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Décisions | Assistance juridique

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AC/2011/2022

DAAJ/102/2022 du 28.10.2022 sur AJC/4051/2022 ( AJC ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.11.2022, rendu le 16.01.2023, IRRECEVABLE, 4A_520/22
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2011/2022 DAAJ/102/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU VENDREDI 28 OCTOBRE 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______[VD],

 

 

 

contre la décision du 24 août 2022 de la vice-présidente du Tribunal de première instance.

 


EN FAIT

A.           a. Le 1er mars 2022, A______ (ci-après : la recourante), âgée de 44 ans, a été engagée par B______ Sàrl en tant que commerciale à 80% (32h/semaine), pour un salaire mensuel brut de 3'000 fr. avec une commission de 7% sur les ventes générées par son activité.

Le contrat de travail, conclu pour une durée indéterminée, prévoyait un préavis d'un mois pour la fin d'un mois en cas de résiliation des rapports de travail de la première à la cinquième année de service, après le temps d'essai prévu de trois mois, renvoyant aux dispositions du Code des obligations (CO) pour le surplus. Le droit aux vacances était de 20 jours par année de travail à 100% et de 16 jours à 80%.

b. Du 12 au 16 mai 2022 inclus, la recourante a été en incapacité totale de travailler.

c. Le 18 mai 2022, l’employeuse l’a informée qu'elle mettait un terme aux rapports de travail pour le 31 mai 2022.

d. Le 23 mai 2022, la recourante a déposé une demande en paiement auprès du Tribunal des Prud’hommes à l'encontre de B______ Sàrl, concluant à ce que cette dernière soit condamnée à lui délivrer un certificat de travail, ainsi que sa fiche de salaire du mois de mai 2022, et à lui verser un montant total de 52'000 fr., dont 3'000 fr. à titre de salaire du mois de mai 2022, 1'500 fr. correspondant aux bonus et congés à payer, 30'000 fr. à titre d’indemnité pour licenciement abusif (3'000 fr. x 10 mois) et 18'000 fr. correspondant à des dommages et intérêts relatifs au temps qu'elle devrait consacrer à la recherche d'un nouvel emploi (3'000 fr. x 6 mois).

Elle a invoqué un licenciement abusif, expliquant avoir été engagée en même temps qu'un autre collègue, qui avait entretenu des relations sexuelles payantes avec une associée et directrice du service des Ressources humaines de son employeuse, ce qui avait permis à ce dernier de poursuivre son contrat de travail au-delà du temps d'essai et ce qui avait valu à la recourante son licenciement pendant le temps d'essai. En outre, elle avait été licenciée le 18 mai 2022 en raison de son incapacité de travailler du 12 au 16 mai 2022.

e. Le 20 juin 2022, le Tribunal des Prud’hommes a délivré à la recourante une autorisation de procéder.

f. La demande déposée le lendemain par la recourante ne répondant pas aux exigences du Code procédure civile, le Tribunal des Prud’hommes lui a imparti un délai au 25 août 2022, par ordonnance du 7 juillet 2022, pour y remédier.

g. Le 12 août 2022, la recourante a déposé auprès du Tribunal des Prud’hommes un mémoire rédigé en personne, dans lequel elle conclut à des prétentions totalisant 52’000 fr., dont une somme forfaitaire de 1'602 fr. 47 correspondant à des dommages et intérêts en raison d’un manque de documents (fiche de salaire du mois de mai 2022, certificat de travail et tableau de décompte des bonus perçus de mars à mai 2022),
680 fr. 31 correspondant à la différence entre son salaire et le salaire minimum applicable à Genève, 516 fr. 28 pour les jours de vacances non-pris, ainsi qu'un montant de 20'160 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif et 29'040 fr. 93 à titre de « tort moral à [sa] carrière et à [son] réseau professionnel ».

h. La recourante a perçu un salaire mensuel brut de 3'000 fr. en mars et avril 2022.

Le 27 mai 2022, son ancienne employeuse a versé sur son compte bancaire un montant net de 4'044 fr. 80 avec l'indication « salaire et bonus-mai 2022 ».

B.            Le 11 juillet 2022, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour la procédure intentée par-devant le Tribunal des prud'hommes à l'encontre de B______ Sàrl, enregistrée sous la cause C/1______/2022.

C.           Par décision du 24 août 2022, notifiée le 30 août 2022, la vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique précitée.

Elle a considéré que l’essentiel des prétentions de la recourante étaient vouées à l’échec. En effet, la recourante ne prouvait pas avoir subi le dommage de 1'602 fr. 47 allégué du fait que certains documents ne lui auraient pas été remis. Elle n’avait en outre fourni aucune preuve, ni même explication s’agissant du tort moral allégué, chiffré à 29'160 fr. Le salaire contractuel de 3'000 fr. du mois de mai 2022 lui avait par ailleurs été versé. L’indemnité pour congé abusif réclamée paraissait, quant à elle, d’emblée excessive.

En définitive, la vice-présidente du Tribunal a retenu que, compte tenu de la brièveté des rapports de travail, ainsi que du relativement jeune âge de la recourante, celle-ci ne pourrait obtenir tout au plus qu’une indemnité de 3'226 fr. 70, correspondant à un mois de salaire, pour autant qu’elle parvienne à prouver le caractère abusif de son licenciement. Par ailleurs, elle pourrait prétendre tout au plus au paiement de trois jours de congé non-pris, soit à 446 fr. 78. Enfin, la prétention de 680 fr. 31, correspondant à la différence entre le salaire perçu (de 3'000 fr. brut par mois) et le salaire minimum applicable à Genève (de 3'226 fr. 77 par mois), semblait fondée. Par conséquent, la valeur litigieuse de la demande de la recourante devrait au maximum atteindre un montant de 4'353 fr. 86. Or, ce montant serait très vite dépassé par les honoraires d’avocat qu’il faudrait engager pour tenter de le récupérer, étant précisé que l’activité à déployer serait importante. Une personne avisée plaidant à ses propres frais n'engagerait pas de telles dépenses.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 30 août 2022 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à son annulation et à l’octroi de l’assistance juridique.

Elle soutient que les chances de succès des démarches envisagées résultent du non-respect évident de la loi s’agissant du salaire minimum applicable à Genève et du nombre de jours de vacances légal. Le bonus versé en mai 2022 établissait par ailleurs qu’elle avait obtenu de bons résultats en seulement deux mois et demi, malgré la situation économique et sanitaire difficile, et partant que le congé était abusif. Elle avait en outre été licenciée au milieu du mois, ce qui avait rendu impossible l’obtention de gain supplémentaire en fin de mois. Son collègue, qui avait poursuivi son contrat au-delà du temps d’essai, n’avait pas atteint les objectifs fixés par l’employeuse. Cet élément prouvait qu’il avait conservé son emploi en raison de « préférences sexuelles ». Elle avait également été licenciée en raison de son absence de deux jours pour cause de maladie.

La recourante produit une pièce nouvelle, à savoir une convocation de la police du 23 août 2022.

b. La vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. Par courrier du 2 septembre 2022, la recourante a été informée que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, la pièce nouvelle produite avec le recours ne sera pas prise en considération.

3.             3.1.
3.1.1.
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

Si la valeur litigieuse ne constitue pas un critère permettant de juger les perspectives de succès d'un recours, il n'en demeure pas moins qu'elle influence indirectement la décision du plaideur amené à décider s'il introduit action : une personne raisonnable, qui dispose de ressources financières suffisantes, ne se lancera pas dans une procédure lorsqu'elle sait que le montant en jeu ne lui permettra peut-être pas de couvrir les coûts que celle-ci est susceptible d'entraîner (arrêt du Tribunal fédéral 5D_76/2012 du 11 septembre 2012 consid. 4.4 et la référence citée).

3.1.2. Savoir si une résiliation donnée pendant le temps d'essai peut être considérée comme abusive au sens de l'art. 336 CO et, par voie de conséquence, annulée, est une question controversée en doctrine, que le Tribunal fédéral n'a pas définitivement tranchée jusqu'ici. Dans l'arrêt ATF 134 III 108 le Tribunal fédéral admet que cette possibilité existe, mais qu'elle doit être réservée à des situations exceptionnelles, en tenant compte de la finalité du temps d'essai (SJ 2008 I 298).

Le temps d'essai, dans un contrat de travail, doit permettre aux parties de se connaître et d'apprécier concrètement si leurs attentes respectives sont satisfaites, ce qui est nécessaire pour décider si elles veulent s'engager durablement. Au moment de la conclusion du contrat, l'employeur est en principe libre de décider quel candidat il entend retenir; de la même manière, le travailleur détermine librement pour quel emploi il choisit de se porter candidat. Cette liberté est d'une certaine manière prolongée pendant le temps d'essai (ATF 134 III 108, SJ 2008 I 298).

Le but du temps d’essai est de fournir aux parties l'occasion de préparer l'établissement de rapports de travail destinés à durer, en leur permettant d'éprouver leurs relations de confiance, de déterminer si elles se conviennent mutuellement et de réfléchir avant de s'engager pour une longue période (ATF 124 V 246 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2007 du 18 octobre 2017, consid. 5.2). La résiliation pendant le temps d'essai, compte tenu de la finalité de celui-ci, comporte nécessairement une part d'arbitraire, qui ne constitue pas un abus de droit (ATF 134 III 108, SJ 2008 I 298).

3.2 En l'espèce, la vice-présidente du Tribunal de première instance a estimé que les prétentions de la recourante ayant des chances de succès se chiffraient tout au plus à 4'353 fr. 86 (soit 3'226 fr. 70 [d’indemnité pour licenciement abusif correspondant à un mois de salaire] + 680 fr. 31[différence entre salaire et salaire minimum genevois x 3 mois] + 446 fr. 78 [congés non payés de 3 jours]). La recourante ne conteste pas les montants retenus et ne forme aucun grief à l’encontre du raisonnement de l’autorité de première instance qui nie les chances de succès des autres prétentions. En outre, elle ne remet pas en question l’appréciation de la vice-présidente du Tribunal de première instance sur l’existence d’une disproportion entre la valeur litigieuse de 4'353 fr. 86 et l’activité importante d’avocat qui devrait être déployée pour tenter de récupérer ce montant.

La prise de connaissance du dossier, ainsi que les enquêtes qui devraient être menées pour établir l’existence d’un congé abusif impliqueraient effectivement des frais de conseil importants, dépassant la valeur litigieuse de 4'353 fr. 86. Il en résulte qu’une personne avisée plaidant à ses propres frais n’engagerait pas ces dépenses. Au demeurant, les chances de succès d’obtenir une indemnité pour congé abusif de l’ordre de 3'226 fr. 70, telle que retenue par l’autorité de première instance, apparaissent discutables, dès lors que la recourante ne fait a priori pas état de circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier l'application des art. 336 et ss CO à la résiliation intervenue pendant le temps d’essai. Le fait qu’elle ait été licenciée alors qu’elle avait atteint de bonnes performances durant deux mois et demi ne suffit pas pour retenir que le congé est abusif, l’employeuse étant libre de se défaire d’un employé pour des motifs autres que ses résultats, ce d’autant plus durant le temps d’essai. Aucun élément au dossier ne vient par ailleurs corroborer la thèse selon laquelle la recourante aurait été licenciée en raison de son absence de deux jours, cette circonstance n’ayant eu vraisemblablement aucune incidence sur l’exécution des tâches qui lui étaient confiées.

C’est ainsi à bon droit que la vice-présidente du Tribunal de première instance a refusé d'octroyer l'assistance juridique à la recourante.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 24 août 2022 par la vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/2011/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

 

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.