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Décisions | Assistance juridique

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AC/2144/2022

DAAJ/107/2022 du 10.11.2022 sur AJC/4050/2022 ( AJC ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.11.2022, rendu le 16.01.2023, IRRECEVABLE, 4A_530/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2144/2022 DAAJ/107/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______[VD],

 

contre la décision du 24 août 2022 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 8 juillet 2022, A______ (ci-après : la recourante), agissant en personne, a introduit au greffe du Tribunal des prud'hommes une demande à l'encontre de B______ Sàrl Genève, concluant au paiement de 2'851'147 fr. 83 pour des sommes non perçues de 2016 à 2022 (665'000 fr. de salaires, 55'416 fr. 22 de 13ème salaires, 69'270 fr. 81 de congés impayés et 66'500 fr. de bonus impayés, des dommages-intérêts de 1'995'000 fr. sur une période de 21 ans, jusqu'à l'âge de sa retraite, pour cause d'incapacité de travailler dans l'horlogerie et la haute joaillerie, et délivrance d'un certificat de travail; cause C/1______/2022).

A cette fin, la recourante a utilisé le formulaire de demande simplifiée, sur lequel elle a indiqué agir en procédure ordinaire. Elle n'a pas allégué de fait, ni n'a formulé d'offre de preuves.

b. Par ordonnance OTPH/1421/2022 du 21 juillet 2022, le Tribunal des Prud'hommes a imparti à la recourante un délai de 15 jours pour déposer une demande conforme aux exigences formelles du Code de procédure civile et, en particulier, de la procédure ordinaire.

c. Par acte déposé le 25 juillet 2022 au greffe de la Cour de justice, la recourante a formé recours contre cette ordonnance, concluant à l'octroi d'un délai au 31 octobre 2022 pour déposer sa demande selon les réquisits du CPC.

d. Le 4 août 2022, la recourante a déposé une demande en paiement motivée contre B______ Sàrl Genève par devant le Tribunal des prud'hommes, reprenant ses précédentes conclusions. Cette demande contient des allégués prolixes et pour certains sans rapport avec ses prétentions.

B.            a. Parallèlement, le 25 juillet 2022, la recourante a requis l'assistance judiciaire pour sa procédure prud'homale et son recours à la Cour.

b. Par courrier du 8 août 2022, le greffe de l'Assistance juridique a demandé à la recourante la remise de l'entier des pièces en lien avec son litige contre B______ Sàrl Genève et ses moyens de preuve.

c. Par réponse du 16 août 2022, la recourante a produit un contrat d'engagement du 24 avril 2012 conclu avec C______ S.A./N.V. à D______[Belgique], duquel il ressort qu'elle a été engagée le 2 mai 2012, pour une durée indéterminée et à temps partiel, en qualité de ______, pour un salaire mensuel de 3'200 EUR. Selon une attestation d'occupation non signée, elle aurait été employée par C______ S.A./N.V. à E______ (D______, Belgique) du 7 mai 2012 au 5 octobre 2015.

La recourante a joint à son courrier une liasse de pièces, sans expliquer en quoi celles-ci concerneraient son litige prud'homal. Elle a notamment allégué avoir subi un accident oculaire en août 2018 qui l'aurait empêchée de débuter une nouvelle fonction en septembre 2018. Me F______, curateur de son père, aurait tenté de la faire chanter en lui réclamant 100'000 fr., ce qui lui aurait causé beaucoup de tort et aurait conduit à son licenciement de chez G______.

C.           Par décision du 24 août 2022, notifiée le 30 août 2022, la Vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance judiciaire du 25 juillet 2022 au motif que la procédure prud'homale paraissait dépourvue de chances de succès.

Selon la Vice-présidente du Tribunal de première instance, B______ Sàrl Genève ne disposait a priori pas de la légitimation passive, puisque la recourante avait été employée par C______ S.A. à D______[Belgique].

Si, par impossible, la demande en paiement de la recourante était recevable, ses prétentions de 2'851'147 fr. 83 étaient largement excessives.

De plus, les rapports de travail avaient pris fin en octobre 2015 et la recourante articulait des prétentions pour une période postérieure, de 2016 à 2022, sans en expliquer les raisons.

La recourante n'exposait pas en quoi son ancienne employeuse pouvait être tenue responsable d'une atteinte à son avenir économique, ce d'autant plus que le principe de la liberté contractuelle était un principe cardinal du droit suisse du travail.

Enfin, le recours du 25 juillet 2022 contre l'ordonnance du 21 juillet 2022 paraissait désormais sans objet, puisque la recourante avait déposé son écriture au Tribunal des prud'hommes le 4 août 2022.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 31 août 2022 au greffe de la Cour de justice. La recourante conclut implicitement à l'octroi de l'assistance judiciaire pour son action en paiement par devant le Tribunal des prud'hommes.

b. La Vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la Vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             La recourante conteste que sa cause soit dépourvue de toute chance de succès. Elle fait valoir que son licenciement pour raison économique était abusif et invoque également des recrutements abusifs effectués par la filiale suisse rattachée à H______ BV, enregistrée aux Pays-Bas. La recourante aurait été empêchée de mener une carrière en Suisse dans le secteur de l'horlogerie et la joaillerie de luxe en ayant été forcée à tout perdre, poussée à bout et discréditée publiquement. Elle conteste n'avoir produit que deux pièces pertinentes sur le dossier remis à l'Assistance juridique.

2.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

2.1.1 Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

Lorsque la valeur litigieuse de l'action est légèrement excessive, l'assistance judiciaire doit être accordée. Ce n'est qu'en cas d'action manifestement excessive et massive que la requête d'assistance judiciaire doit être qualifiée globalement de vouée à l'échec. Il n'y a pas de place pour un octroi partiel à hauteur de la créance qui pourrait être admise (ATF 142 III 138 consid. 5.7). Il n'est en effet pas acceptable que la partie dans le besoin poursuive une valeur litigieuse exagérée aux frais du contribuable et génère ainsi des frais manifestement inutiles (ATF 142 III 138 consid. 5.7).

2.1.2 La qualité pour défendre (ou légitimation passive) appartient aux conditions matérielles de la prétention litigieuse, lesquelles se déterminent selon le droit au fond et dont le défaut conduit au rejet de l'action (ATF 142 III 782 consid. 3.1.4, 138 III 537 consid. 2.2.1; 125 III 82 consid. 1a; 114 II 345 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_212/2020 du 26 janvier 2022 consid. 4). En principe, la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (arrêts du Tribunal fédéral 5A_398/2017 du 28 août 2017 consid. 4.1.3 et 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1.1; ACJC/1093/3032 du 1er septembre 2021 consid. 3.1.1).

La question de la légitimation active ou passive d'une partie au litige relève du droit matériel et elle est examinée d'office, à tous les stades de la procédure (ATF 139 III 504 consid. 1.2 et 126 III 59 consid. 1a).

En principe, les sociétés dominées (ou sociétés-filles) appartenant à un groupe soumis à une direction économique unique peuvent se prévaloir de leur indépendance juridique par rapport à la société dominante (ou société-mère). Toutefois, le voile social peut être levé et l'identité économique avec la société dominante être invoquée (Durchgriff) lorsque le fait d'opposer l'indépendance juridique des deux entités constitue un abus de droit (art. 2 CC; cf. ATF 137 III 550 consid. 2.3.1 et 132 III 489 consid. 3.2).

Selon la doctrine, il existe une confusion des sphères lorsqu'extérieurement, l'identité d'une société-fille ne peut plus être distinguée de celle de la société-mère, en d'autres termes lorsqu'une apparence d'unité est créée par des signes extérieurs tels que des raisons sociales identiques ou très semblables, des sièges sociaux, des locaux, des organes, du personnel ou des coordonnées téléphoniques identiques (ATF 137 III 550 consid. 2.3.2).

2.2. 2.2.1 En l'espèce, la demande en paiement de la recourante est exorbitante, s'agissant du montant total réclamé en 2'851'147 fr. 83, en particulier au regard de la modestie de son salaire qui s'élevait à 3'200 EUR par mois selon le contrat de travail produit.

De plus, les prétentions de la recourante concernent apparemment la période de 2016 à 2022, soit postérieurement au terme de son contrat de travail, qui a apparemment pris fin en octobre 2015 selon l'attestation qu'elle a elle-même versée à la procédure. La recourante n'explique pas en quoi ses prétentions pour la période ultérieure seraient justifiées.

Par conséquent, la Vice-présidente du Tribunal pouvait valablement, dans ces conditions, considérer que les chances de succès de la recourante étaient globalement nulles et le recours doit être rejeté pour ces motifs déjà.

2.2.2 A cela s'ajoute qu'en l'espèce, la recourante a été engagée par C______ S.A./N.V. D______[Belgique], mais elle a assigné B______ Sàrl Genève en paiement et affirme que celle-ci est "une filiale suisse rattachée à H______ BV", enregistrée aux Pays-Bas. Or, elle n'expose pas en quoi la société B______ Sàrl Genève et son ancienne employeuse C______ S.A./N.V. D______[Belgique] se confondraient et devraient être considérées comme une seule et unique entité. Au contraire, ces sociétés n'ont pas de sièges sociaux identiques puisqu'ils sont situés dans des pays différents, l'un en Suisse et l'autre en Belgique, de sorte qu'elles forment a priori des sociétés juridiquement distinctes l'une de l'autre. En tout état de cause, la recourante n'apporte aucun argument venant contredire cette conclusion.

Par conséquent, en assignant B______ Sàrl Genève en paiement plutôt que son ancienne employeuse C______ S.A./N.V. D______[Belgique], la recourante a dirigé son action contre une entité a priori dépourvue de la légitimation passive, respectivement de la qualité pour défendre.

C'est, dès lors, avec raison que la Vice-présidente du Tribunal a considéré que la cause de la recourante paraissait vouée à l'échec en l'absence de légitimation passive, respectivement de qualité pour défendre de B______ Sàrl Genève.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.


 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 24 août 2022 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/2144/2022.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.