualifie les normes juridiques ainsi que les rapports de droit dont elles sont le fondement de droit public ou de droit privé selon qu'elles sauvegardent exclusivement ou principalement l'intérêt public ou les intérêts privés ;

- le critère dit fonctionnel, qui qualifie les normes juridiques de droit public lorsqu'elles réglementent la réalisation de tâches publiques ou l'exercice d'une activité publique ;

- le critère du sujet ou de la subordination, qui soumet au droit public les rapports dans lesquels une partie est supérieure à l'autre en fait ou en droit et au droit privé ceux où les parties traitent d'égal à égal à tous points de vue ;

- et enfin le critère modal (ou critère de la sanction) qui attribue une norme à l'un ou l'autre droit selon que sa violation entraîne une sanction relevant du droit privé (par exemple, nullité d'un acte juridique) ou une sanction relevant du droit public (par exemple, révocation d'une autorisation).

Aucune de ces théories ne l'emporte a priori sur les autres (ATF 132 V 303 consid. 4.4.2 ; arrêt 2C_58/2009 du 4 février 2010 consid. 1.2 et les références citées). Il convient bien plutôt d'examiner dans chaque cas particulier quel critère de distinction est le plus approprié aux circonstances concrètes. Il faut en effet garder à l'esprit que la délimitation entre droit privé et droit public répond à des fonctions totalement différentes suivant les nécessités de la réglementation en cause et, notamment, selon les conséquences juridiques pouvant en découler dans chaque affaire ; ces exigences ne peuvent pas être théoriquement réunies en un seul critère distinctif qui ferait définitivement autorité, mais requièrent au contraire une approche modulée et pragmatique (ATF 137 II 399 consid. 1.1 ; 132 V 303 consid. 4.4.2 et les références citées).

5) a. Selon l'art. 1 de la loi sur l'organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24), cette loi règle l'organisation des institutions décentralisées cantonales de droit public.

La LOIDP s'applique à la E______ (art. 3 let. j LOIDP). Cette dernière, qui est un établissement de droit public selon l'art. 1 de la loi concernant la Maison de retraite E______ du 17 septembre 1993 (PA 663.00), fait partie des « Autres établissements de droit public » définis comme étant des organisations administratives disposant d'un ensemble de moyens affectés durablement à l'exécution d'une tâche déterminée (art. 4 al. 1 let. b LOIDP).

La E______ dispose de la personnalité juridique (art. 5 LOIDP).

Conformément à l'art. 29 LOIDP, la loi spéciale détermine le statut du personnel ou permet au conseil d'édicter ledit statut (al. 1). Si la loi spéciale ne prévoit pas de règle concernant le statut du personnel et n'attribue pas au conseil la compétence d'en édicter le statut, la LPAC ainsi que la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) s'appliquent (al. 2).

b. Selon les travaux préparatoires relatifs à l'article précité, les établissements et fondations de droit public connaissent des situations très variables du statut de leur personnel. Si certains appliquent la LPAC, d'autres peuvent - avec ou sans approbation du Conseil d'État - édicter leur propre règlement du personnel, qui peut être plus ou moins proche de la LPAC ou du code des obligations.

Vu le large champ d'application de la loi, une harmonisation et une uniformisation du statut du personnel entre toutes les entités semblent difficiles. Il est donc prévu que la loi spéciale détermine le statut du personnel ou permette au conseil de fixer ledit statut (al. 1).

Pour les institutions où la loi spéciale ne prévoit rien, il est prévu (al. 2) que la LPAC et la LTrait s'appliquent.

S'agissant des institutions appliquant la LPAC et/ou la LTrait pour une ou plusieurs catégories de leur personnel, les lois précitées s'appliquent intégralement. Il s'agit donc d'éviter de choisir l'une ou l'autre disposition de la LPAC (et/ou de la LTrait) et d'y déroger pour d'autres. Cette règle ne remet pas en cause la possibilité pour les institutions de prévoir d'autres catégories de personnel, non prévues par la LPAC, qui auraient donc des règles propres. Certaines institutions pourraient donc avoir des catégories de personnel « LPAC » (où la LPAC s'applique intégralement) et d'autres catégories de personnel propres (Projet de loi PL 11'391 du 14 février 2014 sur l'organisation des institutions de droit public [ci-après : PL 11'391], p. 56).

c. Conformément à l'art. 3 al. 1 LGEPA, la E______, qui est un EMS admis à fournir des prestations à charge de l'assurance-maladie obligatoire selon l'arrêté du Conseil d'État du 17 mai 2017, est régi par le chapitre II de cette loi.

Au chapitre II, l'art. 17 LGEPA prévoit que les rapports de travail entre les établissements et leur personnel sont régis par le droit privé (al. 1). L'échelle des traitements de l'ensemble du personnel suit les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l'État et des établissements hospitaliers (al. 2). Une convention collective de travail règle les autres questions relatives aux rapports de travail (al. 3).

d. Les travaux préparatoires du projet de loi sur les établissements pour personnes âgées relatifs à l'art. 17 LGEPA précisent qu'avec cet article, le Conseil d'État souhaitait à la fois maintenir le statut de droit privé dans les rapports de travail des collaborateurs des EMS et appliquer les conditions de rémunération des employés de l'administration cantonale.

Une égalité de rémunération des professionnels était ainsi établie entre les différentes structures cantonales de soins (exemples : Hôpitaux universitaires de Genève, Fondation des services d'aide et de soin à domicile ; MGC 2008-2009/II A p. 3'130).

Le rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier ce projet de loi relève à propos de l'art. 17 LGEPA que pour le représentant de l'État, il n'était pas question de transformer les employés des EMS en fonctionnaires, d'où l'empire du droit privé rappelé à l'al. 1, sauf à l'EMS de F______, ce qui se traduisait par des instances différentes en cas de conflit de travail (MGC 2009-2010/II A p. 977).

e. Une convention collective de travail (ci-après : CCT) conclue le 22 mars 2004 entre la FEGEMS et cinq syndicats prévoyait à son art. 2.1 que l'engagement du personnel était confirmé par un contrat écrit de droit privé, qui précisait les conditions propres à la fonction et à la personne ; l'employé recevait un exemplaire de ladite convention, partie intégrante du contrat, ainsi que son cahier des charges. L'art. 11 précisait également que pour tous les cas non prévus par la convention, les parties se référeraient à la législation en la matière (législation fédérale et cantonale : notamment la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 [Livre cinquième : Droit des obligations] - CO - RS 220, la loi fédérale sur le travail, loi cantonale sur le travail).

Depuis le 1er janvier 2016, une nouvelle CCT régit les rapports de travail entre les EMS et l'ensemble du personnel (art. 1.1). L'engagement du personnel est confirmé par un contrat écrit de droit privé, qui stipule le taux d'activité et précise les conditions propres à la fonction et à la personne ; l'employé reçoit un exemplaire de la convention collective, partie intégrante du contrat, ainsi que son cahier des charges (art. 2.1). Pour tous les cas non prévus par la convention collective, les parties se référeront à la législation en la matière (législations fédérale et cantonale : notamment CO, loi fédérale sur le travail, loi cantonale sur le travail ; art. 6.3).

f. Le mémento édité par la E______ depuis l'année 2018, mais qui a également été distribué aux collaborateurs déjà en fonction, relève que tous les collaborateurs bénéficient d'un contrat de travail de droit privé, mais se voient appliquer la grille salariale de l'État de Genève.

6) En l'espèce, et quand bien même l'intimée est un établissement de droit public et qu'elle exécute une tâche publique, force est de constater que l'art. 29 al. 1 LOIDP, auquel la E______ est soumise (art. 3 let. j LOIDP), précise qu'une loi spéciale détermine le statut de son personnel.

Cette loi spéciale est en l'occurrence la LGEPA, à laquelle l'intimée est soumise en tant qu'EMS admis à fournir des prestations à charge de l'assurance-maladie obligatoire.

Son art. 17 LGEPA est clair et sans équivoque. Les rapports entre les EMS et leur personnel sont régis par le droit privé (al. 1). Il s'agit en outre d'une base légale formelle.

Les travaux préparatoires de cette loi confirment que, sauf en ce qui concerne l'EMS de F______ dont le personnel est resté soumis à la fonction publique pour des raisons historiques (cet EMS était incorporé à l'Hospice général ; art. 10 de la loi concernant la Maison de F______ du 11 mai 2001 - PA 664.00), la volonté du législateur était de maintenir le statut de droit privé dans les rapports de travail des collaborateurs des EMS tout en appliquant les conditions de rémunération des employés de l'administration cantonale.

Dès lors et contrairement à ce que soutient le recourant, celui-ci ne se trouve pas dans la situation prévue par l'art. 29 al. 2 LOIDP où la loi spéciale ne prévoirait pas de règle concernant le statut du personnel.

La réglementation applicable au contrat de travail liant le recourant à l'intimée ne laisse par conséquent pas de place au droit public.

7) Par ailleurs et par rapport au contrat de travail du 27 août 2008 et à son avenant du 7 juin 2012, il n'existe aucun élément qui ferait apparaître que son caractère de droit privé ne correspondait pas à la volonté des parties ou à la réalité du contenu de la relation.

En effet, le contrat renvoie à la CCT FEGEMS de mars 2004. Celle-ci prévoit également à son art. 2.1 que l'engagement du personnel est confirmé par un contrat écrit de droit privé. Cela a été repris dans la nouvelle convention en vigueur depuis le 1er janvier 2016 (art. 2.1). En outre, les CCT FEGEMS prévoient l'application du droit privé en tant que droit supplétif (art. 11 CCT FEGEMS de mars 2004 et art. 6.3 CCT FEGEMS en vigueur).

Le caractère privé du contrat de travail conclu entre le recourant et l'intimée ressort également du mémento distribué à tous les nouveaux collaborateurs comme à ceux déjà en fonction (p. 7).

S'agissant de l'utilisation de la classification cantonale des traitements par analogie, elle ne saurait modifier le caractère privé du contrat de travail du recourant (arrêt du Tribunal fédéral 2P.181/2002 du 4 février 2003 consid. 2.3). En effet, il est admis qu'un contrat de droit privé puisse intégrer, par renvoi, des dispositions de droit public (Thierry TANQUEREL, L'évolution de la fonction publique dans l'administration centrale, in : Le droit du travail en pratique, vol. 20, Zurich 2000, p. 17). Il en est de même d'une éventuelle affiliation à la caisse de prévoyance du personnel de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 2P.181/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/1078/2019 du 25 juin 2019 consid. 12c).

Enfin, le recourant n'est jamais apparu comme étant employé directement par l'État de Genève et traité comme un agent soumis au droit public pendant toute la durée de son engagement. À titre d'exemples, aucune période probatoire ou de nomination en qualité de fonctionnaire n'est prévue. Les délais de résiliation sont également différents entre ce que prévoit la CCT FEGEMS en vigueur (art. 2.4) et ce que prévoit la législation applicable pour le personnel de l'État de Genève (art. 20 LPAC). Finalement, les sanctions disciplinaires ne sont pas les mêmes que celles prévues par la LPAC (art. 3.10 la CCT FEGEMS en vigueur versus art. 16 LPAC).

Au vu de ces éléments, la relation entre le recourant et l'intimée était soumise au droit privé, conformément au contrat qu'ils avaient conclu. Le litige soumis ne relève pas de la fonction publique.

La chambre administrative n'est donc pas compétente rationae materiae pour connaître du recours formé par le recourant contre le courrier du 9 avril 2020 et le déclarera irrecevable, sans qu'il y ait lieu de traiter de la question de la recevabilité de la conclusion constatatoire.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge du recourant, sera allouée à l'intimée qui y a conclu et a encouru des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 1er mai 2020 par Monsieur A______ contre le courrier de la Maison de retraite E______ du 9 avril 2020 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à la Maison de retraite E______ une indemnité de procédure CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Caroline Könemann, avocate du recourant, ainsi qu'à Me Vanessa Maraia-Rossel, avocate de l'intimée.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

La greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :