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Décisions | Chambre civile

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C/20324/2023

ACJC/310/2024 du 05.03.2024 ( IUO )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20324/2023 ACJC/310/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 5 MARS 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, demanderesse, représentée par
Me Romanos SKANDAMIS, avocat, SKANDAMIS AVOCATS SA, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

et

B______ SA, sise ______, défenderesse, représentée par Me Philippe PULFER, avocat, Walder Wyss SA, boulevard du Théâtre 3, case postale, 1211 Genève 3.

 


Attendu, EN FAIT, que le 5 octobre 2023 A______ SA a saisi la Cour de justice d'une demande dirigée contre C______ SA (désormais B______ SA) tendant principalement à la condamnation de celle-ci à lui payer un montant 4'000'000 de fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 6 mars 2020;

Que la demande est fondée sur les dispositions de la loi sur la concurrence déloyale (LCD);

Qu'il est reproché à la défenderesse d'avoir, de concert avec d'anciens employés de la demanderesse, engagés par elle après les avoir débauchés dès leur départ de chez leur ancien employeur, mis en place une stratégie visant à ce que les clients de la demanderesse la quittent pour contracter avec la défenderesse, ce qui lui aurait causé le dommage dont la réparation est réclamée;

Qu'un délai de 30 jours a été imparti à la défenderesse pour répondre à la demande par ordonnance de la Cour du 10 novembre 2023;

Que par courrier du 11 décembre 2023, B______ SA a requis la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans une procédure pénale enregistrée sous le numéro de cause P/1______/2020, subsidiairement a sollicité la prolongation du délai pour répondre;

Que la procédure en question avait été engagée par la demanderesse contre certains de ses anciens employés pour violation du secret commercial, violation du secret professionnel, gestion déloyale et actes de concurrence déloyale (art. 162 CP, 69 LEFin, 158 CP);

Que les faits à la base des deux procédures seraient identiques, que la procédure pénale aurait donné lieu à plusieurs interrogatoires et serait à un stade avancé, proche d'une clôture;

Que l'indemnisation du dommage est aussi réclamée dans la procédure pénale;

Que par déterminations du 19 janvier 2024, A______ SA s'est opposée à la requête de suspension de procédure, dans la mesure où : la procédure ne viserait pas les mêmes parties, aucun rapport de dépendance n'existerait entre l'une et l'autre, aucun risque de "surindemnisation" n'existerait, une suspension conduirait à violer le principe de célérité, la procédure prud'homale visant l'un des anciens employés de la demanderesse n'ayant jamais été suspendue comme dépendant du pénal;

Que par écriture spontanée du 29 janvier 2024, B______ SA a persisté dans sa requête de suspension de procédure;

Que par avis du 22 février 2024, la cause a été gardée à juger sur requête de suspension de procédure;

Considérant, EN DROIT, que le juge peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; que la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès (art. 126 al. 1 CPC);

Que pour des motifs d'économie de procédure et en raison du risque de jugements contradictoires, il faut éviter que plusieurs tribunaux traitent simultanément des demandes identiques. Conformément à l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut suspendre la procédure si l'opportunité l'exige. La suspension de la procédure est notamment autorisée lorsque la décision dépend de l'issue d'une autre procédure. Dans ce sens, il faut s'accommoder d'une tension avec le principe constitutionnel de la célérité selon l'art. 29 al. 1 Cst (cf. aussi ATF 141 III 549 c. 6.5) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 5.2-5.3);

Qu'il convient de peser concrètement les avantages liés à la suspension d'une part et la durée probable de la suspension d'autre part (ATF 135 III 127 c. 3.4.2), la procédure ultérieure ne devant pas être retardée de manière disproportionnée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 cité du 22 juillet 2022 consid. 5.4);

Qu'une suspension en raison d’un autre procès n’entre pas seulement en considération si ce dernier concerne une demande identique, entre les mêmes parties; elle peut par exemple aussi intervenir pour éviter des décisions incohérentes ou parce que l’on peut en attendre une simplification significative de la procédure à suspendre. Elle doit toutefois demeurer l’exception. En conséquence, les exigences quant à la dépendance par rapport au jugement dans l’autre procédure sont élevées; il sera en général important de savoir si la décision à attendre aura ou non – au moins en fait – un effet obligatoire (KantonsGericht/SG BE.2014.15/16 c. II.1);

Qu'il y a lieu de faire une pesée des intérêts entre le principe de célérité et la mesure dans laquelle la procédure suspendue est dépendante de l'issue d'une autre procédure; l'intérêt à la suspension est ainsi plus important lorsque l'autre procédure tranche une question préjudicielle de la procédure suspendue, que lorsque dans l'autre procédure seule est en cause une administration de preuves qui peut aussi intervenir dans la procédure suspendue. Il convient encore de tenir compte des particularités propres aux procédures en cause; de manière générale, le juge civil se contente d'une vérité relative; le juge pénal recherche la vérité matérielle; il joue donc un rôle actif dans le procès et dispose de moyens coercitifs et de pouvoirs étendus (arrêt du Tribunal fédéral 1B_231/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4.1);

Qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu de suspendre la procédure par devant la Cour en attente d'une décision dans la procédure pénale;

Que, d'une part, l'on constate que les parties aux deux procédures ne sont pas les mêmes, quand bien même cela n'est pas une nécessité;

Que d'autre part, l'on ignore l'avancement de la procédure pénale, quand bien même la défenderesse indique qu'elle serait à bout touchant sans produire aucun document à ce propos;

Que quoiqu'il en soit, le pénal ne tient pas le civil en l'état;

Que s'agissant des faits, dans le cadre de l'instruction de la présente procédure, en cas de besoin, les parties pourront requérir l'apport de la procédure pénale ou des éléments pertinents qui en ressortent;

Qu'il n'y a pas de risque d'une décision contradictoire compte tenu des finalités différentes des procédures concernées;

Que pas plus n'y a-t-il de risque de "surindemnisation", vu les normes légales applicables, en cas d'absence de suspension;

Que le principe de célérité doit prévaloir;

Que la requête de suspension sera rejetée sous suite de frais, fixés à 1'500 fr (art. 22 al. 1 RTFMC), et dépens, arrêtés à 1'000 fr, dans la mesure où ils ont été requis;

Qu'un nouveau délai de 30 jours sera imparti à la défenderesse, dès notification de la présente ordonnance, pour répondre à la demande;

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension :

Rejette la requête en suspension de la procédure formée le 11 décembre 2023 par B______ SA.

Condamne B______ SA au paiement à l'ETAT DE GENEVE des frais judiciaires en 1'500 fr.

Condamne B______ SA au paiement à A______ SA de la somme de 1'000 fr à titre de dépens.

Statuant préparatoirement :

Impartit à B______ SA un délai de 30 jours pour répondre à la demande.

Réserve la suite de la procédure.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD, Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.